La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/08/2014 | LUXEMBOURG | N°34756

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 août 2014, 34756


Tribunal administratif N° 34756 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2014 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 20 août 2014 Recours formé par Monsieur …et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34756 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2014 par Maître Ardavan FATHOL

AHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Tribunal administratif N° 34756 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2014 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 20 août 2014 Recours formé par Monsieur …et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34756 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2014 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Bosnie-Herzégovine) et de son épouse, Madame …, née le … à …(Bosnie-

Herzégovine), agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de leur fils mineur …, né le … à …, tous de nationalité bosnienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant d’après le dispositif de la requête introductive d’instance 1) à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 6 juin 2014 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 2) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 20 août 2014.

Le 17 février 2014, Monsieur …et son épouse, Madame …, agissant en leur nom personnel, ainsi qu’au nom et pour le compte de leur enfant mineur …, ci-après « les consorts…», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, les consorts…furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg et ce conformément à l’article 8 de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée.

Monsieur …fut encore entendu les 24 mars et 17 avril 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que son épouse, Madame …, fut entendue pour les mêmes raisons les 11 mars et 18 avril 2014.

Par décision du 6 juin 2014, expédiée par courrier recommandé le 10 juin 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts…qu’il avait été statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2014, les consorts…ont fait introduire un recours tendant d’après le dispositif de la requête introductive d’instance 1) à la réformation de la décision ministérielle litigieuse du 6 juin 2014 dans la mesure où elle refuse de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 2) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

Encore que, tel que relevé ci-dessus, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, le recours sous analyse tend seulement à la réformation de la décision ministérielle en ce qu’elle refuse de faire droit à la demande de protection internationale des demandeurs, ainsi qu’à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire prononcé à l’encontre de ces derniers, il ressort des développements contenus dans le corps de la requête, ainsi que des explications du litismandataire des demandeurs lors de l’audience des plaidoiries, que le recours doit s’entendre comme tendant également à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.

1) Quant au recours visant la décision de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale des consorts…dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours concernant ce volet de la décision, les demandeurs estiment d’abord que ce serait à tort que le ministre, pour traiter leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, s’est notamment basé sur le fait que la Bosnie-Herzégovine figure sur la liste des pays d’origine sûr fixés par le règlement grand-

ducal du 21 décembre 2007. Ils considèrent en effet que ledit règlement serait inapplicable en vertu de l’article 95 de la Constitution. Ainsi, ils s’emparent de la volonté affichée par l’Union européenne d’harmoniser la politique d’asile pour considérer qu’à défaut de liste commune minimale, il ne pourrait y avoir aucune harmonisation, puisque l’établissement d’une liste nationale de pays d’origine sûrs conduirait nécessairement à une discrimination tant du point de vue du pays d’origine que du point de vue des Etats chargés d’instruire la demande d’asile. Dans cet ordre d’idées, ils exposent que ce serait surprenant que le Luxembourg ait pu établir une telle liste, alors que les Etats membres de l’Union européenne ont échoué à établir une liste commune dans ce sens.

Par ailleurs, les demandeurs affirment que la notion de « pays d’origine sûr » aurait toujours été fortement critiquée et rappelle que l’UNHCR aurait estimé que l’application de cette notion devrait être limitée et inclure la possibilité réelle de réfuter une présomption de sécurité. Les demandeurs soulignent que l’UNHCR aurait dès lors retenu que chaque cas devrait être examiné individuellement quant au fond et qu’il faudrait des critères clairs pour déterminer à quel moment un pays peut être inclus dans une liste commune des pays d’origine sûrs. Dans le même ordre d’idées, les demandeurs rappellent que la Commission consultative des Droits de l’Homme aurait souligné que l’adoption d’une liste des pays d’origine sûrs serait contraire à l’article 3 de la Convention de Genève, alors qu’elle conduirait à une discrimination entre réfugiés en raison de leur nationalité. Par ailleurs, la Commission consultative des Droits de l’Homme aurait mis en évidence la difficulté matérielle pour le demandeur de renverser cette présomption et aurait constaté que souvent le seul critère utilisé pour dresser une telle liste serait l’adhésion des pays à des instruments internationaux de droits de l’Homme, mais non pas le respect effectif des droits de l’Homme par ces pays. Ils soulignent encore que dans son avis du 3 mai 2005 sur le projet de loi relatif au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, le Conseil d’Etat a proposé de supprimer la possibilité de fixer une liste de pays d’origine sûrs. Les demandeurs reprochent également au règlement grand-ducal de rester muet quant aux critères d’après lesquels la liste a été établie, de sorte que la pluralité des sources exigée par la directive 2005/85/CE ne saurait être valablement vérifiée. Finalement, les demandeurs affirment que d’après l’article 21 (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006, la désignation de pays d’origine sûr se ferait pour chaque pays après un examen détaillé de la situation particulière dudit pays. Le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 précité ne désignerait cependant pas un pays, mais il établirait une liste de pays d’origine sûrs sans indiquer clairement avec une motivation requise par des dispositions légales applicables en la matière pour quels motifs valables la Bosnie-Herzégovine doit être considérée comme un pays sûr, de sorte qu’il n’existerait pas de garantie qu’il y a effectivement eu un examen pays par pays comme le prévoit la loi.

Les demandeurs donnent finalement encore à considérer que compte tenu des violences auxquelles seraient exposés en Bosnie-Herzégovine les opposants, respectivement certaines catégories de la population en raison de leur religion, de leur origine ou de leurs opinions et à défaut de protection suffisante de la part des autorités étatiques, la Bosnie-Herzégovine ne pourrait pas être regardée comme présentant les caractéristiques permettant son inscription sur la liste des pays d’origine sûrs au sens du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, ce d’autant plus au regard des violations des droits des minorités et des personnes déplacées dans certaines régions du pays.

Au vu des développements qui précèdent, les demandeurs sollicitent en tout état de cause que sur base de l’article 95 de la Constitution le tribunal n’applique pas ledit règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, qui serait illégal et inapplicable, tant pour violation de l’article 3 de la Convention de Genève que pour des dispositions communautaires dont la directive 2005/85/CE.

Ensuite, et en se basant en substance sur le contenu de leurs déclarations auprès de l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir retenu à tort et par le biais d’une fausse application de la loi, sinon d’une appréciation erronée des faits de l’espèce, que les faits invoqués à la base de leurs demandes de protection internationale ne sauraient suffire pour établir dans leur chef une crainte fondée de persécution au sens de la loi et de la Convention de Genève. Les demandeurs donnent à cet égard à considérer qu’ils seraient d’origine ethnique bosniaque et qu’ils feraient partie de la population serbe de Bosnie-Herzégovine. Ils seraient dès lors originaires de la « République de Serbes de Bosnie » composée de Serbes qui serait à distinguer de la Fédération de la Bosnie-Herzégovine composée quant à elle de Croates et de Musulmans. Les demandeurs soulignent à cet égard qu’alors même que conformément aux accords de Dayton, les Serbes de Bosnie-Herzégovine devraient pouvoir retourner chez eux, leur maison aurait été détruite pendant la guerre par des groupes paramilitaires serbes et il leur aurait été impossible de la faire reconstruire. Les demandeurs donnent encore à considérer qu’ils feraient partie des réfugiés déplacés pendant la guerre et qu’ils ne pourraient pas bénéficier de tous les droits civiques dans leur pays d’origine.

Les demandeurs expliquent par ailleurs que la partie de leur maison qui n’aurait pas été détruite aurait été expropriée par les autorités en place dans leur pays d’origine et ceci uniquement en raison de l’appartenance ethnique de leur famille à la minorité bosniaque et de leurs convictions religieuses.

Au vu des considérations qui précèdent, les demandeurs sont d’avis que le ministre aurait dû toiser leurs demandes de protection internationale à la lumière de la situation de la population bosniaque, respectivement de celle des Serbes de Bosnie-Herzégovine qui feraient en effet l’objet de discriminations.

Finalement, les demandeurs estiment que dans le cadre de l’évaluation de leurs demandes de protection internationale, il y aurait en tout état de cause également lieu de tenir compte des évènements récents survenus en Bosnie-Herzégovine et plus particulièrement des inondations majeures qui ont frappé le pays.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 aux termes desquels :

« (1) Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

(…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement les points a) et b) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et qu’en vertu du même article, la notion de « réfugié » est définie comme tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les consorts…à l’appui de leurs demandes en obtention du statut de réfugié dans le cadre de leurs auditions, amène le tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation - appelé dès lors à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise - à conclure que les éléments soumis au ministre sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer si les demandeurs remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, respectivement que ces éléments permettent de conclure à ce que les demandeurs ne remplissent manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le ministre a valablement pu retenir que les consorts…n’invoqueraient à l’appui de leurs demandes de protection internationale que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante, respectivement qu’il apparaît clairement qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Il résulte en effet sans équivoque des déclarations des consorts…telles qu’actées aux rapports d’audition que les raisons qui les ont amenés à quitter leur pays d’origine sont principalement d’ordre économique et médical. Le demandeur a en effet déclaré lui-même lors de son audition qu’il aurait quitté son pays d’origine « A cause d’une raison économique.

C’est la raison principale », le demandeur ayant encore expliqué en substance qu’il ne possèderait rien et que comme il n’aurait pas réussi à trouver de travail régulier et déclaré dans son pays d’origine, sa famille et lui n’auraient pas eu les moyens de louer un logement et auraient été obligés de vivre chez des amis. La demanderesse a quant à elle confirmé les propos de son époux et expliqué être venue au Luxembourg dans l’espoir de pouvoir y trouver du travail et d’y vivre dans de meilleures conditions. Force est encore à cet égard au tribunal de relever que dans leurs déclarations manuscrites du 18 avril 2014 faites auprès de la direction de l’Immigration, les demandeurs ont également mis en avant leurs difficultés économiques et les conditions difficiles dans lesquelles ils auraient dû vivre en raison de leur manque de ressources financières.

Lors de son audition, le demandeur a encore déclaré ne pas avoir pu bénéficier de soins médicaux dans son pays d’origine. Le tribunal relève toutefois à cet égard que les demandeurs ont tous deux expliqué qu’ils auraient bien bénéficié d’une couverture sociale dans leur pays d’origine mais que seules les consultations médicales auraient été gratuites et qu’ils auraient dû payer eux-mêmes les médicaments. Le demandeur a à cet égard encore déclaré que comme il n’aurait pas eu les moyens nécessaires pour se faire opérer dans son pays d’origine, il serait venu au Luxembourg pour s’y faire opérer.

Or, les problèmes médicaux et économiques mis en avant par les demandeurs ne sauraient être qualifiés de persécutions au sens de la Convention de Genève, alors que les demandeurs n’ont fait état d’aucune discrimination basée sur leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques ou leur appartenance à un certain groupe social dont ils auraient été victime en Bosnie-Herzégovine en termes notamment d’accès au marché de l’emploi ou encore d’accès aux soins.

Si Monsieur…affirme certes encore ne pas avoir obtenu les aides étatiques qu’il aurait sollicitées, le tribunal relève toutefois que lors de leurs auditions les demandeurs n’ont rapporté, ni même allégué, aucun élément permettant concrètement d’établir une discrimination fondée sur l’un des motifs énumérés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006. Par ailleurs, outre que le tribunal n’est pas en mesure d’apprécier si les demandeurs remplissaient effectivement les conditions pour pouvoir bénéficier des aides sollicitées, force est encore de relever que les demandeurs ont expliqué que de nombreuses personnes se seraient trouvées dans une situation identique puisque l’Etat bosnien n’aurait pas disposé du budget nécessaire pour octroyer des aides à tous les requérants.

Il s’ensuit que les demandeurs n’ont pas fait état de quelconques raisons crédibles de nature à justifier dans leur chef dans leur pays de provenance une quelconque crainte justifiée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir du fait de la race, de la religion, d’opinions politiques, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social, les demandeurs restant particulièrement en défaut de mettre en évidence une quelconque toile de fond raciale, religieuse, politique, sociale ou autre à leurs difficultés économiques, respectivement à leur prétendu défaut d’accès aux soins en Bosnie-

Herzégovine.

Il s’ensuit qu’à défaut de motifs fondés sur un des critères de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, les faits invoqués par les demandeurs sont à considérer comme dénués de pertinence dans le cadre de leurs demandes en reconnaissance du statut de réfugié.

En ce qui concerne l’analyse du ministre selon laquelle les consorts…n’auraient présenté que des faits sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante dans le cadre de leurs demandes de protection subsidiaire, respectivement qu’il serait manifeste que les demandeurs ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Or, il y a lieu de constater que le ministre ne s’est pas vu soumettre de la part des demandeurs des éléments susceptibles d’établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir, voire seulement d’alléguer, qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumaines ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, en ce qui concerne les problèmes d’ordre économique et médical dont les demandeurs ont fait état, il y a lieu de relever, d’une part, que l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 se réfère à des traitements ou des sanctions « infligés », tandis que l’article 28 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’ « atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que la maladie à elle seule, sinon avec la situation sanitaire et sociale du pays de destination, ou encore l’état de précarité, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’il aurait été infligé ou qu’il résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 20061.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu considérer, au vu des éléments lui soumis, que les consorts…n’ont produit à l’appui de leurs demandes de protection internationale que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, voire que les éléments soumis par les demandeurs lui permettent de conclure à ce qu’ils ne remplissent manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, pris en son double volet, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leurs demandes.

Partant le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006 et les développements afférents des demandeurs et plus particulièrement les développements relatifs à la non-conformité du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 1 Trib. adm. 9 juillet 2007, n° 22948, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 183; trib. adm. 10 décembre 2007, n° 23440 confirmé par arrêt du 10 avril 2008, n° 23943C; trib. adm. 14 janvier 2008, n° 23556, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 182.

fixant une liste des pays d’origine sûrs aux dispositions de la directive 2005/85/CE et à l’article 3 de la Convention de Genève.

Cette conclusion n’est pas énervée par les vagues affirmations du litismandataire des demandeurs relatives aux prétendues discriminations dont seraient victimes les membres de la population bosniaque, respectivement les Serbes de Bosnie-Herzégovine, une telle situation, à la supposer avérée, n’étant en aucun rapport avec le récit des demandeurs, ces derniers n’ayant jamais allégué avoir été victimes d’un quelconque acte discriminatoire en raison de leur origine ethnique ou de leurs convictions religieuses. Le même constat s’impose en ce qui concerne les inondations qui ont frappé le pays d’origine des demandeurs en mai 2014, le litismandataire de ces derniers se contentant en effet d’invoquer sans autres précisions des articles de presse faisant état des graves intempéries ayant frappé certaines régions de Bosnie-

Herzégovine sans toutefois établir le moindre lien avec la situation concrète et personnelle des demandeurs.

2) Quant au recours visant la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, seul un recours en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs, qui se rapportent à prudence de justice quant à l’application de la Convention de Genève au cas d’espèce, invoquent en substance les mêmes faits que ceux invoqués dans le cadre du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée pour insister sur le fait qu’en cas de retour en Bosnie-Herzégovine, ils risqueraient d’être victimes de traitements inhumains, dégradants et discriminatoires en raison de leur origine ethnique bosniaque, ce d’autant plus que les autorités de leur pays ne seraient pas en mesure de leur accorder une quelconque protection. Les demandeurs se réfèrent à cet égard encore à certains articles de presse à travers lesquels l’existence de discriminations au sein de leur pays d’origine serait confirmée.

Finalement, les demandeurs s’appuient notamment sur des écrits répertoriés par le site Internet de l’UNHCR et un document publié par Amnesty International sur l’impossibilité pour les minorités musulmanes de retourner dans la République Srpska pour mettre en exergue que la situation actuelle des minorités ethniques musulmanes dans la République Srpska démontrerait l’existence dans leur chef d’une crainte actuelle de persécutions au sens de la Convention de Genève. Leur sécurité en tant que membres de la communauté bosniaque de Bosnie-Herzégovine ne serait en tout état de cause pas assurée en cas de retour dans leur pays d’origine.

Le délégué du gouvernement pour sa part estime que ce serait à bon droit que le ministre a refusé le statut de protection internationale aux demandeurs.

Comme le tribunal vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que le ministre a valablement pu considérer que les demandeurs sont restés en défaut de présenter des faits pertinents pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui de la protection subsidiaire, voire que les éléments produits lui ont permis de conclure à ce qu’il apparaît clairement que les demandeurs ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leurs demandes, et que les demandeurs n’ont fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, aucun élément complémentaire permettant d’étayer leurs demandes en obtention de la protection internationale, le tribunal, statuant par rapport à ce volet en tant que juge de la réformation, ne saurait que réitérer son analyse précédente au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse -

se résumant à des difficultés économiques et à l’absence alléguée d’accès à des soins médicaux pour des raisons financières - et des pièces produites en cause, que les consorts … ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, pris en son double volet. Pour être tout à fait complet, il y a encore lieu de rappeler que la situation des membres de la communauté bosniaque de Bosnie-Herzégovine et les prétendus traitements discriminatoires dont les membres de cette communauté seraient régulièrement victimes, tels que mis en avant dans le contexte de ce volet du recours par le litismandataire des demandeurs, sont à écarter pour ne pas être pertinents, les demandeurs n’ayant en effet jamais affirmé avoir été exposés à des problèmes de discrimination dans leur pays d’origine.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection internationale sous analyse comme non justifiées, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

En l’espèce, les demandeurs, en se basant sur leurs récits, sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire pour violation de la loi alors qu’il existerait un risque réel qu’ils subissent les atteintes graves définies à l’article 37 et à l’article 39 paragraphes 1 et 2 de la loi du 5 mai 2006 et qu’eu égard à leur situation particulière il ne leur serait pas possible de retourner dans leur pays sans mettre leur vie en danger.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que c’est à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection internationale des demandeurs comme non justifiées, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 6 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale des consorts … dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 6 juin 2014 portant refus d’une protection internationale aux consorts … ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 6 juin 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 20 août 2014 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, Hélène Steichen, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/8/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34756
Date de la décision : 20/08/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-08-20;34756 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award