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20/08/2014 | LUXEMBOURG | N°34751

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 août 2014, 34751


Tribunal administratif N° 34751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2014 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 20 août 2014 Recours formé par Monsieur …et consorts, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34751 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2014 par Maître Faisal Quraishi

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif N° 34751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2014 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 20 août 2014 Recours formé par Monsieur …et consorts, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34751 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2014 par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), et de son épouse, Madame …, née le … à …(Albanie), tous les deux de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 12 juin 2014 refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2014 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Faisal Quraishi au nom de Monsieur …et de son épouse Madame … en date du 28 juillet 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Faisal Quraishi et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 13 août 2014.

En date du 27 février 2014, Monsieur …et son épouse, Madame …, ci-après désignés par « les époux…», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations des époux…sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Monsieur…fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, les 10 mars, 22 et 25 avril, et 23 mai 2014 sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, les auditions de Madame… à ces mêmes fins ayant eu lieu le 10 mars et le 24 avril 2014.

A cette occasion, Monsieur…déclara qu’en date du 17 avril 2002, deux personnes inconnues auraient tiré sur lui et sur le mari de la sœur de la femme de son oncle, Monsieur …, au moment où ils se seraient rendus à l’école pour s’y inscrire. D’après Monsieur …, Monsieur … serait en conflit avec la famille de leurs agresseurs depuis l’année 1990, date à laquelle le frère de …, policier à cette époque, aurait tué une personne de la famille …. Il ignorerait les raisons pour lesquelles ils auraient également ouvert le feu à son égard. Suite à la fusillade, il aurait été transporté à l’hôpital où il aurait été hospitalisé pendant 22 jours. A l’hospitalisation auraient suivi 9 mois de traitement. Un des deux tireurs, …, aurait été condamné à 16 ans de prison pour ces faits et serait décédé en prison. Les membres de la famille … auraient accusé les membres de la famille de Monsieur…de la mort de ce dernier et auraient refusé toute réconciliation.

En date du 6 juin 2003, Monsieur … …, fils de Monsieur … … décédé en prison et également impliqué dans la fusillade du 17 avril 2002, aurait attaqué Monsieur …, policier et l’oncle de Monsieur …. Monsieur … … aurait tiré à cinq reprises sur Monsieur …, qui aurait alors répliqué par un seul coup de feu mortel sur la personne de … …. Monsieur ……se serait livré lui-même à la police et aurait été condamné à deux ans de prison avec la circonstance d’avoir agi en situation de légitime défense et serait sorti de prison en 2005.

Monsieur…indiqua encore lors de ses auditions ne plus avoir quitté son domicile depuis 2003, sauf pour son mariage et afin de récupérer son passeport.

En date du 1er avril 2006, Monsieur ……aurait été victime d’un attentat. Ce meurtre aurait été revendiqué par les membres de la famille …, sans pour autant qu’une personne précise ait pu être déterminée et poursuivie par la police.

Suite au meurtre de son oncle, Monsieur …et sa famille auraient été placés sous la protection de la police pendant 5 à 7 jours. Par l’intermédiaire de l’association de réconciliation du sang, la famille…aurait essayé plusieurs tentatives de réconciliation, qui seraient toutes restées infructueuses.

En date du 27 avril 2009, Monsieur …, alors sorti de prison, aurait menacé l’oncle de Monsieur …, Monsieur …, bourgmestre de la commune de …. Monsieur … aurait poignardé Monsieur ……à trois reprises et ce dernier aurait alors pointé une arme à feu sur lui afin de le faire cesser et aurait finalement tiré sur lui, ce qui aurait entraîné la mort de Monsieur…. Les motivations de Monsieur … seraient demeurées inconnues alors que la famille… et la famille…auraient toujours entretenu de bonnes relations, de sorte que le demandeur arrive à la conclusion qu’une autre personne aurait incité Monsieur … a cet acte. Un des frères de la famille… aurait témoigné lors du procès « Jusqu’à présent, on n’a pas eu des problèmes avec la famille …, tout était la faute de notre frère et à partir d’aujourd’hui tout va devenir bien, comme avant ». Malgré ces paroles, Monsieur …craignerait des représailles de la famille… et ne serait plus sorti de chez lui.

Monsieur … aurait quitté l’Albanie par peur de faire l’objet d’une vengeance de la part de la famille … ou… et afin de garantir un avenir en sécurité à son enfant à naître. Il n’aurait pas confiance en la police albanaise puisque des membres de la famille … feraient partie de cette police et qu’ils auraient de bonnes connexions également avec le ministère de l’intérieur.

Le 21 janvier 2011, Monsieur …aurait participé à une manifestation au centre de Tirane afin de protester contre les injustices et de s’engager pour ses droits. A cette occcasion il aurait été arrêté et maltraité par des policiers qui lui auraient donné des coups de pieds et il aurait passé 3 jours en garde à vue puisque la police lui aurait indûment reproché d’avoir agressé des policiers lors de cette manifestation. Il aurait néanmoins porté plainte contre ces agents de police et le tribunal aurait reconnu ses droits et aurait fait la part des choses entre les coupables et les non-coupables.

Il indiqua qu’il ne pourrait pas retourner en Albanie par peur d’être tué, que l’Etat ne l’aiderait pas, qu’il n’aurait pas de travail, qu’il ne pourrait pas y élever son enfant et qu’il n’aurait pas de maison là-bas.

Madame … confirme en substance les dires de son mari.

Par décision du 12 juin 2014, notifiée par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa les époux…qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), points a) et c) de la loi du 5 mai 2006, et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Cette décision est notamment motivée par la considération que l’Albanie devrait être considérée comme un pays d’origine sûr dans le chef des époux…et que les motifs invoqués par les époux …, ne rentreraient pas dans le champs d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 juillet 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, ci-après désignée par « la convention de Genève », et de la loi du 5 mai 2006 pour constituer des délits de droit commun, punissables selon la loi albanaise.

Par ailleurs, s’agissant d’actes émanant de personnes privées, les faits invoqués par les époux…ne sauraient fonder une crainte légitime de persécution qu’en cas de défaut de protection de la part des autorités étatiques basé sur l’un des motifs de persécution prévus par ces dispositions, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social. En l’espèce, un tel défaut de protection ne serait pas établi, les époux…auraient fait l’objet d’une protection de la part des autorités étatiques albanaises, la police, ainsi que les instances judiciaires, étant intervenues à de nombreuses reprises. A cet égard, le ministre cita le résultat de recherches du Centre de recherche et de documentation du commissariat général aux réfugiés et apatrides de Belgique (CEDOCA), dont il se dégagerait que les autorités policières albanaises entreprendraient des démarches plus particulièrement pour protéger des familles menacées dans le cadre de vendettas.

Le ministre émit ensuite des doutes quant à l’existence d’une vengeance dans le cadre de la loi du Kanun, alors que la famille… aurait clairement exposé ne pas vouloir se venger lors du procès de son oncle et n’aurait entrepris aucune démarche en ce sens. En ce qui concerne la famille …, Monsieur…n’aurait fait l’objet que d’une attaque en 2002 qui devrait être considérée comme un événement isolé puisque depuis cette date, à savoir douze années, il n’aurait plus personnellement fait l’objet d’une menace quelconque.

Le ministre releva ensuite des doutes en ce qui concerne l’attestation de vengeance émise par la « Mission of Nationwide Reconciliation », cette attestation étant datée du 27 janvier 2014, soit à une date postérieure à leur départ d’Albanie. A cet égard, le ministre cita un rapport du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (BAMF) d’avril 2014 intitulé « Blickpunkt Albanien – Blutrache » selon lequel aucune organisation albanaise, ni la police albanaise, ne serait autorisée à émettre un certificat concernant l’existence d’une vengeance selon la loi du Kanun et que ces certificats de vengeance seraient émis par ces organisations contre une rémunération allant de 300 à 1.000 euros, de sorte que peu de crédit serait à donner à cette attestation.

A supposer même que les faits puissent être rattachés à une vengeance dans le cadre du Kanun, le ministre soutient qu’ils n’entreraient pas pour autant dans le champ d’application de la Convention de Genève, car il s’agirait de délits de droit commun dépourvus de tout lien avec un quelconque motif au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006.

Le ministre émit encore des doutes quant au récit de Monsieur…qui aurait prétendu être resté cloîtré chez lui depuis 2003, à part pour son mariage et la réception de son passeport, alors qu’il aurait en 2012 participé à une manifestation lors de laquelle il aurait été arrêté et placé en garde à vue, de sorte qu’il existerait des doutes quant à la véracité de son récit et la gravité de la vengeance en question, d’autant plus qu’aucun fait personnel ne lui serait arrivé depuis l’attaque en 2002, de sorte que ses craintes se traduiraient davantage en un simple sentiment général d’insécurité.

S’agissant de la protection subsidiaire, le ministre conclut que les demandeurs ne feraient état d’aucun motif sérieux et avéré permettant de croire qu’ils courraient un risque réel de subir les atteintes graves définies par l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans leur pays d’origine.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2014, les époux…ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 12 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale du même jour et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 12 juin 2014 de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs contestent avoir exposé des faits non pertinents et qu’ils ne rempliraient clairement pas les conditions en vue de l’obtention de la protection internationale.

Le ministre n’ayant soulevé aucune contradiction, ni imprécision dans les déclarations des demandeurs, ils demandent à ce que la crédibilité de leurs déclarations soit reconnue.

Ils considèrent avoir fait l’objet d’une persécution sinon d’une crainte réelle de persécution, menaces, sinon attentat à leur vie et que cela ressortirait clairement de leurs auditions des 22, 24 et 25 avril 2014 et du 23 mai 2014. Ils prétendent être victimes des effets de la loi du Kanun en Albanie de la part de la famille …, qui s’en serait déjà prise au demandeur en date du 17 avril 2002, le blessant par balles et le menaçant de mort et qui le rendrait responsable de la mort de … …. Le demandeur devrait également craindre les agissements de la famille … en raison de la mort de … … par son oncle …, ainsi que la vengeance de la famille… en raison de la mort de … par son oncle …. Les tentatives de réconciliation avec la famille … auraient échoué et la famille… aurait refusé de reconnaître l’existence d’une affaire de vengeance contre la famille …. Les demandeurs donnent également des précisions sur les vengeances dans le cadre de la loi du Kanun, qui pourraient s’étendre sur plusieurs générations tant que la vendetta ne serait pas satisfaite et qu’elles pourraient toucher aussi bien directement les auteurs des meurtres qu’indirectement les demandeurs qui feraient partie de la famille de ces derniers.

Malgré le dépôt de plaintes auprès de la police, celle-ci ne voudrait et ne pourrait pas protéger le demandeur, ainsi que sa famille des vengeances annoncées. Le demandeur insiste sur le fait qu’il aurait lui-même à chaque incident ainsi que sa famille été emmené au poste de police afin d’être interrogé de manière musclé. Il indique encore que des membres de la famille …, ainsi que des proches de cette famille feraient partie de la police de sorte qu’il lui serait impossible de déposer une plainte pour volonté de vengeance ou menace de mort contre eux.

Le demandeur mentionne également sa garde à vue de 2011 afin de renforcer son argumentation selon laquelle ni la police, ni les autorités albanaises ne seraient capables d’assurer leur protection de sorte à les forcer de vivre cloîtrés chez eux. Il considère cette garde à vue comme étant arbitraire et rappelle qu’il aurait été frappé et menacé par ces policiers parce qu’il aurait manifesté pour ses droits. Il considère encore que les rapports cités par le ministre seraient largement dépassés et seraient le résultat d’une autopromotion de l’Etat albanais qui aurait obtenu le statut de candidat à l’Union européenne et désirerait montrer une image conforme aux droits de l’Homme et d’un Etat démocratique. Dans les faits il serait néanmoins incontestable que le Kanun ferait partie de la culture albanaise et serait spécifiquement respecté dans le nord du pays comme à Shköder, que cette pratique ferait encore de nombreux morts et que la police albanaise refuserait d’intervenir dans le cadre de ces vengeances. Cette pratique serait également rarement effectuée selon les règles de l’art, de sorte qu’aussi bien les femmes que les mineurs pourraient être touchés par ces vengeances.

Les demandeurs ne seraient de ce fait plus en sécurité en Albanie et ne pourraient y retourner, d’autant plus qu’ils auraient sollicité la protection de la police, respectivement de l’Etat albanais, qui seraient néanmoins dans l’incapacité, voir refuseraient de les protéger et leur auraient même infligé des mauvais traitements.

Le fait que les policiers aient été jugés suite à l’arrestation arbitraire du demandeur ne prouverait pas que la police pourrait garantir la sécurité des demandeurs. Enfin, même les associations de réconciliation n’arriveraient plus à trouver des moyens afin de mettre fin à ces conflits, de sorte que le ministre aurait abusé de sa faculté d’user de la procédure accélerée dans le cadre de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 et le recours à cette procédure constituerait un abus de droit entachant la légalité de la décision attaquée entrainant son annulation.

Quant à la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur le fondement de l’article 20 (1), c) de la loi du 5 mai 2006, les demandeurs font valoir qu’ils auraient exposé des raisons valables pour penser que l’Albanie ne serait pas à considérer comme un pays d’origine sûr eu égard à leur situation personnelle.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision déférée, les demandeurs soulèvent une prétendue violation de la loi, en arguant que le ministre aurait pris tardivement la décision de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, soit le 27 février 2014, ce qui rendrait cette base irrecevable sinon non fondée puisque même avant l’entretien, le ministre pourrait opter sur base de l’origine d’un pays sûr pour une procédure accélérée, de sorte qu’il ne pourrait plus invoquer cette base au-

delà d’un mois après avoir eu connaissance de l’origine des requérants.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position sur ce moyen.

L’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006 dispose que :

« (2) Le ministre prend sa décision au plus tard dans un délai de deux mois à partir du jour où il apparaît que le demandeur tombe sous un des cas prévus au paragraphe (1) qui précède. […] ».

Il résulte de la disposition légale qui précède que le délai imparti au ministre pour prendre une décision dans le cadre d’une procédure accélérée est de deux mois à compter du jour où il devient manifeste qu’un demandeur de protection internationale tombe dans un des cas prévus à l’article 20 (1). Dès lors, à partir du moment où ce délai de deux mois a expiré, le ministre n’est plus en mesure d’opter pour la procédure d’asile accélérée.

En l’espèce, il est constant en cause que les demandeurs ont déposé leur demande de protection internationale en date du 27 février 2014 et qu’ils ont été entendus en date du même jour par par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Les demandeurs en concluent que dans la mesure où le ministre aurait dès lors été au courant de leur pays de provenance depuis cette même date, il aurait dû prendre une décision au plus tard un mois après, c’est-à-dire le 27 mars 2014.

Or, et même à supposer que le ministre ait effectivement eu connaissance du pays d’origine des demandeurs dès le dépôt de leur demande de protection internationale, il y a lieu de retenir que le délai de deux mois tel que prévu à l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006 ne commence pas à courir à partir de la date où le ministre a connaissance du pays d’origine d’un demandeur d’asile, mais à partir du moment où il dispose de la totalité des motifs invoqués par un demandeur de protection internationale, c’est-à-dire à la fin de l’entretien, respectivement de la relecture de celui-ci. Pour savoir si un demandeur de protection internationale tombe dans un des cas de figure prévus à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, il est cependant nécessaire d’avoir connaissance de l’ensemble des éléments à la base de la demande de celui-ci et non pas de son seul pays d’origine. Ce n’est cependant que lors de l’entretien auprès de la direction de l’Immigration, tel que prévu à l’article 9 de la loi du 5 mai 2006, que le demandeur de protection internationale a la possibilité et même l’obligation d’exposer l’ensemble des faits à la base de sa demande, étant rappelé que le service de police judiciaire se limite d’après l’article 8 de la même loi à procéder à la vérification de l’identité et de l’itinéraire d’un demandeur de protection internationale.1 En l’espèce, il ressort des pièces du dossier administratif, ainsi que des explications non contestées du délégué du gouvernement que les demandeurs ont été auditionnés par un agent de la direction de l’Immigration en date des 22, 24 et 25 avril 2014 et du 23 mai 2014 et que la relecture ainsi que la signature, avec la précision que les demandeurs n’ont retenu aucune information essentielle portant un changement significatif au contexte de leur demande de protection internationale, des procès-verbaux de ces entretiens a eu lieu le 24 avril en ce qui concerne Madame…, respectivement le 23 mai 2014 en ce qui concerne Monsieur ….

Force est dès lors de retenir que conformément à l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006 et à l’article 3 de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, ci-après « la Convention de Bâle », le délai imparti au ministre pour prendre une décision dans le cadre de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 a en l’espèce commencé à courir au plus tôt le 24 avril, respectivement le 23 mai 2014 à minuit, soit le 25 avril, respectivement le 24 mai 2014, pour expirer le 25 juin 2014, respectivement le 24 juillet 2014 à minuit, c’est-à-dire postérieurement à la prise de décision litigieuse adoptée le 12 juin 2014.

Au vu de ce qui précède, le moyen relatif à une violation de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006 est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au fond du litige, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

[…] c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en 1 Trib. adm. 18 juin 2014, n°34405 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu obtention d’une protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Par ailleurs, il convient de relever que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-

fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

En ce qui concerne plus précisément le cas énuméré au point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, force est de constater qu’aux termes de l’article 21 de cette même loi, auquel l’article 20 (1) fait expressément référence : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, l’Albanie a été retenue comme constituant un pays d’origine sûr. Etant donné qu’il est encore constant en cause que les demandeurs ont la nationalité albanaise et ont résidé en Albanie avant de venir au Luxembourg, c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr.

Or, au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est pas suffisant pour conclure ipso facto qu’il soit statué sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, étant donné qu’aux termes de l’article 21 (2) de la même loi, le ministre est obligé, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le tribunal constate que le ministre, après examen de la demande de protection internationale des demandeurs, a conclu qu'ils proviennent d'un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier si les demandeurs ont soumis au ministre, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.

Or, l'analyse de la situation décrite par les demandeurs lors de leurs auditions ainsi que dans le cadre du présent recours ne permet pas au tribunal d'en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption en ce qui les concerne et pour conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle.

Il ressort tout d’abord de façon concordante des différentes sources internationales les plus récentes citées par la partie étatique que les autorités albanaises ont déjà pris un certain nombre de mesures pour protéger leurs ressortissants des atteintes dont ils pourraient faire l’objet du fait de leur implication dans une vendetta. Outre l’existence de lois sanctionnant les vendettas et les menaces de vengeance contraignant les victimes à vivre dans l’isolement, des mesures concrètes ont également été mises en place au sein de la police albanaise pour lutter efficacement contre ce phénomène. Les articles 78 et 83 du code pénal albanais modifié en 2001 sanctionnent ainsi d’une peine d’emprisonnement de 25 ans ou à vie les homicides commis à titre de vengeance, tandis que la peine encourue pour des menaces sérieuses de vendetta est une amende ou une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans2. Le personnel de police a bénéficié de formations spécifiques concernant la prévention et l’élucidation des meurtres liés à une dette de sang. D’après les informations délivrées par le CEDOCA, une unité spécialisée a été créée à Shkodër, ville dont les demandeurs sont originaires, pour mener des enquêtes sur les crimes de sang et offrir une protection aux familles qui vivent dans l’isolement. Les autorités ont également décidé de rouvrir différents dossiers de crimes et délits non résolus dans le cadre de vendettas et ce, dans le but de mettre un terme à toute impunité en la matière. Les efforts réalisés par les autorités policières à cet égard ont déjà porté leurs fruits et l’on constate une diminution considérable du nombre d’homicides liés à une dette de sang. Des condamnations ont également déjà été prononcées dans le cas de vendettas.

Ensuite, contrairement à ce qu’allèguent les demandeurs, il n’est nullement avéré que les autorités policières de leur pays d’origine leur auraient refusé leur soutien. Les déclarations consignées dans le cadre de leurs auditions contredisent d’ailleurs cette analyse de la situation. S’il est en effet incontestable que les problèmes de vengeance sont réels en 2 Immigration and Refugee Board of Canada, Albania: Statistics on blood feuds; state protection and support services available to those affected by blood feuds, including whether individuals have been prosecuted for blood-feud-related crimes, 15 octobre 2010 Albanie, il convient de noter que la notion de protection de la part des autorités du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. En l’espèce, il ressort des déclarations mêmes de Monsieur…que la police est intervenue immédiatement après la fussillade en 2002 pour récolter son témoignage, que le coupable issu de la famille … a été immédiatement arrêté et ensuite condamné à 16 ans de prison. En ce qui concerne les autres incidents avec la famille …, ainsi que l’affaire avec la famille…, elles ont toutes été traitées devant un tribunal. Le demandeur a également bénéficié d’une protection policière d’une semaine suite à l’assasinat d’un membre de la famille … par son oncle en 2006. En ce qui concerne ensuite l’arrestation lors de laquelle il a été frappé en 2011, il y a lieu de constater que Monsieur…a pu porter plainte contre ces policiers puisque ces derniers ont ensuite été condamnés pour ces faits, de sorte qu’il ne peut être reproché aux autorités albanaises de ne pas avoir, à chaque reprise, mise en œuvre tous les moyens de poursuite à leur disposition.

Ainsi il ne ressort pas des éléments à la disposition du tribunal que les efforts déployés par les autorités albanaises ne soient pas en rapport avec les difficultés invoquées par les demandeurs.

Les demandeurs n’ayant pas fourni d’éléments de nature à renverser le constat du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 selon lequel la République d’Albanie est à considérer comme pays d’origine sûr pour les demandeurs de protection internationale, c’est par conséquent à bon droit que le ministre a pu statuer sur leur demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) sous a) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours en réformation, sinon en annulation de la décision du ministre du 12 juin 2014 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Ledit recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font tout d’abord valoir que leurs difficultés seraient bien à mettre en relation avec une situation de vengeance selon la loi du Kanun et reprennent en substance leur argumentation telle que déjà développée dans le cadre du recours contre la procédure accélérée.

Quant au bien-fondé de leur recours, les demandeurs font valoir que le ministre aurait effectué une appréciation erronée des faits gisant à la base de leur demande de protection internationale, au motif, d’une part, que la réalité des menaces de mort pesant sur eux serait clairement établie et, d’autre part, que les autorités policières refuseraient de leur fournir une protection contre les persécutions, respectivement contre les atteintes graves de la part des famille … et… dont ils risqueraient d’être les victimes.

Enfin, en ce qui concerne la crédibilité de leur récit et en ce qui concerne la possibilité de prétendre au statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, ils se réfèrent à l’article 26 (5) et 27 de la loi du 5 mai 2006 pour conclure qu’ils répondraient à toutes les conditions y imposées, de sorte que leurs déclarations ne devraient pas être étayées par des preuves documentaires.

Le délégué du gouvernement pour sa part estime que ce serait à bon droit que le ministre a refusé le statut de protection internationale aux époux ….

En vertu de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l'article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays […] ».

Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] » Il suit des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 précitée, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que les demandeurs encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.

Le tribunal constate de prime abord que le ministre a mis en doute la crédibilité du récit des demandeurs puisque ceux-ci auraient indiqué, d’une part, que le demandeur n’aurait plus quitté son domicile à partir de l’année 2003, à part pour son mariage et afin de récupérer son passeport et que, d’autre part, celui-ci aurait participé à une manifestation en 2011 pour la protection de ses droits. Néanmoins, force est de retenir qu’une telle contradiction mineure n’est pas de nature à remettre en cause la crédibilité de leur récit dans son ensemble, de sorte qu’il y a lieu de retenir les faits comme étant avérés.

Contrairement à ce qui a été retenu par le ministre, le tribunal est amené à retenir que les difficultés rencontrées par les demandeurs dans leur pays d’origine tombent dans le champ d’application de la Convention de Genève. En effet, les actes dont les demandeurs ont fait l’objet et ceux qu’ils déclarent craindre en cas de retour dans leur pays d’origine, sont motivés non pas par des actes commis personnellement par eux, mais sont motivés par la circonstance qu’un proche de la famille…était victime d’une vengeance selon la loi du Kanun datant de 1990 ce qui a mené à la fusillade de 2002 lors de laquelle le demandeur a également été touché. L’auteur de l’attentat en 2002, … … est ensuite décédé en prison et la famille … a rendu la famille…responsable de ce décès. Le fils de … …, … … a voulu venger la mort de son père en essayant d’assassiner …, l’oncle du demandeur, qui aurait néanmoins à son tour tué … … en légitime défense. Le tribunal arrive à la conclusion qu’il est certes vrai que le demandeur n’était pas la cible de l’attentat initiale en 2002, néanmoins les circonstances ayant suivi en 2003, respectivement 2006, ont pu amener le demandeur à être personnellement exposé à cette vendetta. En effet, le décès de … … en prison a été imputé aux agissements de la famille…et l’oncle du demandeur a tué un membre de la famille … et a été reconnu coupable de ce fait par la justice albanaise, de sorte que, selon la loi du Kanun, la famille … pourrait réclamer la vengeance contre la famille du demandeur, en visant tous les membres masculins de cette famille, y compris le demandeur. Il s’ensuit que les difficultés dont font état les demandeurs sont motivés par l’appartenance des demandeurs à un certain groupe social, à savoir la famille…qui, en tant que telle fait l’objet de menaces sur le fondement de la loi du Kanun de la part d’une autre famille.

S’il est vrai que les actes dont les demandeurs ont été victimes et sont menacés revêtent une gravité indéniable, force est de constater que dans la mesure où les auteurs des actes sont des personnes privées, à savoir les membres de la famille …, ceux-ci ne peuvent être qualifiés d’acteurs de persécutions, et partant leurs actes de persécutions, que pour autant que les autorités albanaises ne peuvent ou ne veulent pas accorder aux demandeurs une protection suffisante, ceci au regard de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, précité.

Or, en l’espèce, le tribunal n’est pas, pour les mêmes raisons qu’indiquées dans la partie concernant le recours contre la procédure accélérée dans le cadre de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, saisi d’éléments permettant de conclure que les demandeurs ne puissent pas obtenir une protection suffisante dans leur pays d’origine et ne saurait se départir de ces considérations y relatives également dans le cadre du présent recours au fond.

En effet, force est de constater qu’en l’espèce, les demandeurs ont pu déposer plainte chaque fois qu’ils se sont rendus à la police et qu’ils ont reconnu que la police a mené une enquête et des interrogatoires dans le cadre de l’attentat de 2002. Cette enquête ayant abouti à la condamnation du coupable par la justice albanaise. En ce qui concerne les événements de 2003 et 2006, il y a lieu de constater que la police a offert une protection aux demandeurs, que les autorités albanaises ont également poursuivi ces faits et que ceux-ci ont également abouti à des condamnations judiciaires.

En toute hypothèse, si les demandeurs avaient l’impression que la police ne faisait pas son travail avec suffisamment d’engagement et que celle-ci n’était pas impartiale, ils auraient pu s’adresser à des autorités supérieures, ce qu’ils n’ont cependant pas fait.

L’affirmation des demandeurs que la police ne pourrait pas les aider et qu’elle refuserait de le faire en raison de la présence de membres de la famille … au sein de cette police ne se trouve pas vérifiée en l’espèce. En effet, sans vouloir dénier les difficultés concrètes des autorités policières face à des conflits de vengeance, le tribunal dispose d’éléments d’appréciation permettant de retenir que les autorités albanaises sont capables ou disposées à aider les demandeurs, étant précisé tel que relevé ci-avant, qu’une protection n’implique pas une sécurité absolue.

Cette analyse est confortée par la situation générale régnant en Albanie face à la problématique des conflits de vengeance suivant la loi du Kanun et la réaction des autorités albanaises face à ces actes, telle que décrite par la partie étatique. En effet, tel que déjà invoqué dans la partie concernant le recours en annulation concernant la procédure accélérée, il ressort des différentes sources internationales citées par la partie étatique que les autorités albanaises ont déjà pris un certain nombre de mesures pour protéger leurs ressortissants des atteintes dont ils pourraient faire l’objet du fait de leur implication dans une vendetta et qu’il existe aucune raison de douter que des démarches concrètes ont été mises en place en matière de lutte contre des crimes de sang, de sorte que le tribunal ne peut pas se départager de sa conclusion retenue ci-avant dans la partie concernant le recours en annulation contre la procédure accélérée.

Ainsi il ne ressort pas des éléments à la disposition du tribunal que les efforts déployés par les autorités albanaises ne soient pas en rapport avec les difficultés invoquées par les demandeurs.

C’est partant à juste titre que le ministre a déclaré non fondée la demande en obtention du statut de réfugié présentée par les demandeurs concernant ce volet.

En ce qui concerne les faits en relation avec la famille…, le délégué du gouvernement a mis en doute que les difficultés rencontrées par les demandeurs s’inscrivent dans le contexte d’une vengeance selon la loi du Kanun. Force est au tribunal de constater que l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention du statut de réfugié, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que les intéressés restent en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles et actuelles de nature à justifier dans leur chef une crainte fondée de persécution pour l’un des motifs énoncés par la Convention de Genève, à savoir du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social, en raison de conflit avec des membres de la famille….

En effet, s’agissant de la crainte éprouvée par les demandeurs parce que l’oncle du demandeur aurait tué Monsieur …, il y a lieu de retenir qu’aucun élément au dossier ne permet d’affirmer qu’il puisse être mis en relation avec le demandeur dans le cadre d’une vengeance dans le contexte de la loi du Kanun, le demandeur n’ayant rencontré aucun autre problème avant son départ. Le frère de … ayant explicitement déclaré lors du procès de l’oncle du demandeur ne pas vouloir se venger et il ne ressort pas des dires des demandeurs que quelqu’un de la famille… aurait annoncé une vengeance à leur encontre. En tout état de cause, le requérant n’a pas été en mesure d’apporter des précisions permettant d’imputer ce meurtre à des éléments de droit du Kanun et sa crainte ne repose que sur des suppositions, les intéressés n’ayant pas fait eux-mêmes objet de menace de la part de la famille….

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs n’ont pas rencontré de difficultés concrètes avant leur départ d’Albanie avec la famille… et qu’ils n’ont fait état que d’un sentiment d’insécurité pour l’avenir, de sorte qu’il n’existe pas d’éléments susceptibles d’établir, au jour où le tribunal statue, l’existence d’un risque actuel et personnel de persécution en cas de retour dans leur pays d’origine, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs le statut de réfugié pour ces faits.

En l’espèce, en ce qui concerne les coups dont Monsieur…a fait l’objet lors de sa garde à vue, il ressort des déclarations des demandeurs telles qu’actées dans leurs rapports d’audition respectifs que ces faits ne sont pas motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social, de sorte que ces agissements ne sauraient fonder une demande de protection internationale pour ne pas être de nature à rentrer dans le champ d’application de la convention de Genève.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs le statut de réfugié.

En ce qui concerne la demande en obtention d’une protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits qu’il avance, du risque réel de subir des atteintes graves que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les demandeurs invoquent en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, pour conclure que les difficultés rencontrées par eux seraient à qualifier de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 37 b) et c) de la loi du 5 mai 2006.

Au regard de la conclusion ci-avant retenue dans le cadre de l’examen de leur recours pour autant qu’il est dirigé contre le refus d’accorder le statut de réfugié aux demandeurs et tenant à un défaut de preuve d’une absence de protection par les autorités albanaises contre les agissements que les demandeurs ont subi respectivement qu’ils déclarent craindre subir en cas de retour en Albanie, le tribunal est amené à retenir la même solution dans le cadre du recours contre la décision portant refus d’une protection subsidiaire, étant donné que la condition tenant à la preuve d’un défaut de protection des autorités notamment étatiques du pays d’origine est identique au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Concernant le litige supposé avec la famille… et au vu des conclusions dégagées ci-

avant au sujet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur base des mêmes événements ou arguments que ceux invoqués dans le cadre de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que les demandeurs encourraient en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou internationale.

En ce qui concerne les coups reçus par le demandeur lors de son unique garde à vue, si condamnables qu’ils soient, ils ne sont pas d’une gravité suffisante pour être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Dès lors les demandeurs ne remplissent pas les conditions d’octroi de la protection subsidiaire.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs la protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006 par rapport à ces faits.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 12 juin 2014 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

A cet égard, les demandeurs font valoir que dans la mesure où ils auraient invoqué une crainte justifiée de persécution sinon d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour en Albanie, selon le principe de précaution, l’ordre de quitter le territoire serait à annuler.

Or, le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse, de sorte qu’a priori, il a pu assortir la décision négative d’un ordre de quitter le territoire conformément à l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, sans violer le principe de précaution.

A défaut d’autres moyens, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire, de sorte que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 12 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 12 juin 2014 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 12 juin 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Hélène Steichen, juge, Olivier Poos, juge, et lu à l’audience publique du 20 août 2014 par le premier vice-président, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

Michèle Hoffmann Marc Sünnen 18


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34751
Date de la décision : 20/08/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-08-20;34751 ?

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