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07/08/2014 | LUXEMBOURG | N°34993

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 août 2014, 34993


Tribunal administratif Numéro 34993 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2014 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 7 août 2014 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34993 du rôle et déposée le 31 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Thoma

s Stackler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif Numéro 34993 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2014 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 7 août 2014 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34993 du rôle et déposée le 31 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Thomas Stackler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, déclarant être né le … (Albanie), actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 juillet 2014 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er août 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Thomas Stackler et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 6 août 2014.

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Monsieur …, alias …, fut intercepté par la Police grand-ducale en date du 17 octobre 2012.

En date du même jour, soit le 17 octobre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration prit une décision de retour à l’égard de Monsieur …, alias …, sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », en considérant qu’il n’était en possession ni d’un passeport en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail et qu’il y avait risque de fuite dans son chef.

Par un arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ordonna le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

En date du 18 octobre 2012, le même ministre rapporta la décision de retour du 17 octobre 2012 et prit une nouvelle décision de retour à l’égard de Monsieur …, alias …, en considérant qu’il n’était en possession ni d’un passeport en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail et qu’il y avait risque de fuite dans son chef.

Par un arrêté du 18 octobre 2012, notifié à l’intéressé en date du même jour, le même ministre rapporta également l’arrêté de placement du 17 octobre 2012 et ordonna le placement de Monsieur …, alias … au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Par un jugement du 23 novembre 2012, n° 31672 du rôle, le tribunal administratif déclara le recours en réformation introduit par Monsieur …, alias … irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision ministérielle de placement en rétention du 17 octobre 2012, et, pour autant qu’il est dirigé contre la décision ministérielle de placement en rétention du 18 octobre 2012, le déclara comme étant sans objet dans la mesure où il tend à la mise en liberté de Monsieur … au motif qu’au jour où le tribunal a statué, la mesure de placement en rétention avait cessé de produire ses effets et le déclara non justifié pour le surplus.

Par un arrêté du 12 novembre 2012, notifié à l’intéressé en date du 16 novembre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration prorogea le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Par un jugement du 6 décembre 2012, n° 31733 du rôle, le tribunal administratif déclara non fondé le recours en réformation introduit par Monsieur …, alias … contre la décision ministérielle de prorogation de son placement en rétention du 12 novembre 2012.

Par un arrêté du 11 décembre 2012, notifié à l’intéressé en date du 14 décembre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration prorogea le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois.

Par courrier du 14 décembre 2012, les autorités monténégrines informèrent les autorités luxembourgeoises qu’il leur était impossible d’identifier Monsieur …, alias ….

Par un jugement du 4 janvier 2013 (n° 31889 du rôle), le tribunal administratif déclara non fondé le recours en réformation introduit par Monsieur …, alias …, contre la décision ministérielle de prorogation de son placement en rétention du 11 décembre 2012.

Par un arrêté du 9 janvier 2013, notifié à l’intéressé en date du 14 janvier 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration prorogea le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois.

Par un jugement du 31 janvier 2013 (n° 31975 du rôle), le tribunal administratif déclara non fondé le recours en réformation introduit par Monsieur …, alias …, contre la décision ministérielle de prorogation de son placement en rétention du 9 janvier 2013.

Le 31 janvier 2013, Monsieur …, alias …, fut placé en détention préventive.

Le 19 septembre 2013, Monsieur …, alias …, fut libéré du Centre pénitentiaire et il fut procédé, le même jour, à son signalement national.

Le 19 novembre 2013, Monsieur …, alias …, fut placé à nouveau au Centre pénitentiaire en vertu d’un mandat de dépôt.

Par un jugement du 28 novembre 2013, n° 31951 du rôle, le tribunal administratif se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par Monsieur …, alias …, contre les décisions de retour du 17 octobre 2012 et du 18 octobre 2012, précitées, déclara le recours subsidiaire en annulation irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision de retour du 17 octobre 2012, et non fondé pour autant qu’il est dirigé contre la décision de retour du 18 octobre 2012.

Par un arrêté du 21 mai 2014, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », ordonna le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 18 octobre 2012, lui notifiée le même jour ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Attendu que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches. (…) » Le 22 mai 2014, Monsieur …, alias …, fut transféré du Centre pénitentiaire au Centre de rétention.

Par courrier du 28 mai 2014, le ministre contacta les autorités albanaises en vue du rapatriement de Monsieur …, alias ….

Le 4 juin 2014, le mandataire de Monsieur …, alias …, fit parvenir au ministre un extrait de l’acte de naissance albanais de son client. Le lendemain, les autorités luxembourgeoises transmirent ce document aux autorités albanaises.

Par un arrêté du 11 juin 2014, le ministre prit une décision d’interdiction du territoire d’une durée de cinq ans à l’encontre de Monsieur …, alias ….

Après avoir obtenu un laissez-passer pour Monsieur … établi par les autorités albanaises le 9 juin 2014, les autorités luxembourgeoises organisèrent son retour par avion avec escorte pour le 25 juin 2014.

Par un arrêté du 17 juin 2014, notifié à l’intéressé en date du 20 juin 2014, le ministre prorogea le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 21 mai 2014, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 21 mai 2014 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que l’éloignement de l’intéressé est prévu pour le 25 juin 2014 ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».

Le 25 juin 2014, Monsieur …, alias …, s’opposa violemment à son rapatriement, de sorte que le commandant de bord de l’avion devant l’emmener refusa finalement d’accepter sa présence sur le vol, et, par voie de conséquence, son rapatriement dut être abandonné.

Le même jour, le ministre prit à l’encontre de Monsieur …, alias …, un arrêté ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Cette décision est libellée comme suit :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu la décision de retour du 18 octobre 2012 ;

Considérant que l’éloignement de l’intéressé était prévu pour le 25 juin 2014 ;

Considérant que l’intéressé s’est opposé à son éloignement de sorte qu’il a dû être interrompu ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ; (…) ».

D’après une note au dossier du 21 juillet 2014, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités albanaises le 18 juillet 2014 pour les informer que Monsieur …, alias …, « s’est opposé à son éloignement de sorte qu’il a dû être interrompu. Je [l’agent ministériel en charge du dossier] lui ai néanmoins fait savoir que nous avons envisagé la possibilité d’organiser un vol charter qui devrait avoir lieu au cours des deux prochaines semaines. » Par un arrêté du 21 juillet 2014, notifié à l’intéressé le 25 juillet 2014, le ministre prorogea le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 25 juin 2014, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 25 juin 2014 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que l’éloignement était prévu pour le 25 juin 2014 ;

Considérant que l’intéressé s’est opposé à l’éloignement de sorte qu’il a dû être annulé ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2014, Monsieur …, alias … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de placement en rétention précitée du 21 juillet 2014.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que suite à sa libération par erreur en septembre 2013 du Centre pénitentiaire, il aurait quitté le territoire luxembourgeois pour rejoindre son frère à Bruxelles, de sorte qu’il aurait manifesté sa volonté de quitter le territoire luxembourgeois. Il reproche aux autorités luxembourgeoises de détourner la procédure de placement en rétention pour le maintenir à disposition de la justice.

En droit, le demandeur soutient que l’absence de motivation relative aux démarches entreprises démontrerait l’inertie des autorités luxembourgeoises, dans la mesure où il semblerait qu’elles n’auraient déployé aucune démarche en vue de son éloignement vers l’Albanie depuis le 25 juin 2014.

Il fait valoir que s’il avait refusé son rapatriement par avion en raison de sa peur de ce moyen de transport, il ne serait pas opposé à être éloigné par un autre moyen. Il observe encore à cet égard que la force utilisée pour le contraindre à monter dans l’avion aurait été disproportionnée face à la circonstance qu’il aurait été lié aux pieds et aux poings.

Le demandeur met en outre en cause le respect du délai de reconduction de la mesure de placement en rétention du 21 mai 2014, étant donné que, compte tenu du laps de temps écoulé entre le 21 mai 2014 et le 25 juin 2014, le délai d’un mois pour la reconduction de la mesure de placement ou son rapatriement semblerait être dépassé en l’espèce.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

En premier lieu, le tribunal est amené à relever que les considérations du demandeur relatives à sa libération par erreur du Centre pénitentiaire le 19 septembre 2013 sont étrangères à la mesure de placement en rétention actuellement sous examen, de sorte qu’il n’appartient pas au tribunal de les analyser dans le cadre du présent recours.

Quant aux reproches du demandeur relatifs à la force utilisée par les policiers en charge de son escorte en date du 25 juin 2014, le tribunal est encore amené à relever que ceux-ci ne concernent pas l’objet de la décision ministérielle déférée du 21 juillet 2014, à savoir la prorogation du placement en rétention du demandeur, mais les modalités d’exécution de l’éloignement du demandeur, de sorte qu’ils ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la légalité intrinsèque de la décision sous examen.

En ce qui concerne la question du respect du délai relatif à la reconduction de la mesure de placement en rétention du 21 mai 2014 telle que soulevée par le demandeur, le tribunal est amené à relever que l’arrêté ministériel du 21 mai 2014, ainsi que l’arrêté ministériel du 17 juin 2014 portant sa prorogation sont coulés en force de chose décidée et ne sont pas déférés au tribunal dans le cadre du présent recours. Le tribunal tient néanmoins à observer que la décision de placement en rétention du 21 mai 2014, notifiée le même jour au demandeur, a été prorogée par une décision ministérielle du 17 juin 2014, lui notifiée le 20 juin 2014, de sorte que le 25 juin 2014, le demandeur s’est trouvé placé en rétention en début de journée sur base de l’arrêté ministériel du 17 juin 2014, et plus tard dans la journée, après l’échec de son éloignement prévu pour ce 25 juin 2014, sur base de l’arrêté ministériel du 25 juin 2014, lui notifié le même jour, le plaçant en rétention pour la durée d’un mois à partir de la notification. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour manquer de pertinence.

Quant au moyen du demandeur ayant trait en substance à une insuffisance des diligences déployées par les autorités luxembourgeoises en vue de l’organisation de son éloignement, il convient de rappeler que l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 est libellé comme suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois. Cette mesure peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de quatre conditions cumulatives, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être mené à bien.

Or, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais, et de documenter ces démarches afin d’écourter au maximum la privation de liberté que constitue la rétention administrative.

Quant aux démarches entreprises par les autorités ministérielles, il ressort du dossier administratif et plus particulièrement d’une note au dossier qu’en date du 18 juillet 2014, les autorités luxembourgeoises ont informé les autorités albanaises par voie téléphonique de l’échec de la tentative d’éloignement du demandeur le 25 juin 2014 et du fait qu’elles envisageraient « la possibilité d’organiser un vol charter qui devrait avoir lieu au cours des deux prochaines semaines ».

S’il est vrai que l’éloignement du demandeur a concrètement pu être organisé par les autorités luxembourgeoises et que ce n’était qu’en raison du comportement du demandeur que le commandant de l’avion prévu pour effectuer le vol Luxembourg-Vienne en date du 25 juin 2014 a refusé de l’accepter à bord, et s’il est encore vrai que la peur des avions dont le demandeur fait état dans la requête introductive d’instance et dans un écrit du 11 juillet 2014, versé parmi les pièces du dossier administratif, n’est pas d’une envergure telle que les autorités luxembourgeoises ne pourraient pas légitimement entamer un deuxième essai d’éloigner le demandeur par un moyen de transport aérien, dans la mesure où dans le même écrit, le demandeur marque son accord d’être rapatrié en Albanie par un vol direct, force est cependant au tribunal de constater que depuis l’échec de la tentative d’éloignement du demandeur en date du 25 juin 2014, les autorités luxembourgeoises ont une seule fois appelé les autorités albanaises afin de les informer d’un projet de rapatriement par un vol charter, mais qu’elles n’ont déployé aucune démarche concrète en vue d’organiser un nouvel éloignement du demandeur.

Il résulte de l’ensemble des éléments relevés ci-avant que les autorités luxembourgeoises n’ont pas poursuivi la procédure en vue du rapatriement du demandeur vers son pays d’origine avec la diligence légalement requise de sorte qu’il y a lieu de constater que la décision ministérielle précitée du 21 juillet 2014, portant prorogation de la mesure de rétention administrative du 25 juin 2014, ne remplit pas les conditions imposées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, étant donné qu’une rétention ne peut en effet être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Le tribunal est partant amené à réformer la décision précitée du 21 juillet 2014 et à ordonner la libération immédiate du demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 juillet 2014 ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Andrée Gindt, juge, Olivier Poos, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 7 août 2014, à 11:00 heures par le premier vice-président en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Carlo Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34993
Date de la décision : 07/08/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-08-07;34993 ?

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