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06/08/2014 | LUXEMBOURG | N°34744

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 août 2014, 34744


Tribunal administratif N° 34744 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2014 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 6 août 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34744 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2014 par Maître Isabelle Ferand, avocat

à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Tribunal administratif N° 34744 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2014 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 6 août 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34744 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2014 par Maître Isabelle Ferand, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 mai 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du ministre du 28 mai 2014 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation du 6 août 2014.

Le 4 novembre 2013, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Monsieur … fut entendu le 3 avril 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, Direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

A cette occasion, Monsieur … fit essentiellement état de maltraitances lui infligées par son père souffrant d’alcoolisme et d’une maladie mentale, ainsi que de maltraitances et d’agressions perpétrées à son égard par des personnes masquées en raison des dettes de son père vis-à-vis desdites personnes.

Par décision du 28 mai 2014, envoyée par pli recommandé du 30 mai 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

La décision du ministre est motivée par la considération que Monsieur … proviendrait d’un pays d’origine sûr et que les raisons l’ayant amené à quitter l’Albanie ne répondraient à aucun des critères de fond de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié, ci-après désignée par « la Convention de Genève » ou de la loi du 5 mai 2006. Les faits invoqués par Monsieur … seraient de nature privée et accessoirement économique, et constitueraient des délits relevant du droit commun ne pouvant partant pas justifier sa demande de protection internationale. Il ne serait, par ailleurs, pas établi que les autorités albanaises ne pourraient ou ne voudraient pas lui accorder une protection contre les agissements de son père et des créanciers de celui-ci. Le ministre a encore relevé des imprécisions dans le récit de Monsieur …. L’impossibilité d’une fuite interne ne serait pas non plus établie dans le chef de Monsieur …. Enfin, le ministre a retenu que les faits avancés ne permettraient pas de conclure à l’existence d’un risque réel dans le chef de Monsieur … de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2014, Monsieur … a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 28 mai 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 28 mai 2014 portant refus de lui accorder le statut de la protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

Il échet tout d’abord de constater que le ministre a relevé des invraisemblances dans le récit du demandeur en ce qui concerne plus particulièrement la question de savoir lors duquel des trois enlèvements qu’il aurait subis de la part des créanciers de son père, le demandeur aurait été blessé par un couteau. Il met également en doute la circonstance que les auteurs des enlèvements auraient été masqués sans que les habitants du village les apercevant ne soient alertés de ce fait, le fait que le demandeur ne se rappellerait pas de la couleur des voitures ayant servi à ses enlèvements, la circonstance que les frères du demandeur auraient déjà subi des enlèvements pendant l’enfance de celui-ci, c’est-à-dire que les créanciers de son père auraient déjà depuis des années proféré des menaces sans avoir jamais reçu de l’argent, le fait qu’il n’aurait songé à dénoncer ces enlèvements seulement avant de venir au Luxembourg, le fait qu’il ignorerait l’identité des personnes qui auraient menacé sa famille depuis son enfance, tout en relevant que le maire de sa commune n’aurait pas mentionné ces enlèvements dans l’attestation versée par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale.

Si des invraisemblances peuvent, le cas échéant, constituer un indice que le récit ne correspond pas à la réalité, le tribunal est amené à retenir qu’en l’espèce, à défaut par la partie étatique d’avoir mis en évidence de véritables contradictions de nature à définitivement ébranler la crédibilité du demandeur, mais uniquement des invraisemblances ayant trait en substance aux circonstances dans lesquelles les enlèvements invoqués auraient eu lieu, qui constituent des indications factuelles d’une importance secondaire, le récit du demandeur est à considérer comme étant avéré.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 28 mai 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ce volet du recours, le demandeur soutient que les critères pour désigner un pays comme pays d’origine sûr ne se trouveraient pas vérifiés en ce qui concerne l’Albanie.

Les droits et libertés fondamentales n’y seraient pas respectés et il n’y aurait pas de recours efficace en cas de violation de ces droits et libertés, tel que cela se trouverait d’ailleurs confirmé par son histoire personnelle.

En ce qui concerne encore la pertinence des questions qu’il a soulevées, le demandeur souligne qu’il aurait fait état lors de son audition d’un effroi terrible face à une réelle persécution, d’un manque de protection et « d’une inévitable fin tragique face à l’absence de solution ». Il reproche ainsi au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation le privant d’un second degré de juridiction.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours en annulation serait à rejeter pour ne pas être fondé.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 aux termes duquel : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de ladite demande en obtention d’une protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 de vérifier, sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application du prédit article afin de décider de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de rappeler qu’un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Aux termes de l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, un pays désigné comme pays d’origine sûr est considéré comme un pays d’origine sûr pour le demandeur de protection internationale lorsqu’il possède la nationalité de ce pays ou s’il y avait précédemment sa résidence habituelle, et s’il n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité albanaise et qu’il a résidé en Albanie avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a retenu que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr et qu’il a décidé de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, dans la mesure où l’Albanie est qualifiée par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, comme étant un pays d’origine sûr.

S’il est certes exact que l’énumération d’un pays sûr dans la liste du prédit règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne constitue qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006 un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, force est au tribunal de constater que les moyens invoqués en l’espèce par le demandeur ne sont pas de nature à renverser cette présomption.

En effet, l’analyse de la situation personnelle du demandeur ne permet pas d’en dégager des éléments suffisants pouvant mener à une réévaluation de la situation générale en Albanie et à mettre en doute la présomption que l’Albanie est à qualifier de pays d’origine sûr au sens du règlement grand-ducal précité. S’il est certes vrai que la situation générale en Albanie nécessite encore des améliorations considérables à de nombreux égards, le simple fait que le demandeur ne soit pas satisfait de la réaction des forces de l’ordre albanaises face à sa plainte ne permet pas de conclure ipso facto que la police aurait refusé de lui accorder la protection requise ou serait incapable de lui fournir cette protection. A cet égard, il échet de relever que le demandeur a lui-même indiqué lors de son audition qu’il ignorerait l’identité des auteurs de ses enlèvements et que ces derniers auraient été masqués1, ce qui ne facilite pas la tâche des forces de l’ordre. Concernant les problèmes avec son père, il convient de noter que le demandeur ne se serait pas non plus adressé à une assistante sociale ou à un service de protection des mineurs.2 A cela s’ajoute encore que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou des atteintes graves ne sauraient être admises dès la 1 Cf. rapport d’audition du demandeur, p. 3 2 Cf. rapport d’audition du demandeur, p. 3 commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Le cas échéant, il aurait appartenu au demandeur de solliciter plus activement l’aide et la protection des forces de l’ordre, respectivement de saisir la voie hiérarchique en cas d’inaction avérée. Il appartient en effet au demandeur, avant de requérir la protection d’un Etat étranger, de rechercher activement la protection offerte par ses propres autorités et institutions nationales, cette recherche ne pouvant se limiter à s’adresser une seule fois à la police locale. Cette conclusion n’est pas non plus énervée par l’affirmation que son père aurait beaucoup d’amis policiers, dans la mesure où les explications de la partie étatique, non utilement contestées, appuyées d’ailleurs par des sources internationales3, confirment la possibilité de dénoncer des abus commis par des agents de police aux autorités supérieures compétentes.

Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur n’invoque pas de faits démontrant que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef.

Partant, c’est à bon droit que le ministre, après analyse de la situation concrète du demandeur, a conclu qu’il provient d’un pays d’origine sûr et qu’il a décidé de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Une des conditions de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 étant remplie, il devient surabondant de procéder à l’analyse de l’autre base légale invoquée par le ministre.

Dès lors, le recours afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre du 28 mai 2014 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce. Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ce volet du recours, le demandeur reproche au ministre d’avoir commis une erreur d’appréciation en refusant de lui accorder le statut de la protection internationale. Il serait à la merci de ses agresseurs, étant donné que la police et le gouvernement albanais seraient incapables de protéger leurs ressortissants. Cette inefficacité des forces de police et du système judiciaire de son pays d’origine risquerait de lui coûter la vie.

Le demandeur explique encore que face à la volonté ferme de ses agresseurs de réaliser leurs menaces, respectivement de continuer à le persécuter, aucune protection ne serait suffisante et que dès lors la seule issue efficace de sa situation aurait été la fuite de son pays d’origine. Il précise qu’une fuite interne serait impossible dans son chef pour des raisons financières, pratiques et sécuritaires.

3 Immigration and Refugee Board of Canada, Albanie : information sur la force policière, y compris sa structure et son emplacement ; la corruption policière, l’inconduite policière ; la procédure à suivre pour déposer une plainte contre la police et les actions entreprises à la suite du dépôt d’une plainte, 5 octobre 2011 Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

L’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 dispose : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.(…) » Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale amène le tribunal à conclure qu’il ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié.

Force est de constater que le demandeur fait en substance état de maltraitances et d’agressions perpétrées à son égard émanant, d’un côté, de son père souffrant d’alcoolisme et d’une maladie mentale, et de l’autre côté, de créanciers de son père recourant à la violence en vue du remboursement de leurs créances. Le tribunal est dès lors amené à retenir que ces problèmes sont de nature purement privée et constituent des infractions de droit commun, pouvant, le cas échéant, mener à une procédure pénale devant les tribunaux judiciaires du pays d’origine du demandeur, mais qu’ils ne sauraient cependant pas être rattachés à l’un des motifs de persécution énumérés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui se trouvent à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, à savoir les agissements de son père et des créanciers de celui-ci. Le tribunal, ayant retenu, dans le cadre de l’analyse de la demande relative à la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que le demandeur n’avait pas démontré à suffisance que son pays d’origine n’était pas capable de lui fournir une protection adéquate, ne saurait se départir de cette conclusion dans le présent volet de sa demande.

En outre, le tribunal n’aperçoit aucun élément susceptible d’établir qu’il existerait dans le chef du demandeur un risque réel de subir des atteintes graves, telles que la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine. Par ailleurs, il ne ressort ni du dossier, ni des arguments du demandeur que la situation qui prévaut actuellement en Albanie correspondrait à un contexte de violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation du demandeur, déclaré la demande de protection internationale comme non justifiée.

Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 28 mai 2014 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

En l’espèce, le demandeur estime avoir fait état d’une crainte justifiée de persécution, sinon d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006 de sorte que la légalité, sinon le bien-

fondé de la décision portant ordre de quitter le territoire devrait être remis en cause.

Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à bon droit d’accorder au demandeur un statut de protection internationale, de sorte qu’il a également pu valablement émettre l’ordre de quitter le territoire.

Le demandeur fait encore exposer que l’ordre de quitter le territoire encourrait l’annulation au motif qu’il violerait l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration. Il fait valoir qu’un retour en Albanie l’exposerait à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Aux termes de l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008 : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Il convient de relever que l’article 129, précité, renvoie à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) aux termes duquel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Si l’article 3 de la CEDH proscrit ainsi la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour en Albanie, le tribunal administratif a conclu ci-avant que le demandeur est admis à bénéficier de la protection des autorités albanaises et que de ce fait il ne saurait prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, de sorte que le tribunal ne saurait pas se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH4, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur en Albanie soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 mai 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 mai 2014 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 mai 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

4 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Andrée Gindt, juge, Olivier Poos, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 6 août 2014 à 17:00 heures, par le premier vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Carlo Schockweiler 12


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34744
Date de la décision : 06/08/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-08-06;34744 ?

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