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30/07/2014 | LUXEMBOURG | N°33321

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juillet 2014, 33321


Tribunal administratif Numéro 33321 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2013 2e chambre Audience publique du 30 juillet 2014 Recours formé par Monsieur ….., …..

contre une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en présence de l’administration communale d’…..

en matière de plan d’aménagement particulier

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JUGEMENT

Vu le recours introduit au greffe du tribunal administratif en date du 9 septembre 2013 sous le numéro

33321 du rôle par Maître Claude Bleser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Lux...

Tribunal administratif Numéro 33321 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2013 2e chambre Audience publique du 30 juillet 2014 Recours formé par Monsieur ….., …..

contre une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en présence de l’administration communale d’…..

en matière de plan d’aménagement particulier

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu le recours introduit au greffe du tribunal administratif en date du 9 septembre 2013 sous le numéro 33321 du rôle par Maître Claude Bleser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., directeur général de société, demeurant à L-…., tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région du 28 mai 2013 portant approbation de la délibération du 10 août 2012 du conseil communal d’….. portant adoption définitive du projet d’aménagement particulier concernant des fonds sis à ….., au lieu-dit « ….. » présenté par le Collège des bourgmestre et échevins de la Ville d’….. pour le compte de l’administration communale d’….. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 10 septembre 2013 portant signification de ce recours à l’administration communale d’….. en sa maison communale sise à L-…., représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 octobre 2013 par laquelle Maître Marc Kleyr déclare se constituer pour l’administration communale d’….. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2013 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 décembre 2013 par Maître Marc Kleyr pour compte de l’administration communale d’…..

lequel fut signifié à Monsieur ….. en date du 11 décembre 2013 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 janvier 2014 par Maître Claude Bleser pour compte du demandeur lequel fut notifié en date du 8 janvier 2014 par acte d’avocat à avocat au mandataire de l’administration communale d’….. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 janvier 2014 par Maître Claude Bleser pour compte du demandeur lequel fut notifié en date du 10 janvier 2013 par acte d’avocat à avocat au mandataire de l’administration communale d’….. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 février 2014 par Maître Marc Kleyr pour compte de l’administration communale d’….. notifié en date du 06 février 2014 par acte d’avocat à avocat, au litismandataire de Monsieur …… Vu les pièces en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Claude Bleser, Maître Gabriel Bleser en remplacement de Maître Marc Kleyr, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 juin 2014.

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En date du 24 octobre 2011, le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, ci-après dénommé le « ministre », émit un avis portant le numéro … relatif à un projet d’aménagement particulier portant sur des fonds à ….., section B, lieu-dit « ….. » présenté par le collège des bourgmestre et échevins de ladite commune, ci-après dénommé le « PAP ».

En sa séance publique du 23 avril 2012, le conseil communal d’….. adopta provisoirement le PAP à l’unanimité.

Suite à la publication de la décision provisoire précitée, Monsieur ….. introduisit par courrier du 13 juin 2012 une objection à l’encontre du PAP auprès du collège des Bourgmestre et échevins de la commune d’….. pour des motifs tenant au non respect du concept de mobilité au sein de la commune. Il fut entendu le 4 juillet 2012 par le collège des bourgmestre et échevins en vue d’aplanir les réclamations.

Le procès-verbal d'enquête du 25 juillet 2012 établi par la Ville d'….. prit position quant aux problèmes soulevés par Monsieur …… Lors d’une séance du 27 juillet 2012, le Collège des bourgmestre et échevins de la Ville d'….. décida à l’unanimité des voix de proposer au Conseil communal notamment « de tenir compte des demandes de présenter un concept de mobilité en vue d'une évaluation plus précise de l’augmentation du trafic ; les accès principaux se situeront rue …. et rue …. ; de faire exécuter une étude en vue de retenir une réglementation de la circulation adaptée aux points névralgiques se présentant aux différents accès du lotissement projeté ».

Le Conseil communal approuva définitivement le projet de PAP par une délibération en date du 10 août 2012 dans laquelle il reprit l’observation formulée par le Collège des bourgmestre et échevins précitée quant au concept de mobilité.

Par courrier du 6 septembre 2012, Monsieur ….. fut informé que les pièces afférentes au PAP seraient mises à disposition du public au secrétariat communal et que les éventuelles réclamations y relatives étaient à adresser au ministre.

Monsieur ….. adressa au ministre une réclamation en date du 21 septembre 2012 par l’intermédiaire de son litismandataire°.

Suite à la demande du ministre du 7 janvier 2013 sollicitant l’avis du Conseil communal au sujet des réclamations lui adressées à l’encontre du PAP, le Conseil communal de la Ville d'….. émit à l’unanimité des voix des membres présents au cours de la séance publique du 28 janvier 2013 l’avis suivant au sujet de la réclamation présentées au nom et pour le compte de Monsieur ….. à savoir : « Le conseil communal se rallie à l’avis de la Commission d’Aménagement. Une étude sera élaborée en vue de retenir une réglementation de la circulation adaptée aux points névralgiques se présentant aux différents accès du lotissement projeté ».

Par décision du 28 mai 2013, le ministre approuva la délibération du 10 août 2012 du conseil communal portant adoption définitive du PAP et déclara recevables mais non fondées les réclamations lui adressées dans les termes suivants :

« (…) Cinq réclamations ont été présentées auprès du Ministre de l'Intérieur et à la Grande Région à l'encontre du projet d'aménagement particulier [dénommé ci-après « le PAP »].

La réclamation émanant de Monsieur …., de Madame….., de Monsieur …., de Madame …., de Monsieur …., de Madame …., de Monsieur …. et de Madame …., ainsi que les réclamations émanant de Monsieur …., de Monsieur …., des consorts …. et de Maître Claude Bleser agissant au nom et pour le compte de Monsieur ….., sont recevables en la pure forme mais non fondées quant au fond.

La plupart des réclamations ont trait à des prétendus problèmes de trafic qui résulteraient de la réalisation du PAP. Or, je constate que d'une part, le PAP est conforme aux dispositions réglementaires régissant cette zone et plus particulièrement au plan d'aménagement général de la Ville d'…., et que d'autre part, le lotissement sera relié à la voirie publique existante par quatre accès distincts. Des considérations ayant trait au classement des zones sont à présenter dans le cadre de l’adoption de ce dernier et non du PAP.

A toutes fins utiles, je tiens à souligner que le Conseil Communal de la Ville d’…..

s’est engagé dans son avis du 28 janvier 2013 ayant trait aux réclamations à faire élaborer une étude permettant d’opter pour une réglementation de la circulation la plus adaptée possible (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2013, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 28 mai 2013 portant approbation de la délibération du 10 août 2012 du conseil communal d’…..

portant adoption définitive du projet d’aménagement particulier concernant des fonds sis à ….., au lieu-dit « ….. » présenté par le Collège des bourgmestre et échevins de la Ville d’…..

pour le compte de l’administration communale d’…… Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, question que le tribunal est de prime abord appelé à examiner, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1.

Il s’ensuit qu’en application de l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation a valablement pu être introduit à l’encontre de la décision déférée.

L’administration communale de la Ville d’….. et le délégué du gouvernement soulèvent trois moyens d’irrecevabilité de la requête introductive d’instance, à savoir, premièrement, un moyen d’irrecevabilité ratione temporis au motif que la requête introductive d’instance aurait été introduite plus de trois mois après la date de la notification au mandataire de Monsieur ….. qui serait intervenue en date du 3 juin 2013, deuxièmement, un moyen d’irrecevabilité tenant au défaut d’intérêt à agir du demandeur au motif qu’il ne ferait état d’aucun préjudice dans son chef dès lors qu’il se bornerait à invoquer une prétendue aggravation de sa qualité de vie sans pour autant étayer son moyen et, troisièmement, un moyen d’irrecevabilité tiré de la violation de l’article 2 alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif en ce qu’aucun des cinq cas d’ouverture d’un recours prévu à cet article ne soit donné en l’espèce.

Quant au premier moyen d’irrecevabilité soulevé tenant à une irrecevabilité ratione temporis, le demandeur fait valoir que la copie de la décision déférée aurait été envoyée par envoi recommandé à son litismandataire qui l’aurait réceptionnée en date du 4 ou le 5 juin 2013 mais qui ne la lui aurait transmise par courrier qu’en date du 13 juin 2013 de sorte qu’il n’en aurait eu connaissance qu’à partir de cette date. Il en conclut que son recours serait recevable dès lors qu’il serait intervenu dans le délai légal de trois mois étant donné que ce serait la date à laquelle la notification lui aurait été faite qui serait déterminante pour la computation des délais.

Il y a lieu de relever qu’à l’audience publique des plaidoiries, le délégué du gouvernement a versé un relevé des envois des services du ministère de l’Intérieur et à la Grande Région duquel il ressort que la copie de la décision déférée fut envoyée à « 5 réclamants » en date du 6 juin 2013.

Il échet de relever que l’article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que « (1) Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance. » Ainsi, un recours doit être déposé au greffe du tribunal administratif dans un délai maximal de trois mois du jour où la décision a été notifiée au demandeur ou du jour où le demandeur a pu en prendre connaissance, étant entendu qu’il suffit que l’intéressé ait reçu officiellement connaissance de la décision et que cette connaissance soit complète et indiscutable. Il suffit donc que cette information ait été verbale ou que l’intéressé ait pu obtenir connaissance de la décision par inspection des dossiers de l’administration.

1 cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes réglementaires, n° 42 et autres références y citées .

S’il ressort de manière non équivoque des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal que la décision déférée a été envoyée au litismandataire du demandeur par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 juin 2013 conformément au livre des relevés des services du ministère de l’Intérieur et à la Grande Région, il n’en reste pas moins que le délégué du gouvernement reste en défaut de rapporter à suffisance de droit, et ce malgré l’envoi de la décision déférée par courrier recommandé avec accusé de réception le 6 juin 2013, la date à laquelle le litismandataire de Monsieur ….. a réceptionné ladite décision de sorte qu’il ne ressort pas des éléments soumis au tribunal à quelle date Monsieur ….. a eu connaissance de la décision déférée. Il s’ensuit qu’en l’absence de cette information, il y a lieu de considérer que le recours ayant été introduit à l’encontre de la décision déférée en date du 9 septembre 2013 fut formé dans le délai légal. Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le moyen trié d’une irrecevabilité ratione temporis.

Quant au deuxième moyen d’irrecevabilité tenant au défaut d’intérêt à agir du demandeur au motif qu’il ne ferait état d’aucun préjudice dans son chef dès lors qu’il se bornerait à invoquer une prétendue aggravation de sa qualité de vie sans pour autant étayer ce moyen, force est au tribunal de constater de concert avec Monsieur ….. que contrairement au moyen d’irrecevabilité soulevé, qu’étant riverain de la rue ….. qui constitue une voie d’accès au nouveau lotissement développé dans le cadre du PAP, il a un intérêt personnel, direct, actuel et certain à agir. Cette conclusion est renforcée par l’observation formulée dans le procès-verbal d'enquête du 25 juillet 2012 établi par la Ville d'….. visant explicitement les problèmes de mobilité, d’accès et de stationnement dans la rue ….. en ces termes « pour la rue ….. – chaussée étroite avec stationnement des deux côtés, tronçons dangereux du point de vue visibilité, bouchons de sortie à la route de Luxembourg – une réglementation sera étudiée en vue de ne pas trop aggraver la situation existante, p.ex. sens unique pour l’accès au lotissement afin de limiter à une direction les mouvements de ses habitants/visiteurs, 3e piste pour tourner à gauche/droite (…) ». Partant, le moyen tiré d’une irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au troisième moyen d’irrecevabilité tiré de la violation de l’article 2 alinéa 1er de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif en ce qu’aucun des cinq cas d’ouverture d’un recours prévu à cet article ne serait visé par la requête introductive d’instance, en l’absence de prise de position de Monsieur …..

sur ce moyen, force est au tribunal de constater que Monsieur ….. soutient, notamment, dans la requête introductive d’instance que le PAP aurait été adopté en violation de la partie graphique du plan d’aménagement général de la Ville d’….., ci-après désigné par le « PAG », de sorte que même si la violation d’une disposition légale n’a pas été spécifiquement visée dans ladite requête, il y a lieu de considérer que Monsieur ….. a entendu se prévaloir, notamment, de la violation de l’article 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », qui exige la conformité du PAP au PAG. Partant, le moyen d’irrecevabilité tiré de la violation de l’article 2 alinéa 1er de la loi précitée du 7 novembre 1996 est à rejeter pour ne pas être fondé.

Plus aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé, le recours est à déclarer recevable, pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que la loi du 19 juillet 2004 a été modifiée, d’une part, par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45 en date du 1er août 2011, soit à une date où la procédure d’adoption du PAP était en cours et, d’autre part, par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n°160 du 6 septembre 2013. Cette dernière loi modificative ne prévoit pas de dispositions transitoires quant à la procédure d’adoption des projets d’aménagement particulier. Les dispositions transitoires figurant à la loi du 19 juillet 2004, telle que modifiée par la loi du 28 juillet 2011, prévoient à l’article 108ter (1), alinéa 2, que : « La procédure d’adoption des projets d’aménagement particulier, qui a été entamée avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 4 de la présente loi qui étaient en vigueur avant le 1er août 2011. ». Bien que l’article 108ter précité ne le précise pas explicitement, il y a lieu d’admettre qu’une procédure d’adoption d’un PAP est à considérer comme entamée dès la transmission pour avis du projet au ministre. D’ailleurs, l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, dans sa version antérieure à la modification par la loi du 28 juillet 2011, concernant la procédure d’adoption du plan d’aménagement particulier prévoit comme première étape de l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier la transmission par le Collège des bourgmestre et échevins du projet d’aménagement particulier avec le rapport justifiant l’initiative et les orientations fondamentales retenues, pour avis au ministre.

En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause que le ministre s’est prononcé par avis du 24 octobre 2011 sur le PAP et il n’est pas contesté en cause que le projet dudit PAP lui avait été communiqué préalablement au mois d’août 2011, de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’en l’espèce, la procédure d’adoption du projet d’aménagement particulier ayant été entamée avant le 1er août 2011, la loi du 19 juillet 2004 dans sa version antérieure à la modification par la loi du 28 juillet 2011 est applicable au recours sous examen.

Le tribunal n'est pas tenu de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l'intérêt de l'administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent2.

En droit, le demandeur fait en substance plaider qu’il ressortirait de la partie graphique du PAG que la rue ….. se terminerait par un cul-de-sac en bordure duquel se trouverait une zone verte. Il explique qu’à l’heure actuelle seuls une piste cyclable et un chemin piétonnier relieraient la rue ….. à la zone affectée par le projet du PAP. Il estime qu’en créant un accès à la circulation automobile au travers de cette zone verte, le PAP violerait le PAG en ce qu’il introduirait une modification radicale de ce dernier. Il considère qu’au regard de cette violation, le ministre aurait dû refuser d’approuver la délibération du Conseil communal du 10 août 2012 en ce qu’il ne s’agirait, contrairement aux affirmations de l'administration Communale de la Ville d'….., pas d'une simple dérogation mais bien d'une modification de cette zone du PAG qui ne serait, par ailleurs, pas indispensable pour améliorer la qualité urbanistique du plan d'aménagement particulier. Il insiste sur la circonstance que la décision déférée serait muette sur ce point qui aurait été soulevé dans le cadre de la procédure de réclamation et qui aurait mis en évidence, d’une part, que d’autres voies d'accès permettraient de desservir l’accès au nouveau quartier et que, d’autre part, il y a lieu de s’attendre à une augmentation substantielle du trafic dans la rue ….. déjà engorgée.

Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre n’aurait constaté aucune violation des dispositions de la loi du 19 juillet 2004 dans le cadre de sa mission de contrôle de légalité qui comporterait également un contrôle de la conformité du PAP par rapport au PAG. Par ailleurs, il rappelle que le ministre avait accordé par avis certaines dérogations au 2 Trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 392 et les autres références y citées PAG dès lors que les dérogations visées tendraient à améliorer la qualité urbanistique du projet en conformité avec les dispositions de l'article 108 bis de la loi du 19 juillet 2004. Il estime que toute considération ayant trait au classement d’une zone et aux densités devrait être présentée dans le cadre de la procédure d'adoption ou de modification du PAG dès lors qu’un PAP ne serait qu’un instrument d'exécution de ce dernier et qu’à ce stade de la procédure de telles considérations ne pourraient plus être prises en compte.

L’administration communale de la Ville d’….. estime en substance que le document « Entwicklungskonzept » joint au PAP aurait été établi et adopté conformément à l’article 108 bis (2) de la loi du 19 juillet 2004. Elle est d’avis que le PAP qui serait hiérarchiquement soumis au PAG pour en constituer un instrument d’exécution aurait respecté les dispositions de ce dernier et que les modifications qui y auraient éventuellement été apportées s’inscriraient dans le cadre des dérogations permises à l’article 108 bis (2) précité. Elle ajoute qu’il n’aurait pas appartenu à la décision déférée de se prononcer sur le caractère justifié des dérogations au PAG étant donné que seul l’avis du 24 octobre 2011 avait pour objet de se prononcer sur les motivations de ces dérogations et de vérifier leur conformité. Elle conclut au rejet du moyen tiré de la violation du PAG par le PAP.

Il échet de rappeler que l’article 108 bis (2) de la loi du 19 juillet 2004 dispose que « Par dérogation à l’article 25 de la présente loi, les plans et projets d’aménagement général qui n’ont pas encore fait l’objet d’une refonte et adaptation complètes prévues à l’alinéa 1, peuvent être modifiés et complétés ponctuellement par un plan d’aménagement particulier établi conformément à la procédure prévue à l’article 30 de la présente loi, à condition qu’une telle modification ponctuelle s’avère indispensable pour améliorer la qualité urbanistique du plan d’aménagement particulier et que dans son avis le ministre y ait marqué son accord. » Ainsi, cette disposition permet d’apporter par dérogation à l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 qui dispose qu’un plan d’aménagement particulier précise et exécute les dispositions réglementaires du plan général concernant une zone ou une partie de zone, des modifications ou des compléments ponctuels à un plan d’aménagement général qui n’aurait pas encore fait l’objet d’une refonte et d’une adaptation complète. Les deux conditions qui sont posées pour pouvoir procéder de la sorte sont les suivantes, à savoir, d’une part, que la modification ponctuelle s’avère indispensable pour améliorer la qualité urbanistique du plan d’aménagement particulier et que, d’autre part, le ministre y ait marqué son accord dans son avis.

Il ressort des pièces et éléments versés à l’examen du tribunal et notamment de la partie graphique du PAP telle qu’elle est représentée sur la partie graphique du PAG en vigueur que la rue ….. est une voie sans issue qui est prolongée perpendiculairement par un chemin piétonnier et cyclable s’inscrivant lui-même dans une zone de verdure qui constitue une zone tampon entre le cul-de-sac formé à la fin de la rue ….. et la zone qui fait l’objet du PAP.

Il est constant en cause qu’au regard de la partie écrite du PAP et plus particulièrement du point 3.3 intitulé « Mobilitätskonzept », le lotissement visé par le PAP sera desservi par quatre voies d’accès, à savoir la rue …., la rue ….., la rue …. et la rue …..

S’agissant de la rue ….., la partie écrite du PAP, qui signale cette voie d’accès par le point 2, entend ainsi procéder à une ouverture de la chaussée afin de permettre aux automobiles d’emprunter ladite voie pour relier le lotissement. Parmi les projections qui sont visées dans ledit point 3.3 de la partie écrite du PAP, il y a lieu de retenir, notamment, que pendant les heures de pointe nocturnes, une augmentation de la circulation de 20 automobiles par heure, soit une automobile toutes les trois minutes est à anticiper.

Force est au tribunal de constater qu’eu égard à la situation actuelle de la rue ….. telle qu’elle ressort de la partie graphique du PAG et rappelée plus avant par le tribunal, à savoir celle d’une voie sans issue bordée par un chemin piétonnier et cyclable s’inscrivant lui-même dans une zone de verdure qui constitue une zone tampon entre le cul-de-sac formé à la fin de la rue ….. et la zone qui fait l’objet du PAP, la modification envisagée par le PAP est une modification ponctuelle du PAG. En effet, selon l’article 2.14 de la partie écrite du PAG les zones de verdure se définit comme zone ayant « pour objet la création d’îlots de verdure, de parcs publics et d’aires de jeux ainsi que la sauvegarde et la protection des sites et de garantir la séparation de deux zones dont le voisinage immédiat n’est pas compatible. Elles sont caractérisées par l’interdiction de bâtir. Seules sont autorisées des constructions en rapport avec la destination de la zone (…) ». Ainsi, ledit article formule expressément l’interdiction de bâtir dans une zone de verdure qui a pour objet de garantir la séparation de deux zones dont le voisinage immédiat n’est pas compatible.

Il appartient par conséquent au tribunal de vérifier si les conditions visées par l’article 108 bis (2) de la loi du 19 juillet 2004 qui autorise de telles modifications ou compléments ponctuels à un plan d’aménagement particulier par un plan d’aménagement général sont bien remplies en l’espèce, à savoir, d’une part que la modification ponctuelle s’avère indispensable pour améliorer la qualité urbanistique du plan d’aménagement particulier et que, d’autre part, le ministre y ait marqué son accord dans son avis.

Force est au tribunal de constater qu’aucune de ces conditions n’est remplie en l’espèce. En effet, eu égard à la circonstance que trois autres voies d’accès desservent le lotissement la première condition fait défaut, à savoir celle du caractère indispensable de la modification. A cet égard, il ne peut être contesté en la cause que le PAP conserve sa viabilité sans que l’accès au lotissement par la rue ….. ne soit ouvert aux automobiles. Par ailleurs, la deuxième condition fait également défaut, à savoir celle de l’accord du ministre sur ladite modification dès lors que ni l’avis du ministre du 24 octobre 2011 ni tout autre document émanant de sa part ne porte autorisation de pareille modification.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation du PAG par le PAP est fondé.

Partant, il échet d’annuler la décision déférée sans qu’il n’y ait lieu d’examiner plus en avant les autres moyens plus amplement développés par les parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours recevable en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule la décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région du 28 mai 2013 portant approbation de la délibération du 10 août 2012 du conseil communal d’…..

portant adoption définitive du projet d’aménagement particulier concernant des fonds sis à ….., au lieu-dit « ….. » présenté par le Collège des bourgmestre et échevins de la Ville d’…..

pour le compte de l’administration communale d’….. ;

condamne l’Etat aux frais Ainsi jugé par:

Françoise Eberhard, vice-président Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 30 juillet 2014 par le vice-président, en présence du greffier assumé Goreti Pinto s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 juillet 2014 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 33321
Date de la décision : 30/07/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-07-30;33321 ?

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