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16/07/2014 | LUXEMBOURG | N°34863

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2014, 34863


Tribunal administratif Numéro 34863 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2014 chambre de vacation Audience publique du 16 juillet 2014 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34863 du rôle et déposée le 10 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo

urg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre...

Tribunal administratif Numéro 34863 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2014 chambre de vacation Audience publique du 16 juillet 2014 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34863 du rôle et déposée le 10 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 juillet 2014, notifiée à l’intéressé le 4 juillet 2014, ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.

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Monsieur … fut condamné entre 2010 et 2011 à deux peines d’emprisonnement de 24 et 20 mois pour différentes infractions, de sorte à avoir été détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg jusqu’au 6 juin 2014.

Par décision du 4 juin 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », ordonna le placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté, notifié à l’intéressé le 6 juin 2014, est basé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté d’expulsion du 1er juin 2011, notifié en date du 6 juin 2011 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Attendu qu'au vu de la situation particulière de l’intéresse, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été engagées ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches (…) ».

Par arrêté du 2 juillet 2014, notifié le 4 juillet 2014, le ministre prorogea le placement de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question.

L’arrêté ministériel en question est fondé sur les considérations et les motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 4 juin 2014, notifié en date du 6 juin 2014, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 4 juin 2014 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 10 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 2 juillet 2014 ordonnant la prorogation de son placement en rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Un recours au fond étant prévu en la matière, il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait en premier lieu état d’un défaut de motivation de l’arrêté ministériel déféré, en reprochant au ministre de ne préciser ni la teneur des diligences entreprises ni l’étape à laquelle celles-ci auraient abouti au moment de la prise de la décision déférée, le demandeur estimant encore que le ministre ne saurait se contenter d’énoncer que les démarches entreprises, non autrement précisées, n’auraient pas encore abouti afin de justifier son maintien en rétention.

Il estime aussi que le ministre resterait en défaut de justifier l’accomplissement des démarches suffisantes en vue de son éloignement du pays dans les meilleurs délais et afin d’écourter au maximum sa privation de liberté, de sorte que l’arrêté entrepris ne contiendrait pas de motivation suffisante permettant de justifier la prolongation de la mesure de placement.

Il fait en outre plaider que la rétention subie serait comparable à l’incarcération d’une personne qui purge sa peine dans un Centre Pénitentiaire et que la prolongation de la mesure de placement serait inadaptée et une autre mesure aurait dû être recherchée, son placement en rétention étant disproportionné à la situation actuelle et partant arbitraire.

Enfin, le demandeur soutient que la nécessité requise pour ordonner le placement, respectivement pour prolonger celui-ci, ferait défaut puisqu’aucune démarche n’aurait été entreprise par les autorités pour permettre son éloignement rapide, et il conteste la motivation avancée par le ministre pour y procéder, alors que celle-ci ne correspondrait pas à la réalité et serait dès lors infondée.

La déléguée du gouvernement estime que la décision de placement en rétention est justifiée en fait et en droit, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours.

Quant au premier moyen tiré d’un défaut d’indication des motifs de la nécessité de la mesure de prorogation, respectivement d’une insuffisance de motifs justifiant la nécessité de la mesure, il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base. Or, le cas d’espèce sous examen ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, disposant que dans le cas où la motivation expresse n’est pas imposée, l’administré concerné a le droit d’exiger la communication des motifs, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas d’application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de prorogation, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé en droit.

A titre superfétatoire et en fait, le tribunal est amené à constater qu’en l’espèce, la décision de prorogation déférée fait référence à la décision initiale de rétention du 4 juin 2014, laquelle faisait quant à elle référence à un arrêté d’expulsion du 1er juin 2011 ; qu’elle énonce que les motifs à la base de la mesure initiale de placement, à savoir que le demandeur est démuni de tout document d’identité et de voyage valables et qu’il existe un risque de fuite dans son chef, subsistent toujours, que les démarches en vue de l’éloignement du demandeur continuent à être poursuivies, mais qu’elles n’ont pas encore abouti et que toutes les diligences en vue de l’éloignement du demandeur ont été entreprises auprès des autorités compétentes. Qui plus est, cette motivation a été complétée par les explications du délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse, de sorte que ce premier moyen est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne les contestations soulevées quant au bien-fondé de la décision déférée, celles-ci se limitent à la remise en cause générale, sans aucune précision, de l’exercice par le ministre des démarches suffisantes pour procéder à son éloignement rapide, le demandeur se bornant à affirmer qu’aucune démarche n’aurait été entreprise, respectivement contestant que les démarches indiquées par le ministre en tant que motivation de la décision déférée correspondraient à la réalité.

A cet égard, l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 dispose que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. (…) ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. Dès lors, la seule expectative d’une mesure d’éloignement suffit à justifier une décision initiale de rétention.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

A cet égard, force est au tribunal de constater, d’une part, qu’il ressort des éléments lui soumis que le demandeur, qui a fait l’objet en date du 6 janvier 2010 d’un arrêté de refus de séjour, d’une injonction de quitter le territoire et d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 5 ans, ainsi qu’en date du 1er juin 2011 d’un arrêté d’expulsion, ne dispose ni de documents d’identité ni de documents de voyage valables, rendant ainsi nécessaire des démarches de la part des autorités luxembourgeoises en vue de son identification et de l’organisation de son éloignement et, d’autre part, que l’arrêté de prorogation de la mesure de rétention actuellement sous examen est fondé sur le constat que les démarches entreprises en vue de l’identification du demandeur afin d’organiser son éloignement n’ont pas encore abouti.

L’arrêté de prorogation de la mesure de rétention actuellement sous examen est partant fondé sur le constat que les démarches entreprises en vue de l’identification du demandeur afin d’organiser son éloignement n’ont pas encore abouti.

En l’espèce, en ce qui concerne les démarches concrètement entreprises par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, démarches critiquées de manière générale et abstraite par ce dernier, il se dégage des éléments du dossier et des explications fournies par la partie étatique que dès le 27 septembre 2013, le Centre pénitentiaire de Luxembourg avait contacté les autorités françaises pour les saisir d’une demande de réadmission de l’intéressé, étant donné qu’il avait affirmé vouloir retrouver en France des membres de sa famille ; que le 9 mars 2014, le demandeur avait encore invité le ministre à intervenir auprès des autorités françaises en vue de sa réadmission en France, ce à quoi le ministre a été informé par le Centre de coopération policière et douanière luxembourgeois que l’intéressé avait été condamné en France en date du 30 octobre 1998 à une peine de 15 ans de réclusion criminelle pour vol avec violences ayant entraîné la mort et qu’après avoir été libéré en 2006, il aurait certes sollicité un renouvellement de sa carte de séjour, mais jamais complété son dossier, de sorte qu’il n’y aurait pas été donné suite, les autorités françaises joignant un extrait de naissance de l’intéressé établi en 2006 par le consulat général du Royaume du Maroc. Le 16 avril 2014, les autorités françaises refusèrent la réadmission du demandeur. Par la suite, les autorités luxembourgeoises saisirent, dès le 5 mai 2014, c’est-à-

dire avant la prise de la décision initiale de placement, alors que l’intéressé purgeait encore une peine pénale au Centre pénitentiaire, les autorités marocaines d’une demande d’identification et d’une demande en délivrance d’un laissez-passer permettant son rapatriement ; que les 28 mai et 13 juin 2014, les autorités consulaires marocaines furent relancées ; que le 17 juin 2014, ces dernières informèrent les autorités luxembourgeoises que les autorités marocaines centrales avaient été saisies et que le 7 juillet 2014, les autorités marocaines furent encore contactées pour connaître l’état d’avancement du dossier.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire à cet égard de la collaboration des autorités étrangères, les démarches entreprises sont à considérer comme suffisantes en vue de l’identification et de l’organisation de l’éloignement du demandeur. Le moyen fondé sur une absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Au sujet du moyen selon lequel la mesure de placement serait disproportionnée, le tribunal est amené à conclure que s’il est exact que le ministre peut, au lieu de prononcer une mesure de rétention administrative, assigner une personne à résidence au sens de l’article 125 de la loi du 29 août 2008, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce le demandeur n’invoque pas une garantie de représentation effective propre à prévenir un risque de fuite qui est présumé dans son chef sur base de l’article 111, paragraphe (3), tel que des attaches particulières au Luxembourg ou encore un domicile fixe, de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 16 juillet 2014 par :

Henri CAMPILL, président, Claude FELLENS, vice-président, Françoise EBERHARD, vice-président, en présence du greffier Arny SCHMIT.

s. SCHMIT s. CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34863
Date de la décision : 16/07/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-07-16;34863 ?

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