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16/07/2014 | LUXEMBOURG | N°34846

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juillet 2014, 34846


Tribunal administratif Numéro 34846 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2014 chambre de vacation Audience publique du 16 juillet 2014 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34846 du rôle et déposée le 8 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … (Tunisie) et être de nat...

Tribunal administratif Numéro 34846 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2014 chambre de vacation Audience publique du 16 juillet 2014 Recours formé par Monsieur …, Findel contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34846 du rôle et déposée le 8 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 26 juin 2014 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nour E. HELLAL et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Le 3 janvier 2013, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 ».

Par décision du 7 mai 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, l’informa de ce que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Aucun recours contentieux n’a été introduit par Monsieur … contre ladite décision de refus de sa demande de protection internationale.

Le 3 mai 2014, Monsieur … fut interpellé par la police grand-ducale au lieu-dit rives de Clausen à l’occasion d’une rixe.

Par arrêté du même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », retint que Monsieur … était en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en prononçant une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans à son encontre.

Par un deuxième arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.

Ledit arrêt ministériel, notifié à l’intéressé le jour même, soit le 3 mai 2014, est fondé sur les considérations et les motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal N°25116 du 3 mai 2014 établi par la Police grand-ducale, Unité CI Luxembourg ;

Vu ma décision de retour du 3 mai 2014 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu'au vu de la situation particulière de l'intéressé, il n'existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu'une mesure de placement alors que les conditions d'une assignation à domicile conformément à l'article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’établissement de l’identité ainsi que l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Un recours contentieux introduit par l’intéressé à l’encontre de cette décision de placement fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 19 mai 2014 (n° 34519 du rôle).

Par arrêté du 30 mai 2014, le ministre prorogea le placement de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question. - Le recours contentieux introduit par l’intéressé à l’encontre de cette décision fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 19 juin 2014 (n° 34705 du rôle).

Par arrêté du 26 juin 2014, notifié le 3 juillet 2014, le ministre prorogea le placement de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois.

L’arrêté ministériel en question est fondé sur les considérations et les motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 3 mai et 30 mai 2014, notifié le 3 mai respectivement le 3 juin 2014, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 3 mai 2014 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 8 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 26 juin 2014 ordonnant la prorogation de son placement en rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Ledit recours en réformation, en ce qu’il vise la décision ordonnant la prorogation du placement au Centre de rétention, est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur conclut en premier lieu à l’annulation de l’arrêté ministériel déféré en raison d’un défaut de motivation.

Au-delà de ce qu’aucune disposition légale ou règlementaire ne prévoit dans le cas de figure de l’espèce une obligation de motivation expresse, étant précisé que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes n’est pas applicable, dès lors que le cas d’espèce sous examen ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 dudit article 6, le moyen d’annulation est à écarter pour manquer en fait.

En effet, il se dégage du libellé de la décision déférée, que le ministre a indiqué la cause juridique, ainsi que les circonstances de fait à la base de sa décision, de sorte que le demandeur a pu agir à son encontre en parfaite connaissance de cause.

Ensuite, le demandeur entend reprocher au ministre une absence de diligences dans le cadre de la recherche de son identité et de l’organisation de son éloignement. Il soutient que les autorités administratives auraient omis d’engager et de mener rapidement des démarches afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un laissez-passer établi en faveur de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il ressort en l’espèce des éléments soumis au tribunal, que le demandeur ne dispose ni de documents d’identité, ni de documents voyage, de sorte que des démarches de la part des autorités luxembourgeoises en vue de l’identification du demandeur, voire de l’organisation de son éloignement doivent être entreprises.

Il se dégage encore du dossier administratif que le ministre a concrètement entrepris des démarches auprès des autorités tunisiennes, pays dont l’intéressé a déclaré être originaire, étant précisé que ces démarches ont été entamées le premier jour ouvrable après l’interpellation du demandeur et son placement en rétention, soit le 5 mai 2014, date à laquelle le ministre s’est adressé par courrier au Consulat général de la Tunisie à Bruxelles en vue de l’identification et, le cas échéant, de la délivrance d’un laissez-passer au nom du demandeur. Après avoir été relancées le 28 mai 2014, les autorités tunisiennes ont, par courrier du 12 juin 2014, informé le ministre de ce que le demandeur ne pouvait pas être identifié comme tunisien. Il est par ailleurs constant que suite à cette information, le ministre a décidé de voir procéder à un test linguistique du demandeur et que, d’après les informations fournies par la déléguée lors de l’audience des plaidoiries, ce test est prévu pour avoir lieu le 18 juillet 2014. Si le demandeur conteste l’utilité d’un tel test linguistique, le tribunal constate qu’en l’absence de tout élément relatif à l’identité du demandeur, pareil test constitue un moyen utile en vue de déterminer l’origine et ainsi en vue d’identifier le demandeur. Le reproche formulé par le demandeur que le délai dans lequel le résultat du test pourrait être obtenu serait démesuré, reste simplement hypothétique et le tribunal est amené de constater qu’à l’heure actuelle, au vu de l’ensemble des diligences déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, les démarches entreprises sont à considérer comme suffisantes en vue de l’identification et de l’organisation de l’éloignement du demandeur. Le moyen fondé sur une absence ou une insuffisance de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Il suit des développements qui précèdent que le recours est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation contre la décision du 26 juin 2014 ordonnant la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 16 juillet 2014 par :

Henri CAMPILL, président, Claude FELLENS, vice président, Françoise EBERHARD, vice président, en présence du greffier en chef Arny SCHMIT.

s. SCHMIT s. CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34846
Date de la décision : 16/07/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-07-16;34846 ?

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