Tribunal administratif Numéro 34223 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2014 Ire chambre Audience publique du 16 juillet 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la commission des pensions instituée par la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat en matière de mise à la retraite
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34223 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2014 par Maître Jean Lutgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …., demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision de la commission des pensions instituée par la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat du 3 février 2014 retenant qu’il n’est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service ;
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 31 mars 2014 par laquelle ont été abrégés les délais légaux pour déposer les mémoires en réponse, en réplique et en duplique ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2014 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2014 par Maître Jean Lutgen pour compte de Monsieur … ;
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 24 avril 2014, par laquelle une demande en institution d’une mesure de sauvegarde a été déclarée justifiée en ce que Monsieur … a été dispensé de reprendre son service en attendant que les juges du fond se soient prononcés sur son recours au fond ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean Lutgen et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives.
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Par décision du 18 novembre 2013, la commission des pensions instituée par la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat, ci-
après dénommée la « commission des pensions », décida « le réexamen de l’affaire sur base d’un rapport à établir par le médecin de contrôle », au vu d’une demande lui soumise en date du 13 mai 2013 par l’administration au sujet de Monsieur …, du fait que celui-ci « ne s’est pas présenté à ses rendez-vous auprès du médecin de contrôle du 23.05.2013, du 29.05.2013 et du 09.08.2013 » et des déclarations de l’intéressé suivant lesquelles il n’aurait pas pu se présenter audits rendez-vous en raison « de son état psychique », en indiquant toutefois être prêt à se présenter « au prochain rendez-vous ».
Dans son rapport du 3 décembre 2013, le médecin de contrôle, le docteur …, après avoir constaté que Monsieur … était en incapacité de travail depuis mi-janvier 2013 suite à un problème d’adaptation, respectivement en raison des situations conflictuelles à son lieu de travail, qu’il présentait des signes d’un trouble de la personnalité et d’un discret trouble dépressif avec agressivité et nervosité et qu’il a connu des problèmes privés et avait nécessité une hospitalisation de courte durée en juin 2013 suite à une tentative de suicide par médicaments et alcool, a conclu que « l’intéressé est apte à reprendre le travail à court terme, de préférence en dehors du Centre pénitentiaire », en émettant, comme proposition thérapeutique, une « reprise du travail dans les meilleurs délais, de préférence après un changement d’administration », en relevant encore que « l’agent souffre de situations conflictuelles au lieu de travail associées à des signes de trouble de la personnalité et d’état dépressif, rendant la reprise des fonctions au CPL difficile », le fait qu’ « une amélioration significative ne semble pas en vue », en indiquant que « l’agent ne veut plus reprendre ses fonctions au Centre pénitentiaire » mais qu’il « reste capable de reprendre le travail à court terme, de préférence en dehors du Centre pénitentiaire ».
Au vu dudit rapport du médecin de contrôle du 3 décembre 2013, la commission des pensions décida en date du 3 février 2014 que Monsieur … « n’est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service ».
Par courrier du 20 février 2014, le ministre de la Justice invita Monsieur … à reprendre son travail avec effet au 1er mars 2014, au vu de la décision précitée de la commission des pensions du 3 février 2014 et de la conclusion de celle-ci qu’il n’était pas « sujet à des infirmités qui [le] mettraient hors d’état de continuer [son] service ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 mars 2014, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée de la commission des pensions du 3 février 2014.
Par une requête séparée, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 2014, sous le numéro 34246 du rôle, Monsieur … sollicita une mesure de sauvegarde par rapport à la décision précitée de la commission des pensions du 3février 2014, qui lui fut accordée par une ordonnance du président du tribunal administratif du 24 avril 2014, par laquelle il a été dispensé « de reprendre son service en attendant que les juges du fond se soient prononcés sur son recours au fond, inscrit sous le numéro 34223 du rôle, dirigé contre la décision de la Commission des pensions du 3 février 2014 ».
Aux termes de l’article 32 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat, désignée ci-après par « la loi du 26 mai 1954 » :
« Le tribunal administratif statue en première instance et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions, y compris celles émises par la Commission des pensions, relatives aux pensions et autres prestations prévues par la présente loi. Les recours sont intentés dans le délai de trois mois à partir de la notification de la décision ».
Dans la mesure où, en l’espèce, la décision déférée émane de la commission des pensions, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, conformément à l’article 32 de la loi du 26 mai 1954. Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
Le recours en réformation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur expose être entré au service de la fonction publique en date du 1er septembre 1999, en ayant été affecté à l’époque auprès de l’entreprise des P & T, qu’en date du 1er avril 2002, il aurait été nommé fonctionnaire et qu’il travaillerait depuis cette date auprès de l’administration pénitentiaire dans la carrière du sous-officier de l’établissement pénitentiaire dans la fonction de maréchal des logis-chef. Quant à sa situation actuelle, il fait état de ce qu’il serait en arrêt de travail pour cause de maladie depuis le 8 janvier 2013 en raison de son état dépressif et de ce qu’à la suite de la décision incriminée du 3 février 2014, il a été obligé, par un courrier du ministre de la Justice du 20 février 2014, à reprendre son travail avec effet au 1er mars 2014, ce qu’il aurait effectivement fait, en se rendant ce jour au Centre pénitentiaire. Toutefois, en raison de son état de maladie « apparent manifeste », le directeur adjoint du Centre pénitentiaire lui aurait immédiatement accordé deux semaines de congé, et puis 34 autres jours de congé, à savoir ceux se rapportant à l’année 2013, de sorte qu’il aurait été en congé jusqu’au 7 mai 2014 inclus.
En droit, le demandeur reproche à la commission des pensions d’avoir violé les articles 50, 51, 52 et 49 de la loi du 26 mai 1954 en le déclarant apte à travailler dans ses anciennes fonctions au Centre pénitentiaire, sans recourir à l’avis d’un médecin spécialiste, alors qu’il estime être inapte à reprendre lesdites fonctions, en soutenant être seulement apte à occuper un autre emploi au sein de l’administration. Il estime partant que la commission des pensions aurait commis une erreur d’appréciation des faits lui soumis en le déclarant apte à reprendre ses anciennes fonctions au sein du Centre pénitentiaire. Il fait en effet état de ce qu’il se trouverait dans une « situation psychique très fragile » qui serait d’ailleurs documentée tant par le rapport du médecin de contrôle, le docteur …, que par son médecin traitant, spécialiste en neurologie et en psychiatrie. Il se réfère en outre à des attestations testimoniales émises tant par sa compagne que par un couple d’amis afin d’établir lafragilité de son état de santé. Il sollicite encore de la part du tribunal, et à titre subsidiaire, de nommer un expert médical, spécialisé en psychiatrie, avec la mission de déterminer dans un rapport motivé et écrit s’il est sujet à des infirmités qui le mettent hors d’état de continuer son service auprès de l’administration pénitentiaire.
Le délégué du gouvernement estime que la commission des pensions n’aurait pas outrepassé la marge d’appréciation lui laissée par les articles 50, 51, 52 et 49 de la loi du 26 mai 1954 dont l’application concrète a été critiquée par le demandeur dans sa requête introductive d’instance, en soulignant qu’elle aurait à bon droit pu le déclarer apte à travailler dans ses anciennes fonctions au sein du Centre pénitentiaire de Schrassig. Par ailleurs, le représentant étatique dégage des explications et prises de position fournies par le demandeur que celui-ci entendrait en réalité obtenir son affectation au sein d’une autre administration. Il fait toutefois remarquer à cet égard qu’il n’appartiendrait ni au conseil de discipline ni à la commission des pensions de chercher un autre emploi pour le demandeur alors qu’au cas où celui-ci éprouverait des difficultés à reprendre son service au Centre pénitentiaire, difficultés que le délégué du gouvernement estime être essentiellement dues à son propre comportement, il devrait à cet effet suivre les procédures légales, dont celle du changement d’administration tel que réglementé par la loi du 27 mars 1986 fixant les conditions et modalités selon lesquelles les fonctionnaires de l’Etat peuvent se faire changer d’administration. Le délégué du gouvernement constate que toutefois le demandeur n’aurait à aucun moment entamé une telle démarche. Pour le surplus, le délégué du gouvernement soutient qu’il ressortirait du rapport du médecin de contrôle précité du 3 décembre 2013 que le demandeur serait apte à reprendre son travail, en émettant une simple suggestion suivant laquelle il serait préférable que le demandeur reprenne son travail en dehors du milieu carcéral. Le représentant étatique insiste encore sur le fait qu’il ressortirait du même rapport médical que le demandeur n’aurait pas l’intention de reprendre son travail au sein du Centre pénitentiaire. Quant aux certificats médicaux produits par le demandeur, le représentant étatique souligne que ceux-ci proviendraient toujours du même médecin traitant du demandeur et que les conclusions y figurant seraient en contradiction avec celles faites par le médecin de contrôle. Il estime encore que la valeur probante desdits certificats médicaux devrait être « fortement relativisée », en raison des activités accomplies par le demandeur au cours de son congé de maladie, et consistant dans l’organisation, malgré son état prétendument dépressif, d’un ou de plusieurs spectacles d’illusionniste.
En conclusion, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en réformation pour ne pas être fondé et s’oppose également à l’institution d’une mesure d’expertise, alors que les conditions légales ne seraient pas remplies.
Il se dégage des éléments du dossier qu’en l’espèce, la commission des pensions a été saisie par application de l’article 2. IV de la loi du 26 mai 1954, qui prévoit sa saisine dans l’hypothèse plus particulièrement où le médecin de contrôle estime que les conditions d’invalidité prévues à l’article 2. III, 1) de la même loi paraissent remplies.
Aux termes de l’article 2. III. de la loi du 26 mai 1954 : « La mise à la retraite est prononcée d’office dans les conditions ci-après : 1. si le fonctionnaire est atteint d’infirmités graves et permanentes et si l’inaptitude au service a été constatée par la 4 Commission des pensions prévue aux articles 47 et suivants de la présente loi ;
(…) ».
En vertu de l’article 49 de la même loi : « Lorsque la commission statue sur les cas visés aux articles 2. III. 1. (…) sa décision ne peut être prise que sur le vu d’un rapport médical. (…) ».
En ce qui concerne les options ouvertes à la commission des pensions, il convient également de se référer à l’article 50, alinéa 4 de la loi du 26 mai 1954 qui dispose que : « L’autorité de nomination prononce la mise à la retraite du fonctionnaire conformément à la décision de la Commission des pensions. Lorsque la Commission des pensions décide que le fonctionnaire n’est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service, le ministre du ressort invite le fonctionnaire à reprendre son service conformément à l’article 52, alinéa 1er.
Lorsque la Commission des pensions décide que le fonctionnaire est apte à occuper un autre emploi dans l’administration, il est procédé conformément à l’article 51. », et à l’article 51, alinéa 1er de la même loi en vertu duquel : « Lorsque la Commission des pensions a constaté qu’un fonctionnaire est, par suite de blessures, d’accidents ou d’infirmités, hors d’état de continuer son service, mais qu’elle l’a déclaré propre à occuper un autre emploi dans l’administration, l’intéressé est considéré comme étant en congé provisoire pour une durée qui ne peut pas dépasser trois mois. Dans l’intervalle, le ministre ayant dans ses attributions l’administration dont relève le fonctionnaire prend l’initiative en vue d’une nouvelle affectation de l’intéressé. » Il se dégage des dispositions précitées des articles 50 et 51 de la loi du 26 mai 1954 que la commission des pensions se prononce sur l’existence ou non dans le chef du fonctionnaire concerné d’infirmités graves et permanentes le rendant inapte au service, tout comme elle peut décider que ce fonctionnaire est apte à occuper un autre emploi dans l’administration.
En l’espèce, le tribunal est saisi d’un recours en réformation, de sorte qu’il est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et quant à son opportunité, avec le pouvoir d’y substituer sa propre décision impliquant que cette analyse s’opère au moment où il est appelé à statuer.
Le tribunal est saisi en l’espèce de la question de savoir si le demandeur est atteint d’infirmités graves et permanentes le rendant inapte à son poste de travail actuel, et dans l’affirmative s’il est apte à occuper un autre emploi dans l’administration. Cette question relève principalement de l’état de santé du demandeur et donc de critères médicaux.
Force est au tribunal de constater que la commission des pensions a pris la décision déférée du 3 février 2014 sur base du rapport médical du médecin de contrôle du 3 décembre 2013 qui est venu à la conclusion que l’état de santé du demandeur serait tel que « l’intéressé reste capable de reprendre le travail à court terme, de préférence en dehors du Centre pénitentiaire ».
A l’appui de son recours, le demandeur fait état de problèmes ayant essentiellement trait à son état psychique qui le rendraient inapte au travail au sein du Centre pénitentiaire et il a versé à l’appui de ses conclusions écrites des certificatsmédicaux de son médecin traitant, le docteur … ainsi que deux attestations testimoniales rédigées tant par sa compagne que par un couple d’amis afin d’établir qu’il ne serait plus en état de reprendre ses fonctions au sein du Centre pénitentiaire, mais qu’il serait apte à reprendre un travail dans une autre administration. C’est ainsi qu’il se base sur un certificat médical du docteur … du 19 mars 2013 suivant lequel l’intéressé se trouvait, à l’époque, en « ambulanten nervenärztlichen Behandlung » en raison d’une « beruflichen Konfliktsituation ». Le médecin a encore diagnostiqué une « Anpassungsstörung mit langdauernder depressiver Reaktion », nécessitant un traitement médicamenteux. Il a également retenu une incapacité de travail depuis le début de l’année 2013 et a constaté dans le chef de l’intéressé un état de « Verzweiflung », en raison du fait qu’il n’était pas en mesure de résoudre la situation conflictuelle existant avec ses préposés à son lieu de travail. En conclusion audit certificat médical, le docteur … a recommandé un détachement voire un changement d’administration pour des raisons médicales, qu’il estime être incontournables.
Par un certificat postérieur du 30 avril 2013, le docteur … a constaté dans le chef de Monsieur … une « depressive Störung ».
Par un certificat médical du 12 mars 2014, le docteur … a confirmé que Monsieur … se trouvait en « ambulanter nervenärztlichen Behandlung » auprès de lui.
Dans ledit certificat, il a relevé que « die Arbeit in der Justizvollzugsanstalt in Schrassig [führt] durch für meinen Patienten hochpathogene Konflikte mit direkten Vorgesetzten und Kollegen zu einer enormen gesundheitlichen Schädigung meines Patienten ». Ledit médecin a ajouté que les relations conflictuelles au lieu de travail de Monsieur … ont eu pour conséquence une consommation excessive d’alcool par celui-ci ainsi qu’une tentative de suicide au cours du mois de juin 2013. Il a encore relevé que la décision déférée de la commission des pensions a eu pour conséquence, dans le chef de l’intéressé, des impulsions suicidaires, qui n’avaient toutefois pas eu pour conséquence un « passage à l’acte ». Le docteur … a encore rappelé ses conclusions antérieures, suivant lesquelles il y aurait lieu de faire en sorte que Monsieur … change de lieu de travail pour les raisons précitées qu’il qualifie de « medizinisch bedeutsamen und schwerwiegenden Gründen ».
Par ailleurs, il échet de relever que le demandeur entend conforter les conclusions de son médecin traitant par, tout d’abord, les déclarations fournies par une attestation testimoniale émise en date du 13 mars 2014 par sa compagne qui a fait état, en décrivant la situation dans laquelle se trouvait le demandeur, de « Angstzustände, tägliche Kopfschmerzen, Übelkeit, Erbrechen, Schlaflosigkeit und Nervosität sowie Verschlimmerung seiner Schuppenflechte » dus en raison des problèmes qu’il a rencontrés à son lieu de travail. Elle fait encore état de ce que Monsieur … ne pourrait plus s’endormir sans prendre des somnifères et qu’il serait régulièrement victime d’attaques d’asphyxie nocturne. Il serait également victime de cauchemars liés à son travail et devrait régulièrement vomir. Elle fait encore état dans le chef du demandeur de problèmes de digestion graves du fait que les médicaments prescrits n’auraient aucun effet. Elle a ajouté que les problèmes liés à son travail prendraient une telle envergure dans le chef de Monsieur … que tous les sujets de conversation ne tourneraient plus qu’autour de ce thème. Ces déclarations de la compagne de Monsieur … sont encore complétées par le traitement qui aurait été réservé à Monsieur … de la part de ses collègues de travail dont il n’aurait cessé de parler et dont il aurait gravement souffert. Enfin, il ressort d’une attestation testimoniale signée en date du 28 février 2014 par un couple d’amis proches de Monsieur … que ceux-ci ont constaté dans le chef de Monsieur … un changement dans son comportement dû en raison des conditions dans lesquelles il aurait dû travailler au sein du Centre pénitentiaire. Ils parlent à ce sujet de « Mobbing, Lästereien, Lügenverbreitung usw. » et ils ont constaté que l’état de santé de Monsieur … se dégradait progressivement. Ils ont également eu connaissance de ce que Monsieur … était en arrêt de maladie en raison de « Depressionen und Angstzuständen ». Ils ont encore relevé avoir dû constater personnellement que Monsieur … souffrait régulièrement de vomissements et ils se déclarent avoir été choqués lorsqu’ils ont appris, au cours du mois de juin 2013, la tentative de suicide commise par Monsieur …. D’une manière générale, ce couple d’amis a relevé dans le chef de Monsieur … qu’il était « hilflos und machtlos ». Ils déclarent encore avoir constaté que Monsieur … n’était plus en mesure d’accomplir les choses les plus courantes de la vie comme par exemple vider sa boîte à lettres. En conclusion à leurs déclarations, ils estiment qu’un « Verwaltungswechsel » serait dans l’intérêt de Monsieur ….
Les faits ainsi relevés tant par le docteur … que par la compagne et le couple d’amis de Monsieur … sont en grande partie confirmés par le médecin de contrôle, le docteur … dans son rapport d’expertise du 3 décembre 2013, sur lequel s’est basée la décision déférée, en ce que celui-ci a constaté « un problème de l’adaptation respectivement des situations conflictuelles au lieu de travail » dans le chef de Monsieur … ainsi que « des signes d’un trouble de la personnalité et un discret trouble dépressif avec agressivité et nervosité ». Il a également relevé une tentative de suicide par médicaments et alcool commise par Monsieur … au cours du mois de juin 2013 ainsi que son intention de ne plus vouloir retourner au Centre pénitentiaire.
Ledit médecin de contrôle a encore constaté que Monsieur … ne lui avait pas soumis de « rapport médical détaillé récent ». En conclusion à son rapport, le médecin de contrôle a estimé que l’état de santé de Monsieur … rendait « la reprise des fonctions au CPL difficile », tout en estimant qu’il « reste capable de reprendre le travail à court terme, de préférence en dehors du Centre pénitentiaire ».
En considération de ce que le médecin de contrôle est plus prudent quant à la question de savoir s’il avait lieu de retenir dans le chef de Monsieur … une impossibilité de reprendre ses fonctions au sein du Centre pénitentiaire, contrairement à la recommandation émise par son médecin traitant, le docteur …, et comme il échet encore de constater que le médecin de contrôle n’est pas spécialisé en psychiatrie, le tribunal se trouve confronté du moins quant aux conclusions des deux médecins à une contradiction quant aux conclusions de ceux-ci, dans la mesure où, il est vrai, tous les deux estiment que Monsieur … serait apte à travailler, ils semblent néanmoins être en désaccord quant à la question de savoir s’il peut reprendre son service au sein du Centre pénitentiaire ou s’il y a lieu de l’affecter à d’autres fonctions.
Dans la mesure où le tribunal ne se trouve pas être outillé pour résoudre lui-
même la question de fait d’ordre médical consistant à savoir si le demandeur est atteint d’infirmités graves et permanentes le rendant inapte au service au sein du Centre pénitentiaire au sens de l’article 2.III de la loi du 26 mai 1954, il y a lieu, avant tout autre progrès en cause, de recourir aux lumières d’experts et partant de nommer des experts avec la mission plus amplement définie au dispositif du présent jugement.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
au fond, dans le cadre du recours en réformation, avant tout autre progrès en cause, nomme comme experts :
1) le docteur Paul Rauchs, médecin spécialiste en psychiatrie, L-2241 Luxembourg, 42, rue Tony Neuman, 2) Madame Claire Pull-Erpelding, psychologue-psychothérapeute, Centre Hospitalier de Luxembourg, 3) le docteur Raymond Schaus, médecin spécialiste en médecine interne, Zitha Klinik, avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de savoir si Monsieur … est atteint d’infirmités graves et permanentes le rendant inapte à son poste de travail au sein du Centre pénitentiaire, et, dans l’affirmative, s’il est apte à occuper un autre emploi dans l’administration ;
invite les experts à remettre leur rapport pour le 1er décembre 2014 au plus tard et à solliciter un report de ce délai au cas où ils n’arriveraient pas à remettre leur rapport dans le délai leur imparti ;
dit qu’en cas d’impossibilité d’accepter la mission, l’expert désigné sera remplacé à la requête de la partie la plus diligente par ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif, les autres parties dûment informées ;
ordonne au demandeur de consigner la somme de 3.000 € (trois mille euros) à titre d’avance sur les frais et honoraires des experts à la caisse des consignations ou à un établissement de crédit à convenir avec les parties au litige, et d’en justifier au tribunal jusqu’au 15 août 2014 ;
dit qu’en cas de dépassement de la provision ainsi fixée, en cours d’exécution de la mesure d’expertise ordonnée, il appartiendra aux experts de s’adresser au président de la première chambre du tribunal administratif en vue de la fixation d’une provision supplémentaire à consigner par le demandeur, au vu de justificatifs de leurs dépenses et honoraires encourus ou à encourir dans le cadre de l’accomplissement de leur mission ;
réserve les frais ;
fixe l’affaire au rôle général.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Paul Nourissier, juge, Olivier Poos, juge, et lu à l’audience publique du 16 juillet 2014 par le premier vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
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