Tribunal administratif N° 33048 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2013 1re chambre Audience publique du 14 juillet 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Kopstal, en présence de Madame …, … en matière de permis de construire
JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 33048 du rôle et déposée le 12 juillet 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Kopstal du 13 juillet 2012, référencée sous le n° 2012/0071, autorisant Madame …, demeurant à L-…, à procéder au renouvellement partiel de la toiture de son immeuble sis à la même adresse, consistant en un rehaussement partiel et en la pose de fenêtres de type Velux ;
Vu l’exploit de justice suppléant Nadine TAPELLA, en remplacement de l’huissier de justice Tom NILLES, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 19 juillet 2013, portant signification de la prédite requête à l’administration communale de Kopstal ainsi qu’à Madame …, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2013 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juillet 2013 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Kopstal ;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2013 par Maître Georges KRIEGER au nom de Madame … ;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date 9 décembre 2013 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Kopstal ;
Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2013 par Maître Charles KAUFHOLD au nom de Monsieur …;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date 21 janvier 2014 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Kopstal ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 janvier 2014 par Maître Georges KRIEGER au nom de Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Max MÜLLER, en remplacement de Maître Charles KAUFHOLD, Maître Steve HELMINGER, et Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juillet 2014.
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Madame … sollicita en date du 11 juillet 2012 en sa qualité de propriétaire d’une maison d’habitation sise à L-…, sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Kopstal, section A sous le numéro n° …, de la part du bourgmestre de la commune de Kopstal l’autorisation en vue de procéder au renouvellement de la toiture par un rehaussement partiel du toit et la pose de fenêtres velux.
En date du 13 juillet 2012, le bourgmestre de la commune de Kopstal, ci-après « le bourgmestre », lui délivra l’autorisation sollicitée, référencée sous le numéro ….
Par requête déposée le 12 juillet 2013 au greffe du tribunal administratif, son voisin direct, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la prédite décision du bourgmestre du 13 juillet 2012 portant autorisation de procéder au renouvellement de la toiture de l’immeuble de Madame ….
Quant à la recevabilité Aucune disposition légale ne prévoyant de possibilité d’exercer un recours en réformation à l’encontre d’autorisations de bâtir, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse.
L’administration communale de Kopstal et Madame … concluent à l’irrecevabilité du recours au motif que le délai pour agir contre l’autorisation litigieuse aurait expiré.
En effet, tant l’administration communale que Madame … affirment que l’autorisation de bâtir aurait été délivrée par le bourgmestre en date du 13 juillet 2012 et aussitôt valablement affichée de suite le 17 juillet 2012, l’administration communale se prévalant d’une présomption légale suivant laquelle le certificat serait affiché sur le chantier le jour de sa signature par le bourgmestre et Madame … se prévalant à cet égard plus particulièrement d’attestations testimoniales -, et ce de manière continue conformément à l’article 37 dernier alinéa de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, de sorte que le délai de recours aurait valablement commencé à courir le 20 juillet 2012, pour expirer le 20 octobre 2012.
Monsieur … se prévaut de son côté de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, pour soutenir qu’une décision administrative, lorsqu’elle est susceptible d’affecter les droits et intérêts de tierces personnes, ne pourrait être prise que s’il a été donné la possibilité aux personnes intéressées de faire connaitre leurs observations dans le cadre de la procédure aboutissant à une telle décision.
Or, étant donné que lui-même, en sa qualité de voisin direct de la construction et partant de personne intéressée au sens de la prédite disposition réglementaire, ne se serait pas vu donner la possibilité, dans le cadre de la procédure de prise de décision, de s’exprimer sur l’opportunité et la légalité de la décision prise, le non-respect par le bourgmestre de l’article 5 précité, devrait rendre son recours contre la décision litigieuse recevable, puisque celle-ci ne lui aurait pas été utilement communiquée.
Subsidiairement, après avoir dans un premier temps contesté tout affichage en bonne et due forme, en affirmant n’avoir été informé des travaux que lorsque ceux-ci auraient débuté et lors de son retour de vacances, soit le 12 avril 2013, le demandeur fait ensuite plaider que l’affichage aurait en tout état de cause pas été effectué de façon suffisamment visible, le demandeur soulignant que l’affichage devrait être effectué à une proximité telle de la voie publique qu’une lecture aisée puisse en être prise. Or, en l’espèce, cela n’aurait pas été le cas, dès lors que l’affichage aurait été opéré sur une fenêtre de la cuisine, qui n’était pas à proximité de la voie publique, cette fenêtre donnant sur un passage entre la maison des parties … et …, Monsieur … versant à ce propos notamment une photo de la fenêtre de la cuisine, prise en 2013, sur laquelle on pourrait voir que l’affichage n’aurait pas été réalisé de manière à être suffisamment visible.
Tant l’administration communale que Madame … maintiennent à cet égard leur moyen d’irrecevabilité, l’administration communale relevant que le demandeur ne pourrait pas d’un côté se prévaloir d’une vue directe, pour d’un autre côté essayer de faire croire ne pas avoir vu le point rouge affiché précisément dans ce champ de vision de sa vue directe, l’administration communale estimant en effet qu’au plus tard au moment où le chantier avait commencé, le demandeur, qui se prévaut actuellement d’une vue directe, aurait nécessairement également dû voir le point rouge affiché du côté de l’immeuble ayant fait l’objet des travaux de transformation.
Aux termes de l’article 5 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 tel qu’invoqué par le demandeur, « lorsqu´une décision administrative est susceptible d´affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l´autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens. Dans la mesure du possible, l´autorité administrative doit rendre publique l´ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision. Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations. La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations ».
Dans la mesure où le moyen du demandeur tend à se prévaloir d’un défaut d’information préalable à la prise de l’autorisation de bâtir déférée, il convient de relever que l’article 5 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 n’impose à cet égard pas une obligation générale et stricte aux autorités administratives, mais il leur impose seulement d’informer les tiers intéressés « dans la mesure du possible ». Or il résulte à cet égard des travaux parlementaires ayant abouti à la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain que le législateur a explicitement exclu l’obligation de procéder antérieurement à une information de toutes les personnes intéressées, au motif qu’« une notification individuelle des personnes intéressées n’étant pas possible pour des raisons pratiques, liées notamment à l’impossibilité d’identifier ex ante toutes les personnes susceptibles d’être intéressées »1, de sorte à ne retenir a priori en matière d’urbanisme que l’obligation d’une information ex post par la voie de l’affichage2.
Il s’ensuit que l’administration communale n’avait pas l’obligation d’informer spontanément le demandeur du projet de Madame ….
Ensuite, en ce qui concerne la question de l’affichage, aux termes des alinéas 5 et 8 de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, intitulé « Autorisations de construire » : « (…) Un certificat délivré par le bourgmestre attestant que la construction projetée a fait l’objet de son autorisation est affiché aux abords du chantier par le maître de l’ouvrage. Ce certificat mentionne notamment qu’à la maison communale le public peut prendre inspection des plans afférents pendant le délai de recours devant les juridictions administratives. Le délai de recours devant les juridictions administratives court à compter de la date de délivrance du certificat signé par le bourgmestre. Le bourgmestre est tenu de faire afficher le certificat le jour même de sa délivrance ».
Le tribunal constate de prime abord que la modification apportée par le législateur à cette disposition, laquelle faisait initialement courir le délai de recours à partir de la date d’affichage, et non de la date de délivrance du certificat, est pour le moins malheureuse. En effet, si le législateur, à travers cette modification escomptait conférer « une date certaine et vérifiable pour faire courir le délai de recours » en imposant l’obligation du bourgmestre d’en assurer l’affichage le jour même de la délivrance3, force est de constater qu’en l’espèce le but poursuivi par le législateur n’a pas été atteint.
Cette disposition, encore qu’elle fasse conformément à une lecture littérale courir le délai à partir de la date de délivrance du certificat, doit toutefois être comprise comme faisant néanmoins courir le délai de recours à partir la date d’affichage du certificat - sensé être réalisé le même jour que celui de sa délivrance - alors que la seule délivrance d’un tel certificat, à défaut de toute publicité effective, est insuffisante pour faire courir le délai de recours4.
En l’espèce cependant, l’affichage effectif n’a ni été réalisé par les services de l’administration communale ni été constaté, respectivement contrôlé par ceux-ci, mais cette obligation légale a été simplement déférée sans aucun contrôle de la part de l’administration au maître de l’ouvrage moyennant un « certificat » par lequel le maître de l’ouvrage « atteste » avoir affiché le certificat à partir une date donnée. Or, s’agissant d’une déclaration purement unilatérale, non contrôlée par les services habilités pour ce faire, une telle attestation est dépourvue de toute valeur probante, de sorte qu’elle ne saurait établir l’affichage effectif du certificat et ipso facto la prise de connaissance par le demandeur de l’autorisation actuellement attaquée5.
1 Voir Projet de loi concernant le développement urbain et l’aménagement communal, doc. parl. 4486-3, p. 65 et 66.
2 Trib. adm. 18 octobre 2010, n° 26432, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 517.
3 Projet de loi n° 60233, Avis du Conseil d’Etat, commentaire des articles, ad. art. 33, p.30 4 Trib. adm. 30 septembre 2013, n° 30760.
5 Ibidem.
Il faut en effet rappeler que l’article 13 (1) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit deux hypothèses alternatives dans lesquelles un recours peut être déclaré irrecevable faute d’avoir été introduit dans les délais, à savoir celle où le demandeur dépose son recours plus de trois mois après s’être vu formellement notifier la décision litigieuse, et celle où il introduit un recours plus de trois mois après avoir pu prendre connaissance de l’acte faisant grief, l’article 37 initial de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée ayant à cet égard précisément retenu pour des raisons pratiques que la prise de connaissance d’une autorisation de construire par les tiers intéressés est réputée avoir eu lieu trois jours après l’affichage d’un certificat attestant de l’octroi de l’autorisation à construire.
L’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée, dans sa rédaction initiale, qui disposait que le délai de recours contre l’autorisation court à compter de la date d’affichage de l’autorisation, n’était, à cet égard, qu’une application concrète des deux hypothèses consacrées par l’article 13 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999 selon lesquelles le délai court de facto à compter de la prise de connaissance de la décision litigieuse, le législateur étant en effet parti du constat, d’une part, qu’une notification individuelle aux personnes intéressées par une autorisation de construire n’est pas toujours possible pour des raisons pratiques, liées notamment à l’impossibilité d’identifier toutes les personnes susceptibles d’être intéressées, et d’autre part, que l’affichage in extenso des autorisations de construire avec les plans afférents est impraticable, de sorte à avoir estimé nécessaire d’imposer la formalité d’une notification générale telle que retenue à l’article 37 de la loi précitée du 19 juillet 2004, à savoir l’affichage d’un certificat aux abords du chantier, et ceci afin de faire courir le délai du recours contentieux6. Ainsi, cette formalité, qui avait été prévue pour des raisons de sécurité juridique, repose sur la nécessité d’une publicité effective de l’autorisation, publicité permettant aux tiers intéressés d’avoir par ce biais une connaissance effective de l’autorisation de construire, la preuve de pareille connaissance appartenant à la partie qui l’invoque.7 Aussi en l’espèce, la déclaration unilatérale du maître de l’ouvrage n’est pas de nature à rapporter la preuve d’une prise de connaissance effective du demandeur à une date donnée.
Le tribunal tient à souligner en ce qui concerne la question de l’affichage du certificat attestant de la délivrance d’une autorisation qu’il aurait en tout état de cause appartenu au bourgmestre ou à son délégué de vérifier dans le cadre de ses fonctions de police des bâtisses l’affichage dudit certificat, et d’émettre le cas échéant une attestation régulière afférente, et non de se contenter d’une déclaration unilatérale du maître de l’ouvrage.
Dès lors, et plus spécifiquement, l’argumentation de l’administration communale se prévalant d’une présomption légale suivant laquelle le certificat serait affiché sur le chantier le jour de sa signature par le bourgmestre est à rejeter.
En revanche, il résulte de manière concordante des deux attestations testimoniales versées en cause, que le certificat prévu par l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée était affiché pendant la période du mois de juillet 2012 jusqu’au mois de décembre 2012 dans la fenêtre de la cuisine de Madame …, affirmations encore confirmées par la 6 Voir Projet de loi concernant le développement urbain et l’aménagement communal, doc. parl. 4486-3, p. 65 et 66.
7 Cf. trib. adm. 15 mai 2006, no 20625 du rôle ; trib. adm. 3 octobre 2007, no 22520 du rôle Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 618.
photographie versée en cause par Madame …8 ainsi que par la photographie versée en cause par le demandeur lui-même, illustrant effectivement la présence du certificat à la fenêtre en question9.
Si ledit certificat, de par son affichage n’était certes guère visible à partir de la voie publique, ayant été affiché à la fenêtre de la cuisine de l’immeuble de Madame …, laquelle donne, comme indiqué par le demandeur lui-même, sur un passage entre la maison des parties … et …, de sorte à ne pas être éventuellement opposable à tout tiers intéressé, il n’en est pas de même en ce qui concerne le demandeur.
En effet, comme il sera indiqué plus après, le litige opposant le demandeur à Madame … a pour objet de prétendues vues directes créées par Madame … entre sa salle de bains de l’immeuble et le salon de Monsieur …. Or, la fenêtre litigieuse, donnant directement sur le salon de Monsieur …, se situe immédiatement au-dessus de l’endroit d’affichage du certificat10, de sorte que le demandeur, sous peine de se contredire, devait nécessairement également disposer d’une vue directe sur ledit certificat.
Or, l’affichage d’une attestation sur le chantier en un endroit bien visible du demandeur, en permettant la lecture d’une façon accessible, est de nature, à travers la possibilité de prise de connaissance ainsi donnée, de déclencher le délai contentieux à l’encontre de la décision à la base11.
En l’espèce, il se dégage partant de l’ensemble des éléments concordants énoncés ci-
avant que le demandeur avait été régulièrement informé de la délivrance de l’autorisation de construire litigieuse par l’affichage visible, accessible et lisible du certificat prévu par l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 à partir du mois de juillet 2012.
Il s’ensuit que le recours sous analyse, introduit en date du 12 juillet 2013, soit près d’un an après le début de l’affichage tel que constaté par les témoins, a été introduit tardivement à l’encontre de l’autorisation de construire délivrée le 13 juillet 2012, de sorte qu’il doit être rejeté pour être irrecevable ratione temporis.
Quant au fond Ce n’est qu’à titre tout fait superfétatoire, de sorte à épuiser définitivement tous les moyens au niveau de la présente instance, que le tribunal procèdera à une analyse des moyens avancés au fond par le demandeur, le résultat de cette analyse ayant par ailleurs encore une incidence sur la question des indemnités de procédure sollicitées de part et d’autre.
Dans ce contexte, le demandeur affirmant toujours que la construction de la fenêtre litigieuse aurait créé une vue directe entre la salle de bains de l’immeuble de Madame … et son propre salon, en ce que Madame … aurait non seulement créé des velux sur le haut du toit, mais également une nouvelle fenêtre dans la partie verticale du toit rehaussé, soutient qu’il aurait été clair qu’il y aurait des problèmes de vue dans ce dossier, la nouvelle fenêtre ne respectant pas la distance imposée (soit 19 décimètres) par l’article 678 du Code Civil, de 8 Pièce n° 7 de Madame ….
9 Pièce unique de la farde II du demandeur.
10 Voir pièce n° 7 de Madame … 11 Trib. adm. 12 février 2003, n° 14703 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 226, et autres références y citées sorte que le bourgmestre aurait dû prendre en considération ces circonstances de fait et de droit pour donner une publicité adéquate à cette prise de position et de lui permettre de faire valoir ses moyens quant à ce projet, Monsieur … soutenant encore qu’il aurait été parfaitement prévisible que par l’exécution de ces travaux il allait subir un préjudice accru résultant de la vue directe que sa voisine allait créer au sein de son immeuble.
Partant, le demandeur reproche en substance au bourgmestre de ne pas avoir tenu compte de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, ainsi que d’avoir violé l’article 678 du Code Civil ; en tout état de cause, il estime que si le tribunal devait retenir que le respect de cette disposition ne s’imposait pas au bourgmestre dans sa prise de position quant à l’octroi du permis de construire, il y aurait néanmoins lieu de tenir compte du fait que cette violation manifeste de l’article 678 du Code civil dans le cadre du projet de Madame … aurait imposé au bourgmestre une information préalable du tiers intéressé, à savoir lui-même.
Le tribunal constate de prime abord à cet égard que contrairement aux affirmations du demandeur, Madame … n’a pas créé de vue directe entre son immeuble et celui du demandeur, alors qu’il résulte des photographies versées en cause que la maison de Madame … présentait avant rehaussement, du côté faisant directement face à l’immeuble du demandeur, trois fenêtres superposées donnant directement sur la maison de Monsieur …, à savoir une fenêtre au rez-de-chaussée (la fenêtre de la cuisine ayant postérieurement servi à l’affichage du certificat), une fenêtre au premier étage ainsi qu’une fenêtre de toit en pente, de type velux, aménagée dans le toit, tandis qu’elle présentait après rehaussement une configuration similaire, si ce n’est que la fenêtre de type velux a fait place à une fenêtre aménagée en chien couché dans les combles, de sorte à n’entraîner aucune aggravation particulière par rapport à la situation initiale, la fenêtre de type velux ayant déjà offert une vue directe sur l’immeuble de Monsieur … : ce constat, outre de jeter nécessairement un doute sur l’intérêt à agir du demandeur, est de nature à mettre en cause la bonne foi de Monsieur ….
Ensuite, en droit, en ce qui concerne le reproche adressé à l’administration communale d’avoir violé l’article 5 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, le tribunal renvoie à ses conclusions ci-avant, selon lesquelles l’administration communale n’avait pas l’obligation d’informer spontanément le demandeur du projet de Madame ….
Par ailleurs, il convient encore de souligner qu’en tout état de cause il n’y aurait pas lieu de prononcer l’annulation d’une décision prise sans l’audition de l’administré mais en vertu d’une compétence liée, comme notamment et a priori en matière d’urbanisme, les juridictions administratives estimant en effet qu’une telle annulation serait purement platonique en ses effets, l’administration ne pouvant en effet, compte tenu de sa compétence liée, que prendre la même décision à l’issue de l’audition de l’intéressé12. En effet, la finalité première d’une autorisation de construire consiste à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables et par principe le propriétaire peut faire tout ce qui ne lui est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraîne en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir13 .
12 Cour adm. 6 mars 2008, n° 23073C, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 100.
13 Voir en ce sens : Ph. VANDEN BORRE, « Les permis de bâtir, de lotir, les certificats d’urbanisme et les sanctions », in : Le droit de la construction et de l’urbanisme, Ed. du jeune Barreau, Bruxelles, 1976, p. 19, ainsi trib. adm. 13 mai 2013, n° 30362.
A cet égard, il convient encore de relever que le bourgmestre est tenu, aux termes de l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, de veiller à l’exécution des lois et règlements de police.
Or, une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente - en l’espèce le bourgmestre - de la conformité d’un projet de construction aux dispositions réglementaires (plan d’aménagement et règlement sur les bâtisses) applicables14. En d’autres termes, le bourgmestre, dont la compétence est délimitée par les règlements dont il doit assurer l’exécution, ne saurait en principe fonder sa décision sur des motifs qui ne font pas l’objet de prescriptions expresses dans le règlement sur les bâtisses : lors de la délivrance d’une autorisation de construire, le bourgmestre doit se limiter à vérifier la conformité de la demande en autorisation d’une part par rapport au plan d’aménagement général et d’autre part par rapport au règlement sur les bâtisses et il commettrait un abus de pouvoir s’il basait sa décision sur d’autres considérations, fussent-
elles tirées d’autres législations15.
Il s’ensuit que le bourgmestre, à l’occasion de la délivrance d’une autorisation de construire, ne doit prendre en considération que les prescriptions administratives16 alors qu’il ne lui appartient pas de prendre en compte des considérations d’intérêt privé de voisins17 sans commettre un excès de pouvoir18.
Le bourgmestre dès lors permet de bâtir en se prononçant uniquement du point de vue administratif, la conception et la réception de l’immeuble, les responsabilités pénale et civile, les litiges sur le droit de propriété restant l’affaire des constructeurs19.
Cette conclusion se dégage encore du fait que le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers : les droits généralement quelconques des tiers étant réservés, il leur appartient de les faire valoir devant le juge compétent, à savoir les juridictions civiles20.
Ainsi, le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de bâtir, constate dans la forme passive d’une autorisation que la réalisation du projet est permise. Cet acte d’administration ne peut avoir pour l’administration aucune conséquence civile : si le bâtisseur construit sur le bien d’autrui, ou si le bien est grevé de servitudes civiles, la demande est néanmoins accueillie, parce que l’administration ignore le point de droit civil et qu’elle ne prend aucune responsabilité technique21.
Cette conclusion a été consacrée par le législateur en l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, aux termes duquel « Toute construction, transformation ou démolition d’un bâtiment est soumise à l’autorisation du bourgmestre. L’autorisation de construire n’est accordée que si les travaux sont conformes soit au plan ou au projet d’aménagement général et le cas échéant au plan ou 14 Voir trib. adm. 2 février 2004, n° 14800 et 16729, confirmé par arrêt du 23 septembre 2004, n° 17704C ; trib.
adm. 15 décembre 2004, n° 17971 du rôle, confirmé par arrêt du 9 juin 2005, n° 19200C, Pas. adm. 2012, V° Urbanisme, n° 543.
15 Trib. adm. 26 janvier 1998, n° 10351, Pas. adm. 2012, V° Urbanisme, n° 555.
16 CE 14 décembre 1972, Bull. doc. comm. n° 13, p.79.
17 CE 14 mars 1928, Pas. 11, 481, CE 27 avril 1932, Pas. 12, p. 458.
18 Voir trib. adm. 14 avril 2005, n° 17935 du rôle, www.ja.etat.lu 19 Wilkin R., Voirie et alignement – urbanisme et constructions, Bruylant, 1964, n° 135, p.283 20 Voir trib. adm. 18 février 2004, n° 16832, www.ja.etat.lu ; trib. adm., 10 juin 2009, n° 25016, www.ja.etat.lu 21 Wilkin R., op. cit., p.283.
au projet d’aménagement particulier, voire au plan ou au projet de lotissement, de relotissement ou de morcellement, parties graphique et écrite.
Le bourgmestre n’accorde aucune autorisation de construire tant que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée ne sont pas achevés, sauf si l’exécution et les délais d’achèvement de ces travaux, la participation aux frais et les termes de paiement sont réglés par une convention spéciale, sur la base des principes arrêtés par l’article 36 ».
Dès lors, le bourgmestre doit accorder l’autorisation de construire lorsque le projet de construction est entièrement conforme aux plans d’aménagement communaux et que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité du projet sont achevés22.
Dès lors, la question de savoir si la construction litigieuse a créé ou non une vue directe illégale sur la propriété du demandeur est sans pertinence, étant donné que cette circonstance ne saurait affecter la légalité de la décision administrative déférée.
Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur serait en tout état de cause, indépendamment de son irrecevabilité pour cause de tardiveté, à rejeter comme n’étant pas fondé.
Le demandeur sollicite la condamnation tant de l’administration communale que Madame … à lui payer chaque fois une indemnité de procédure de 2.000.- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qui, au vu de l’issue du litige, est à rejeter.
L’administration communale, de son côté, sollicite la condamnation de Monsieur … à un montant de 3.000.- euros, tandis que Madame … demande la condamnation du demandeur à un montant de 1.500.- euros, en soulignant toutes les deux l’attitude du demandeur, qui a attendu l’achèvement du chantier pour introduire un recours en annulation contre l’autorisation de construire et a avancé des moyens nullement fondés en droit, et plus particulièrement sans fournir la moindre argumentation ayant trait à une quelconque violation d’une disposition légale ou réglementaire en la matière.
Au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment en raison de la légèreté blâmable avec laquelle le demandeur a introduit son recours - légèreté résultant, outre de sa tardiveté manifeste, de l’absence de toute aggravation particulière de sa situation, et de l’absence de tout moyen sérieux - , de son issue, du fait que tant l’administration communale que Madame … ont été obligés de se pourvoir en justice sous l’assistance d’un avocat et ont été obligés de déposer de nombreux actes de procédure, le tribunal retient qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des parties défenderesse et tiers-intéressée l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.
Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et du degré de difficulté de l’affaire ainsi que des montants réclamés, et au vu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions 22 Projet de loi 44863 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, session ordinaire 2002-
2003, Amendements gouvernementaux, Commentaire des articles, ad. art .37. ; voir aussi notamment trib. adm.
6 octobre 2010, n° 25782 ; 25786 à 25788), confirmés par arrêts du 22 mars 2011, 27480C à 27483C.
administratives, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer chaque fois aux parties défenderesse et tiers-intéressée un montant de 750 euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours en annulation irrecevable pour cause de tardiveté, rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur, le condamne en revanche à payer une indemnité de procédure d’un montant de 750.-
euros tant à l’administration communale de Kopstal qu’à Madame … ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2014 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
Schmit Sünnen 10