Tribunal administratif N° 34500 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mai 2014 3e chambre Audience publique extraordinaire du 7 juillet 2014 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34500 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2014 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), et de son épouse Madame …, née le … à …, agissant tant en leur nom propre qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs, …, née le … à … et …, né le … à …, tous de nationalité monténégrine et demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 18 avril 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du même ministre portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Catherine Wagener, en remplacement de Maître Franck Wies, et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 juin 2014.
Le 30 janvier 2014, Monsieur … et de son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations des consorts … sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Monsieur … fut entendu en date des 5 février et 19 mars 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Madame … fut entendue en date des 5 février et 20 et 21 mars 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale A cette occasion, Monsieur …, déclarant être de nationalité monténégrine et appartenir à l’ethnie bosniaque, exposa qu’il aurait travaillé en tant que policier pendant dix ans, mais qu’il aurait été licencié sans raison valable en août 2009. Cependant, il déclara soupçonner que son licenciement serait lié à son origine bosniaque. En effet, durant son service, son commandant l’aurait maltraité en lui ordonnant de surveiller un quartier, mais qu’en fait la surveillance se serait limitée à la circulation dans une seule rue, c'est-à-dire de circuler en cercle d’un diamètre d’une vingtaine de mètres seulement. Le demandeur indiqua qu’il serait un agent de sécurité qualifié, mais que son commandant aurait préféré embaucher son frère, un serveur qui n’aurait même pas de formation policière.
Malgré ses tentatives de trouver un nouvel emploi, il se serait toujours vu confronté à des refus.
Le demandeur indiqua en outre que lors des élections, il aurait été obligé de voter pour le parti au pouvoir, en l’occurrence le parti démocratique « The Socialists » et qu’il aurait dû convaincre les autres citoyens de voter pour ce parti sous peine d’être licencié. Tous les autres policiers embauchés sur base d’un contrat à durée déterminée auraient été dans la même situation, mais plus particulièrement les policiers d’origine bosniaque. Au moment des élections de 2013, il aurait reçu la promesse d’être à nouveau embauché, mais cette promesse n’aurait pas été tenue.
Le demandeur relata par ailleurs, qu’après son licenciement il aurait été menacé et agressé, ainsi sa maison aurait été attaquée à deux reprises ce qu’il aurait signalé à la police et il aurait reçu des menaces par messages succincts tous les deux ou trois mois. Le demandeur suppose que ces menaces proviendraient de policiers ou de personnes travaillant avec lei car pendant son service, il aurait vu des collèges enfreindre la loi. En janvier 2014, sa maison aurait été attaquée pour la deuxième fois et les fenêtres auraient été cassées. Il aurait appelé la police, mais elle n’aurait pas voulu lui donner le rapport qu’elle aurait dressé.
Madame … indiqua qu’après le licenciement de son mari en août 2009, elle aurait été maltraitée psychiquement par des personnes inconnues. Ainsi, ses problèmes auraient commencé en mars 2010 quand elle aurait été à la mer avec ses enfants. Le troisième jour de son séjour, le propriétaire de la maison qu’elle aurait loué, aurait voulu les chasser dans la mesure où pendant la nuit trois personnes auraient circulé autours de la maison, de sorte qu’ils auraient cru qu’elle serait une personne recherchée. Bien qu’elle aurait pu le convaincre qu’elle n’est pas une criminelle, cette situation lui aurait causé du stress. Par ailleurs, elle aurait été provoquée sur son lieu de travail quand des personnes inconnues auraient jeté des canettes sur la vitrine. Une autre fois, elle aurait cultivé des fleurs et un matin les fleurs auraient été abimées. Elle relate encore qu’un homme inconnu aurait approché sa fille sur le chemin de l’école pour lui demander où se trouverait son père. Puis, un jour au travail, un de ses clients serait parti avec ses achats sans payer. Elle aurait alors eu envie de quitter son travail, mais son patron l’aurait récompensé en lui accordant quinze jours de congé. Enfin, en janvier 2014 quelqu’un aurait cassé les vitres de la porte d’entrée de la maison.
Par décisions du 18 avril 2014, notifiées aux intéressés par une lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 20, paragraphe (1) sous a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leur demande avait été refusée comme non fondée tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination du Monténégro ou de tout autre pays dans lequel ils seraient autorisés à séjourner.
La décision du ministre est tout d’abord motivée par la considération que selon les dispositions de l’article 1er du règlement grand-ducal modifiée du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûr au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006, ci-après désignée par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », les consorts … proviendraient d’un pays d’origine sûr, c’est-à-dire un pays dans lequel il n’existerait généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre releva ensuite que les raisons ayant amené le demandeur à quitter son pays d’origine ne seraient pas motivées par un des critères de fond définis dans la Convention de Genève respectivement la loi du 5 mai 2006.
S’agissant plus particulièrement de son licenciement, le ministre conclut que le demandeur resterait en défaut de produire un élément de preuve quelconque pouvant corroborer son allégation qu’il aurait été licencié en raison de son origine ethnique.
Quant à la maltraitance qu’il allègue avoir subi de la part de son commandant pendant son service ainsi que le fait que les policiers appartenant à l’ethnie bosniaque auraient subi de la pressions pour qu’ils votent pour le parti au pouvoir, ils ne seraient pas d’une gravité suffisante pour être qualifié de persécution au sens de la Convention de Genève.
Au sujet des menaces que les demandeurs auraient subies et des attaques contre leur maison, le ministre les qualifia de délits de droit commun, commis par des personnes privées, du ressort des autorités de leur pays d’origine et punissables en vertu de la législation monténégrine.
Par ailleurs, le ministre releva que les demandeurs n’auraient pas signalé ces menaces à la police, de sorte que les auteurs de ces actes ne sauraient être qualifiés d’acteurs de persécutions au sens de l’article 29 de la loi du 5 mai 2006. Le ministre conclut finalement que les demandeurs auraient pu bénéficier d’une fuite interne, de sorte qu’ils n’établiraient pas une crainte fondée d’être persécutés dans leur pays d’origine. Le ministre conclut par ailleurs que les actes invoqués ne seraient pas davantage de nature à établir l’existence d’un risque de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et, par conséquent, à ouvrir droit au bénéfice de la protection subsidiaire.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2014, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 18 avril 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Quant aux faits, les demandeurs relèvent que Monsieur … aurait travaillé pendant dix ans comme policier sur base d’un contrat de travail à durée déterminée renouvelable tous les six mois, mais qu’en août 2009, il aurait été licencié du fait de son appartenance à l’ethnie bosniaque, sans que les raisons pour lesquelles son contrat n’a pas été renouvelé ne lui aient été communiquées. Par ailleurs, il aurait régulièrement été maltraité par son commandant. En effet, celui-ci l’aurait obligé à passer heures huit de travail dans la même rue. Il aurait également été témoin de nombreuses infractions dont les auteurs auraient été ses collègues, mais il aurait refusé d’y participer. Notamment, il aurait vu ses collègues collaborer avec des trafiquants de voitures volées. En outre, lors de chaque élection les demandeurs auraient été obligés de voter pour le parti au pouvoir et qu’ils auraient dû convaincre les autres citoyens de voter pour le même parti. En contrepartie, on lui aurait promis de renouveler son contrat de travail. Cependant, en 2013, quand Monsieur … aurait été sans emploi, des membres du parti au pouvoir lui auraient promis de le réembaucher s’il continuait à voter pour eux, or, cette promesse n’aurait jamais été tenue.
En 2009, leur maison aurait été attaquée et une pierre aurait été jetée sur leur maison. Cet incident aurait été déclaré à la police monténégrine. A partir de cette agression, Monsieur … aurait reçu des menaces par messages succincts provenant de numéros de téléphone inconnus, mais il aurait directement soupçonné que ces menaces provenaient d’autres agents de police ou des personnes qui auraient collaboré avec eux, étant donné qu’il les aurait observés enfreindre la loi. Par peur de voir ces menaces mises à exécution et craignant pour sa famille, il n’aurait jamais dénoncé ces menaces. En avril 2014, leur maison aurait été attaquée une deuxième fois, fait qu’ils auraient également dénoncé à la police.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 18 avril 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit contre la décision du ministre déférée.
Le recours est encore recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai de la loi.
A l’appui de leur recours, les demandeurs estiment de prime abord que ce serait à tort que le ministre ait retenu qu’ils tomberaient dans le champ d’application de l’article 20, paragraphe (1), a) de la loi du 5 mai 2006 dans la mesure où ils auraient été menacé et leur maison aurait été attaquée à deux reprises. Ils ajoutent que si ces faits pouvaient certes à première vue être considérés comme des litiges de droit commun punissables d’après la loi monténégrine, il n’en resterait pas moins que Monsieur … aurait été licencié en raison de son origine ethnique et de sa confession religieuse et que les menaces émaneraient probablement de ses anciens collègues qui ne voudraient pas qu’il dénonce leur trafic de voitures volées. Ils donnent à cet égard encore à considérer qu’ils auraient dénoncé les attaques sur leur maison, mais que les forces de police ne seraient pas intervenues. Si le demandeur n’avait pas dénoncé les menaces dont il avait été victime, la raison se trouverait dans le fait qu’il aurait craint que celles-ci soient mises en exécution.
Quant à la motivation de la décision déférée qualifiant le Monténégro comme pays d’origine sûr au sens de l’article 20, paragraphe (1), c) de la loi du 5 mai 2006, les demandeurs font valoir que le ministre n’aurait pas tenu compte des raisons valables invoquées par eux permettant de renverser la présomption que leur pays d’origine est un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle. En effet, ils auraient clairement été victimes de persécutions et d’atteintes graves pour lesquelles aucune protection adéquate ne leur aurait été accordée et qui ne pourrait pas leur être accordée.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait statué à juste titre sur leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et conclut partant au rejet de ce volet de la requête introductive d’instance.
Tel que relevé ci-avant, la décision ministérielle déférée est fondée sur les dispositions des points a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 aux termes desquelles « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;
b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;
[…] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20, paragraphe (1) sous a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande, soit s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ou, encore, si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 de vérifier, sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application du prédit article afin de décider de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.
Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 a désigné le Monténégro comme pays d’origine sûr.
Il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que le demandeur à la nationalité monténégrine et qu’il a habité le Monténégro avant de rejoindre le Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.
Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale des consorts …, a conclu qu’ils proviennent d’un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, tel que relevé ci-avant, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20, paragraphe (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si les demandeurs lui soumettent, conformément à l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser que le Monténégro n’est pas à qualifier de pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.
Or, l'analyse de la situation décrite par les demandeurs lors de leurs auditions respectives ainsi que les explications complémentaires invoquées dans le cadre du présent recours ne permettent pas au tribunal d'en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption en ce qui les concerne et pour conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle sous analyse.
En effet, force est au tribunal de constater que les demandeurs ont fait appel à la police uniquement pour les incidents en relation avec l’agression sur leur maison. S’il est le cas échéant compréhensible que dans la mesure où les demandeurs soupçonnent que des anciens collègues de Monsieur … sont les auteurs des menaces, ils n’ont pas voulu porter plainte auprès du commissariat au sein duquel les anciens collègues travaillent, il leur aurait néanmoins appartenu de rechercher la protection des autorités de leur pays d’origine auprès d’un autre commissariat, voire d’instances supérieures susceptibles d’intervenir en leur faveur. Il en est de même en ce qui concerne le fait que le contrat à durée déterminée de Monsieur … n’a pas été prolongé et en ce qui concerne l’inaction de la police mise en avant par les demandeurs par rapport aux incidents lors desquels des fenêtres de leur maison auraient été brisées.
Or, à défaut d’avoir fait appel à la protection des autorités de leur pays d’origine, le tribunal est amené à conclure que les demandeurs n’ont pas fourni d’élément de nature à renverser la présomption établie par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 selon laquelle le Monténégro est à considérer comme pays d’origine sûr, et plus particulièrement que le Monténégro ne prévoit pas un système de recours efficaces contre les violations des droits et libertés fondamentaux, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a pu statuer sur leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée prévue par l’article 20, paragraphe (1) c) de la loi dus 5 mai 2006.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 18 avril 2014 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demande de protection internationale déclarée non fondée, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre cette décision ministérielle.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance, les demandeurs font valoir que les faits invoqués auraient été motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point d) de la loi du 5 mai 2006 et plus particulièrement parce qu’ils craignent d’être persécutés en raison de leur appartenance à l’ethnie bosniaque. Il résulterait par ailleurs d’un rapport du « United States Department Of State » du 27 février 2014 intitulé « 2013 Country Reports on Human Rights Practices – Monténégro » que les minorités au Monténégro feraient encore régulièrement l’objet de discriminations, d’intimidations de tout genre ainsi que de persécutions. Les demandeurs reprochent ainsi au ministre de ne pas avoir tenu compte de leur situation personnelle au regard de leur appartenance à l’ethnie bosniaque et des discriminations et des pratiques dont ils auraient été victimes.
Ce serait encore à tort que le ministre a conclu qu’il ne serait pas établi que les autorités de leur pays d’origine ne voudraient ou ne pourraient pas leur offrir une protection adéquate. En effet, ils auraient dénoncé les attaques perpétrées contre leur maison sans qu’une suite n’ait été donnée à cette plainte. Ils donnent encore à considérer qu’ils n’auraient pas porté plainte pour les menaces reçues par messages succincts dans la mesure où ils auraient soupçonné les anciens collègues de travail de Monsieur … d’être les auteurs de ces messages succincts. Finalement, quant à la possibilité d’une fuite interne invoquée par le ministre, les demandeurs font valoir qu’il ne leur appartenait pas à prouver positivement qu’une telle fuite interne ne serait pas possible, mais que la charge de la preuve reposerait sur le ministre.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut partant au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Il convient de relever qu’aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 :
« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » L’article 31, paragraphe (2) précise que : « Les actes de persécution, au sens du paragraphe (1), peuvent notamment prendre les formes suivantes :
a) violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles ; » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection conte les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier d’acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que des persécutions antérieures d’ores et déjà subies se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que c’est à bon droit que le ministre a refusé de leur accorder le statut de réfugié.
Force est en effet au tribunal de constater qu’indépendamment de la question de savoir si les actes invoqués par les demandeurs tombent dans le champ d’application de la Convention de Genève et si leur gravité est telle qu’ils puissent être qualifiés de persécutions au sens de l’article 31 de la loi du 5 mai 2006, le tribunal vient de retenir dans le cadre de l’analyse du recours en annulation contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée qu’il ne ressort pas des éléments lui soumis que les autorités du pays d’origine des demandeurs ne voudraient ou ne pourraient pas leur accorder une protection adéquate, de sorte que les auteurs, qui sont à qualifier de personnes privées, ne sauraient être qualifiés comme acteurs de persécutions au sens des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006.
Par voie de conséquence, le tribunal est amené à conclure que la crainte de persécutions avancée par les demandeurs n’est pas fondée, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 f), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
A l’appui de leur demande en obtention du bénéfice de la protection subsidiaire, les demandeurs se basent en substance sur les mêmes faits et arguments avancés dans le cadre de leur demande en obtention du statut de réfugié.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que c’est à bon droit qu’il lui aurait refusé le bénéfice du statut de la protection subsidiaire.
Or, tel que relevé ci-avant dans le cadre de l’analyse de la demande en obtention du statut de réfugié, le tribunal vient de retenir que les demandeurs ne lui ont pas soumis d’éléments suffisants afin de conclure que les autorités de leur pays d’origine ne pourraient ou ne voudraient pas leur accorder une protection adéquate, de sorte que les auteurs de ces actes ne sauraient être qualifiés d’acteurs d’atteinte grave.
C’est dès lors à juste titre que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs la protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 18 avril 2014 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 18 avril 2014 a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance les demandeurs font valoir qu’au regard de la décision à intervenir dans le cadre du recours en réformation il y aurait lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire. Par ailleurs, cette décision serait contraire à l’article 129 de la loi du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », étant donné qu’un retour au Monténégro serait suivi de traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des demandeurs et que, par conséquent, un retour dans son pays d’origine ne l’expose ni à des persécutions, ni à des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, il a également pu valablement assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Quant aux reproches que les demandeurs seraient exposés dans leur pays d’origine à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, force est au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 […] ».
L’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) prévoit que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Si l’article 3 de la CEDH, auquel renvoie l’article 129 précité, fait obstacle à ce qu’une mesure d’éloignement soit prise à l’encontre de non-nationaux lorsqu’il est établi qu’il existe pour eux un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants dans le pays de renvoi, encore faut-il que le risque concerne des souffrances physiques ou mentales présentant une certaine intensité.
En effet, si une mesure d’éloignement, tel qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé aux demandeurs pour quitter le Luxembourg, relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risque de porter atteinte aux droits inscrits à son article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la Convention d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.
Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat de destination. La Cour européenne des droits de l’homme recherche donc s’il existe un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.
Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.
Or, en ce qui concerne précisément les risques invoqués par les demandeurs en cas de retour au Monténégro, le tribunal a conclu ci-avant à l’existence d’une possibilité de protection suffisante de la part des autorités de son pays d’origine, de sorte que le tribunal ne saurait se départir, à ce niveau-ci de son analyse, de cette conclusion.
Par suite, le tribunal est amené à conclure à l’absence de motif sérieux et avéré de penser que la décision du ministre ordonnant aux demandeurs de quitter le territoire luxembourgeois à destination du Monténégro l’expose aux traitements prohibés par l’article 3 de la CEDH.
A défaut d’autres moyens soulevés par les demandeurs, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à leur égard.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 18 avril 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 18 avril 2014 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 18 avril 2014 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Hélène Steichen, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 7 juillet 2014, à 14.00 heures, par le vice-
président, en présence du greffier Goreti Pinto.
Goreti Pinto Claude Fellens 14