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04/07/2014 | LUXEMBOURG | N°34768

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2014, 34768


Tribunal administratif Numéro 34768 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2014 3e chambre Audience publique extraordinaire du 4 juillet 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34768 du rôle et déposée le 26 juin 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tinti, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, n...

Tribunal administratif Numéro 34768 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2014 3e chambre Audience publique extraordinaire du 4 juillet 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34768 du rôle et déposée le 26 juin 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Cap-Vert), de nationalité capverdienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d'une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 23 avril 2014 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2014 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2014 par Maître Louis Tinti pour le compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley Freyermuth, en remplacement de Maître Louis Tinti, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 juillet 2014.

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Le 10 avril 2014, Monsieur … fut interpellé par la Police grand-ducale lors d’un contrôle d’identité dans la rue Joseph Jung à Luxembourg-ville, alors qu’il ne disposait d’aucun document d’identité, mais il déclara disposer d’un passeport du Cap-Vert.

Le 11 avril 2014, Monsieur … se présenta à la police pour remettre son passeport, contenant un visa pour le Portugal expiré depuis le 25 février 2011.

Par un arrêté du 23 avril 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », prit une décision de retour à l’encontre de Monsieur … et une interdiction du territoire pour une durée de trois ans.

Par un arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois. Ladite décision, notifiée à l’intéressé le 18 juin 2014, est basée sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport n… du 11 avril 2014 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 23 avril comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de 3 ans ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu que l’intéressé s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ;

Attendu que l’intéressé ne s’est pas présenté à la Direction de l’Immigration comme indiqué dans le rapport de la Police grand-ducale susmentionné ;

Attendu que l’intéressé évite la procédure d’éloignement ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] » Par requête déposée le 26 juin 2014 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre la décision précitée du 23 avril 2014 ordonnant son placement en rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce.

Le recours en réformation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur déclare avoir fait l’objet au mois d’avril 2014 d’un contrôle policier lors duquel il ne pouvait présenter un document d’identité, ni un titre légitimant son séjour au Luxembourg. Sur demande afférente des agents de police, il aurait apporté le lendemain son passeport à la police, qui lui aurait déclaré que le passeport serait transmis au ministère des Affaires étrangères auquel il devrait se rendre prochainement. A cette fin, un rendez-vous lui aurait été donné. Dans ce contexte, il se serait présenté auprès du ministère des Affaires étrangères au courant du mois de mai. Les autorités ministérielles l’auraient alors informé qu’il devait retourner auprès de la police ce qu’il aurait fait sans délai.

L’officier de police l’aurait cependant invité à son tour d’attendre qu’un courrier lui soit transmis par l’autorité ministérielle.

A défaut de recevoir un tel courrier, il se serait dirigé vers l’association ASTI qui, après diverses démarches téléphoniques, l’aurait invité à se présenter auprès du poste de police de Hamm.

Au moment de se rendre auprès de la police, celle-ci aurait procédé à son « arrestation » suivie de son placement en rétention.

En droit, le demandeur reproche à l’autorité ministérielle un manquement à son obligation de loyauté en tant que principe général du droit, dans la mesure où lui-même aurait parfaitement collaboré en faisant parvenir à l’autorité administrative son passeport et en se présentant auprès de ses services au courant du mois de mai 2014 afin de satisfaire aux instructions lui données par la police. Ce serait en violation du principe de loyauté que l’autorité ministérielle aurait procédé à son placement en rétention à l’occasion de son déplacement auprès du commissariat de police de Hamm, bien que ce déplacement s’inscrive dans la continuité des démarches entreprises par lui et qui auraient vocation à clarifier sa situation administrative.

Subsidiairement, le demandeur conteste tout danger de fuite dans son chef de nature à justifier son placement en rétention. Ne contestant pas l’illégalité de son séjour, il soutient que la présomption du danger de fuite inscrite à l’article 111 de la loi du 29 août 2008 serait renversée en l’espèce à suffisance au regard de sa collaboration avec l’autorité ministérielle manifestée plus particulièrement par la remise de son passeport. Rien ne permettrait par ailleurs de considérer que s’il lui avait été demandé de rentrer volontairement dans son pays d’origine, il n’aurait pas procédé en ce sens.

Troisièmement, le demandeur invoque une violation du principe de proportionnalité entre le but poursuivi par l’autorité administrative et les moyens utilisés. A cet égard, il soutient que, d’une part, l’autorité administrative ne pourrait avoir recours à une mesure de placement en rétention que pour autant que des mesures moins coercitives ne suffiraient pas pour atteindre l’objectif légitimement poursuivi, et, d’autre part, que le ministre doit entreprendre toutes les mesures relevant de sa compétence pour écourter au maximum l’atteinte à sa liberté.

Il donne encore à considérer qu’il n’aurait jamais troublé l’ordre public et qu’il n’aurait jamais affiché un refus de rentrer dans son pays d’origine.

Enfin, le demandeur conteste que l’autorité administrative ait entrepris avec la diligence requise toutes les démarches utiles afin de réaliser dans les plus brefs délais son éloignement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il fait valoir que le demandeur se serait trouvé en situation irrégulière au Luxembourg tout en précisant que le visa portugais figurant dans son passeport aurait expiré depuis le 25 févier 2011, de sorte qu’il se trouverait au Luxembourg de façon irrégulière depuis cette date.

Par rapport au reproche d’un manquement à l’obligation de loyauté, le délégué du gouvernement fait valoir que bien qu’il ait été invité de se présenter à la direction de l’immigration la semaine du 14 avril 2014, le demandeur ne se serait pas présenté endéans ce délai. Par conséquent, le ministre aurait préparé l’arrêté de placement en rétention ainsi que la décision de retour le 23 avril 2014. Ces décisions auraient été notifiées le 18 juin 2014 quand le demandeur s’était présenté aux autorités. Le délégué du gouvernement donne encore à considérer que dans la mesure où le demandeur se trouverait en situation irrégulière depuis presque deux ans et demi, on ne pourrait parler d’un oubli ou d’un délai légèrement dépassé puisque le demandeur aurait disposé de suffisamment de temps pour régulariser sa situation.

Pareillement, dans la mesure où il n’aurait pas récupéré son passeport auprès des autorités, le délégué du gouvernement met en doute sa volonté de retourner volontairement au Cap Vert, tout en soulignant qu’il n’appartiendrait pas au ministre de proposer un retour volontaire, et qu’un refus de retour volontaire ne figurerait pas parmi les conditions de l’article 111 de la loi du 29 août 2008.

S’agissant du risque de fuite, le délégué du gouvernement donne à considérer que ce risque ne couvrirait pas seulement le fait que la personne concernée tente de quitter le pays, mais aussi le fait qu’elle se soustrait aux mesures prises en vue de son éloignement, le cas échéant, en se cachant et en retournant dans la clandestinité.

Enfin, le délégué du gouvernement souligne que le ministre aurait chargé la police de procéder au rapatriement du demandeur dès le 18 juin 2014.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait état d’une attestation testimoniale qui confirmerait qu’au début du mois de mai il se serait présenté auprès des autorités ministérielles.

Le demandeur déclare qu’à cette occasion il aurait dû remettre aux autorités ministérielles un document renseignant son adresse au Luxembourg, à savoir celle de son oncle. Il précise qu’il y résiderait depuis octobre-novembre 2013, date depuis laquelle il se trouverait au Luxembourg. Il souligne qu’à cette même occasion, il aurait exprimé sa volonté de régulariser sa situation.

Il en déduit que le 18 juin 2014, au moment de la notification de la mesure de placement, les autorités ministérielles auraient été informées qu’il avait volontairement remis son passeport et qu’il avait accentué sa collaboration en se présentant auprès de cette autorité ministérielle pour discuter de sa situation administrative.

Dans ce contexte, le demandeur souligne encore que la motivation à la base de la mesure de placement ne correspondrait pas à la réalité puisqu’il se serait présenté à la direction de l’immigration. Il donne à considérer que l’autorité administrative ne rapporterait pas la preuve de disposer d’éléments laissant fortement supposer dans son chef une volonté d’empêcher son éloignement.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] » En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. […] » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il n’est pas contesté que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, de sorte qu’en vertu de l’article 111 (3) c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé, plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement s’il se maintient sur le territoire au-delà de la durée de son visa, respectivement au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement. Si les parties sont en désaccord sur la durée du séjour irrégulier, la partie étatique affirmant que tel serait le cas depuis le 25 février 2011, tandis que le demandeur soutient que tel ne serait le cas que depuis octobre ou novembre 2013, ce désaccord n’affecte pas la légalité de la décision, puisqu’en toute hypothèse, le constat de l’illégalité du séjour au Luxembourg au moment où le ministre a pris sa décision se trouve vérifié.

S’agissant du premier moyen fondé sur une violation d’une obligation de loyauté par le ministre, le tribunal est amené à retenir qu’une mesure de placement peut être ordonnée du moment que les conditions légales en sont remplies et qu’un éventuel manquement à une obligation de loyauté de l’autorité administrative n’est susceptible d’emporter, le cas échéant, l’illégalité de la décision de placement en rétention que pour autant que l’administration ait violé le principe de confiance légitime qui tend à ce que les règles juridiques ainsi que l’action administrative soient empreintes de clarté et de prévisibilité, de manière à ce qu’un administré puisse s’attendre à un comportement cohérent et constant de la part de l’administration dans l’application d’un même texte de loi ou règlement. Or, en l’espèce, il ne se dégage pas des éléments du dossier que l’administration ait reconnu des droits au demandeur qui seraient susceptibles de fonder les reproches actuellement soulevés par lui. Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation d’une obligation de loyauté, pris de manière autonome est rejeté comme étant non fondé.

En revanche, l’argumentation afférente du demandeur, qui en substance est fondée sur l’allégation d’une bonne collaboration de sa part, est susceptible d’être prise en compte au niveau de l’appréciation de la condition tenant à l’existence d’un risque de fuite.

En l’espèce, il se dégage du procès-verbal n° … de la police du 11 avril 2014, que le demandeur a fait l’objet d’un contrôle d’identité à Luxembourg-Gare, qu’à ce moment-là il ne pouvait présenter un document d’identité et que le lendemain, sur invitation afférente de la police, il s’est présenté à la police pour remettre un passeport du Cap Vert, contenant un visa valable au Portugal du 29 octobre 2010 jusqu’au 25 février 2011. Il ressort du même procès-

verbal de police que le demandeur a été invité à se présenter au courant de la semaine suivante auprès du ministère des Affaires étrangères, à savoir au courant de la semaine du 14 avril 2014.

Or, il ne se dégage pas des éléments du dossier que le demandeur se soit présenté au courant de la semaine en question auprès du ministère des Affaires étrangères, étant relevé que le demandeur a déclaré lui-même qu’il ne l’aurait fait qu’au début du mois de mai.

Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir qu’aucun reproche ne peut être fait au ministre d’avoir pris le 23 avril 2014, premier jour de la semaine suivant celle au cours de laquelle le demandeur aurait dû se présenter auprès du ministère, une décision de placement en rétention, plus particulièrement en retenant l’existence d’un risque de fuite, par référence entre autre au constat que le demandeur n’a pas donné de suite à l’invitation lui donnée, et par ailleurs, la réalité de la motivation contenue dans l’arrêté de placement, que le demandeur a mise en doute, se trouve vérifiée.

S’il est vrai que le demandeur a montré une volonté de collaboration puisqu’il s’est présenté le lendemain de son contrôle à la police pour y remettre son passeport et qu’il s’est encore présenté au mois de mai 2014 auprès du ministère des Affaires étrangères et qu’enfin, le 18 juin 2014, il s’est présenté à la police, ces éléments sont néanmoins insuffisants pour en déduire nécessairement que la présomption d’un risque de fuite soit renversée. A cet égard, le tribunal est de prime abord amené à relever que le demandeur ne s’est pas présenté, contrairement à l’invitation lui donnée par la police le 11 avril 2014, au courant de la semaine du 14 avril 2014, mais il ne l’a fait qu’au début du mois de mai 2014. D’autre part, le demandeur s’est maintenu en connaissance de cause sur le territoire luxembourgeois en séjour irrégulier, sans entreprendre une quelconque démarche concrète en vue de régulariser sa situation, étant relevé qu’une simple présentation au ministre des Affaires étrangères en mai 2014 dans des conditions non autrement clarifiées puisque l’attestation testimoniale versée par le demandeur à cet égard reste essentiellement vague, est insuffisante à cet égard. La circonstance que le demandeur n’ait pas formellement refusé de retourner volontairement dans son pays d’origine n’est en toute hypothèse pas de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite, la situation irrégulière à elle seule étant suffisante pour que le demandeur soit obligé de retourner volontairement dans son pays d’origine. Force est par ailleurs au tribunal de constater que si le demandeur a certes indiqué dans son mémoire en réplique une adresse à laquelle il aurait résidé, cette indication qui n’est pas corroborée d’éléments laissant supposer que le demandeur se présentera à cette adresse au moment de l’exécution de son éloignement, étant donné qu’à part cette indication le demandeur n’a pas soumis à l’appréciation du tribunal aucun élément complémentaire permettant, le cas échéant, de considérer sa situation comme stable, est insuffisante pour renverser la présomption du risque de fuite.

Il s’ensuit que le moyen suivant lequel le demandeur a mis en cause l’existence d’un danger de fuite dans son chef est à rejeter comme étant non fondé.

S’agissant des contestations du demandeur fondées sur le principe de proportionnalité au motif qu’une autre mesure moins coercitive aurait dû être prise, l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, tel que modifié par la loi du 1er juillet 2011, qui régit l’assignation à résidence, dispose ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la même loi] […] ».

Les dispositions précitées des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, l’assignation à résidence est à considérer comme mesure proportionnée bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il est satisfait aux deux exigences posées par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 pour considérer l’assignation à résidence comme mesure suffisante et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si une assignation à résidence n’entre pas en compte au vu des circonstances du cas particulier1.

L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le ministre peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi. Il convient néanmoins de relever qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du demandeur,- présomption simple pouvant être renversée2 -, que celui-ci doit renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

Tel que cela a été retenu ci-avant, le tribunal ne dispose en l’espèce pas de suffisamment d’éléments permettant de renverser la présomption d’un risque de fuite. Tel que cela a été retenu ci-avant, s’il est vrai que le demandeur a indiqué au courant de la présente procédure une adresse 1 cf. Cour adm. 23 décembre 2011, n° 29628C du rôle, pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 695 2 cf. doc. parl. n° 6218, avis du Conseil d’Etat, page 5; rapport de la commission des Affaires Etrangères et Européennes, de la Défense, de la Coopération et de l’Immigration, page 7 à laquelle il aurait résidé avec son oncle, la seule indication d’une adresse, à défaut d’éléments permettant de retenir que le demandeur se présente à l’adresse indiquée, est insuffisante pour retenir l’existence de garanties de représentation suffisantes.

S’agissant de l’argumentation plus générale du demandeur que la mesure de placement serait à qualifier de mesure disproportionnée par rapport au but poursuivi, il convient de relever que la possibilité de placer un étranger en situation illégale dans une structure fermée afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement est expressément prévue par la loi et que le demandeur reste en défaut d’établir que la mesure prise soit disproportionnée par rapport au but poursuivi, à savoir l’organisation de son retour dans son pays d’origine.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation du principe de proportionnalité laisse d’être fondé.

En ce qui concerne les diligences entreprises par l’autorité ministérielle, le tribunal constate que le même jour de la notification de la mesure de placement en rétention, soit le 18 juin 2014, la police judiciaire a été chargée afin d’organiser l’éloignement du demandeur. Il ressort encore des pièces du dossier administratif que le 1er juillet 2014, la police judiciaire a informé le ministre de l’accomplissement de cette mission, en ce sens qu’un vol a été organisé pour le 18 juillet 2014, ainsi qu’une escorte policière pour accompagner le demandeur le jour en question.

Dans ces conditions, c’est à tort que le demandeur reproche à l’autorité ministérielle un défaut de diligences pour organiser son éloignement, étant précisé que les démarches à entreprendre en vue de l’éloignement du demandeur requièrent un minimum de temps.

Enfin, en ce qui concerne l’affirmation du demandeur qu’il n’aurait jamais troublé l’ordre public, le tribunal relève qu’une telle considération ne figure pas parmi les conditions justifiant une mesure de placement en rétention, de sorte que l’argument afférent est à rejeter comme étant non pertinent.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué en cause, le demandeur est à débouter de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Hélène Steichen, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 4 juillet 2014, à 11 :00 heures, par le vice-

président en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 04.07.2014 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 34768
Date de la décision : 04/07/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-07-04;34768 ?

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