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30/06/2014 | LUXEMBOURG | N°33577

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2014, 33577


Tribunal administratif N° 33577 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2013 2e chambre Audience publique du 30 juin 2014 Recours formé par Monsieur ….. et Madame ….., contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33577 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2013 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Maroc...

Tribunal administratif N° 33577 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2013 2e chambre Audience publique du 30 juin 2014 Recours formé par Monsieur ….. et Madame ….., contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33577 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2013 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Maroc), de nationalité marocaine, et de son épouse, Madame ….., née le …. à …. (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant ensemble à …., tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 25 septembre 2013 portant refus d’accorder à Madame ….. une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de pays tiers ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, Maître Tom Luciani en remplacement de Maître Luc Majerus, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 juin 2014.

Monsieur ….. introduisit en date du 11 juin 2013 une demande en renouvellement d’un titre de séjour pour ressortissant de pays tiers en qualité de « travailleur salarié ».

Par courrier du 26 juin 2013, le litismandataire de Madame ….. informa le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », que sa mandante ayant contracté mariage, le 20 juin 2013, par-devant l’officier public de la Ville de Luxembourg avec Monsieur ….. et il introduisait au nom et pour le compte de sa mandante, une demande de regroupement familial sur base des articles 68 et suivants de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 ».

Par lettre du 24 juillet 2013, le ministre invita Monsieur ….. à lui fournir la preuve de ses ressources actuelles, ce dernier ayant versé un relevé du Fonds National de Solidarité suivant lequel il avait perçu le « RMG » au cours de l’année 2012 et au mois de janvier de l’année 2013.

Par courrier du 13 août 2013, le ministre informa Monsieur ….. qu’il était disposé à lui délivrer un titre de séjour de type « vie privée » jusqu’au 26 juin 2014.

Par décision du 25 septembre 2013, le ministre refusa de faire droit à la demande de Madame ….. en vue d’un regroupement familial. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur d'accuser bonne réception de vos courriers qui me sont parvenus le 26 juin 2013 et le 8 juillet 2013 qui reprennent l'objet sous rubrique.

Je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête. En effet, la demande de regroupement familial est irrecevable alors qu'en application de l'article 73, paragraphe (4) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration la demande est introduite et examinée alors que les membres de famille résident à l'extérieur du pays.

Par ailleurs, conformément à l'article 69, paragraphe (1) de loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, le ressortissant de pays tiers qui est titulaire d'un titre de séjour d'une durée de validité d'au moins un an et qui a une perspective fondée d'obtenir un droit de séjour de longue durée et qui séjourne depuis au moins douze mois sur le territoire luxembourgeois, peut demander le regroupement familial des membres de famille définis à l'article 70 s'il rapporte la preuve qu'il dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et ceux des membres de famille qui sont à sa charge, sans recourir au système d'aide sociale et s'il dispose d'un logement approprié pour recevoir le membre de famille.

Or, l'époux de votre mandante Monsieur ….. perçoit une indemnité d'insertion octroyée par le Fonds National de Solidarité et recourt donc au système d'aide sociale.

À titre tout à fait subsidiaire, Madame ….. n'apporte pas de preuve qu'elle remplit les conditions exigées pour entrer dans le bénéfice d'une des catégories d'autorisation de séjour prévues par l'article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.

Par conséquent, l'autorisation de séjour lui est refusée en application des articles 75, point 1. et 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée.

Au vu de la copie du passeport de votre mandante, je constate qu'elle est en possession d'un visa de la catégorie C, valable du 14 février 2013 au 14 août 2013 pour une période de 90 jours.

Conformément à l'article 34 de la loi du 29 août 2008 précitée votre mandante a le droit de séjourner au Luxembourg pour une période allant jusqu'à trois mois sur une période de six mois sur base d'un visa en cours de validité.

Vu que Madame ….. est entrée dans l'espace Schengen en date du 13 février 2013, elle aurait dû quitter le territoire au plus tard le 13 mai 2013.

Par conséquent, étant donné qu'elle ne remplit plus les conditions fixées à l'article 34 de la loi du 29 août 2008 précitée, et qu'elle se maintient sur le territoire au-delà de la durée de trois mois et qu'elle n'est pas en possession d'une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, son séjour est considéré comme irrégulier, conformément à l'article 100, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée.

Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 précitée, elle est obligée de quitter le territoire endéans un délai de trente jours après la notification de la présente, soit à destination du pays dont elle a la nationalité, le Maroc, soit à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel elle est autorisée à séjourner.

À défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et elle sera éloignée par la contrainte.(…) » Par requête déposée le 6 novembre 2013 au greffe du tribunal administratif, Monsieur ….. et Madame ….. ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 25 septembre 2013.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond à l’égard d’une décision rendue en matière d’autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de pays tiers, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse. Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En droit, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir méconnu le paragraphe 5 de l’article 73 de la loi du 29 août 2008 que le législateur aurait introduit « dans un souci d’humanité et afin d’éviter de faire endurer des trajets inutiles et coûteux à des personnes remplissant les conditions en vue d’un regroupement familial mais se trouvant d’ores et déjà au Grand-Duché ». En effet, ils considèrent que ce serait la présence au Luxembourg de la demanderesse suite à son mariage avec le demandeur qui l’aurait empêchée d’introduire sa demande de regroupement familial préalablement à son entrée sur le territoire luxembourgeois. Ils en concluent que le ministre aurait commis un excès de pouvoir conduisant à l’annulation de la décision déférée.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.

Il échet tout d’abord de constater que les dispositions de la loi du 29 août 2008 s’appliquent dans leur version en vigueur au moment de la prise de décision ministérielle sur une demande d’autorisation de séjour indépendamment de la date d’entrée du demandeur sur le territoire luxembourgeois.

Il échet de rappeler que l’article 73 de la loi du 29 août 2008 dispose comme suit :

« (1) La demande en obtention d’une autorisation de séjour en tant que membre de la famille est accompagnée des preuves que le regroupant remplit les conditions fixées et de pièces justificatives prouvant les liens familiaux, ainsi que des copies certifiées conformes des documents de voyage des membres de la famille. (…) (4) La demande est introduite et examinée alors que les membres de la famille résident à l’extérieur du pays.

(5) Le ministre peut, dans des cas exceptionnels dûment motivés, accepter que lors de l’introduction de la demande, les membres de la famille se trouvent déjà sur le territoire luxembourgeois. (…) » Ainsi, une des conditions prévues à l’article précité régissant la demande de regroupement familial est celle suivant laquelle la demande doit être introduite et examinée par les autorités luxembourgeoises alors que le demandeur réside en dehors du territoire luxembourgeois.

Il est constant en l’espèce que la demanderesse est entrée sur le territoire luxembourgeois avec un visa de touriste délivré le 14 février 2013 pour une durée de trois mois et qu’elle s’est maintenue irrégulièrement sur le territoire luxembourgeois depuis le 14 mai 2013, date à laquelle son visa de touriste venait à expirer. Il ne ressort, par ailleurs, pas des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal qu’elle aurait fait état de motifs exceptionnels et dûment motivés au sens visé à l’article 73 (5) de la loi du 29 août 2008 autorisant le ministre à accepter que lors de l’introduction de la demande, elle se soit déjà trouvée sur le territoire luxembourgeois, à l’exception de la circonstance de son projet de mariage avec le demandeur qui ne saurait en tout état de cause être considérée comme un motif exceptionnel au sens dudit article. Partant, le moyen de la demanderesse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que les demandes d’autorisation de séjour en général sont régies par l’article 39 de la loi du 29 août 2008 qui dispose que : « (1) La demande en obtention d’une autorisation de séjour visée à l’article 38, point 1, à l’exception des autorisations régies par les articles 78, paragraphe (3) et 89, doit être introduite par le ressortissant d’un pays tiers auprès du ministre et doit être favorablement avisée avant son entrée sur le territoire. La demande doit sous peine d’irrecevabilité être introduite avant l’entrée sur le territoire du ressortissant d’un pays tiers. (…) ».

L’article 39 de la loi du 29 août 2008 reflète la volonté du législateur d’établir le principe selon lequel « toutes les demandes en obtention d’une autorisation de séjour doivent obligatoirement être introduites avant l’entrée du demandeur sur le territoire luxembourgeois. La modification prévue à l’article 39, paragraphe (1) [entrée en vigueur avec la loi du 1er juillet 2011] vise à rappeler expressément qu’il s’agit d’une condition de recevabilité de la demande. Exceptionnellement, et dans les cas précisés à l’article 39, paragraphes (2) et (3), la demande peut être introduite si le ressortissant se trouve en séjour régulier sur le territoire. La condition du séjour régulier est abolie pour les autorisations de séjour prévues au nouvel article 78, paragraphe (3) et à l’article 89. (…) »1 Il s’ensuit que toute demande en obtention d’une autorisation de séjour, en ce compris toute demande en obtention d’une autorisation de séjour en tant que membre de famille introduite conformément à l’article 73 de la loi du 29 août 2008 dont le demandeur invoque la violation, doit obligatoirement être introduite avant l’entrée du demandeur sur le territoire luxembourgeois tel que le prévoit l’article 39 de la loi du 29 août 2008. Il s’y ajoute que cette demande doit être favorablement avisée par le ministre. L’obligation d’introduire une demande d’autorisation avant l’entrée du demandeur sur le territoire luxembourgeois souffre néanmoins une exception et peut, dès lors être introduite postérieurement à l’entrée du demandeur mais uniquement dans le cas où le demandeur invoque le bénéfice des articles 78 paragraphe (3) ou 89 de la loi du 29 août 2008. En l’espèce, la demanderesse n’a pas invoqué le bénéfice des articles 78 paragraphe (3) ou 89 de la loi du 29 août 2008 de sorte que l’article 39 s’applique exigeant l’introduction de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour en tant que membre de famille conformément à l’article 73 de la loi du 29 août 2008 préalablement à son entrée sur le territoire luxembourgeois, condition qui n’a pas été respectée en la cause.

Les demandeurs font encore état de ce que le ministre aurait violé l’article 69 (1) de la loi du 29 août 2008 au motif que si à la date d’introduction de la demande de regroupement 1 Projet de loi 6218 portant modification de la loi du 29 août 2008, commentaire des articles, p.7 familial, le demandeur ne disposait certes pas de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de famille qui sont à sa charge sans recourir au système d’aide sociale, il n’en resterait pas moins qu’il aurait néanmoins trouvé un emploi rémunéré dans l’intervalle et que le beau-frère de la demanderesse aurait signé un engagement de prise en charge.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

L'article 69 (1) de la loi du 29 août 2008 dispose que « (1) Le ressortissant de pays tiers qui est titulaire d’un titre de séjour d’une durée de validité d’au moins un an et qui a une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour de longue durée et qui séjourne depuis au moins douze mois sur le territoire luxembourgeois, peut demander le regroupement familial des membres de sa famille définis à l’article 70, s’il remplit les conditions suivantes:

1. il rapporte la preuve qu’il dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et ceux des membres de sa famille qui sont à sa charge, sans recourir au système d’aide sociale, conformément aux conditions et modalités prévues par règlement grand-ducal;

2. il dispose d’un logement approprié pour recevoir le ou les membres de sa famille ;

3. il dispose de la couverture d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille. » Il s’ensuit qu’un ressortissant de pays tiers disposant d’un titre de séjour d’une durée de validité d’au moins un an et qui a une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour de longue durée et qui séjourne depuis au moins douze mois sur le territoire luxembourgeois, peut demander le regroupement familial des membres de sa famille définis à l’article 70 de la loi du 29 août 2008, s’il remplit, notamment, la condition de la mise à disposition de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui sont à sa charge, sans recourir au système d’aide sociale, conformément aux conditions et modalités prévues par règlement grand-ducal, en l’espèce, le règlement grand-ducal modifié du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement rejette le moyen tiré de la violation de l’article 69 (1) précité au motif qu’il ressort sans équivoque des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal qu’à la date de l’introduction de la demande de regroupement familial, le demandeur ne disposait pas d’autres sources de revenus que celles du « RMG ». Dès lors qu’il avait recours au système d’aide sociale à cette date-là, il ne peut se prévaloir du prescrit de l’article 69 (1) précité.

Il s’ensuit que le moyen afférent doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Cette conclusion n’est pas énervée par la circonstance que le demandeur fait état, d’une part, de la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée, par ailleurs non daté, aux termes duquel il serait entré en service en date du 20 octobre 2013 pour un salaire mensuel brut de 1921.- euros étant donné que cette situation est postérieure à la date de la prise de décision du ministre, à savoir le 25 septembre 2013 et, d’autre part, de l’engagement de prise en charge par Monsieur ….., beau-frère de la demanderesse, en date du 2 octobre 2013, au motif que cet engagement est également postérieur à la date de la prise de décision du ministre. En effet, le tribunal étant saisi d’un recours en annulation, il lui appartient d’apprécier la légalité de la décision déférée à la date de la prise de ladite décision.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant fondé dans aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 30 juin 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 juin 2014 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 33577
Date de la décision : 30/06/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-06-30;33577 ?

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