Tribunal administratif N° 29886a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2012 Ire chambre Audience publique du 28 mai 2014 Recours formé par Madame …, épouse …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire
JUGEMENT
Revu la requête inscrite sous le numéro 29886 du rôle et déposée le 20 février 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Petit, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 28 novembre 2011 portant retrait de son permis de conduire national ainsi que des permis de conduire internationaux ;
Vu le jugement interlocutoire du tribunal administratif du 12 décembre 2012, n° 29886 du rôle ;
Vu le rapport de l’expert Dr. Marcel Levy, déposé le 15 avril 2013 au greffe du tribunal administratif ;
Vu le mémoire supplémentaire, qualifié erronément de mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2014 par Maître Marc Petit au nom et pour compte de Madame …;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Rabah Larbi, en remplacement de Maître Marc Petit, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 mai 2014.
En date du 30 mai 2006, Madame … introduisit une demande en renouvellement du permis de conduire de la catégorie B, demande à laquelle fut annexé un certificat médical établi le 16 mai 2006 duquel il résulte que Madame … souffre depuis 1995 de diabète.
Depuis, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après dénommé « le ministre », demanda régulièrement à Madame … de lui faire parvenir des analyses de sang, un certificat ophtalmologique respectivement l’avis d’un endocrinologue récents, conformément aux articles 77 et 80 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après dénommé « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 ».
Après avoir reçu un certificat médical établi le 17 juin 2011 par le docteur P.S., médecin spécialiste en ophtalmologie, la commission médicale des permis de conduire, ci-
après dénommé la « Commission médicale », conclut par avis du 3 novembre 2011, qu’il serait établi que Madame … souffre d’infirmité ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire.
Par arrêté du 28 novembre 2011, le ministre, sur base de l’avis de la Commission médicale du 3 novembre 2011 et s’emparant du même motif, retira le permis de conduire à Madame ….
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2012, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de l’arrêté du ministre du 28 novembre 2011, précité.
Par jugement du 12 décembre 2012, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation, pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêté ministériel du 28 novembre 2011, recevable en la forme, et, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits étant réservés, a nommé un expert avec la mission suivante :
« […] d’examiner les capacités visuelles de Madame … et de se prononcer sur la question de savoir si les troubles éventuels dont elle souffre, sont susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire un véhicule automoteur ».
Dans son rapport déposé le 15 avril 2013 au greffe du tribunal administratif, l’expert Dr Marcel Levy a conclu que « […] les chiffres d’acuité visuelle, s’ils sont faibles, sont à relativiser compte tenu de l’observation du fond d’œil de cette patiente qui conserve un bon champ visuel périphérique ; néanmoins ces chiffres ne plaident pas en faveur d’une bonne vision centrale.
La patiente peut se prévaloir de n’avoir jamais fait d’accidents à ce jour, et cela peut être concevable (et vérifiable), puisqu’en Vision Binoculaire elle conserve 4 à 5/10 avec un champ visuel périphérique correct.
Au total : les chiffres d’acuité visuelle objectifs n’autorisent pas la délivrance d’un permis de conduire. Cependant l’indulgence pourrait intervenir en raison de l’excentricité de l’habitation de Madame … , que celle-ci héberge sous son toit un mari qui ne conduit pas et un fils handicapé mental selon ses affirmations, et de l’absence d’accident à ce jour. Un contrôle bi-annuel est recommandé, d’autant que la Rétinopathie Diabétique est, dans son cas, évolutive ».
Dans son mémoire supplémentaire la demanderesse souligne encore une fois n’avoir jamais eu d’accidents de la circulation et n’utiliser sa voiture uniquement en journée et dans le seul but de faire ses courses ou pour amener son fils handicapé occasionnellement sur son lieu de travail. Elle argue être suivie par plusieurs médecins spécialistes dont les prescriptions médicamenteuses et le suivi médical auraient nettement amélioré son état de santé.
Force est de constater que le tribunal administratif n’est appelé à s’écarter de l’avis des experts par lui commis qu’avec une grande prudence, dès lors qu’il a de justes motifs d’admettre que les experts se sont trompés ou lorsque l’erreur de ceux-ci résulte d’ores et déjà soit de leur rapport, soit d’autres éléments acquis en cause.1 Si l’expert relève d’un côté la situation privée difficile de Madame …, qui pourrait d’après lui entraîner le cas échéant une certaine indulgence, il est cependant formel d’un point de vue médical pour retenir que « les chiffres d’acuité visuelle ne plaident pas en faveur d’une bonne vision centrale » et que « les chiffres d’acuité visuelle objectifs n’autorisent pas la délivrance d’un permis de conduire ».
Au vu de la dangerosité potentielle de la conduite, tant pour elle-même que pour les autres usagers des voies publiques, ne fussent-elles empruntées que ponctuellement, clairement dégageable à partir des conclusions médicales de l’expert, le tribunal ne saurait en l’espèce suivre l’argumentation de la demanderesse, encore qu’il entrevoie d’un point de vue purement subjectif l’importance que celle-ci peut attacher à la possibilité de conduire au moins ponctuellement un véhicule.
Le ministre a dès lors légalement pu opérer le retrait du permis de conduire déféré sans commettre ni une violation de la loi, ni une erreur d’appréciation manifeste.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
vidant le jugement interlocutoire du 12 décembre 2012, n° 29886 du rôle ;
au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais, y compris les frais d’expertise.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Laurent Lucas, juge, Olivier Poos, juge, et lu à l’audience publique du 28 mai 2014 par le premier vice-président, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28.5.2014 Le Greffier du Tribunal administratif 1 v. TA 29 septembre 1998, n° 9849a du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 623 et les autres références y citées.