Tribunal administratif Numéro 28077b du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2011 2e chambre Audience publique du 22 mai 2014 Recours formé par la société anonyme ….., contre deux bulletins de cotisation émis par la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg en matière de cotisations professionnelles
JUGEMENT
Revu la requête inscrite sous le numéro 28077 du rôle et déposée le 7 mars 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Steichen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme ….., établie et ayant son siège social à …., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …., représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux bulletins de cotisation émis par la Chambre de Commerce en date du 10 décembre 2010 portant sur les cotisations à payer respectivement pour les années 2007 et 2008 ;
Vu le jugement du tribunal administratif rendu en date du 12 juillet 2012 saisissant avant tout autre progrès en cause la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle ;
Vu l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 mars 2013, inscrit sous le numéro 00079 du registre ;
Vu le jugement du tribunal administratif rendu en date du 27 février 2014 soulevant d’office la question de savoir si la Chambre de commerce a valablement pu se fonder sur les dispositions de la loi du 26 octobre 2010, ainsi que sur ses mesures d’exécution, à savoir le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010, et le règlement de cotisation du 12 novembre 2010, pour établir les bulletins de cotisation rectifiés au titre des années 2007 et 2008 ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé le 24 mars 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Steichen au nom de la société anonyme ….. ;
Vu le mémoire additionnel déposé le 24 avril 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick Kinsch au nom de la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Alain Steichen et Maître Julie Zens, en remplacement de Maître Patrick Kinsch, en leurs plaidoiries complémentaires respectives à l’audience publique du 28 avril 2014.
En date du 5 juillet 2007, la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, ci-après dénommée la « Chambre de Commerce », émit à l’égard de la société anonyme ….., dénommée ci-après la « société demanderesse », un bulletin de cotisation portant sur l’année 2007 d’un montant de … euros et en date du 2 juillet 2008, la Chambre de Commerce émit à l’égard de la société demanderesse le bulletin de cotisation pour l’année 2008 d’un montant de … euros.
En date du 10 décembre 2010, la Chambre de Commerce fit parvenir à la société demanderesse un courrier en annexe duquel elle lui fit parvenir des bulletins dits « supplémentaires » pour les années de cotisation 2007 et 2008, qu’elle déclare avoir redressés sur base d’informations fiscales lui transmises de la part de l’administration des Contributions directes. C’est ainsi qu’en annexe dudit courrier se trouvaient deux bulletins de cotisation émis chacun en date du 10 décembre 2010, pour les années 2007 et 2008 et portant respectivement sur des montants de …. euros et …. euros.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2011, la société demanderesse a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des deux bulletins de cotisation précités émis en date du 10 décembre 2010 au titre des années 2007 et 2008.
Par jugement rendu en date du 12 juillet 2012, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation et a déclaré recevable le recours en annulation. Avant tout progrès en cause, le tribunal saisit la Cour constitutionnelle, par voie préjudicielle de la question suivante : « L’article 16, alinéa 2 de la loi du 26 octobre 2010 portant réorganisation de la Chambre de Commerce, en ce qu’il a entendu accorder à la Chambre de Commerce un pouvoir réglementaire en vue de l’exécution des lois, en attribuant à celle-ci le droit de fixer les modalités de calcul des cotisations par son « règlement de cotisation » est-il conforme aux articles 36, 76, alinéa 2 et 108bis de la Constitution ? ». Le tribunal estima, à ce sujet, que dans la mesure où les bulletins critiqués se basent sur le règlement de cotisation de la Chambre de commerce du 12 novembre 2010 fixant les modalités de calcul des cotisations annuelles à percevoir, publié au Mémorial A n° 215 du 3 décembre 2010, désigné ci-après par « le règlement de cotisation du 12 novembre 2010 », visé à l’article 16, alinéa 2 de la loi du 26 octobre 2010 portant réorganisation de la Chambre de Commerce, désignée ci-après par « la loi du 26 octobre 2010 », il importe de vérifier la légalité dudit règlement de cotisation, étant donné qu’au cas où ce règlement de cotisation du 12 novembre 2010 aurait été pris de manière illégale, du fait notamment par le législateur d’avoir ainsi accordé à la Chambre de Commerce un pouvoir réglementaire en violation des dispositions constitutionnelles, les bulletins sous examen se trouveraient sans fondement légal, de sorte à ce qu’ils devraient encourir de ce fait l’annulation.
Par arrêt rendu en date du 19 mars 2013, inscrit au numéro 00079 du registre la Cour constitutionnelle a dit que : « par rapport à la question préjudicielle posée, l’article 16, alinéa 2, de la loi du 26 octobre 2010 portant réorganisation de la Chambre de Commerce, en ce qu’il accorde à celle-ci un pouvoir réglementaire en vue de l’exécution des lois et en attribuant à celle-ci le droit de fixer les modalités de calcul des cotisations par son «règlement de cotisation», n’est pas contraire aux articles 36, 76, alinéa 2, et 108bis de la Constitution ».
Au vu de la solution ainsi dégagée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 19 mars 2013, le tribunal rejeta pour ne pas être fondé, dans un jugement du 27 février 2014, le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de la qualification d’établissement public et de l’absence d’un pouvoir règlementaire de la Chambre de commerce et partant de l’illégalité des bulletins de cotisation et de la décision confirmative. Par le même jugement, le tribunal constata qu’il est constant en cause, et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté par les parties, que les bulletins de cotisations déférés au titre des années 2007 et 2008 ont été émis par la Chambre de commerce le 10 décembre 2010 sur base de la loi du 26 octobre 2010 et des mesures prises en son exécution. D’ailleurs, la Chambre de commerce indique expressément dans la décision du 10 décembre 2010 portant redressement des cotisations à percevoir pour les années 2007 et 2008 et fixation de la cotisation pour l’année 2010, ayant accompagné les deux bulletins de cotisation déférés, s’être basée sur les dispositions du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 relatif au mode et à la procédure d’établissement du rôle des cotisations de la Chambre de Commerce et fixant la procédure de perception des cotisations de la Chambre de Commerce , désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 », et du règlement de cotisation du 12 novembre 2010 pour la détermination des cotisations dues au titre des années 2007 et 2008. Le tribunal constata encore que la loi du 26 octobre 2010 est entrée en vigueur, à défaut de dispositions spécifiques contraires, trois jours après sa publication du 29 octobre 2010 au journal officiel et qu’elle a abrogé les dispositions de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création des chambres professionnelles à base élective, ayant porté sur la création et l’organisation de la Chambre de commerce. Par conséquent, le tribunal a posé la question de savoir si en émettant le 10 décembre 2010 les bulletins de cotisation déférés au titre des années 2007 et 2008, la Chambre de commerce n’a pas conféré un effet rétroactif aux dispositions de la loi du 26 octobre 2010, ainsi que des mesures prises en exécution de ladite loi. La question de la loi applicable à l’acte administratif déféré étant d’ordre public et les parties n’ayant pas pris position sur ce point, le tribunal a avant tout progrès en cause soulevé d’office la question de savoir « si la Chambre de commerce a valablement pu se fonder sur les dispositions de la loi du 26 octobre 2010, entrée en vigueur le 1er novembre 2010, ainsi que sur ses mesures d’exécution, à savoir le règlement grand-
ducal du 4 novembre 2010, et le règlement de cotisation du 12 novembre 2010, pour redresser fin 2010 les bulletins de cotisation au titre des années 2007 et 2008 ».
Dans le cadre d’un mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2014, la société demanderesse conclut à l’annulation des bulletins de cotisation déférés pour illégalité. Elle fait valoir que la loi du 26 octobre 2010 serait entrée en vigueur, à défaut de dispositions spécifiques contraires, trois jours après sa publication le 29 octobre 2010 au journal officiel, à savoir le 1er novembre 2010, sans prévoir de disposition transitoire quant à son application rationae temporis. En l'absence d'indication expresse figurant dans la loi du 26 octobre 2010 relative à son application dans le temps, la société demanderesse se réfère au principe de la non-rétroactivité des lois qui répondrait à une préoccupation de sécurité juridique et qui s’opposerait à ce qu’un effet rétroactif soit conféré à une nouvelle loi, c’est-à-dire que la nouvelle loi s’applique à des situations juridiques d’ores et déjà constituées.
Elle fait valoir en substance que dans la mesure où l'obligation de payer des cotisations à la Chambre de commerce prendrait naissance de façon concomitante au moment de l'affiliation d’un ressortissant à la Chambre de commerce, la date de la naissance de l'obligation de payer les cotisations devrait être prise en considération pour la détermination de la loi applicable rationae temporis aux bulletins de cotisation.
La société demanderesse conclut que la cotisation due au titre des années 2007 et 2008 serait due en raison de son affiliation à la Chambre de commerce durant les années afférentes.
Or, tant l’année 2007 que l’année 2008 auraient été définitivement échues au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 2010, de sorte que l'affiliation de la société demanderesse à la Chambre de commerce pendant les années 2007 et 2008 serait à considérer comme définitivement constituée dans le passé et non pas comme situation juridique en cours.
Une telle situation définitivement constituée dans le passé ne saurait pourtant pas être régie par la loi du 26 octobre 2010, étant donné que celle-ci n’aurait pas été applicable au moment de l'exigibilité de ladite cotisation et n’aurait pas pu servir de fondement aux bulletins de cotisation litigieux.
Dans le cadre de son mémoire additionnel, la Chambre de commerce s’est rapportée à prudence de justice quant à la question soulevée d’office par le tribunal.
Force est d’abord au tribunal de rejeter le moyen de caducité du recours soulevé à l’audience publique des plaidoiries par le litismandataire de la société demanderesse, au motif que la Chambre de commerce avait informé le tribunal par un courrier du 10 avril 2014 qu’elle procéderait au retrait des bulletins de cotisation déférés.
Il échet en effet de constater que par le courrier précité du 10 avril 2014, le litismandataire de la Chambre de commerce avait informé le tribunal que la Chambre de commerce allait retirer les bulletins de cotisation déférés, en prenant soin d’ajouter qu’il aviserait le tribunal du retrait dès qu’il serait intervenu. Contrairement aux affirmations du litismandataire de la société demanderesse, la Chambre de commerce n’a pas procédé au retrait des bulletins de cotisation déférés par courrier du 10 avril 2014, mais a uniquement annoncé l’intention de la Chambre de commerce de procéder à un tel retrait. Par ailleurs, par courrier du 23 avril 2014, déposé au greffe du tribunal administratif le 24 avril 2014, le litismandataire de la Chambre de commerce a informé le tribunal qu’en raison d’un changement de circonstances la Chambre de commerce n’aurait nonobstant sa précédente affirmation plus l’intention de retirer les bulletins de cotisation déférés. Il s’ensuit que les bulletins de cotisation déférés n’ont pas été retirés par la Chambre de commerce et que le moyen de caducité invoqué par la société demanderesse est à rejeter.
Quant au fond, il échet d’abord de rappeler qu’il est constant en cause que les bulletins de cotisation rectifiés concernant les années 2007 et 2008 ont été émis par la Chambre de commerce à l’égard de la société demanderesse en date du 10 décembre 2010, sur base de la loi du 26 octobre 2010. D’ailleurs, la Chambre de commerce indique expressément dans la décision du 10 décembre 2010 portant redressement des cotisations à percevoir pour les années 2007 et 2008, ayant accompagné les deux bulletins de cotisation déférés, s’être basée sur les dispositions du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 et du règlement de cotisation de la Chambre de commerce du 12 novembre 2010, pour la détermination des cotisations dues au titre des années 2007 et 2008.
Dans le même contexte, il y a lieu de rappeler que les dispositions de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création des chambres professionnelles à base élective, ayant porté sur la création et l’organisation de la Chambre de commerce, ont été abrogées par la loi du 26 octobre 2010, entrée en vigueur, à défaut de dispositions spécifiques contraires, trois jours après sa publication du 29 octobre 2010 au journal officiel.
Quant à la question de savoir si la Chambre de commerce a valablement pu se fonder sur les dispositions de la loi du 26 octobre 2010, entrée en vigueur le 1er novembre 2010, ainsi que sur ses mesures d’exécution, à savoir le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010, et le règlement de cotisation du 12 novembre 2010, pour établir les bulletins de cotisation au titre des années 2007 et 2008, il échet d’abord de constater que la loi du 26 octobre 2010 ne prévoit pas de disposition transitoire quant à son application rationae temporis. En revanche, le règlement de cotisation adopté par la Chambre de commerce le 12 novembre 2010 dispose en son article 6 que : « Le présent règlement de cotisation s’applique aux cotisations annuelles dues au titre de l’année 2010 et des années subséquentes, sauf décision d’amendement à adopter par l’assemblée plénière de la Chambre de Commerce. (…) ».
Toujours est-il que le règlement de cotisation du 12 novembre 2010 en tant qu’acte administratif à caractère règlementaire, adopté par la Chambre de commerce sur base de la loi du 26 octobre 2010, est subordonné à la loi et ne peut ni l’étendre, ni la restreindre, ni la modifier. D’ailleurs, un règlement d’exécution ne peut évidemment pas rétroagir au-delà de l’entrée en vigueur de la loi qui en forme la base1. Par ailleurs, le juge ne saurait faire une application rétroactive ni d’une loi ni d’un règlement pris en application de la loi en dehors des cas où le législateur en a décidé ainsi2. Il s’ensuit que même au cas où un règlement grand-ducal d’application d’une loi contiendrait une disposition ayant un effet rétroactif, une telle disposition réglementaire ne saurait être reconnue comme étant légale qu’à partir du moment où cette rétroactivité a été expressément voulue par le législateur.
En l’espèce, la loi du 26 octobre 2010 ne prévoit aucune application rétroactive de ses dispositions. En l’absence de dispositions transitoires dans la loi du 26 octobre 2010 quant à son application dans le temps, il convient donc de se référer aux deux grands principes qui régissent les conflits de lois dans le temps, soit, d’une part, le principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle et, d’autre part, celui de sa non-rétroactivité, afin de déterminer si la nouvelle loi du 26 octobre 2010 a pu s’appliquer à la détermination des cotisations à payer à la Chambre de commerce par la société demanderesse au titre des années 2007 et 2008.
Chacun de ces deux principes répond à une idée profonde. Le principe de l’effet immédiat tend à assurer à la fois l’efficacité de la loi nouvelle, considérée comme étant la plus adaptée aux conditions et aux besoins du moment et l’unité de législation à un moment donné, étant donné que la survivance de la loi ancienne entraîne une dualité de législation. Le principe de non-rétroactivité de son côté répond à une préoccupation de sécurité juridique. Ce principe est une garantie donnée aux situations juridiques valablement acquises et consolidées sous la loi ancienne et répond, en ce sens, à un besoin de paix et de stabilité sociale3. L’article 2 du Code civil, en ce qu’il dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif», met l’accent sur le principe de non-rétroactivité pour l’application des règles juridiques. Etant inséré au titre préliminaire du Code civil, qui a une portée générale, la règle de non-rétroactivité vaut pour tous les domaines du droit, y compris le droit administratif, économique et social4.
La jurisprudence ancienne et bien assise distingue en ce qui concerne l’effet de la loi nouvelle entre les droits acquis et ce qu’elle appelle les simples expectatives. La loi ne modifie pas les droits acquis sous le régime de la loi ancienne ; en d’autres mots, reporter la 1 Pierre Pescatore, Introduction à la science du droit, éditions Bruylant 2009, 2e réimpression, n° 216, p. 317 2 v. en ce sens : trib. adm. 11 février 2010, n° 24860 du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu 3 Pierre Pescatore, op.cit., n° 215, p. 315 et voir dans le même sens : trib. adm. 25 juin 2009, n° 24354 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Lois et Règlements, n° 39 4 Pierre Pescatore, op. cit. n° 217, p. 317loi nouvelle à des situations juridiques pleinement formées sous l’empire de la loi ancienne, ce serait lui faire produire un effet rétroactif. Au contraire, la loi nouvelle se substitue à la loi ancienne pour autant qu’il ne s’agit que de simples expectatives.
La solution doctrinale consiste à faire une distinction entre l’acquisition des droits ou, plus largement, la formation de situations juridiques et les effets successifs d’un rapport de droit antérieurement formé. L’acquisition d’un droit ou la création d’une situation juridique, que ce soit par l’effet d’un fait ou d’un acte juridique, est régie et reste régie par la loi en vigueur au moment de l’acquisition ou de la création du droit. Au contraire, les effets successifs d’un rapport de droit antérieurement formé sont régis, avec effet immédiat, par la loi nouvelle5.
En résumé, si elle ne peut, sans rétroactivité, revenir sur la constitution et les effets passés d’un rapport de droit réalisés avant son entrée en vigueur, la loi nouvelle peut en revanche s’appliquer aux situations juridiques en cours, à commencer par celles en cours de constitution. Ainsi, si la situation présente a été définitivement constituée dans le passée, l’application de mesures nouvelles relatives à la constitution même de cette activité ne constituerait pas une application immédiate, mais comporterait une rétroactivité. En revanche, si la nouvelle règlementation se rapporte non pas à la constitution d’une situation, mais à sa prolongation, il importe peu que cette activité ait pu commencer dans le passé : les mesures relatives à sa continuation ont tout lieu de s’appliquer à elle, sans qu’il n’y ait pour autant rétroactivité6. Rétroagissent dès lors les décisions prises en cours d’année et dont l’effet doit nécessairement remonter au début d’année7.
En l’espèce, force est de prime abord au tribunal de constater qu’en application de l’article 4 (1) de la loi du 26 octobre 2010 : « La qualité de ressortissant de la Chambre de commerce est acquise de plein droit au jour de l’immatriculation au registre de commerce et des sociétés (…) ».
Par ailleurs, la cotisation annuelle payable à la Chambre de commerce au sens de l’article 16 de la loi du 26 octobre 2010 par les ressortissants est due en contrepartie de l’affiliation de plein droit à la Chambre de commerce, pour permettre à cette dernière de faire face à ses dépenses. C’est partant l’affiliation de plein droit à la Chambre de commerce qui fait naître l’obligation de régler annuellement une cotisation à ladite chambre.
Tel que retenu ci-avant, l’obligation de payer une cotisation à la Chambre de commerce naît en raison de l’affiliation à cette dernière, de sorte que le moment de l’affiliation doit servir à la détermination de la loi applicable rationae temporis aux cotisations et non point le moment où la cotisation devient exigible. En effet, la détermination et le calcul de la cotisation doit, en toute logique, précéder l’émission du bulletin de cotisation afférent et partant le moment où la cotisation devient exigible. Il s’ensuit que la date d’émission du bulletin de cotisation et partant son exigibilité ne peut pas être prise en considération pour la détermination de la loi applicable au bulletin de cotisation. Dans le même ordre d’idées il y a lieu de constater que l’affiliation à la Chambre de commerce tout comme l’obligation de payer une cotisation, indépendamment du moment de son fait 5 Pierre Pescatore, op. cit. n° 217, p. 317 6 Jurisclasseur administratif, « Acte administratif – Application dans le temps», Vol. 1, fasc. 108-30, à jour au 5 février 2005, n° 35.
7 Jurisclasseur administratif, « Acte administratif – Application dans le temps», Vol. 1, fasc. 108-30, à jour au 5 février 2005, n° 46.générateur, porte sur une année dans son intégralité et est partant à considérer durant l’année concernée comme situation juridique en cours. Il s’agit en effet d’une situation qui se constitue à un moment donné, soit par l’inscription au registre de commerce au cours de l’année, soit par le début de la nouvelle année, et dont les effets se prolongent par la suite sur toute l’année.
En l’espèce, il y a lieu de constater que la loi nouvelle du 26 octobre 2010, ainsi que ses mesures d’exécution, n’ont pas pu s’appliquer aux bulletins de cotisation émis au titre des années 2007 et 2008. En effet, les cotisations à payer par la société demanderesse au titre des années 2007 et 2008 sont dues en raison de son affiliation à la Chambre de commerce pour les années 2007 et 2008. Or, les années 2007 et 2008 ont été définitivement clôturées au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 2010, de sorte que l’affiliation relative aux années 2007 et 2008 et l’obligation de cotiser en découlant, sont à considérer comme situation définitivement constituée dans le passée. Tel que le tribunal vient de le retenir, la nouvelle loi ne peut pas s’appliquer à une situation définitivement constituée dans le passé, sous peine d’une application rétroactive.
Il échet partant de conclure que les bulletins de cotisation rectifiés émis le 10 décembre 2010 au titre des années 2007 et 2008 n’ont pas pu être établis sur base de la loi du 26 octobre 2010 et de ses mesures d’exécution.
Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu d’annuler pour illégalité, les bulletins de cotisation rectifiés émis à l’égard de la société demanderesse en date du 10 décembre 2010 au titre des années 2007 et 2008.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
vidant le jugement du 27 février 2014 ;
déclare le recours en annulation justifié ;
partant annule les bulletins de cotisation rectifiés émis par la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg à l’égard de la société anonyme …..en date du 10 décembre 2010 au titre des années 2007 et 2008 ;
condamne la Chambre de commerce aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 22 mai 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 mai 2014 Le greffier du tribunal administratif 8