Tribunal administratif N° 33223 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2013 3e chambre Audience publique du 21 mai 2014 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du directeur de l’Administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 33223 du rôle et déposée le 13 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître James Junker, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, salarié, demeurant à L…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 14 mai 2013 prise sur réclamation contre un bulletin d’appel en garantie émis le 10 décembre 2012 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2013 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 23 décembre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître James Junker au nom et pour compte de Monsieur … ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2014 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître David Oniarchi, en remplacement de Maître James Junker, et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mai 2014.
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En date du 10 décembre 2012, le bureau d’imposition RTS Ettelbruck, désigné ci-
après par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur …, vu sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après dénommé « la société … », un bulletin d’appel en garantie (Haftungsbescheid) en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire des retenues d’impôt qui auraient dû être effectuées par la société … sur les traitements et salaires de son personnel pour les années 2007 à 2009.
Ledit bulletin est libellé comme suit :
« Il est dû à l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société … s.à.r.I., actuellement en faillite, ayant eu son siège à L-…, immatriculée sous le dossier fiscal …, à titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires :
Année 2007 … euros principal Année 2008 … euros principal Année 2008 … euros intérêts Année 2009 … euros principal Total … euros Il résulte de la publication au Mémorial C numéro … du … que lors de l'assemblée générale extraordinaire du …, vous avez été nommé gérant technique de la société … s.à r.l.
pour une durée indéterminée. En qualité de gérant, vous avez disposé du pouvoir d'engager la société sous votre signature depuis le ….
En votre qualité de gérant, vous avez été en charge de la gestion journalière de la société ….
Par conséquent, conformément aux termes du § 108 AO et du § 103 AO […], vous avez été personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société …. dont notamment le paiement des impôts dus par la société à l'aide des fonds administrés.
En vertu de l'article 136 alinéa 2 L.I.R. […], l'employeur est tenu de retenir l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel.
En vertu de l'article 136 alinéa 6 L.I.R., l'employeur est tenu de déclarer et de verser l’ impôt retenu à l'administration des contributions.
En vertu de l'article 136 alinéa 6 L.I.R. et du règlement grand-ducal modifié du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d'impôt sur les salaires et les pensions, l'employeur est tenu de présenter au bureau RTS compétent les comptes de salaires ainsi que tous autres documents comptables.
Dans le cas d'une société, conformément aux termes du § 103 AO, ces obligations incombant aux employeurs sont transmises à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers.
En votre qualité de représentant de la société …, il vous a appartenu de veiller à la retenue, à la déclaration et au versement de la retenue d'impôt due sur les traitements et les salaires du personnel.
Or, les retenues d'impôt sur salaires de l'année 2007 n'ont été payées que partiellement, celles des années 2008 et 2009 n'ont pas été payées.
L'omission de payer les sommes dues à titre de retenue d'impôt est à qualifier d'inexécution fautive de vos obligations en tant que représentant de la société ….
Suite à l'inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l'Administration des contributions directes n'a pas perçu les retenues d'impôt d'un montant de … euros.
Ce montant de … euros se compose comme suit :
Année 2007 … euros principal Année 2008 … euros principal Année 2008 … euros intérêts Année 2009 … euros principal Il y a lieu de relever qu'en vertu du § 110 AO, votre responsabilité pour les actes accomplis pendant la période de vos fonctions survit à l'extinction de votre pouvoir de représentation.
Considérant qu'en vertu du § 103 AO vous avez été tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société ….
Considérant que l'inexécution de ces obligations est à qualifier de fautive.
Considérant que l'inexécution fautive de vos obligations a empêché le receveur de I'Administration des contributions directes de percevoir l'impôt sur les traitements et salaires d'un montant de … euros.
Considérant que dans la mesure où, par l'inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l'impôt légalement dû d'un montant de … euros, vous êtes constitué co-débiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.
Considérant que le § 118 AO m'autorise à engager votre responsabilité.
Considérant le fait qu'en votre qualité de gérant, vous avez été chargé de la gestion journalière de la société …., j'engage votre responsabilité, et l’appel en garantie s'élève au montant de … euros.
Par conséquent vous êtes invité à payer le montant de … euros jusqu'au 10 janvier 2013 […] » Par un courrier de son mandataire du 11 janvier 2013, Monsieur … introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-
après par « le directeur », à l’encontre dudit bulletin d’appel en garantie.
Par une décision du 14 mai 2013, inscrite au numéro … du rôle, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation introduite par Monsieur … en les termes suivants :
« Vu la requête introduite le 14 janvier 2013 par Me James JUNKER, au nom du sieur …, L-…, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires … en date du 10 décembre 2012;
Vu le dossier fiscal;
Vu le § 119 alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§238A0) dans les forme (§249A0) et délai (§245A0) de la loi ; qu'elle est partant recevable;
Considérant que le bureau d'imposition, après avoir constaté que le réclamant était tenu en sa qualité de gérant technique de la société à responsabilité limitée …, actuellement en faillite, de payer sur les fonds administrés les impôts dont la société était redevable et qu'il avait négligé de remplir les obligations qui lui incombaient à cet égard aux termes du § 103 AO, l'a déclaré responsable du non paiement de la retenue sur les traitements et salaires dus par la société pour les années 2007, 2008 et 2009 au montant total de … euros, dont … euros en principal et … euros pour intérêts de retard; qu'à cet égard l'omission de verser les sommes retenues serait à considérer comme faute grave au sens du § 109 AO;
Considérant que le réclamant conteste tout comportement fautif dans son chef, allègue que la responsabilité incomberait à des tiers et que les intérêts de retard de l'année 2008 ne sauraient lui être réclamés alors que la solidarité pour les dirigeants sociaux n'existerait que pour les impôts ;
1. Notion de faute Considérant que le représentant est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ;
qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable ( CE 20.10.1981 no 6902 );
que dans la mesure où le gérant par l'inexécution fautive de ces obligations a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe constitué co-débiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ;
Considérant qu'en vertu de l'article 136 alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ;
que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ;
que la responsabilité du gérant est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (CA du 6 mai 2003 no 15989C) ;
qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sa responsabilité, pour les actes par lui accomplis pendant la période de ses fonctions, survit à l'extinction de son pouvoir de représentation (§110 AO);
Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf. Becker-Riewald-Koch §2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3) ;
que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe-même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef de l'administrateur d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109 alinéa 1 AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive – « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (CA du 22.02.2000, no 11694C) ;
Considérant qu'en l'espèce l'auteur de la décision a révélé les circonstances particulières susceptibles de justifier sa décision de poursuivre le réclamant et de mettre à sa charge l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires ;
qu'il développe clairement les raisons qui l'ont conduit à engager la responsabilité du gérant, pour l'année d'imposition litigieuse ;
Considérant qu'il se dégage d'une publication au Registre de Commerce et des Sociétés no 81 du 4 mars 1994 que lors de l'assemblée générale extraordinaire du 20 décembre 1993, le réclamant a été nommé gérant technique de la société …, sans qu'une démission n'ait été publiée par la suite ;
Considérant que pour l'année 2007, le réclamant n'a payé que partiellement la retenue d'impôt dû sur les traitements et salaires, tandis que pour les années 2008 et 2009 il n'a réglé aucune retenue, ce fait constituant en soi une faute caractérisée ;
Considérant en effet que le § 109 AO prévoit un régime de responsabilité des représentants d'une société qui ne déroge pas au droit commun, mais qui le renforce, et soumet la mise en œuvre de cette responsabilité à la triple condition de l'existence d'une faute (schuldhafte Verletzung), d'un dommage et d'un lien de causalité enter le dommage et la faute ;
Que la faute consiste dans le fait, soit de ne pas avoir accompli soi-même, soit de ne pas avoir veillé à l'accomplissement des obligations incombant à la personne morale représentée et que le dommage consiste dans l'insuffisance de l'impôt légalement dû, le lien de causalité se caractérisant par le fait que l'insuffisance est la conséquence du comportement fautif du représentant ;
Que le fait pour un gérant, position-clé d'une société, de ne pas verser les retenues sur traitements et salaires au Trésor public constitue un comportement fautif per se ;
Considérant que l'auteur de la décision a également motivé sa décision en ce qui concerne le montant pour lequel la responsabilité du réclamant est engagée en vue des éléments qui précèdent ;
Considérant qu'en 2007 la retenue sur les traitements et salaires n'a été payée qu'en partie, alors qu'en 2008 et 2009 aucun montant à retenir n'a été continué au receveur ;
Considérant que le réclamant a sciemment omis de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel pendant la période visée et que partant il a empêché la perception de l'impôt légalement dû ;
Considérant qu'il s'ensuit que la responsabilité du réclamant en tant que gérant de la société à responsabilité limitée … est incontestablement établie et la mise à charge de l'intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur traitements et salaires de la période en cause est justifiée ;
2. Responsabilité de tiers Considérant que, de même qu'en matière de responsabilité du fait personnel (art.1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables, le gérant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre ;
3. Intérêts de retard Considérant que s'il est vrai que les intérêts de retard ont également un caractère de sanction, ils constituent néanmoins un accessoire de l'impôt auquel il se rapporte et dont ils suivent le sort, de sorte que c'est à juste titre que le bureau d'imposition a émis le bulletin d'appel en garantie également pour les intérêts de retard sur les impôts dus (C.A. du 20 décembre 2012, no 31326C) ;
PAR CES MOTIFS, reçoit la réclamation en la forme;
la rejette comme non fondée.[…] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 août 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 14 mai 2013.
Conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis, bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes aux contribuables. Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur le mérite d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.
Il s’ensuit qu’en l’espèce, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par Monsieur … à l’encontre de la décision directoriale précitée, ayant statué sur le mérite d’une réclamation introduite contre le bulletin d’appel en garantie dont il a fait l’objet.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi est recevable.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur expose que la société …, une entreprise familiale dirigée au long de son existence par les familles … et …, aurait été créée en 1993 et aurait été active dans les domaines du transport et des travaux publics.
Ce serait suite à la grave crise économique au cours des années 2007 et 2008 que la société aurait connu des difficultés de trésorerie qui auraient finalement mené à la faillite prononcée le 11 août 2009, étant donné que divers clients importants auraient retardé le paiement des factures.
Le demandeur expose que lui-même aurait été le gérant technique de la société, tandis que Monsieur … aurait été le gérant administratif et que la société aurait comporté en tout quatre gérants.
Il ajoute que la négociation des contrats et la gestion des chantiers auraient été assurés par Monsieur … , dirigeant de fait du département travaux publics de la société.
En droit, au titre de la légalité externe de la décision directoriale du 14 mai 2013, le demandeur conclut à une absence de motivation étant donné que tant le bureau d’imposition que le directeur se seraient limités à retenir un comportement fautif en raison du défaut de paiement des impôts. Or, cette motivation ne serait pas conforme à celle requise aux termes du paragraphe 109 (1) AO.
Le demandeur soutient ensuite qu’aucune faute caractérisée conformément au paragraphe 109 (1) AO n’aurait été établie à son encontre.
A cet égard, il souligne que la société en faillite aurait réglé les salaires de ses salariés jusqu’au mois de juin 2009 inclus et ceux de ses dirigeants jusqu’au mois de mai 2009 inclus.
Il donne encore à considérer que le fait de privilégier le paiement des salaires et les créances de ses fournisseurs pour assurer la pérennité de l’entreprise et l’emploi de ses salariés par rapport aux obligations notamment en matière d’impôt sur salaires, pourrait certes être considéré comme une appréciation erronée et contraire à la loi, mais ne constituerait pas une faute caractérisée, ni révèlerait-il une intention de nuire de sa part vis-à-
vis de l’administration des Contributions directes.
Le demandeur invoque ensuite une inaction fautive de la part de l’administration des Contributions directes au motif que bien que les déclarations d’impôt aient été établies et adressées en temps utile à l’administration, le bureau d’imposition n’aurait pendant la période concernée des années 2007 à 2009 adressé aucune sommation, contrainte ou commandement à la société …, qui aurait accumulé les arriérés sur la période concernée. L’administration des Contributions directes serait cependant soumise à une obligation de diligence, y compris en matière de recouvrement de l’impôt, obligation qui découlerait implicitement de l’arrêté du 31 janvier 1871 portant règlement sur les poursuites administratives en matière de recouvrement des impôts, de sorte que l’inertie totale de l’administration la rendrait fautive et devrait entraîner au moins un partage des responsabilités qui devrait entraîner une diminution du montant des sommes réclamées à travers l’appel en garantie, sans que ce montant puisse dépasser celui de … €.
Enfin, le demandeur conteste la mise en compte d’intérêts de retard au motif que ceux-ci auraient le caractère d’une sanction pour l’inobservation d’une prescription légale ou règlementaire qui serait personnelle au contribuable concerné, en l’occurrence à la société …, et que la solidarité ne s’appliquerait que pour les impôts.
Le délégué du gouvernement répond que les trois conditions posées par le paragraphe 109 AO seraient remplies, à savoir l’existence d’une faute, un dommage et un lien de causalité entre le dommage et la faute.
S’agissant de la faute reprochée au demandeur, il souligne qu’il n’y aurait pas seulement eu un manquement à une obligation fiscale, en l’occurrence à celle inscrite au paragraphe 103 AO, mais cette inexécution serait fautive au sens du paragraphe 109 AO.
Il donne à considérer que le demandeur aurait sciemment omis de verser au trésor public l’impôt dû sur les traitements et salaires du personnel de la société … qu’il aurait représentée et il se serait abstenu d’affecter les sommes retenues ou qui auraient dû être retenues sur les salaires payés, au paiement de l’impôt dû, alors qu’il s’agirait de sommes d’argent représentant l’impôt dû par le salarié qui, dès le versement du salaire, ne devrait pas recevoir une affectation autre par l’employeur que le seul paiement de cet impôt dû par le salarié.
A cet égard, le délégué du gouvernement se réfère à l’article 136 (4) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR), tout en soulignant que l’impôt litigieux aurait été un impôt dû par le salarié que l’employeur serait tenu de verser au fisc pour compte et à décharge du salarié.
En se référant à des jurisprudences allemandes et à la jurisprudence des juridictions administratives, il soutient qu’il conviendrait de tenir compte plus particulièrement de cet aspect propre à l’impôt sur les salaires en ce que les retenues s’imposant à l’employeur représenteraient l’impôt dû par ses salariés et que l’employeur, qui ne ferait que l’intermédiaire, ne pourrait en aucun cas utiliser ces sommes à d’autres fins que le paiement de l’impôt.
La partie étatique ajoute, en se référant à la doctrine en matière de responsabilité des dirigeants de sociétés et à la jurisprudence allemande, qu’il importerait peu quelle aurait été l’affectation des sommes faite par l’employeur, puisque les créanciers de la société devraient être traités de manière égalitaire, de sorte qu’il ne faudrait pas préférer d’autres créanciers au trésor public.
En ce qui concerne la motivation de la décision, le délégué du gouvernement, après avoir cité les dispositions légales pertinentes en la matière, souligne qu’au moment de la constitution de la société … en 1993, Monsieur … et Monsieur … auraient été nommés gérants techniques et que la société serait engagée en toute circonstance par la signature collective des deux gérants. Monsieur …, ayant aussi fait l’objet d’un appel en garantie, aurait remplacé à partir de février 2007 le deuxième gérant nommé ensemble avec le demandeur en 1993. Le demandeur et Monsieur … auraient ainsi été les gérants de la société ayant le pouvoir d’engager celle-ci par leurs signatures collectives pendant les années litigieuses, de sorte qu’ils auraient occupé une position clé pendant ce temps.
Le délégué du gouvernement argumente encore que par application des paragraphes 109 et 118 AO, le représentant ayant commis une inexécution fautive d’obligations relevant du droit public devrait s’attendre à des poursuites de l’administration fiscale tant que les créances d’impôt existent. Vu le comportement gravement fautif du demandeur en sa qualité de gérant de la société …, en ce qu’il aurait sciemment omis de verser l’impôt dû sur les salaires et traitements de son personnel, ses reproches vis-à-vis de l’administration fiscale tenant à une prétendue inaction fautive en matière de recouvrement de l’impôt manqueraient de fondement. Il souligne que sur base des principes de la responsabilité solidaire et personnelle, il ne serait pas requis que le débiteur de l’impôt soit insolvable ou encore que le recouvrement forcé contre le débiteur de l’impôt ait été infructueux, le défaut par l’administration de procéder au recouvrement forcé de la créance fiscale auprès du contribuable n’exonérerant pas le tiers responsable.
Enfin, le délégué du gouvernement conclut au rejet des contestations du demandeur s’agissant des intérêts de retard, en se référant à un arrêt de la Cour administrative.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste que le constat d’un manquement à une obligation fiscale ne serait pas suffisant pour engager sa responsabilité, mais qu’il conviendrait de rapporter la preuve d’une faute grave caractérisée et une intention de nuire de sa part.
Il souligne que la société … aurait jusqu’au moment de sa mise en faillite eu quatre gérants, en se référant au rapport du curateur au juge-commissaire, et au surplus un dirigeant de fait en la personne de Monsieur …. Or, ni le bulletin d’appel en garantie, ni la décision du directeur ne contiendraient des indications permettant de justifier la décision de poursuivre sa personne, de sorte que la décision serait viciée pour défaut de motivation.
S’agissant de la faute lui reprochée, il souligne qu’il ne se serait pas enrichi personnellement et que la dette fiscale serait celle d’un tiers. Par ailleurs, il se réfère au rapport du curateur faisant état d’une bonne collaboration des gérants.
Enfin, le demandeur insiste sur une inaction fautive de la part de l’administration des Contributions directes en renvoyant à l’article 1er de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publics et à des jurisprudences en matière de responsabilité de l’Etat.
Par ailleurs, le demandeur fait valoir que l’administration des Contributions directes aurait déposé dans le cadre de la faillite de la société … une déclaration de créance à hauteur d’un montant de … €, correspondant en substance au montant de l’appel en garantie, et que cette créance aurait été admise au passif privilégié de la faillite. Au regard de l’actif réalisé de près d’un million d’euros, l’administration toucherait l’intégralité de la créance ou du moins un dividende important qui devrait venir en déduction de la somme lui réclamée. Le demandeur demande ainsi au tribunal de surseoir à statuer en attendant la reddition des comptes de la faillite de la société … et en attendant le paiement de l’Etat qui en résulterait.
Dans son mémoire en duplique, l’Etat du Grand-Duché réitère son argumentation suivant laquelle le demandeur ainsi que Monsieur …, dont la responsabilité a été engagée simultanément avec celle du demandeur, auraient occupé une position clé dans la société …, auraient été les gérants de la société disposant d’un pouvoir de signature, suivant laquelle ce seraient eux-mêmes en leur qualité de gérants de la société, qui auraient fait l’aveu de la faillite et que le curateur aurait dans son rapport désigné le demandeur et Monsieur … comme étant les gérants principaux.
Enfin, le délégué du gouvernement conclut au rejet de la demande de surseoir à statuer, en renvoyant aux règles régissant la responsabilité solidaire du gérant.
Force est au tribunal de constater que les deux premiers moyens tels qu’ils sont présentés par le demandeur tournent autour de la justification par la partie étatique du constat d’un comportement fautif dans le chef du demandeur et du bien-fondé de ce constat. En effet, le premier moyen tenant à un défaut de motivation tel qu’il a été invoqué par le demandeur se recoupe avec le moyen fondé sur une violation du paragraphe 109 AO, dans la mesure où le demandeur reproche en substance au directeur de ne pas avoir justifié le constat d’un comportement fautif dans son chef susceptible d’être qualifié de faute caractérisée.
En vertu des dispositions de l’article 136 (4) LIR, l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-
ci, conformément au paragraphe 103 AO, qui dispose que « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».
Il s’ensuit que le gérant d’une société à responsabilité limitée est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à cette dernière et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui.
Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du fait du non-paiement des impôts dont est redevable une personne morale, il y a lieu de se référer plus particulièrement aux dispositions du paragraphe 109 AO, qui dispose dans son alinéa (1) que : « Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».
Ces dispositions légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société.
Il se dégage encore de ces dispositions que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.
Par ailleurs, le paragraphe 7 (3) de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934 appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », dispose que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern ». Dès lors, en cas de pluralité de responsables la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG en vertu duquel ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d'imposition n'est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d'entre eux1.
En toute hypothèse, il appartient au bureau d'imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix. Le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève en effet pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce. Il appartient dès lors à l’administration de justifier la décision à ce double égard.
Quant à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation par l’administration, le paragraphe 2 StAnpG dispose dans son alinéa (1) que « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht.
(2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision.
En l’espèce, force est de constater qu’il se dégage de la motivation fournie à la base de la décision du directeur, ensemble les explications fournies en cours d’instance par le délégué du gouvernement, que la responsabilité du demandeur a été engagée dans la mesure où il avait été nommé gérant de la société … en 1993, dans la mesure où il avait, en cette qualité, disposé du pouvoir d’engager la société avec la signature conjointe de Monsieur …, nommé gérant en 2007, et dans la mesure où, en qualité de gérant, il était personnellement tenu de respecter les obligations de la société à l’égard de l’administration fiscale. Le demandeur aurait ainsi occupé une position clé avec Monsieur …, tel que cela se dégagerait aussi du rapport du curateur et de certains indices, tels le pouvoir de signature conjoint et du fait qu’il avait fait l’aveu de la faillite avec Monsieur ….
Le tribunal est amené à retenir que l’indication de ces motifs est à considérer comme suffisante au regard des principes dégagés ci-avant, tant en ce qui concerne l’indication de la faute reprochée, qu’en ce qui concerne le choix d’engager la responsabilité du demandeur.
1 cf. trib. adm. 14 juin 2010 n° 26277 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu .
Quant au bien-fondé de cette motivation, force est au tribunal de constater qu’il se dégage de l’acte constitutif de la société … ainsi que de la résolution subséquente de son associé le 20 décembre 1993, publiée au Mémorial C, que depuis cette date, le demandeur a été nommé gérant technique de la société, sans que depuis, son mandat n’ait pris fin. Il se dégage encore d’un extrait d’un procès-verbal d’une assemblée générale extraordinaire du 15 février 2007 figurant au dossier administratif que Monsieur …, qui a pareillement fait l’objet d’un appel en garantie, a été nommé gérant technique en remplacement de Monsieur …, nommé en 1993 ensemble avec Monsieur …. Aux termes de la résolution précitée du 20 décembre 1993, durant les années fiscales litigieuses, à savoir les années 2007 à 2009, la société a été valablement engagée par la signature conjointe des deux gérants, soit par celle du demandeur et celle de Monsieur …. Il s’ensuit que la signature des deux gérants dont la responsabilité a été engagée était requise pour engager la société …, de sorte que le paiement des retenues sur salaires et traitements était nécessairement à opérer par eux ou du moins devait se faire sous le contrôle d’eux. Force est encore de relever que le demandeur n’a pas contesté que cette charge lui incombait en tant que gérant.
S’agissant de l’appréciation de la faute commise du fait du défaut de paiement plus spécifiquement des impôts sur traitements et salaires, il est vrai que, tel que cela a été retenu ci-avant, le seul non-respect d’une obligation fiscale n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO, mais il faut qu’une inexécution fautive soit vérifiée.
En l’espèce, le tribunal est amené à retenir, de concert avec la partie étatique, que le demandeur a sciemment omis de verser au trésor public l’impôt qui était dû sur les traitements et salaires du personnel de la société … pour la période concernée. Plus particulièrement, celui-ci s’est en connaissance de cause, pour avoir expliqué qu’il aurait préféré payer d’autres créanciers avec le trésor public, abstenu d’affecter les sommes retenues au paiement de l’impôt dû, mais les a affectées à d’autres fins. La faute est d’autant plus reprochable qu’en arrogeant ainsi à la société … un crédit en ne payant pas des sommes qui sont dues au fisc, il a utilisé l’argent que la société est tenue de payer pour compte des salariés, étant relevé qu’il s’agit de sommes d’argent qui, dès le versement du salaire, ne doivent pas recevoir une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû par le salarié. Or, en ne donnant pas à ces montants l’affectation qu’ils doivent recevoir, le représentant de la société détourne lesdits montants à d’autres fins, ce qui constitue à l’évidence une inexécution gravement fautive de ses devoirs, qu’il n’a d’ailleurs pas pu ignorer.
En l’espèce, la faute est d’autant plus grave que le défaut de paiement des retenues d’impôt s’est étendu sur plusieurs années, à savoir de 2007 à 2009.
Le tribunal est dès lors amené à retenir que les explications fournies en l’espèce par la partie étatique permettent à suffisance, au regard des exigences posées par le paragraphe 109 AO et par le paragraphe 2 StAnpG, de justifier le constat d’un comportement fautif dans le chef du demandeur. C’est dès lors à bon droit que le directeur a confirmé la position du bureau d’imposition ayant retenu une faute caractérisée à charge du demandeur.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur que les retenues sur salaires n’ont pas été payées au fisc dans le but de pouvoir payer d’autres créanciers qu’il a jugé plus prioritaires pour assurer la pérennité de l’entreprise, ni par celle qu’il n’aurait eu aucune volonté de nuire, ces éléments n’étant pas de nature à excuser le caractère fautif de son comportement en tant que dirigeant. En effet, en tant que tel, le demandeur était nécessairement conscient de l’obligation d’opérer les retenues sur salaires dès le paiement des salaires et de les payer au fisc pour compte de ses salariés, et qu’indépendamment du but poursuivi, il est fautif en ce qu’il a arrogé délibérément à la société un crédit par la voie détournée.
Pareillement, sa bonne collaboration avec le curateur par la suite n’est pas de nature à anéantir les fautes antérieurement commises.
S’agissant de l’appréciation du choix d’engager la responsabilité du demandeur, le tribunal constate que le bureau d’imposition à émis un appel en garantie contre les deux gérants ayant été les seuls à avoir eu un pouvoir de signature et qui, d’après les déclarations du curateur, étaient les gérants principaux, de sorte que c’est à bon droit que la partie étatique fait valoir que ceux-ci avaient une position clé dans la société, conclusion qui est encore corroborée par le fait que c’étaient ces deux gérants qui ont fait l’aveu de la faillite. Au regard de ces éléments, le tribunal est amenée à retenir que le choix du bureau d’imposition, confirmé par le directeur, d’engager la responsabilité du demandeur n’est pas critiquable, étant précisé que la seule affirmation du demandeur qu’il y aurait encore eu deux autres gérants et un gérant de fait est insuffisante pour mettre en cause ce choix.
Quant aux autres moyens soulevés par le demandeur, fondés sur le reproche d’une inaction fautive de l’administration et sur une perspective de paiement d’un dividende dans le cadre de la faillite de la société …, le tribunal relève, tel que cela a été retenu ci-avant, que le représentant d’une personne morale répond, conformément au paragraphe 109 AO (« haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen »), d’une obligation personnelle et partant sa responsabilité est susceptible d’être engagée en même temps que le recours contre le contribuable lui-même et aussi longtemps que la créance existe.
Il en découle, d’une part, que le demandeur n’est pas fondé à demander au tribunal de sursoir à statuer en attendant la reddition des comptes dans le cadre de la faillite de la société …, puisqu’en application du principe de la solidarité, l’administration n’est pas obligée à attendre la détermination du dividende lui payé dans le cadre de la faillite de la société … pour adresser un appel en garantie au demandeur et pour l’exécuter. En effet, le propre de la responsabilité solidaire et personnelle sous examen est précisément de permettre de parer dans l’immédiat au risque que la société débitrice ne s’acquitte pas des impôts dus, de sorte que sa mise en œuvre ne peut être fonction des avoirs éventuellement disponibles dans le cadre de la faillite de la société concernée, celle-ci se justifiant au contraire tant que la dette qui en a fait l’objet n’a pas été effectivement acquittée.
La demande d’un sursis à statuer est partant rejetée.
Il découle encore de règles inhérentes à la responsabilité solidaire et personnelle que le demandeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité par un défaut par l’administration de procéder au recouvrement des impôts dus. Il convient de prime abord de noter que le demandeur n’a à aucun moment pu s’attendre légitimement à ce qu’il n’y ait pas de poursuites de l’autorité fiscale concernant les insuffisances d’impôt en question, qui sont la conséquence de sa propre turpitude. D’autre part, le demandeur n’est pas fondé à s’exonérer par une inaction du fisc dont il a délibérément tiré profit, puisqu’en sa qualité de représentant de la société …, il a permis à celle-ci de tirer profit du défaut de recouvrement forcé de la dette fiscale en affectant les retenues sur salaires opérées à d’autres fins.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur une faute de l’administration est à rejeter comme étant non fondé.
Enfin, s’agissant des contestations du demandeur concernant les intérêts de retard, le tribunal relève que ceux-ci constituent un accessoire à l’impôt auquel ils se rapportent et dont ils suivent le sort. En effet, l’article 155bis LIR, tel qu’il a été introduit par l’article 4 de la loi du 31 juillet 1982, dispose que « les intérêts de retard constituent des prestations accessoires aux imports auxquels ils se rapportent. Les dispositions applicables à ces impôts sont d’application correspondante aux intérêts de retard ». De même, les dispositions de l’article 155 LIR confirment encore cette conclusion. Ainsi, l’article 155 (4) LIR dispose que « toute réduction d’une cote d’impôt donne lieu à un recalcul des intérêts de retard encourus », tandis que l’article 155 (5) LIR accorde, pour le recouvrement des intérêts de retard les mêmes garanties légales que celles dont bénéficient les impôts directs (cf. J. OLINGER, Les prélèvements pécuniaires accessoires en matière d’impôts directs, Etudes fiscales n° 112, octobre 1998, n° 13 et ss.).
Dès lors que les intérêts de retard constituent un accessoire des impôts auxquels ils se rapportent, c’est à juste titre que le bureau d’imposition a émis le bulletin d’appel en garantie également pour les intérêts de retard sur les impôts dus et que le directeur a rejeté la réclamation du demandeur à cet égard.
Partant, le tribunal est amené à conclure que c’est à bon droit que le directeur a déclaré non fondé la réclamation et a retenu que le bureau d’imposition a à juste titre engagé la responsabilité du demandeur pour le paiement de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2007 à 2009 de la société … resté en souffrance.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres contestations que le recours est à déclarer non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros formulée par le demandeur est rejetée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation ;
rejette la demande de sursoir à statuer ;
au fond, le déclare non fondé et en déboute ;
dit qu’il n’y pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Hélène Steichen, juge, et lu à l’audience publique du 21 mai 2014 par le vice-président, en présence du greffier assumé Judith Tagliaferri.
Judith Tagliaferri Claude Fellens 15