Tribunal administratif N° 34181 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 16 mai 2014 Recours formé par Monsieur …,… contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34181 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2014 par Maître Isabelle Ferrand, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 février 2014 de statuer sur le bien-
fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement en date du 2 avril 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en sa plaidoirie à l’audience publique du 30 avril 2014.
Le 24 décembre 2013, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Monsieur… sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Monsieur… fut entendu en dates des 21 et 23 janvier 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
A cette occasion, Monsieur…, déclarant être de nationalité monténégrine et appartenir à l’ethnie bochniaque, relata avoir vécu aux Etats-Unis depuis le 16 ou le 17 novembre 2001 et y avoir déposé deux demandes de protection internationale. Il aurait rencontré dans un bar une résidente du Minesota auprès de laquelle il aurait vécu à partir du 8 décembre 2009 jusqu’au 21 août 2010. Ils se seraient mariés le 10 octobre 2010 au Monténégro, mais son épouse, de nationalité américaine, serait retournée aux Etats-Unis. En juin 2011, il aurait trouvé un emploi à … dans une société de peinture. Il exposa que depuis cette époque il aurait eu des problèmes avec son épouse et qu’il aurait eu le sentiment que son patron aurait chargé une femme pour le surveiller. Ensuite, il aurait trouvé un autre travail à …. En août et en septembre 2011, il aurait passé des vacances en Turquie et quelques jours après son retour, il aurait reçu des courriels de la part d’un certain …le menaçant. Il relata qu’il soupçonne que sa femme serait derrière ces menaces. En octobre 2011, son épouse serait devenue dépressive et elle l’aurait accusé d’avoir espionné ses amis. Dans ce contexte, elle l’aurait appelé pour le menacer.
En décembre 2011, il aurait trouvé un travail à … qui aurait consisté en la rénovation de la maison de son témoin de mariage. Après y avoir travaillé quatre ou cinq jours, il aurait commencé à trembler. Le demandeur estima que quelqu’un lui aurait mis une substance narcotique dans son café. Par ailleurs, le même jour, une femme l’aurait appelé pour lui conseiller de consulter un psychiatre. Quelques jours plus tard, il aurait senti de l’acidité dans sa bouche et, le 17, 18, 19 ou 20 décembre 2011, son état de santé se serait empiré et il aurait senti des symptômes de paralysie. Cependant, le médecin consulté n’aurait rien trouvé et il l’aurait envoyé chez un psychiatre qui lui aurait prescrit des médicaments. Le lendemain, le demandeur serait retourné aux urgences parce qu’il aurait eu l’impression d’avoir été empoisonné.
Le 28 décembre 2011, il aurait été aux urgences pour une prise de sang, cependant aucune anomalie n’aurait été trouvée. Dans ce contexte, le demandeur affirma que ceci aurait été le premier attentat sur sa personne et qu’il serait tombé dans le coma pendant quatre jours.
Le lendemain de cet incident, sa mère lui aurait fait savoir qu’elle aurait réussi à le détruire et qu’aucun médecin ne pourrait lui venir en aide. Trois autres atteintes à sa vie s’en seraient suivies entre janvier et juin ou juillet 2012. Lors de la deuxième tentative de d’empoisonnement, le demandeur relate qu’on l’aurait diagnostiqué comme paranoïaque. Lors de la troisième tentative d’empoisonnement, il aurait été hospitalisé pendant quelques jours et le dernier empoisonnement aurai été suivi d’une hospitalisation de trois ou quatre mois dans le département psychiatrique.
En 2013, sa mère aurait porté plainte contre lui parce qu’elle l’aurait accusé de l’avoir frappé et elle aurait appelé la police pour l’envoyer à la psychiatrie. Dans ce contexte ces policiers lui aurait ainsi consulté de se présenter au tribunal suite à la convocation qu’il aurait reçu de ce dernier, mais tout aurait été annulé. Il aurait été convoqué une deuxième fois par ce même tribunal et il aurait été condamné en mai ou en juin 2013 à trois mois de prison avec sursis pour une prétendue agression perpétrée contre sa mère.
Le demandeur donna encore à considérer que dans son village, on lui aurait conseillé de fuir alors que les tentatives d’empoisonnement seraient à qualifier de tentatives de meurtres.
Le demandeur expliqua encore qu’il serait d’avis que derrière tous ses atteintes à sa vie serait son épouse qui l’accuserait d’avoir espionné ses amis aux Etats-Unis.
Par décision du 24 février 2014, notifiée à l’intéressé par une lettre recommandée envoyée le 25 février 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur… qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 20 (1) sous a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination du Monténégro ou de tout autre pays dans lequel il serait autorisé à séjourner.
Le ministre releva de prime abord que Monsieur… proviendrait d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 et que par ailleurs la demande de protection internationale reposerait essentiellement sur des motifs d’ordre privé, respectivement familial et médical ne répondant ainsi à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 5 mai 2006. Plus particulièrement quant à la condamnation de Monsieur… par un tribunal monténégrin à trois mois de prison avec sursis, le ministre estima que ces faits ne constitueraient ni une tentative de meurtre ni ne rentreraient-ils dans le champ d’application de la Convention de Genève. Quant au fait que des membres de sa famille le considéreraient comme malade et voudraient le faire soigner par un psychiatre, le ministre le qualifia comme constituant une divergence d’opinion au sein de la famille de Monsieur…, mais qui ne saurait être pris en compte dans le cadre d’une demande de protection internationale. Au sujet des menaces, empoisonnement et une agression, le ministre les qualifia de délits de droit commun, punissables selon la loi monténégrine, mais qui ne répondraient pas aux critères prévus par la Convention de Genève et la loi du 5 mai 2006.
Le ministre retint par ailleurs, sur base de l’article 29 de la loi du 5 mai 2006, qu’il ne ressortirait pas des éléments lui soumis que l’Etat ou d’autres organisations étatiques présentes sur le territoire du pays d’origine de Monsieur… ne pourraient ou ne voudraient pas lui accorder une protection à l’encontre des personnes impliquées dans les actes invoqués par Monsieur…. Le ministre souleva encore que les allégations de Monsieur… selon lesquelles son épouse, sa mère ou son frère auraient tenté de l’assassiner relèveraient de la pure spéculation et qu’il serait plus qu’improbable que les prises de sang effectuées ou le diagnostique de paranoïa reçu, auraient constitué des tentatives d’assassinat. En outre, étant donné que Monsieur… aurait été à chaque fois hospitalisé et placé dans un service psychiatrique, on devrait en dégager plutôt l’idée qu’il aurait passé des traitements médicaux ordinaires.
Le ministre retint encore que le demandeur aurait eu la possibilité de profiter d’une fuite interne dans son pays d’origine.
Enfin, le ministre conclut que le récit de Monsieur… ne contiendrait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2014, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 24 février 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Quant aux faits, le demandeur relève qu’il résulterait clairement de ses déclarations qu’il subirait des persécutions dans son pays d’origine. En effet, il y serait en danger alors qu’il aurait été victime de plusieurs tentatives d’empoisonnement. Malgré ses plaintes auprès des tribunaux et des médecins, sa vie serait toujours en danger dans la mesure où aucune protection ne lui serait accordée. Il aurait d’autant plus besoin de protection, étant donné qu’il souffrirait de troubles mentaux importants.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 24 février 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision du ministre déférée.
Le recours est encore recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir évalué correctement sa situation en décidant d’user de la protection accélérée au motif que la demande de protection internationale tomberait sous le paragraphe a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006. Plus particulièrement quant à la qualification de pays sûr de son pays d’origine, le demandeur relève qu’au Monténégro l’augmentation importante des demandeurs d’asile témoignerait tant de l’existence de persécutions que de l’inefficacité des recours contre les violations des droits et liberté des ressortissants. Un rapport d’Amnesty International de 2013 témoignerait que les droits de l’homme et les libertés fondamentales n’y seraient pas respectés.
Le demandeur invoque encore qu’il résulterait de son récit, comme de tant d’autres récits de citoyens monténégrins, que les ressortissants de son pays d’origine commettraient des actes de persécution ou de tortures ou infligeraient des traitements ou des peines inhumains ou dégradants sans faire l’objet de sanctions et sans être jugé pour ces faits. En ces circonstances, sa demande de protection internationale devrait faire l’objet d’une procédure classique et non pas accélérée.
Quant au reproche d’avoir soulevé des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante, le demandeur estime qu’il aurait clairement fait état lors de son entretien d’un effroi terrible face à une réelle persécution. Le demandeur en conclut qu’une erreur manifeste d’appréciation de la part du ministre le priverait d’un second degré de juridictions, de sorte que la décision de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée devrait encourir l’annulation.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait statué à juste titre sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée et conclut au rejet de ce volet de la requête introductive d’instance.
Tel que relevé ci-avant, la décision ministérielle déférée est fondée sur les dispositions des points a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 aux termes desquelles « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;
b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;
[…] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) sous a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande, soit s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ou, encore, si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 de vérifier, sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application du prédit article afin de décider de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.
Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 a désigné le Monténégro comme pays d’origine sûr.
Il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité monténégrine et qu’il a habité le Monténégro avant de rejoindre le Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.
Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale de Monsieur…, a conclu qu’il provenait d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
Or, l'analyse de la situation décrite par le demandeur lors de ses auditions ainsi que dans le cadre du présent recours ne permet pas au tribunal d'en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption en ce qui le concerne et pour conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle sous analyse.
En effet, il ressort des déclarations du demandeur qu’il se serait adressé une seule fois à la police pour dénoncer les tentatives d’empoisonnement et s’il est exact que ce policier n’a pas pris ses déclarations au sérieux, le demandeur aurait pu et dû au moins essayer de s’adresser à d’autres policiers, voire à la hiérarchie du premier. Par ailleurs, le tribunal constate que le demandeur a été soigné à l’hôpital et que des analyses adéquates ont été effectuées. Dès lors, le tribunal est amené à conclure qu’il ne ressort pas des éléments lui soumis que les autorités du pays d’origine du demandeur n’auraient pas voulu ou pu lui apporter une protection adéquate.
Cette conclusion n’est ni énervée par l’affirmation vague du mandataire du demandeur qu’une augmentation prétendument importante de demandeurs de protection internationale provenant du Monténégro, ni par le rapport d’Amnesty International versé par le demandeur dans la mesure où ce dernier traite d’une problématique particulière, à savoir l’impunité d’anciens policiers accusés de crimes de guerre lors du conflit des Balkans en 1992, situation qui est manifestement étrangère à celle du demandeur.
Par voie de conséquence, le tribunal est amené à conclure que le demandeur n’a pas fourni d’éléments de nature à renverser le constat du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 selon lequel le Monténégro est à considérer comme pays d’origine sûr pour le demandeur, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a pu statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006.
Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) sous a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 24 février 2014 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demande de protection internationale déclarée non fondée, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre cette décision ministérielle. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance, le demandeur reproche au ministre d’avoir fait une erreur d’appréciation en refusant de lui accorder le statut conféré par la protection internationale. En effet, il aurait été à la merci de ses agresseurs alors que la police et le gouvernement monténégrin seraient incapables de faire face à cette situation et de le protéger. Ainsi, l’inefficacité des forces de police et du système judiciaire risquerait de lui coûter la vie alors qu’il devrait faire face à la volonté ferme des agresseurs et à leur manque scrupule.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Il convient de relever qu’aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » L’article 31 (2) précise que : « Les actes de persécution, au sens du paragraphe (1), peuvent notamment prendre les formes suivantes :
a) violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles ; » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection conte les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier d’acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que des persécutions antérieures d’ores et déjà subies se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les difficultés rencontrées par le demandeur n’ont pas pour origine l’un des motifs de persécution énoncés à l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social et repris par l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006.
Force est en effet au tribunal de constater qu’il ne ressort pas des déclarations du demandeur que les auteurs des tentatives d’empoisonnement dont il déclare avoir été victime ont agi pour des motifs rentrant dans le champ d’application de la Convention de Genève, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social. Il ne ressort pas non plus des déclarations du demandeur que le fait d’avoir été interné dans un hôpital psychiatrique pendant trois mois ou encore la plainte que sa mère a déposé contre lui aient été motivées par un des motifs de fond de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006.
Par voie de conséquence, le tribunal est amené à conclure que la crainte de persécutions avancée par le demandeur ne rentre pas dans le champ d’application de la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 f), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
A l’appui de sa demande en obtention du bénéfice de la protection subsidiaire, le demandeur se base en substance sur les mêmes faits et arguments avancés dans le cadre de sa demande en obtention du statut de réfugié.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que c’est à bon droit qu’il lui aurait refusé le bénéfice du statut de la protection subsidiaire.
Le tribunal est amené à relever à cet égard que si les tentatives d’empoisonnement invoquées par le demandeur tombent a priori dans le champ d’application de l’article 37 en ce qu’ils sont susceptibles d’être qualifiés d’exécution ou encore de traitements inhumains ou dégradants, il n’en reste pas moins que les éléments soumis à son appréciation, tel que le récit du demandeur, sont insuffisants pour conclure que ce dernier, en cas de retour dans son pays d’origine, risque de subir ces atteintes graves. En effet, si les symptômes d’empoisonnement ont certes pu être ressentis par le demandeur comme réels, le tribunal est néanmoins amené à conclure qu’au vu du fait qu’aucune trace d’un tel empoisonnement n’a pu être détecté par les analyses médicales dont le demandeur a fait l’objet, le réalité de ces tentatives n’est pas vérifiée en l’espèce. Dans ces conditions, le tribunal en conclut qu’il n’existe pas de motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur, s’il est renvoyé dans son pays d’origine, court un risque réel de subir ces atteintes graves.
Quant au fait que la mère du demandeur, qu’il qualifie lui-même de psychiquement malade, a porté plainte contre lui pour maltraitances, force est au tribunal de constater qu’il ressort du récit du demandeur que cette procédure aurait été annulée.
Finalement, au sujet de l’internement du demandeur dans un hôpital psychiatrique pour trois mois, le tribunal tient à relever qu’il ne ressort pas des éléments soumis à son appréciation que cet internement serait à qualifier de traitements ou sanctions dégradants ou inhumains, dans la mesure où, selon les moyens invoqués au cours de la procédure contentieuse, le demandeur souffre effectivement de troubles mentaux importants.
C’est dès lors à juste titre que le ministre a refusé d’accorder au demandeur la protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 24 février 2014 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 24 février 2014 a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance le demandeur fait premièrement valoir que l’ordre de quitter le territoire devrait encourir l’annulation dans la mesure où la décision portant refus d’une protection internationale devrait être réformée.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur et que, par conséquent, un retour dans son pays d’origine ne l’expose ni à des persécutions, ni à des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, il a également pu valablement assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
En deuxième lieu le demandeur fait valoir que lors de quitter le territoire violerait l’article 129 de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », alors qu’un retour au Monténégro l’exposerait à des traitements cruels, inhumains et dégradants.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
Aux termes de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 […] ».
L’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) prévoit que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Si l’article 3 de la CEDH, auquel renvoie l’article 129 précité, fait obstacle à ce qu’une mesure d’éloignement soit prise à l’encontre de non-nationaux lorsqu’il est établi qu’il existe pour eux un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants dans le pays de renvoi, encore faut-il que le risque concerne des souffrances physiques ou mentales présentant une certaine intensité.
En effet, si une mesure d’éloignement, tel qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg, relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risque de porter atteinte aux droits inscrits à son article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la Convention d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés.
S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.
Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat de destination. La Cour européenne des droits de l’homme recherche donc s’il existe un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.
Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.
Or, en ce qui concerne précisément les risques invoqués par le demandeur en cas de retour au Monténégro, le tribunal a conclu ci-avant à l’existence d’une possibilité de protection suffisante de la part des autorités de son pays d’origine, de sorte que le tribunal ne saurait se départir, à ce niveau-ci de son analyse, de cette conclusion.
Par suite, le tribunal est amené à conclure à l’absence de motif sérieux et avéré de penser que la décision du ministre ordonnant au demandeur de quitter le territoire luxembourgeois à destination du Monténégro l’expose aux traitements prohibés par l’article 3 de la CEDH.
A défaut d’autres moyens soulevés par le demandeur, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à son égard.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 24 février 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 24 février 2014 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 24 février 2014 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Hélène Steichen, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 16 mai 2014, à 15.00 heures, par le vice-
président, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16/5/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 14