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03/04/2014 | LUXEMBOURG | N°34045

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 avril 2014, 34045


Tribunal administratif Numéro 34045 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2014 2e chambre Audience publique du 3 avril 2014 Recours formé par Madame ….., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34045 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ….., née le …. à … (Montén...

Tribunal administratif Numéro 34045 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2014 2e chambre Audience publique du 3 avril 2014 Recours formé par Madame ….., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34045 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ….., née le …. à … (Monténégro), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur ….., né le …. à …. (Monténégro), tous les deux de nationalité monténégrine, demeurant actuellement ensemble à …., tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même jour portant refus de leur accorder le statut de la protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sarah Moineaux, en remplacement de Maître Olivier Lang, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mars 2014.

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Le 2 décembre 2013, Madame ….., accompagnée de son enfant mineur ….., introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Madame ….. sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Madame ….. fut entendue les 7 et 22 janvier 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, Direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 28 janvier 2014, envoyée par envoi recommandé du 30 janvier 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Madame ….. qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères en date du 2 décembre 2013.

Quant à vos déclarations auprès du Service de Police judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 2 décembre 2013.

Il ressort dudit rapport que vous auriez quitté votre pays le 23 novembre 2013 et que vous seriez arrivée le 24 novembre 2013 au Luxembourg. Vous dites d'abord être venue avec l'aide d'un passeur dans une voiture, puis vous dites que vous auriez pris un bus de ….. au Luxembourg, mais vous n'auriez pas gardé les tickets de bus et vous ne sauriez pas quelles frontières vous auriez passées et comment vous les auriez passées sans passeport valide.

Vous présentez une carte d'identité monténégrine, mais vous dites ne pas disposer de passeport.

Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien de l'agent du ministère des Affaires étrangères et européennes des 7 et 22 janvier 2014.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Monténégro dans un bus de la compagnie ….. Vous auriez payé 100,-€ pour le ticket et un pot-de-vin au chauffeur parce que vous n'auriez pas eu de passeport.

Votre mari serait décédé le 26 août 2013. II aurait eu une maladie du foie, mais ses parents vous rendraient responsable de sa mort. Vous auriez eu beaucoup de disputes avec votre mari et même quand il aurait été à l'hôpital, vous vous seriez menacés et insultés par messages téléphoniques. Ses parents croient qu'il aurait fait une crise cardiaque à cause des disputes. Votre beau-père aurait pris le téléphone de votre mari quand celui-ci serait décédé à l'hôpital et il aurait montré les messages aux gens qui seraient venus pour présenter leurs condoléances. Vous croyez que vos beaux-parents auraient déposé plainte contre vous et qu'ils voudraient utiliser les messages comme preuve au tribunal. Vous auriez peur d'aller en prison.

Vous auriez vécu avec votre mari dans l'appartement de ses parents. Vous dites que la relation avec vos beaux-parents aurait toujours été tendue. Ils vous auraient provoquée parce que votre père aurait cessé toute relation avec vous quand vous vous seriez mariée avec leur fils en mars 2009. Il aurait été contre ce mariage parce que le frère de votre mari aurait été psychologiquement instable et parce que cette maladie serait héréditaire dans la famille.

Un mois ou un mois et demi après la mort de votre mari, votre beau-père serait allé avec vous au Centre social à ….. pour demander s'il avait des droits sur l'enfant, mais l'assistante sociale lui aurait répondu que vous seriez la seule personne à avoir un droit sur votre fils. Votre beau-père vous aurait alors insultée devant témoins au Centre social. Il aurait dit qu'il vous enlèverait votre fils, que vous ne seriez pas une bonne mère et qu'il pourrait prouver cela. Vous auriez alors dit à l'assistante sociale que votre beau-

frère vous aurait maltraité ainsi que votre fils, ce qui aurait rendu votre beau-père encore plus furieux. Vous dites que votre beau-frère aurait donné des gifles à votre fils parce que celui-ci serait un enfant assez actif ce qui l'énerverait. Il vous aurait insultée et aurait dit que vous ne vivriez plus longtemps comme vous auriez été la cause de la mort de son frère. Vous croyez qu'il aurait même une fois brûlé votre fils à la nuque. Vous ne l'auriez pas vu, mais vous auriez entendu crier votre enfant qui en aurait gardé une cicatrice. Quand vous l'auriez montrée à votre belle-mère, votre beau-frère aurait tout nié.

En sortant du Centre social, vous seriez allée au commissariat de police. Vous auriez raconté ce que vous devriez subir chez vos beaux-parents, mais vous l'auriez raconté à la mauvaise personne parce que ce policier aurait été un ami de votre belle-

famille. Il vous aurait répondu qu'il considérerait que rien ne se serait passé et qu'il n'y aurait pas eu de menaces. Vous lui auriez demandé qu'il fasse un rapport, mais il l'aurait refusé. Suite à cette rencontre décevante, vous n'auriez plus voulu aller plus loin.

Vous auriez continué à vivre chez vos beaux-parents après la mort de votre mari parce que vous ne pourriez pas retourner chez vos propres parents. Vous auriez encore eu du contact avec votre frère et vous lui auriez expliqué la situation. Il aurait parlé à vos parents et votre père vous aurait permis de vous rendre chez eux avec votre enfant.

Pourtant, vous ne lui auriez rien dit sur les messages que votre beau-père aurait trouvés sur le téléphone de votre mari parce que vous en auriez eu honte. Chez vos parents, vous auriez envoyé des lettres à ….. et à ….. de l'Etat du Monténégro pour leur demander de l'aide, mais vous n'auriez jamais reçu de réponse. Après 15 ou 20 jours, votre beau-père serait venu chez votre père et lui aurait montré ces messages. Votre père l'aurait cru que vous seriez responsable de la mort de votre mari et il vous aurait enfermée dans son atelier en disant qu'il aiderait votre beau-père à vous faire condamner. Votre mère vous aurait apporté de la nourriture et votre frère vous aurait aidée à vous échapper. Il vous aurait aussi informée qu'un bus partirait en direction de l'Allemagne.

Vous déclarez que vous n'auriez pas pu vous installer dans une autre région du Monténégro, parce que votre belle-famille vous rechercherait. Elle vous aurait même trouvée au Luxembourg, car une amie vous aurait dit dans la salle d'attente du ministère qu'une femme du nom d'…. ou ….. se serait approchée d'elle pour savoir si elle connaissait une certaine ….. et elle lui aurait dit que vous habiteriez au Don Bosco.

En cas de retour au Monténégro, vous craigniez le retrait de la garde de votre enfant et d'aller en prison.

Enfin, il ressort du rapport d'entretien des 7 et 22 janvier 2014 qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.

Analyse ministérielle en matière de protection internationale Soulignons dans ce contexte que l'examen et l'évaluation de votre situation personnelle ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais qu'il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.

1. Quant au bien-fondé de statuer dans le cadre d'une procédure accélérée En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous plusieurs des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

c) « le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi; » a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » b) « il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » 2. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 c) de la loi modifiée du 5 mai 2006, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 31(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 28 de la loi susmentionnée.

Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui craigne avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

Relevons que vous possédez la nationalité monténégrine et que selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, le Monténégro, doit être considéré comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l'article 20§1 étant donc également remplies.

Un pays est considéré comme sûr s'il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De plus, lorsque sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques, il peut être démontré que, d'une manière générale et de manière durable, il n'existe pas de recours à des persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ni des motifs sérieux de croire que le demandeur de protection internationale court un risque réel de subir une atteinte grave telle que déterminée à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006, le pays d'origine concerné peut valablement être considéré comme pays d'origine sûr.

A titre complémentaire, il convient également de relever qu'au Monténégro, les critères suivants sont garantis :

- l'existence d'un système judiciaire indépendant;

- la reconnaissance des libertés et des droits démocratiques de base, y compris de mécanismes de recours si ces droits ou libertés sont violés;

- l'existence d'organisations de la société civile.

Ces aspects sont d'autant plus confortés par le fait qu'en date du 29 juin 2012 les Etats membres de l'Union Européenne ont marqué leur accord final pour entamer les négociations à l'élargissement. En effet, le Conseil de Stabilisation et d'association de l'Union Européenne constate le 18 décembre 2012 dans son communiqué que:

« The SA Council then considered a number of areas related to the political criteria, including the public administration and judicial reforms, the fight against corruption and organised crime, the protection of human, civil and political rights as well as of social and economic rights, the defence of the rights of LGBT persons, the protection of women's rights, gender equality, and the situation of displaced persons. The SA Council generally welcomed the progress made and encouraged Montenegro to build upon this progress to further advance its reform process. (…) The SA Council particularly welcomed the progress made by Montenegro in the area of the judiciary and fundamental rights. Implementation of recently adopted legislation had started and progress had been made with regard to the publication of court rulings and the case backlog. The SA Council encouraged Montenegro to complete the on-going constitutional reform in line with European standards and the Venice Commission's recommendations to strengthen judicial independence and accountability.

The SA Council also noted with satisfaction that Montenegro had strengthened its anti-

corruption legal framework and further developed its track record of investigations, prosecutions and convictions in corruption cases, while noting that further significant efforts were needed in this respect. ».

Compte tenu des constatations qui précèdent concernant la situation juridique, l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et la mesure dans laquelle une protection est offerte dans votre pays d'origine contre d'éventuels persécutions ou mauvais traitements, le Ministère des Affaires étrangères et européennes est d'avis que, d'une manière générale et uniformément, il n'est pas recouru au Monténégro à la persécution au sens de la Convention relative au statut des réfugiés. Ainsi, force est donc de constater que les critères du paragraphe 4 article 21 sont clairement remplis. De plus, il n'existe pas de motif sérieux de croire que vous courez un risque réel de subir une atteinte grave telle que déterminée à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006.

En l'espèce, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amenées à quitter votre pays d'origine n'ont pas été motivées par un des critères de fond définis de lesdites Convention et loi.

Force est de constater que votre demande de protection internationale est motivée exclusivement par des motifs privés qui ne relèvent pas du champ d'application de la Convention de Genève, étant donné qu'il n'existe aucune crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les insultes et menaces que vous auriez subies par votre belle-famille sont des actes émanant de personnes privées. Or, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Vous dites que le policier auquel vous auriez parlé, n'aurait pas pris au sérieux vos doléances et qu'il n'aurait pas voulu rédiger un rapport, mais vous dites aussi qu'il aurait été un ami de votre belle-

famille. Toutefois, il est étonnant qu'après avoir appris la relation amicale de ce policier avec votre belle-famille, vous n'auriez pas essayé de vous adresser encore une fois à la police et de vous rendre auprès d'un autre commissariat. Vous dites avoir envoyé des lettres à ….. et à ….., mais ne pas avoir eu de réponse. Vous dites avoir écrit ces lettres lors de votre retour chez vos parents. Votre beau-père serait venu 15 à 20 jours plus tard et vous seriez restée six jours enfermée. Or, trois à quatre semaines sont probablement un laps de temps assez court pour obtenir une réponse d'hommes politiques qui, de toute façon, ne sont pas les personnes en charge de la médiation de conflits familiaux. Ainsi, il n'est pas démontré que les autorités monténégrines seraient dans l'incapacité ou refuseraient de vous fournir une protection contre votre belle-famille.

En outre, vous restez en défaut de produire un quelconque élément de preuve permettant d'établir avec certitude que vos beaux-parents auraient porté plainte contre vous et que vous risqueriez une peine de prison. Il est très peu probable que la révélation de cet échange de SMS — en la supposant établie — soit suffisante pour pouvoir prouver une infraction de votre part, respectivement une responsabilité dans le cadre du décès de votre mari pouvant entraîner une condamnation pénale. Votre peur d'être emprisonnée lors d'un retour au Monténégro est non fondée et exprime plutôt une simple crainte hypothétique qui n'est basée sur aucun fait réel ou probable et ne saurait cependant constituer des motifs visés par la Convention de Genève. Vos motifs traduisent plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

Indépendamment de l'absence d'un quelconque élément de preuve de vos déclarations, les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

Par ailleurs, il convient de relever une incohérence assez importante entre votre déclaration d'arrivée et vos entretiens. Il ressort du rapport d'entretien qu'après avoir vu les messages que vous auriez envoyés à votre mari hospitalisé, votre père aurait partagé l'avis de votre beau-père que vous seriez responsable de sa mort. Il vous aurait enfermée et votre frère vous aurait aidée à vous échapper et à quitter le Monténégro. Or, lors de votre arrivée, vous déclarez que vous n'auriez pas pu rester chez vos parents parce qu'ils seraient vieux et n'auraient pas beaucoup de moyens. Vous dites aussi que vous auriez à plusieurs reprises demandé de l'aide et une protection auprès des institutions étatiques, mais que vous n'auriez rien obtenu parce que vous seriez bosniaque.

À part le fait que, lors des entretiens, vous ne mentionnez plus ces refus de la part des institutions étatiques, je vous informe que « [l’] approche monténégrine concernant les problèmes des minorités ethniques a été montrée comme un exemple d'intégration des minorités dans la région. Les résultats du recensement organisé du 1er au 15 avril 2011 révèlent que 44,98 % des citoyens se sont déclarés Monténégrins, 28,73 % Serbes, 8,65 % Bosniaques, 4,91 % Albanais, 3,31 % Musulmans, 0,97 % Croates, 1,01 % Roms, tandis que 4,87 % ont refusé de déclarer leur appartenance ethnique. Ces chiffres sont importants, étant donné que la Constitution prévoit une «représentation équitable» des minorités nationales dans les services publics, organes de l'Etat et organes des administrations locales - une disposition qui devrait être précisée et mise en oeuvre, selon la Commission européenne. (…) ». En outre, « Young women and mothers who are coming alone and they don't want or they are not able to return to their families can get a sort of support from the Center for Social Care upon regulating documents and they can also register at the Unemployment Office (through which they will have health insurance when registered) and to see what are the employment possibilities. If they don't have accommodation and if they have financial problems, they can address to non-

governmental organizations (Montenegrin Women's Lobby, Safe Women's House, Center Plus-Project of Temporary House, Dom nade (Home of Hope) etc.) in order to make solution in which way these NGOs can help them. ».

Dans ce contexte, des raisons économiques sous-tendent votre demande de protection internationale. Or, des raisons économiques ne sauraient davantage fonder une demande en obtention du statut de réfugié.

En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutée dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

De tout ce qui précède, les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies.

3. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 37 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 37 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 28 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous auriez subi des menaces de la part de vos beaux-parents qui vous rendraient responsable de la mort de leur fils et qui auraient voulu vous retirer la garde de votre enfant. Ils en auraient également persuadé votre père qui vous aurait alors enfermée à la maison. En cas de retour au Monténégro, vous craigniez perdre la garde de votre enfant et aller en prison.

Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admis comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. Ainsi, rien ne s'oppose à un retour dans votre pays d'origine.

Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dés lors refusée comme non fondée au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Monténégro, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014, Madame ….., agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur ….., a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 28 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 28 janvier 2014 portant refus de leur accorder le statut de la protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

S’agissant des faits, la demanderesse renvoie le tribunal à ses déclarations telles que consignées dans son rapport d’audition des 7 et 22 janvier 2014.

Le ministre ayant relevé une incohérence entre les déclarations de la demanderesse faites lors du dépôt de sa demande de protection internationale au moment de son arrivée au Luxembourg le 2 décembre 2013 et celles faites lors de ses entretiens des 7 et 22 janvier 2014 avec un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en ce qui concerne les raisons pour lesquelles elle n’aurait pas pu rester chez ses parents, ainsi que le prétendu refus des autorités monténégrines de lui offrir de l’aide et une protection en raison de son origine bosniaque, la demanderesse explique qu’elle aurait été sous le choc au moment du dépôt de sa demande de protection internationale.

Si de telles incohérences peuvent, le cas échéant, constituer un indice que le récit ne correspond pas à la réalité, le tribunal est amené à retenir qu’en l’espèce, à défaut par la partie étatique d’avoir mis en évidence de véritables contradictions, le récit de la demanderesse est à retenir pour être crédible en son intégralité.

La demanderesse affirme encore que lors du dépôt de sa demande de protection internationale, la pratique suivie par l’administration aurait été contraire à l’esprit de l’article 7 de la loi du 5 mai 2006, sans cependant en tirer une conséquence.

Or, il échet de rappeler qu’il n’appartient pas au tribunal de prendre en considération des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement1. En outre, il n’appartient pas au tribunal de formuler lui-même, en l’absence d’indications précises et circonstanciées de la part d’un demandeur, le ou les moyens en droit que celui-ci a souhaité soulever, étant donné que les juridictions administratives ne se sont pas vu attribuer par le législateur le rôle d’instruire eux-mêmes les recours introduits devant eux. Il s’ensuit que le développement relatif à l’article 7 de la loi du 5 mai 2006 est à écarter.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ce volet du recours, concernant la décision de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le fondement de l’article 20 (1), points a) et b) de la loi du 5 mai 2006, la demanderesse, en se plaçant dans le cadre de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, fait valoir que la famille de son époux décédé aurait commis de graves maltraitances d’ordre psychologique et aurait proféré des menaces de mort à son égard et que son propre père l’aurait séquestrée pendant cinq jours dans une cave. Son fils de deux ans se serait vu infliger des maltraitances physiques de la part de son oncle. Elle en déduit qu’elle-même et son fils risqueraient, en cas de retour au Monténégro, de devenir victimes d’actes de torture ou de traitements inhumains et dégradants, au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006, infligés volontairement par la famille …… 1 cf trib.adm. 9 décembre 1998, n°s 9833 et 10188 du rôle, Pas.adm. 2012, v° Procédure contentieuse, n°730 et autres références y citées.

Quant à la décision de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le fondement de l’article 20 (1), point c) de la loi du 5 mai 2006, la demanderesse soutient que le Monténégro ne pourrait pas être qualifié de pays d’origine sûr dans son chef et celui de son fils en raison de leur situation personnelle. A cet égard, elle relève que suite à l’éclat de son beau-père en public au centre social de ….., elle se serait adressée au commissariat de police de la ville de ….., mais que l’agent l’ayant reçue aurait refusée de dresser un rapport au motif qu’elle n’aurait subi que des menaces. Ledit policier, ainsi que tous les autres policiers de la ville de ….. connaîtraient sa belle-famille, son beau-père ayant été agent de Police au commissariat de ….. avant sa retraite. Elle indique que face au défaut des autorités de police locale de prendre des mesures coercitives et dissuasives, elle aurait exposé sa situation et celle de son fils par voie de courrier au premier ministre et au président du parlement du Monténégro, sans cependant recevoir une réponse de la part de ces derniers.

La demanderesse soutient ensuite que les critères fixés aux points a) et c) de l’article 21 (4) de la loi du 5 mai 2006 pour désigner un pays comme sûr ne seraient pas remplis en ce qui concerne le Monténégro, eu égard aux constatations se dégageant de différents rapports internationaux concernant le fonctionnement du système judiciaire monténégrin et développées ci-après dans le cadre de leur recours en réformation contre le refus d’octroi de la protection internationale. Elle en déduit qu’il y aurait lieu d’écarter, par la voie de l’exception, l’application du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 en tant qu’il désigne le Monténégro comme pays d’origine sûr.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait statué à juste titre sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée et conclut au rejet de ce volet du recours.

Tel que relevé ci-avant, la décision ministérielle déférée est fondée sur les dispositions des points a) b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 aux termes desquelles « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

[…] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) sous a) b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande, soit s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ou, encore, si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 de vérifier, sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application du prédit article afin de décider de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 a désigné la République du Monténégro comme pays d’origine sûr.

A ce stade, il convient tout d’abord d’examiner le moyen tiré de l’illégalité du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, en tant qu’il a désigné la République du Monténégro comme pays d’origine sûr, en vue de déterminer s’il y a lieu d’en écarter l’application sur base de l’article 95 de la Constitution qui prévoit que « Les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois ».

Au vu de l’habilitation légale accordée au pouvoir réglementaire par la disposition légale précitée de prendre un règlement grand-ducal en vue de la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr, il appartient au tribunal de vérifier, au vu des moyens et arguments développés par la partie demanderesse, si le règlement grand-ducal a été pris en conformité à l’article 21 (4) de la loi du 5 mai 2006 et, plus particulièrement si le critère fixé au point c) de cet article pour désigner un pays comme sûr est rempli.

Il ressort d’un rapport de la Commission européenne du 29 juin 2012, cité par la partie étatique, que les Etats membres de l’Union européenne ont marqué leur accord final pour entamer les négociations à l’élargissement avec le Monténégro2. En outre, celle-ci se réfère à une publication du Conseil de Stabilisation et d’association de l’Union européenne du 18 décembre 2012 dont il ressort que le Monténégro a développé des efforts remarquables concernant la protection des droits de l’Homme et des droits fondamentaux3.

Il convient encore de relever que la demanderesse n’a pas utilement contesté le constat du ministre que le Monténégro serait doté d’un système judiciaire indépendant et reconnaîtrait les libertés et les droits démocratiques de base.

Le tribunal considère par conséquent qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’application de l’article 1er du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 en tant qu’il désigne la République du Monténégro comme pays d’origine sûr.

Le constat de pays d’origine sûr n’est pas non plus contredit par l’examen de la situation personnelle des demandeurs.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont la 2 European Commission: Stefan Füle Member of the European Commission, Montenegro: Opening of negotiations big step towards EU membersphip, 29 juin 2012 3 Council of the European Union, Third meeting of the Stabilisation and Association Council between the European Union and Montenegro, Joint Press Release, 18 décembre 2012 nationalité monténégrine et qu’ils ont habité au Monténégro avant de fuir pour le Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée en application des dispositions précitées de l’article 20 c).

Toutefois, au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale des intéressés, a conclu qu'ils provenaient d'un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si les demandeurs lui soumettent, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.

Or, l'analyse de la situation décrite par la demanderesse lors de ses auditions ainsi que dans le cadre de la requête introductive d’instance ne permet pas au tribunal d'en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption en ce qui les concerne et pour pouvoir conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle. En effet, la situation des demandeurs n’est pas telle que, par rapport aux faits qu’ils invoquent, ils ne puissent bénéficier d’une protection appropriée de la part des autorités de leur pays d’origine, de sorte à conclure qu’ils ne disposeraient d’aucun système de recours efficace contre les violations de leurs droits les plus élémentaires.

En effet, il se dégage du rapport d’audition de la demanderesse qu’elle ne s’est adressée une seule fois à la police locale et que bien qu’elle ait eu connaissance du fait que le policier l’ayant reçu serait un ami de sa belle-fille, elle n’a pas essayé de s’adresser à un autre agent de police du commissariat local, ni à une instance supérieure.

Elle a au contraire admis qu’elle n’a pas voulu accomplir une autre démarche4, c’est-à-

dire qu’elle s’est résignée à ne plus rien entreprendre. Le tribunal est amené à retenir qu’un seul échec de déposer une plainte survenu au niveau de la station de police locale n’est pas suffisant pour rejaillir sur la capacité de l’institution policière dans son entier à protéger les demandeurs. Dans ces conditions, aucun reproche ne peut être adressé aux autorités monténégrines. Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation de la demanderesse que le premier ministre et le président du parlement monténégrin n’auraient pas répondu à ses courriers, dans la mesure où, tel que le ministre l’a retenu a 4 Cf. rapport d’audition de la demanderesse, p.8 juste titre, l’on ne saurait raisonnablement s’attendre à ce que des hommes politiques qui ne sont d’ailleurs pas directement en charge de la médiation de conflits familiaux, prennent position sur ce genre de courriers dans l’immédiat, étant relevé que la demanderesse a quitté le Monténégro avec son fils quelques semaines seulement après avoir rédigé ces courriers.

Ainsi, il ne ressort pas des éléments à la disposition du tribunal que les autorités monténégrines ne seraient pas en mesure d’apporter aux demandeurs une protection en rapport avec l’ampleur des difficultés qu’ils déclarent rencontrer et qu’ils n’auraient finalement pas eu d’autre solution que de solliciter une protection internationale pour y mettre un terme.

Les demandeurs n’ayant pas fourni d’éléments de nature à renverser le constat du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 selon lequel la République du Monténégro est à considérer comme pays d’origine sûr pour les demandeurs de protection internationale, c’est par conséquent à bon droit que le ministre, après analyse de la situation concrète, a pu statuer sur leur demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) sous a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A titre liminaire, la demanderesse précise qu’elle limite le recours au volet de la décision déférée refusant à elle-même et à son fils l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Elle souligne encore qu’elle aurait quitté son pays d’origine uniquement en raison des actes de harcèlement et de violence leur infligés par leur entourage familial.

La demanderesse se réclame de la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 et fait à cet égard état de menaces de mort formulées par son beau-frère, de graves maltraitances psychologiques à son égard émanant de son beau-père, de son beau-

frère, ainsi que de sa belle-mère, du fait que son père l’aurait enfermée dans une cave pendant cinq jours après avoir parlé à son beau-père, et enfin de maltraitances physiques infligées à son fils par son beau-frère.

Elle donne ensuite à considérer qu’elle aurait été psychologiquement très affaiblie et qu’elle aurait tenté de rechercher la protection des autorités monténégrines en s’adressant au commissariat de police de Petrovic où un agent de police lui aurait ironiquement fait comprendre que la protection qu’elle recherchait serait vaine et aurait refusé de dresser un rapport de ses déclarations. Le premier ministre et le président du parlement monténégrin n’auraient pas réagi à ses courriers par lesquels elle leur aurait demandé de la protection.

La demanderesse soutient encore que compte tenu des faits décrits et du contexte général dans lequel ces faits s’inscriraient, sa crainte et l’absence de prise en compte de ses déclarations par les autorités nationales permettraient de justifier qu’elle ne rechercherait pas plus en avant une protection hypothétique de la part des autorités monténégrines. Elle met en outre en exergue l’activité de policier de son beau-père avant sa retraite, ainsi que la vulnérabilité extrême et la précarité de sa situation et de celle de son fils suite au décès de son mari.

Elle affirme enfin que le Monténégro ne disposerait pas d’un système judiciaire effectif permettant de déceler et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave au sens de l’article 29 (2) de la loi du mai 2006. Elle se réfère à cet égard à un rapport du « United States Department of State » intitulé « Country Reports on Human Rights Practices for 2012 – Montenegro ».

Le délégué du gouvernement fait valoir que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que leur recours serait à rejeter pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

En vertu de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.(…) » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 2 f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits qu’il avance, du risque réel de subir des atteintes graves que les demandeurs encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.

A l’appui de la demande de protection subsidiaire, la demanderesse invoque en substance des faits de harcèlement et de violence à l’égard d’elle-même et de son fils émanant de leur entourage familial.

En ce qui concerne ces actes commis par des membres de leur famille, le tribunal, ayant retenu, dans le cadre de l’analyse de la demande relative à la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que les demandeurs n’avaient pas démontré à suffisance que leur pays d’origine n’était pas capable de leur fournir une protection adéquate, ne saurait se départir de cette conclusion dans le présent volet de leur demande.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation des demandeurs, déclaré la demande de protection internationale comme non justifiée.

Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

3. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 28 janvier 2014 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En l’espèce, la demanderesse sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant refus de la protection internationale dans son chef et celui de son fils.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de la demanderesse et de son fils, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens soulevés par la demanderesse, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à leur égard.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 janvier 2014 portant refus d’une protection internationale aux demandeurs ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 janvier 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Andrée Gindt, juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 3 avril 2014 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 avril 2014 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 34045
Date de la décision : 03/04/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-04-03;34045 ?

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