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03/04/2014 | LUXEMBOURG | N°34037

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 avril 2014, 34037


Tribunal administratif N° 34037 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2014 2e chambre Audience publique du 3 avril 2014 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34037 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, représe

ntée par Maître Bouchra Fahime Ayadi, avocat à la Cour, toutes deux inscrites au tableau d...

Tribunal administratif N° 34037 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2014 2e chambre Audience publique du 3 avril 2014 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34037 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, représentée par Maître Bouchra Fahime Ayadi, avocat à la Cour, toutes deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant à …., tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 31 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la même décision refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 2014.

En date du 24 décembre 2013, Monsieur ….. introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur ….. sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg furent actées dans un procès-verbal du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale du même jour.

En date du 15 janvier 2014, Monsieur ….. fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. A l’occasion de ses auditions, il déclara avoir fui son pays d'origine pour des raisons politiques en raison de ses activités pour le parti SLS, au pouvoir jusqu'aux élections du 1 er décembre 2013 qui auraient vu la victoire du parti rival, à savoir le « Parti politique Srbska ». Il explique qu’en sa qualité de membre actif, il aurait observé les gens et collé des affiches, raisons pour lesquelles il aurait été menacé et agressé à de nombreuses reprises pendant la campagne électorale en novembre 2013 par de jeunes serbes. Il précise que tous les membres du SLS auraient été agressés et menacés de ne pas pouvoir sortir de leur maison et de quitter le village. Il ajoute que les dix derniers jours avant l'élection, les membres du parti serbe auraient également menacé ses parents au téléphone de voter pour leur parti. Il expose qu’après les élections, il aurait été encore une fois agressé dans un café devant des témoins qui n'auraient cependant pas voulu s'en mêler au vu de la victoire du parti en question. Il relate avoir déclaré à plusieurs reprises ces agressions à la police qui lui aurait répondu qu'il n'apporterait pas de preuves idoines bien qu’elle ait néanmoins écrit au total six rapports. Il indique qu'entre le 1er décembre 2013 et le 8 décembre 2013, il se serait caché à …… Il ajoute qu'après la plainte déposée par le politicien …., tous les membres actifs du SLS auraient été menacés et quatre d'entre eux auraient déjà été condamnés à des peines de prison d'un mois. Il explique craindre à son tour d'être incarcéré et fait état de ce qu’il serait recherché par la police, suite à un avis de recherche qui aurait été publié après les élections du 1er décembre 2013 à la suite duquel la police se serait présentée à plusieurs reprises au domicile de ses parents et au domicile d'amis en vue de le chercher et de le conduire au poste de police. Il conclut qu’il aurait quitté le pays avant de se faire arrêter.

Par une décision du 31 janvier 2014, notifiée par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur ….. qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Aux termes de cette décision, le ministre a en substance motivé son refus en mettant tout d’abord en cause la crédibilité du récit du demandeur qui n’aurait, par ailleurs, pas apporté de preuve de son affiliation au parti politique en question, au motif que la chronologie des événements décrits par le demandeur ne serait pas exacte dès lors que les élections furent reportées dans sa commune au 15 décembre 2013 suite à la survenance d’un incident le 1er décembre 2013. Il en déduit que le demandeur n’aurait, par définition, pas avoir pu connaître le résultat des élections en date du 1er décembre 2013 qui aurait selon ses dires motivé le comportement d’observateurs dans le café où il se serait fait agresser et justifié qu’il se soit caché jusqu’au 8 décembre. Ensuite le ministre relève que le demandeur possède la nationalité du Kosovo, pays qui doit être considéré comme un pays sûr en vertu de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 et du règlement grand-ducal du 19 juin 2013 modifiant le règlement grand-

ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 dont le constat n’aurait pas été contredit par l’examen individuel de la demande de protection internationale du demandeur. S’appuyant sur plusieurs rapports internationaux, le ministre arrive à la conclusion que d’une manière générale et uniformément, il ne serait pas recouru au Kosovo à la persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 juillet 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971 (Convention de Genève). Il donne encore à considérer que les motifs sous-

tendant la demande de protection internationale du demandeur ne seraient pas basés sur un des critères de fond définis par ladite Convention étant donné qu’il s’agirait de délits de droit commun. Il est d’avis que le demandeur resterait en défaut de prouver que l’Etat ou d’autres organisations étatiques présentes au Kosovo ne peuvent pas ou ne veulent pas lui accorder une protection à l’encontre des jeunes serbes membres du parti politique rival. En tout état de cause, le ministre conclut que les agressions qu’il aurait subies n’atteindraient pas le niveau requis pour qu’elles puissent être assimilées à une persécution au sens des dispositions concernées de la Convention de Genève. Il relève également que les critères de l’article 30 de la loi du 5 mai 2006 seraient remplis en l’espèce au motif que les problèmes invoqués par le demandeur n’auraient qu’un caractère local et qu’il existerait une possibilité de fuite interne.

Il estime que le demandeur ne remplirait pas les conditions pour obtenir le statut de réfugié.

De même, il n’établirait pas des motifs sérieux permettant de croire qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014, Monsieur …..

a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 31 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la même décision du ministre portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Le demandeur reprend en substance l’exposé des faits décrits lors de ses auditions.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre pareille décision. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de ce volet du recours, le demandeur soutient que les faits qu’il invoque seraient pertinents, et conteste le constat du ministre selon lequel il proviendrait d’un pays d’origine sûr en s’appuyant sur un rapport d’Amnesty international de 2013 concernant la situation générale au Kosovo mais en n’en citant que des passages sans pour autant en tirer une conclusion par rapport à sa situation particulière.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement en ce qui concerne le point c) de l’article 20 (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Quant à l’application éventuelle de l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006, il se dégage de la lecture de l’article 21 (2), précité, qu’un pays peut être qualifié de pays d’origine sûr soit si le demandeur en a la nationalité, soit s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays.

Il est constant en cause qu’en vertu du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », tel qu’il a été modifié par un règlement grand-ducal du 1er avril 2011 et par celui du 19 juin 2013 que le Kosovo figure sur la liste des pays d’origine sûrs.

Il se dégage des éléments du dossier administratif ainsi que des déclarations du demandeur lors de ses entretiens respectifs, qu’il a la nationalité kosovare, pays dans lequel il a résidé en dernier lieu.

Il s’ensuit que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer dans le cadre de la procédure accélérée.

Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, en tout état de cause, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale du demandeur, a conclu qu’il provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006 et des moyens invoqués, de vérifier si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas de pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

L’analyse de la situation personnelle décrite par le demandeur à l’appui de son recours ne permet cependant pas d'en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle.

En effet, le demandeur n’a pas fait état d’éléments pertinents permettant de conclure que ce pays n’est pas à considérer comme étant un pays sûr à son égard et ce, d’autant plus que victime d’agressions verbales et physiques, il rapporte s’être adressé à la police qui n’aurait pas manqué de dresser six rapports. Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il serait recherché par les autorités policières kosovares en relation avec son engagement actif en tant que membre du parti politique de l’opposition ayant exercé des manipulations électorales dès lors qu’il ressort des informations communiquées par le délégué du gouvernement que le résultat des élections ne fut connu que postérieurement à son départ. Il s’ensuit que le demandeur n’a pu, en toute logique, quitter son pays d’origine en raison d’un avis de recherche lancé à son égard par le parti ayant gagné les élections.

Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur n’invoque pas des faits démontrant que le Kosovo ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef, de sorte que c’est à bon droit que le ministre, après analyse de sa situation concrète, a conclu qu’il est originaire d’un pays d’origine sûr, et qu’il a à bon droit statué sur sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y a lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Dans la mesure où l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur sollicite la réformation de la décision du ministre en ce sens que la protection internationale lui soit accordée en faisant valoir que les conditions pour obtenir une protection internationale seraient remplies.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En ce qui concerne la demande en obtention du statut de réfugié, le demandeur soutient que les faits invoqués seraient constitutifs de persécutions d’ordre mental, psychologique et physique en raison de ses activités politiques.

En l’espèce, il ressort des déclarations du demandeur telles qu’actées dans son rapport d’audition que si les faits qui l’ont amené à quitter son pays d’origine s’inscrivent certes sur une toile de fond d’activité politique dans son chef qui aurait été directement ou indirectement liée au parti SLS, il n’en reste pas moins que, bien qu’il affirme avoir été victime de persécutions de la part du parti politique serbe Srpska, il reste en défaut de rapporter qu’il aurait personnellement fait l’objet d’actes ayant été motivés par un des critères de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006. Force est en effet de constater que le demandeur fait état de deux catégories de faits distincts qui auraient provoqué son départ, à savoir, premièrement, qu’il aurait été recherché par les autorités policières suite à la victoire aux élections du parti rival Srpska et, deuxièmement, qu’il aurait été agressé verbalement et physiquement par des partisans du parti Srpska dans le cadre de la campagne électorale. Quant au premier chef d’événements, le tribunal a retenu plus en avant, à l’instar du délégué du gouvernement et sur base des informations mises à la disposition du tribunal, qu’il n’est pas vraisemblable que le demandeur ait pu faire l’objet d’un avis de recherche lancé à son égard après les élections par le parti vainqueur Srpska pour des motifs de manipulations électorales étant donné que les élections ont dû être reportées dans sa circonscription au 15 décembre 2013, de sorte que le résultat n’a été rendu public qu’après le départ du demandeur du Kosovo, le 9 décembre 2013.

Quant au second chef d’événements, le demandeur fait état d’agressions verbales voire de coups de pieds de la part de membres du parti politique rival. S’agissant d’actes perpétrés par des acteurs non étatiques a priori en raison de la poursuite d’activités politiques par le demandeur, ces actes ne sont de nature à tomber dans le champ d’application de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 que pour autant que leur intensité atteigne le seuil de gravité posé à l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006. Or, il y a lieu de constater qu’il ressort du rapport d’audition du demandeur qu’il affirme lui-même « [il] n’était pas gravement blessé. [Il a] juste reçu quelques coups de pieds » de sorte que l’intensité des agressions n’est pas de nature à atteindre le seuil posé par l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 pour être qualifiée de persécutions.

Partant il y a lieu de retenir qu’il ne remplit pas les conditions prévues pour l’octroi du statut de refugié de sorte que c’est à bon droit que le ministre a déclaré sa demande non fondée.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le demandeur se limite à affirmer qu’il répondrait aux conditions définies aux articles 2 et 37 de la loi du 5 mai 2006.

Or, force est de constater que le demandeur ne déclare pas risquer en cas de retour au Kosovo la peine de mort ou la torture au sens des points a) et b) de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Il n’a pas non plus fait état d’une situation dans laquelle il risquerait des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en tant que civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, le Kosovo ne se trouvant pas spécifiquement en l’état d’un tel conflit à l’heure actuelle, de sorte que le demandeur n’est pas non plus fondé à invoquer l’article 37 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il s’ensuit que le demandeur n’a pas établi encourir un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire L’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoyant un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 31 janvier 2014 a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus de lui accorder une protection internationale.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 31 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 31 janvier 2014 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 31 janvier 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Andrée Gindt, juge Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 3 avril 2014 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 avril 2014 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 34037
Date de la décision : 03/04/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-04-03;34037 ?

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