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31/03/2014 | LUXEMBOURG | N°34039

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2014, 34039


Tribunal administratif N° 34039 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2014 3e chambre Audience publique extraordinaire du 31 mars 2014 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34039 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014 par Maître Nicky Stof

fel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Tribunal administratif N° 34039 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2014 3e chambre Audience publique extraordinaire du 31 mars 2014 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34039 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Serbie) et de son épouse, Madame …, née le … à … (Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, né le … à …, et …, né le … à …, et de Monsieur …, né le … à …, tous de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Florie Hubertus, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 mars 2014.

En date du 7 novembre 2013, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, ainsi que de leur fils majeur …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations des consorts … sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg furent actées dans un procès-verbal du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale du même jour.

En date du 13 janvier 2014, Monsieur … et son épouse, Madame …, furent entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

En date du 29 novembre 2013, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

A l’occasion de son audition, Monsieur … déclara être de nationalité serbe et appartenir à l’ethnie bosniaque. Il indiqua qu’il aurait travaillé en tant que chauffeur de camion pendant les huit dernières années avant leur départ de leur pays d’origine et qu’il serait venu au Luxembourg pour sauver ses enfants, étant donné qu’il n’y aurait pas de travail dans leur pays d’origine. Le parti politique actuellement au pouvoir, à savoir le SDA, s’engagerait certes à trouver un travail pour leurs membres, mais bien qu’il ait parlé à plusieurs reprises avec le président dudit parti, il n’aurait pas eu de suite.

Ils auraient également quitté leur pays d’origine en raison des problèmes de santé de sa femme qui, il y a quatre ans, aurait souffert d’une maladie de la tyroïde et aurait dû être opérée. Pour pouvoir financer cette opération ayant coûté 2.000 €, ils auraient dû emprunter de l’argent pour payer une partie de cette somme.

En troisième lieu, le demandeur relata que son fils aîné aurait fréquenté l’université, mais qu’il n’aurait pas pu continuer ses études, étant donné qu’ils n’auraient plus été en mesure de les financer. Finalement, il indiqua que son fils … aurait des problèmes de vue et qu’ils n’auraient pas suffisamment d’argent pour payer ses lunettes.

Monsieur … précisa encore qu’il n’aurait gagné qu’un maigre salaire en tant que chauffeur de camion, de sorte qu’il aurait dû travailler au noir pour pouvoir subvenir aux besoins matériels de sa famille.

Madame … confirma les dires de son mari lors de son audition.

Quant à Monsieur …, il indiqua qu’il aurait poursuivi des études de couturier, mais qu’il n’aurait jamais eu un travail fixe et qu’il aurait travaillé que de façon sporadique quand il aurait eu du travail dans des boutiques. Il confirma qu’il aurait quitté la Serbie parce qu’il aurait perdu l’espoir pour un meilleur futur dans son pays et que seuls les membres du parti politique SDA y pourraient trouver du travail. Il confirma qu’il n’aurait pas pu s’inscrire au deuxième semestre à l’université en raison des problèmes de santé de sa mère. Il relata encore qu’il aurait raté un examen de comptabilité à cause d’un point et que tous les élèves musulmans auraient raté cet examen. Quand ces derniers auraient voulu en discuter avec l’assistant du professeur, ce dernier leur aurait répliqué qu’ils ne vaudraient rien et qu’ils n’allaient pas réussir. Il s’en serait suivi une dispute et une bagarre. Il se plaignit encore de conflits motivés par sa nationalité et sa religion avec les administrations et la commune dans la mesure où ce seraient les orthodoxes qui y occuperaient les postes clés. Par ailleurs, il aurait été victime de menaces de la part des citoyens de Tutin en raison de sa religion.

Par une décision du 29 janvier 2014, notifiée par lettre recommandée expédiée le 30 janvier 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20, paragraphe (1) a), b), et c), de la loi du 5 mai 2006 et que leur demande avait été refusée comme étant non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Le ministre releva d’abord qu’il y aurait lieu d’émettre des doutes quant à la crédibilité de leur récit dans la mesure où, selon Monsieur …, la raison principale de leur fuite serait des discriminations liées à leur religion, alors que ces discriminations n’auraient pas été mises en avant par ses parents. Par ailleurs, contrairement aux dires de Monsieur …, il n’y aurait pas d’université à Tutin et finalement ce dernier se serait encore contredit quand, dans un premier temps, il aurait affirmé ne jamais être allé à Trstenik pour parler au directeur de l’université, pour affirmer plus tard qu’il aurait tenté de dialoguer avec le directeur, mais que celui-ci aurait refusé de lui parler.

Plus précisément quant à la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le ministre estima que les demandeurs tomberaient sous trois des cas prévus au paragraphe 1er de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, en l’occurrence les points a), b) et c).

Quant au statut de réfugié, le ministre releva de prime abord que la Serbie figurerait sur la liste des pays d’origine sûr fixée par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs et que depuis le 1er mars 2012, la Serbie aurait obtenu le statut de candidat officiel à l’Union européenne compte tenu des améliorations concernant sa situation juridique et l’application du droit dans d’un régime démocratique qui garantirait une protection adéquate contre des persécutions ou mauvais traitements.

Le ministre souligna que les demandes de protection internationale des consorts … reposeraient uniquement sur des motifs d’ordre économique, de sorte à ne répondre à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ci-après dénommée « la Convention de Genève ». Il releva que Monsieur … aurait indiqué ne jamais avoir demandé une aide quelconque, de sorte qu’il ne serait pas établi que l’Etat serbe ne serait pas capable ou refuserait de lui fournir l’aide nécessaire. Par ailleurs, Madame … aurait indiqué qu’elle percevrait des allocations familiales pour ses enfants mineurs par l’Etat sans qu’elle n’ait fait état d’une quelconque discrimination.

Quant au fait que Monsieur … n’aurait pas pu réussir ses études, le ministre releva qu’il aurait réussi toutes les matières dirigées par des professeurs orthodoxes sauf une, de sorte que la discrimination alléguée ne serait pas démontrée. Finalement, le ministre constata que les actes invoqués émaneraient de personnes privées, de sorte que ces dernières ne sauraient être considérées comme acteurs de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006 qu’en cas de défaut de protection de la part des autorités serbes pour l’un des motifs énoncés par la Convention de Genève et dont l’existence devrait être mise suffisamment en évidence par le demandeur de protection internationale. Or, en l’espèce, un défaut de protection n’aurait pas été mis en avant par les demandeurs et par ailleurs, la Serbie aurait instauré des voies de recours contre les abus des autorités.

Enfin, le ministre conclut que les consorts … n’établiraient pas des motifs sérieux permettant de croire qu’ils courraient un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 29 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la même décision du ministre portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par rapport aux faits à la base de leur demande de protection internationale, les demandeurs reprennent en substance l’exposé des faits décrit lors de leurs auditions. A cet égard le tribunal est encore amené à conclure que si le ministre met certes en cause la crédibilité du récit des demandeur et plus particulièrement le fait qu’ils aient été confronté à des actes discriminatoires en raison de leur origine ethnique, il n’en reste pas moins que leur récit est globalement cohérent et ne présente pas de contradictions fondamentales, de sorte qu’il n’y a pas lieu de douter de la crédibilité du récit des demandeurs dans son ensemble.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 29 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre pareille décision. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs soutiennent que les faits, notamment les discriminations subies en raison de leur religion, seraient pertinents et contestent le constat du ministre qu’ils proviendraient d’un pays d’origine sûr, en invoquant un rapport d’Amnesty international de 2013 concernant la situation générale en Serbie et notamment la procédure d’adhésion de la Serbie à l’Union européenne, en citant un passage sans pour autant en tirer une conclusion par rapport à leur situation particulière.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20, paragraphe (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement en ce qui concerne le point c) de l’article 20, paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Plus particulièrement quant à l’application éventuelle de l’article 20, paragraphe (1) c) de la loi du 5 mai 2006, il se dégage de la lecture de l’article 21, paragraphe (2), précité, qu’un pays peut être qualifié de pays d’origine sûr soit si le demandeur en a la nationalité, soit s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays.

Il est constant en cause qu’en vertu du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », tel qu’il a été modifié par un règlement grand-ducal du 1er avril 2011 et par celui du 19 juin 2013, la Serbie figure sur la liste des pays d’origine sûrs.

En l’espèce, il est constant en cause que les demandeurs ont la nationalité serbe et qu’ils ont résidé en Serbie avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer dans le cadre de la procédure accélérée.

Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21, paragraphe (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, en tout état de cause, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.

En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale des demandeurs, a conclu qu’ils proviennent d’un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d'origine sûrs, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20, paragraphe (4) de loi du 5 mai 2006 et des moyens invoqués, de vérifier si les demandeurs lui soumettent, conformément à l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas de pays d’origine sûrs en raison de sa situation personnelle.

L’analyse de leur situation personnelle décrite par les demandeurs à l’appui de leur recours ne permet cependant pas d'en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle.

En effet, en l’espèce, il ne se dégage pas du récit des demandeurs que dans leur situation particulière, ils n’auraient pas accès à des instances étatiques susceptibles d’être qualifiés de système de recours efficace au sens de l’article 21, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006.

Plus particulièrement, le tribunal est amené à conclure que les problèmes économiques et de santé invoqués par les demandeurs ne sont pas susceptibles de contredire la qualification de pays d’origine sûr retenu par le ministre. Quant aux difficultés dont a fait été Monsieur …, il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal qu’il ait recherché une protection quelconque de la part des autorités serbes, de sorte que le tribunal est amené à conclure que les éléments soumis à son appréciation ne sont pas suffisants pour renverser le constat du ministre que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr.

Par voie de conséquence, c’est à bon droit que le ministre a pu retenir que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que leur demande de protection internationale est traitée dans le cadre d’une procédure accélérée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 29 janvier 2014 portant refus d’une protection internationale Dans la mesure où l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Les demandeurs sollicitent la réformation de la décision du ministre en ce sens que la protection internationale leur soit accordée en faisant valoir que les conditions pour obtenir une protection internationale seraient remplies.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et conclut partant au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, le tribunal est amené à conclure qu’en ce qui concerne le fait de ne pas trouver de travail, l’état de santé de la demanderesse et la circonstance qu’un de leurs fils a des problèmes avec sa vue, ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève dans la mesure où les demandeurs ne mettent pas en avance des actes discriminatoires fondés sur un des critères de fond définis par la Convention de Genève et l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006.

En ce qui concerne les discriminations mises en avant par Monsieur … à l’université, ainsi que les menaces perpétrées par les citoyens de leur ville d’origine à son encontre en raison de son origine ethnique et de sa religion, le tribunal est amené à conclure que si de tels actes sont susceptibles de rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève, étant donné qu’ils ont été motivés par la religion du demandeur, il n’en reste pas moins que de simples menaces, ainsi que le fait d’avoir eu une note insuffisante dans une seule matière alors qu’il aurait réussi les examens dans toutes les autres matières, ne sont pas d’une gravité suffisante pour constituer des actes de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande du statut de réfugié des demandeurs.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Les demandeurs se limitent à affirmer qu’ils répondraient aux conditions définies aux articles 2 et 37 de la loi du 5 mai 2006.

Or, force est de constater que les demandeurs ne déclarent pas risquer en cas de retour en Serbie la peine de mort ou la torture au sens des points a) et b) de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Ils n’ont pas non plus fait état d’une situation dans laquelle ils risqueraient des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en tant que civils en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, la Serbie ne se trouvant plus particulièrement pas en l’état d’un tel conflit, de sorte que les demandeurs ne sont pas non plus fondés à invoquer l’article 37 c) de la loi du 5 mai 2006.

En ce qui concerne la question de savoir si les risques que les demandeurs déclarent encourir constituent des traitements ou sanctions inhumains et dégradants, force est au tribunal de constater qu’indépendamment de la question de savoir si les actes invoqués par eux et les craintes mises en avant en cas de retour dans leur pays d’origine sont susceptibles d’être qualifiés de traitements ou sanctions inhumains et dégradants, force est de constater à cet égard, d’une part, que l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 parle de traitements ou de sanctions « infligés », tandis que l’article 28 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’« atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que l’état de précarité ou de pauvreté, à lui seul, ou encore les problèmes liés au financement de l’opération de la demanderesse et de la correction de la vue du fils des demandeurs, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’ils auraient été infligés ou qu’ils résulteraient d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constituent pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 2006. Quant aux discriminations invoquées par Monsieur …, il y a lieu de conclure, tel que relevé dans le cadre de l’analyse du volet du statut de réfugié, que les demandeurs ne soumettent au tribunal aucun élément lui permettant de retenir que les autorités de leur pays d’origine ne voudraient pas ou ne pourraient pas leur accorder une protection adéquate contre ces agissements. Par voie de conséquence, les auteurs des actes mis en avant par les demandeurs ne sauraient être qualifiés d’acteurs de persécution au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, que les demandeurs n’ont pas établi encourir un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire L’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoyant un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 29 janvier 2014 a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus de leur accorder une protection internationale.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 29 janvier 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 29 janvier 2014 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 29 janvier 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 31 mars 2014, à 11.00 heures, par le vice président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 01.04.2014 Le Greffier du Tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 34039
Date de la décision : 31/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-03-31;34039 ?

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