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31/03/2014 | LUXEMBOURG | N°33087

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2014, 33087


Tribunal administratif N° 33087 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 31 mars 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33087 du rôle et déposée le 19 juillet 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Mike Erniquin, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à

… (Italie), demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’un arrê...

Tribunal administratif N° 33087 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 31 mars 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33087 du rôle et déposée le 19 juillet 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Mike Erniquin, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Italie), demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’un arrêté du ministre du Développement Durable et des Infrastructures du 3 mai 2013 portant suspension de son droit de conduire un véhicule automoteur pour une durée douze mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 octobre 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Mathieu Gibello, en remplacement de Maître Mike Erniquin, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2014.

Le 30 avril 2013, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après désigné par « le ministre », adressa à Monsieur … un courrier recommandé aux termes duquel deux points du capital dont est doté son permis de conduire avaient été retirés en raison de l’inobservation d’un signal de limitation de vitesse en agglomération. Par ailleurs, le ministre avertit Monsieur … que le nombre de points restant était devenu nul et récapitula les retraits de points antérieurs, en reprenant le libellé des infractions commises.

Par un arrêté du 3 mai 2013, notifié à l’intéressé en date du 30 mai 2013 par la Police grand-ducale, le ministre, en considérant que Monsieur … avait commis plusieurs infractions à la législation routière sanctionnées par une réduction du nombre de points dont son permis de conduire est doté en vertu de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, désignée ci-après par « la loi du 14 février 1955 », qu’à chaque infraction ayant donné lieu à une réduction de points, il avait été averti du nombre de points retirés et du solde résiduel de points et que le capital de points affecté à son permis de conduire était épuisé, suspendit pour une durée de douze mois le droit de conduire un véhicule automoteur de Monsieur …, ainsi que ses permis de conduire internationaux, ceci en vertu des articles 2bis et 13 de la loi du 14 février 1955 et de l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, désigné ci-après par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation, subsidiairement à la réformation de l’arrêté ministériel du 3 mai 2013. Dans la même requête, Monsieur … demande encore au tribunal d’ordonner à l’Etat de lui restituer son permis de conduire ainsi que son droit de conduire.

Aucune disposition du Code de la route, ni aucun autre texte de loi ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision déférée, de sorte que le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en annulation. Le recours principal en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation.

A l’appui de son recours, le demandeur invoque un moyen unique lié au retrait d’un point du capital dont est affecté son permis de conduire pour défaut de porter la ceinture de sécurité de façon réglementaire constaté le 12 mars 2003. Il fait valoir que s’il avait été arrêté par la police grand-ducale le 12 mars 2003 pour défaut d’avoir porté la ceinture de sécurité de façon réglementaire, le retrait subséquent d’un point du capital dont est doté son permis de conduire n’aurait pas lieu d’être, puisqu’il aurait disposé à l’époque d’une dispense du port de la ceinture de sécurité délivrée le 3 juillet 1992 par la direction générale de la mobilité et de la sécurité routière en raison d’une contre-indication médicale grave du port d’une ceinture de sécurité, attestée par un certificat médical du Dr. … le 25 juin 1992. Il en conclut que dans la mesure où dans cette hypothèse, il aurait encore dû disposer d’un point du capital dont est doté son permis de conduire, le permis de conduire n’aurait pas dû lui être « retiré » et son droit de conduire n’aurait pas dû être suspendu pour une durée de douze mois.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. Plus particulièrement, il souligne que le demandeur aurait été verbalisé le 12 mars 2003 pour défaut de port de la ceinture de sécurité et qu’il aurait procédé au paiement de l’avertissement taxé le 13 mars 2003.

Par suite, il aurait été informé par un courrier du 18 mars 2003 de la réduction d’un point intervenue suite à cet avertissement taxé. Il se dégagerait des éléments du dossier que ledit courrier aurait été reçu le 21 mars 2003 par le demandeur, de sorte qu’à partir de cette date le retrait du point litigieux lui aurait été opposable. A défaut d’avoir introduit un recours endéans le délai légal, le retrait du point litigieux aurait acquis autorité de chose décidée.

Aux termes de l’article 2bis, paragraphe 3, de la loi du 14 février 1955 : « La perte de l’ensemble des points d’un permis de conduire entraîne pour son titulaire la suspension du droit de conduire. […] Cette suspension est constatée par un arrêté pris par le ministre des Transports […] ».

Il résulte de cette disposition que la suspension du droit de conduire est la conséquence légale de la perte de l’intégralité des points du permis de conduire, intervenant de plein droit et liant le ministre. La décision portant suspension du droit de conduire se limite partant à tirer la conséquence légale des décisions antérieures ayant procédé à la réduction de points du capital dont est doté le permis de conduire, tout en constituant une décision indépendante desdites décisions antérieures qui sont susceptibles de faire l’objet d’un recours autonome.1 Il s’ensuit que le demandeur n’est pas fondé à critiquer la décision de suspension du droit de conduire en remettant en cause de manière incidente la légalité des décisions antérieures de retrait de points.

Il est certes vrai qu’alors même que la décision portant suspension du droit de conduire et la décision portant réduction ou constatant l’épuisement de l’intégralité des points dont est doté un permis de conduire constituent des décisions indépendantes susceptibles de faire l’objet de recours contentieux autonomes, la décision portant suspension du droit de conduire ne peut se baser sur les décisions portant réduction et constatant la perte de l’ensemble des points du permis de conduire que pour autant que ces dernières soient opposables à l’administré, de sorte que les décisions concernées aient pu sortir leurs effets à l’égard de l’administré et que ce dernier ait été en mesure d’introduire un recours à leur encontre.2 A cet égard, il convient de préciser que les décisions portant réduction ou constatant la perte de l’ensemble des points d’un permis de conduire sont rendues opposables à l’administré par leur notification.

Néanmoins, si les décisions sont opposables à l’intéressé pour avoir été notifiées, celui-

ci n’est plus fondé à remettre en cause, dans le cadre d’un recours dirigé contre un arrêté de suspension du droit de conduire, la légalité des décisions de retrait de points du capital dont est doté son permis de conduire contre lesquelles il n’a pas exercé un recours endéans le délai légal.

En l’espèce, le demandeur a dirigé son recours exclusivement à l’encontre de l’arrêté du ministre du 3 mai 2013 portant suspension de son droit de conduire pour une durée de douze mois et non point contre les décisions antérieures l’ayant informé des réductions de points affectés à son permis de conduire, qui, tel que cela a été retenu ci-avant, constituent des décisions préalables et distinctes de la décision déférée et sont susceptibles de faire l’objet d’un recours autonome.

Le tribunal constate qu’en l’espèce, le seul retrait de points du capital dont est doté le permis de conduire du demandeur que celui-ci met en cause est celui opéré en raison d’un défaut de porter la ceinture de sécurité de façon réglementaire en date du 12 mars 2003.

Il se dégage des éléments du dossier administratif que par un courrier du 18 mars 2003 le demandeur a été informé de ce qu’un point a été retiré du capital dont est doté son permis de conduire, que ce courrier a été expédié par lettre recommandée le même jour et qu’il a été réceptionné par le demandeur le 21 mars 2003. A travers la notification, la décision est devenue opposable au demandeur et le délai de recours a commencé à courir, de sorte que celle-ci a actuellement acquis autorité de chose décidée à défaut par le demandeur d’avoir introduit un recours endéans le délai légal.

La décision du 18 mars 2003 que le demandeur critique dans le cadre du présent recours ayant acquis autorité de chose décidée, le demandeur n’est pas fondé à remettre en cause la légalité de cette décision qui constitue un des éléments pris en considération par le ministre dans sa décision du 30 avril 2013 à travers laquelle il a constaté que le nombre de points dont est doté le permis de conduire du demandeur est arrivé à zéro, décision qui elle-même est à la base de la décision de suspension du droit de conduire du 3 mai 2013 actuellement déférée.

1 Trib. adm., 23 novembre 2011, n° 27653 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 15 mai 2012, n° 29690C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Transports, n° 71 et autres références y citées 2 Ibid.

Il s’ensuit que dans la mesure où l’arrêté de suspension du droit de conduire qui fait l’objet du présent recours est la conséquence légale de la perte de l’intégralité des points du permis de conduire, dans la mesure où le tribunal vient de retenir qu’en l’espèce le demandeur ne peut plus remettre en cause la perte d’un point en 2003 et à défaut de contestations par rapport aux autres décisions de perte de points, le ministre a valablement pu, sans violer la loi et sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, suspendre le droit de conduire du demandeur.

Il s’ensuit et à défaut d’autres moyens présentés par le demandeur, que le recours est à déclarer non fondé.

Dans la mesure où le tribunal vient de rejeter le recours en annulation, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande de Monsieur … tendant à la restitution du permis de conduire comme conséquence d’une annulation, et cela indépendamment de la question, soulevée à l’audience des plaidoiries par le tribunal, de la compétence ratione materiae du tribunal administratif pour ordonner une telle restitution.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande tendant à ordonner la restitution du permis de conduire du demandeur ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, premier juge, Hélène Steichen, attaché de justice Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire du 31 mars 2014 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31.03.2014 Le Greffier du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 33087
Date de la décision : 31/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-03-31;33087 ?

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