Tribunal administratif Numéro 27666b du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2011 2e chambre Audience publique du 27 février 2014 Recours formé par la société à responsabilité limitée …..
contre deux bulletins de cotisation émis par la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg en matière de cotisations professionnelles
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JUGEMENT
Revu la requête inscrite sous le numéro 27666 du rôle et déposée le 18 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre Winandy, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée ……, établie et ayant son siège social à ….., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro ….., représentée par ses gérants actuellement en fonction, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de deux bulletins de cotisation émis par la Chambre de Commerce en date du 10 décembre 2010 portant sur les cotisations à payer respectivement pour les années 2008 et 2010 ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 26 mars 2012 ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 12 juillet 2012 ;
Vu l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 mars 2013, inscrit au numéro 00082 du registre ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Jean-Pierre Winandy et Maître Patrick Kinsch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 décembre 2013.
En date du 10 décembre 2010, la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, ci-après dénommée la « Chambre de Commerce », émit à l’égard de la société à responsabilité limitée ……, ci-après dénommée la « société ….. », une décision portant redressement de la cotisation à percevoir pour l’année 2008 en la fixant au montant de …. euros et fixation de la cotisation pour l’année 2010 au montant de …. euros, telle que ressortant de deux bulletins de cotisation y annexés, portant la même date du 10 décembre 2010.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2011, la société ….. a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des deux bulletins de cotisation émis en date du 10 décembre 2010 portant respectivement sur les années 2008 et 2010.
Par jugement rendu en date du 26 mars 2012, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation et a déclaré recevable le recours en annulation. Confronté au premier moyen de la demanderesse consistant en la contestation de tout pouvoir règlementaire dans le chef de la Chambre de commerce, le tribunal invita les parties, avant tout autre progrès en cause, à prendre position quant à la question de savoir si l’article 16, alinéa 2 de la loi du 26 octobre 2010 portant réorganisation de la Chambre de Commerce, désignée ci-après par « la loi du 26 octobre 2010 », en ce qu’il confère à la Chambre de commerce le pouvoir de fixer les modalités de calcul des cotisations annuelles à percevoir par règlement de cotisation, serait conforme aux articles 36, 76, alinéa 2 et 108bis de la Constitution, tout en autorisant chacune des parties à prendre un mémoire supplémentaire afin de prendre position quant à la question ainsi soulevée et en refixant l’affaire à une audience ultérieure pour la continuation des débats.
Par jugement rendu en date du 12 juillet 2012, le tribunal administratif, avant tout progrès en cause saisit la Cour constitutionnelle, par voie préjudicielle de la question suivante :
« L’article 16, alinéa 2 de la loi du 26 octobre 2010 portant réorganisation de la Chambre de Commerce, en ce qu’il a entendu accorder à la Chambre de Commerce un pouvoir réglementaire en vue de l’exécution des lois, en attribuant à celle-ci le droit de fixer les modalités de calcul des cotisations par son « règlement de cotisation » est-il conforme aux articles 36, 76, alinéa 2 et 108bis de la Constitution ? ».
Quant au moyen tiré d’une absence de pouvoir règlementaire de la Chambre de commerce Par arrêt rendu en date du 19 mars 2013, inscrit au numéro 00082 du registre, la Cour constitutionnelle dit que : « par rapport à la question préjudicielle posée, l’article 16, alinéa 2, de la loi du 26 octobre 2010 portant réorganisation de la Chambre de Commerce, en ce qu’il accorde à celle-ci un pouvoir réglementaire en vue de l’exécution des lois et en attribuant à celle-ci le droit de fixer les modalités de calcul des cotisations par son «règlement de cotisation», n’est pas contraire aux articles 36, 76, alinéa 2, et 108bis de la Constitution ».
Le tribunal est dès lors amené à analyser le premier moyen de la demanderesse tendant à l’annulation des bulletins de cotisation déférés pour illégalité, dans la mesure où la Chambre de commerce serait dépourvue de tout pouvoir règlementaire et n’aurait partant pas pu adopter le règlement de cotisation du 12 novembre 2010, fixant les modalités de calcul des cotisations annuelles à percevoir, désigné ci-après par « le règlement de cotisation du 12 novembre 2010 », sur base duquel sont établis les bulletins déférés, au regard de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle du 19 mars 2013.
La Cour constitutionnelle a motivé l’arrêt précité du 19 mars 2013 en retenant notamment ce qui suit : « (…) Considérant que la Chambre de Commerce est un établissement public, l’article 1er de la loi du 26 octobre 2010 lui conférant expressément ce statut; (…) Considérant qu’il ressort de la combinaison des articles 36 et 108bis de la Constitution que, dans un tel domaine de spécialité, le Grand-Duc et les établissements publics ont vocation à exercer un pouvoir réglementaire concurrent et que le pouvoir réglementaire du Grand-Duc se trouve ainsi restreint dans la limite du pouvoir réglementaire accordé à l’établissement public moyennant habilitation législative;
Que, loin d’être en contradiction avec ces principes, la loi du 26 octobre 2010 en constitue une application régulière dans la mesure où elle prévoit, en ses articles 5 et 16, la détermination par règlement grand-ducal de l’organisation de la Chambre de Commerce, du mode et de la procédure d’établissement du rôle des cotisations et de la procédure de perception des cotisations, tandis que les articles 16 et suivants de la loi prévoient les modalités techniques de calcul des cotisations annuelles à percevoir par le biais d’un règlement de cotisation à prendre par la Chambre de Commerce elle-même sur la base de critères exactement déterminés par la loi;
Que l’article 16, alinéa 2, de la loi du 26 octobre 2010, en ce qu’il accorde à celle-ci un pouvoir réglementaire en vue de l’exécution des lois et en attribuant à celle-ci le droit de fixer les modalités de calcul des cotisations par son «règlement de cotisation», n’est donc pas contraire aux articles 36, 76, alinéa 2, et 108bis de la Constitution ; (…) ».
La Cour constitutionnelle a partant retenu la conformité de l’article 16, alinéa 2 de la loi du 26 octobre 2010 aux articles 36, 76, alinéa 2 et 108bis de la Constitution, de sorte qu’en application de la solution ainsi dégagée par la Cour constitutionnelle dans l’arrêt précité du 19 mars 2013, la Chambre de commerce dispose, en tant qu’établissement public, du pouvoir règlementaire. Il s’ensuit que la Chambre de commerce a valablement pu prendre le règlement de cotisation portant fixation des modalités de calcul des cotisations annuelles à percevoir et que les bulletins de cotisation déférés ne sont partant pas dépourvus de base légale.
Il s’ensuit que le premier moyen soulevé par la société demanderesse, tiré de l’absence d’un pouvoir règlementaire de la Chambre de commerce et partant de l’illégalité des bulletins de cotisation déférés, est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au moyen tiré d’une application rétroactive de la loi du 26 octobre 2010, du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 et du règlement de cotisation du 12 novembre 2010 La société demanderesse invoque la non-rétroactivité des dispositions légales et réglementaires adoptées en fin 2010 aux cotisations de l'année 2010. Ainsi, elle fait valoir que ni la loi du 26 octobre 2010, ni le règlement grand-ducal d’exécution du 4 novembre 2010 relatif au mode et à la procédure d’établissement du rôle des cotisations de la Chambre de commerce et fixant la procédure de perception des cotisations de la Chambre de commerce, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 », ne contiendraient des dispositions réglementant leur entrée en vigueur, de sorte que le droit commun serait applicable.
La société demanderesse pose dès lors la question de savoir si la nouvelle législation, entrée en vigueur fin octobre respectivement début novembre 2010, aurait déjà été applicable aux cotisations de l’année 2010. Ou, plus concrètement si, lors de l'émission en bloc des bulletins de cotisation pour l’année 2010, à savoir le 10 décembre 2010, les nouvelles dispositions auraient été applicables.
La société demanderesse se réfère à la jurisprudence des juridictions administratives et plus précisément à un jugement du tribunal administratif du 1er mars 2010, inscrit au numéro 24858 du rôle, pour soutenir que la nouvelle législation n’aurait pas pu s’appliquer aux bulletins de cotisation émis le 10 décembre 2010 au titre de l’année 2010, nonobstant le fait qu’à cette date, toutes les mesures auraient déjà fait l'objet d'une publication au journal officiel.
En ce qui concerne le bulletin de cotisation émis par la Chambre de commerce portant redressement de la cotisation à percevoir au titre de l’année 2008 en la fixant au montant de 84.301,67 euros, la société demanderesse reproche à la Chambre de commerce d’avoir appliqué les dispositions de la loi du 26 octobre 2010 même aux cotisations dues au titre des années antérieures à l’année 2010 en émettant des bulletins rectificatifs pour l’année 2009 voire même pour les années antérieures. Elle affirme que l’article 6 du règlement de cotisation de la Chambre de Commerce du 12 novembre 2010 serait la seule disposition à prévoir une mesure relative à l'application dans le temps en retenant son application aux cotisations annuelles dues au titre de l'année 2010 et subséquentes, ainsi qu’aux redressements de cotisations d'années antérieures à 2010 intervenues conformément à l'article 19 de la loi du 26 octobre 2010.
La société demanderesse fait valoir que l’article 6 du règlement de cotisation contiendrait ainsi une rétroactivité expresse des nouvelles dispositions, qui serait parfaitement inacceptable et illégale dans la mesure où elle ne serait pas prévue par la loi du 26 octobre 2010 ni par le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010. La société demanderesse se réfère encore à un jugement du tribunal administratif du 11 février 2010, inscrit au numéro 24860 du rôle, selon lequel le juge ne saurait faire une application rétroactive ni d'une loi ni d'un règlement pris en application de la loi en dehors des cas où le législateur en aurait décidé ainsi. La société demanderesse conclut que le bulletin déféré émis au titre de l’année 2008 n’aurait pas pu être émis sur le fondement de la loi du 26 octobre 2010.
La Chambre de commerce conteste d’abord l’illégalité du bulletin de cotisation émis le 10 décembre 2010 au titre de l’année 2010 au motif qu'il comporterait une application rétroactive de la loi du 26 octobre 2010 et du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010.
Elle estime que sous l’approche d’une analyse formelle, le moyen devrait être rejeté pour la simple raison qu’en émettant, le 10 décembre 2010, un bulletin de cotisation, la Chambre de commerce n'aurait pas appliqué rétroactivement la loi du 26 octobre 2010, ni n'aurait conféré une portée rétroactive à son règlement de cotisation du 12 novembre 2010. En effet, la cotisation fixée, en application dudit règlement de cotisation, par le bulletin de cotisation du 10 décembre 2010 ne serait devenue exigible qu'après la notification des bulletins, et donc nécessairement après l'entrée en vigueur de la loi, du règlement grand-ducal et du règlement de cotisation. Le fait d'exiger, à ce moment-là, le paiement de la cotisation ne comporterait dès lors aucune application rétroactive de l'un quelconque de ces instruments normatifs.
La Chambre de commerce estime ensuite que même sous l’approche d’une analyse matérielle, le principe de non-rétroactivité n’irait pas jusqu'à interdire l'application d'une loi ou d'un règlement à une situation en cours, ni par conséquent l'application de la loi du 26 octobre 2010 et du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010, suivi du règlement de cotisation du 12 novembre 2010, à l'émission d'un bulletin de cotisation en décembre 2010 pour l'année 2010.
Quant au jugement du tribunal administratif du 1er mars 2010, auquel la société demanderesse se réfère, la Chambre de commerce fait valoir que la question de la nécessité de l’existence de l'ensemble de la réglementation relative aux cotisations avant le 1er janvier de l'année en cours, n’aurait pas été débattue devant le tribunal administratif et la Cour administrative, saisie en instance d’appel de la question, ne se serait pas prononcée sur elle.
En ce qui concerne l'application du principe de non-rétroactivité, la Chambre de commerce estime que l’élément décisif serait en l’occurrence le moment du fait générateur de la cotisation à payer à la Chambre de commerce, qui ne serait pas le 1er janvier d'une année donnée.
En revanche, il suffirait d'être devenu ressortissant de la Chambre de commerce avant l'émission du bulletin de cotisation pour être soumis à la cotisation. Elle conclut que rien ne s'opposerait à l'application, pour l'ensemble de l'année 2010, d'un règlement de cotisation publié à la fin de ladite année. La Chambre de commerce ajoute que la jurisprudence administrative française irait dans le même sens et elle se réfère dans ce contexte à un arrêt du Conseil d'Etat français, adopté en assemblée plénière, du 16 mars 19561 qui aurait prononcé l’annulation partielle, pour violation du principe de non-rétroactivité des règlements, d'un décret du 30 avril 1955 ayant fixé un nouveau taux de l'impôt sur les sociétés, mais dans la seule mesure où il aurait prétendu s'appliquer à des bénéfices réalisés au cours de l'exercice clos avant son entrée en vigueur. Selon la Chambre de commerce la solution ainsi retenue par le Conseil d’Etat français serait transposable au cas d’espèce, alors même que les cotisations professionnelles ne seraient pas des impôts.
La Chambre de commerce se réfère à un autre arrêt du Conseil d'Etat français qui aurait confirmé la solution adopté en 1956 en ce qui concerne des cotisations d'allocations familiales des employeurs et travailleurs indépendants des professions non agricoles en retenant que le décret attaqué du 30 mars 1990, qui fixe les taux des cotisations dues au titre de l'année 1990 ne serait entaché d'aucune rétroactivité2.
En se basant notamment sur les arrêts précités du Conseil d’Etat français, la Chambre de commerce conclut qu’il ne saurait être soutenu qu'en prévoyant son application à l'année 2010, le règlement de cotisation du 12 novembre 2010 serait contraire au principe de non-rétroactivité.
En ce qui concerne ensuite le bulletin de cotisation déféré émis au titre de l’année 2008, la Chambre de commerce fait valoir que le deuxième alinéa de l’article 6 du règlement de cotisation du 12 novembre 2010 prévoirait son application à des redressements postérieurs à son entrée en vigueur, mais concernant des années de cotisation antérieures à 2010.
La Chambre de commerce explique qu’aux termes de l'article 16 de la loi du 26 octobre 2010, le bénéfice par rapport auquel seraient calculées les cotisations annuelles s’entendrait du bénéfice réalisé pendant l'avant-dernier exercice au sens de l'impôt sur le revenu. Or, toujours selon la Chambre de commerce, il se pourrait que le montant exact de ce bénéfice ne soit pas mis à sa disposition au cours de l'année au titre de laquelle le bulletin de cotisation originaire serait émis. Dans ce cas, elle procèderait à un redressement du bulletin de cotisation, dès qu’elle serait informée par l’administration des Contributions directes du montant exact du bénéfice.
Concrètement la Chambre de commerce conteste toute violation du principe de non-
rétroactivité, par l’émission du bulletin de cotisation déféré au titre de l’année 2008 en faisant valoir l’argument basé sur l'analyse formelle précédemment développé. Ainsi, ledit bulletin aurait 1 Garrigou, D. 1956, 253 2 CE 17 avril 1992, Association « La vache à lait qui refusait de se laisser traire » et Monties : Rec. CE 1992, tables, p. 721 été émis postérieurement à l'entrée en vigueur de tous les textes normatifs pertinents. Elle ajoute que le bulletin ne mettrait à la charge de la société demanderesse aucune somme au titre d'une période antérieure. Son application ne serait partant pas rétroactive.
Pour l’hypothèse où le tribunal administratif rejetterait son analyse formelle, la Chambre de commerce revient à une analyse matérielle selon laquelle il y aurait lieu de prendre en considération la règle selon laquelle la loi pourrait déroger au principe de non-rétroactivité des règlements administratifs. Elle soutient, ainsi, que la loi du 26 octobre 2010 aurait implicitement, mais nécessairement, autorisé l'application du règlement de cotisation du 12 novembre 2010 au redressement de cotisations au titre d'années antérieures, même si elle devrait être qualifiée d'application rétroactive. Ainsi, la loi aurait disposé en son article 18 qu'il serait possible d'émettre des bulletins de redressement, sans que ceux-ci ne soient concernés par la disposition des montants forfaitaires. Or, la disposition relative aux montants forfaitaires, qui s'appliquerait aux sociétés du type « Soparfi », devrait être nécessairement une disposition insérée dans un nouveau règlement de cotisation, puisque la base légale nécessaire n’aurait pas existé avant la loi du 26 octobre 2010. La Chambre de commerce estime que la précision figurant à l'article 18 de la loi aurait été superflue, dans l’hypothèse où l'analyse de la société demanderesse serait exacte et que le nouveau règlement ne pourrait pas s'appliquer aux redressements des cotisations au titre d'années antérieures. Le fait que ladite disposition figurerait néanmoins dans la loi montrerait implicitement, l’intention du législateur, de permettre l’application du nouveau règlement au redressement de cotisations au titre d'années antérieures.
La Chambre de commerce conclut que le législateur aurait implicitement mais nécessairement autorisé l'application rétroactive du nouveau règlement, ce qui équivaudrait à une autorisation expresse donnée par le législateur et qu’il conviendrait de respecter la volonté du législateur, quelle que soit la forme de son expression.
La société demanderesse réplique qu’il serait très difficile de lire une rétroactivité, même seulement implicite, touchant les années 2009 et antérieures prévue à l'article 18 de la loi du 26 octobre 2010. En effet, cette disposition se cantonnerait à disposer que les «dispositions sur les montants forfaitaires ne concernent pas les bulletins de cotisation déjà émis avant l'entrée en vigueur de la présente loi». La société demanderesse tend à voir dans cette disposition une mesure légale à effet retardé, étant donné qu’elle ne s'appliquerait pas encore aux bulletins émis avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 2010. Cette disposition pourrait signifier par exemple : « si des bulletins de cotisation ont été émis depuis le 1 janvier 2010 (mais avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 2010) on n'appliquera pas encore les dispositions sur la cotisation minimale forfaitaire mais la cotisation proportionnelle telle qu'appliquée par le passé ». La société demanderesse fait valoir qu’à supposer que la Chambre de commerce ait émis en juillet 2010 des bulletins de cotisation concernant l'année 2008, alors l'article 18 aurait simplement eu comme effet de dire que les bulletins en question ne tiendraient pas encore compte des mesures forfaitaires.
Face à l’argument de la Chambre de commerce suivant lequel la précision figurant à l'article 18 de la loi aurait pu être superflue, la société demanderesse répond que ce ne serait pas la première fois que des lois comprendraient des dispositions superflues.
La société demanderesse estime, par ailleurs, que l’arrêt du Conseil d'État français du 16 mars 1956, cité en cause par la Chambre de commerce, ne serait pas pertinent en l’espèce, au motif que cet arrêt, faisant référence à l'impôt sur les sociétés fixé par un décret du 30 avril 1955 fixant un taux d'impôt sur les sociétés et l'appliquant à des bénéfices réalisés au cours de l'exercice clos avant l'entrée en vigueur dudit décret, concernerait des dispositions fiscales. Or, il serait clair que les cotisations de la Chambre de Commerce ne seraient pas des impôts, ce que la Chambre de commerce aurait elle-même plaidé dans d’autres affaires et ce qui aurait été confirmé par les juridictions administratives. Selon la société demanderesse, les impôts seraient déterminés par un cadre réglementaire autrement plus détaillé que les cotisations de la Chambre de commerce. Elle fait encore valoir que si la Chambre de commerce défendait constamment la position que les cotisations visées ne seraient pas des impôts, elle ne pourrait pas, quand cela lui convient, se référer aux solutions adoptées en matière d'impôts par un pays limitrophe. Ces solutions ne seraient donc pas transposables en cette matière.
Quant à l’arrêt précité du Conseil d’état français de 1992, invoqué en cause par la Chambre de commerce, la société demanderesse estime que malgré les similarités par rapport au régime des cotisations de la Chambre de Commerce applicable au Luxembourg, il existerait une différence manifeste avec la situation faisant l’objet du présent recours. Ainsi, dans l’affaire ayant occupé le Conseil d’état français, le décret appliqué à partir de janvier 1990 aurait été pris le 30 mars 1990 mais sur base d'une loi adoptée en date du 13 janvier 1989 ayant prévu les modifications du système de calcul. La situation actuellement soumise au tribunal serait complètement différente, dans la mesure où la loi daterait du 26 octobre 2010, le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 et le règlement de cotisation du 12 novembre 2010. Les trois textes seraient donc rétroactifs.
En guise de conclusion la société demanderesse fait valoir que la rétroactivité d'une norme juridique devrait trouver son expression dans une disposition légale expresse. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce, ce qui serait encore rapporté par le fait que la Chambre de Commerce ferait plaider que l'article 18 prévoirait une telle rétroactivité qu'elle considère d'ailleurs elle-même comme seulement implicite.
Le litige opposant les parties en l’espèce porte donc sur la question de savoir si la loi du 26 octobre 2010 ainsi que les dispositions règlementaires subséquentes d’exécution ont valablement pu fonder d’une part le bulletin de cotisation émis par la Chambre de commerce au titre de l’année 2010 et, d’autre part, celui émis au titre de l’année 2008.
En ce qui concerne le bulletin de cotisation émis par la Chambre de commerce au titre de l’année 2010, le tribunal constate que les parties sont, en substance, en désaccord sur la question de l’applicabilité de la loi du 26 octobre 2010, respectivement des mesures d’exécution de ladite loi, à savoir du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 et du règlement de cotisation du 12 novembre 2010, à la détermination de la cotisation à payer, au titre de l’année 2010 en cours au moment de l’entrée en vigueur des textes normatifs précités. Ainsi, la société demanderesse conclut à l’annulation du bulletin de cotisation émis au titre de l’année 2010 déféré, au motif qu’il serait fondé sur une base légale inapplicable, dans la mesure où la loi du 26 octobre 2010 et le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 ne pourraient pas s’appliquer aux cotisations de l’année 2010, sous peine d’une application rétroactive, tandis que la Chambre de commerce fait valoir que le principe de non-rétroactivité ne s’opposerait pas à l’application d’une réglementation intervenue au cours de l’année aux cotisations de l’année 2010.
En ce qui concerne le bulletin de cotisation déféré émis au titre de l’année 2008, les positions des parties divergent également quant à la question de savoir si ledit bulletin a pu être émis en application de la loi du 26 octobre 2010, ainsi que de ses mesures d’exécution, à savoir le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 et le règlement de cotisation du 12 novembre 2010.
Si la Chambre de commerce se réfère également dans le cadre de ce volet de son argumentation à une analyse formelle pour contester toute rétroactivité, elle reconnaît cependant l’existence d’une application rétroactive des dispositions légales, qu’elle estime toutefois implicitement autorisée par la loi, sous une approche matérielle. La société demanderesse de son côté fait état d’une application rétroactive illégale de la loi et conclut à l’annulation du bulletin déféré concernant l’année de cotisation 2008.
Force est d’abord au tribunal de retenir qu’il est constant en cause que tant le bulletin de cotisation relatif à l’année 2010 que le bulletin relatif à l’année 2008 ont été émis par la Chambre de commerce à l’égard de la société demanderesse en date du 10 décembre 2010, sur base de la loi du 26 octobre 2010. D’ailleurs, la Chambre de commerce indique expressément dans la décision du 10 décembre 2010 portant redressement de la cotisation à percevoir pour l’année 2008 et fixation de la cotisation pour l’année 2010, ayant accompagné les deux bulletins de cotisation déférés, s’être basée sur les dispositions du règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 et du règlement de cotisation de la Chambre de commerce du 12 novembre 2010, pour la détermination des cotisations dues au titre des années 2010 et 2008.
A cet égard, il y a lieu de préciser que les dispositions de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création des chambres professionnelles à base élective, ayant porté sur la création et l’organisation de la Chambre de commerce, ont été abrogées par la loi du 26 octobre 2010, entrée en vigueur, à défaut de dispositions spécifiques contraires, trois jours après sa publication au journal officiel, le 29 octobre 2010.
Il se pose dès lors la question de savoir si la Chambre de commerce a valablement pu se fonder sur les dispositions de la loi du 26 octobre 2010, entrée en vigueur le 1er novembre 2010, ainsi que sur ses mesures d’exécution, à savoir le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 et le règlement de cotisation du 12 novembre 2010, pour, d’une part, établir le bulletin de cotisation au titre de l’année 2010 toujours en cours au moment de l’entrée en vigueur de ladite loi et, d’autre part, redresser le bulletin de cotisation au titre de l’année 2008.
La loi du 26 octobre 2010 ne prévoit pas de disposition transitoire quant à son application rationae temporis. En revanche, le règlement de cotisation adopté par la Chambre de commerce le 12 novembre 2010 dispose en son article 6 que : « Le présent règlement de cotisation s’applique aux cotisations annuelles dues au titre de l’année 2010 et des années subséquentes, sauf décision d’amendement à adopter par l’assemblée plénière de la Chambre de Commerce.
(…) ». Toujours est-il que le règlement de cotisation du 12 novembre 2010 en tant qu’acte administratif à caractère règlementaire, adopté par la Chambre de commerce sur base de la loi du 26 octobre 2010, est subordonné à la loi et ne peut ni l’étendre, ni la restreindre, ni la modifier.
D’ailleurs, un règlement d’exécution ne peut évidemment pas rétroagir au-delà de l’entrée en vigueur de la loi qui en forme la base3. Par ailleurs, c’est à juste titre que la partie demanderesse se réfère à un jugement du tribunal administratif du 11 février 2010, inscrit au numéro 24860 du rôle, pour dire que le juge ne saurait faire une application rétroactive ni d’une loi ni d’un règlement pris en application de la loi en dehors des cas où le législateur en a décidé ainsi. Il s’ensuit que même au cas où un règlement grand-ducal d’application d’une loi contiendrait une disposition ayant un effet rétroactif, une telle disposition réglementaire ne saurait être reconnue 3 Pierre Pescatore, Introduction à la science du droit, éditions Bruylant 2009, 2e réimpression, n° 216, p. 317 comme étant légale qu’à partir du moment où cette rétroactivité a été expressément voulue par le législateur.
Or, en l’espèce, en l’absence de dispositions transitoires quant à son application dans le temps contenues dans la loi du 26 octobre 2010, il convient de se référer aux deux grands principes qui régissent les conflits de lois dans le temps, soit, d’une part, le principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle et, d’autre part, celui de sa non-rétroactivité, afin de déterminer si la nouvelle loi du 26 octobre 2010 a pu s’appliquer à la détermination des cotisations à payer à la Chambre de commerce par la société demanderesse au titre des années 2010 et 2008.
Chacun de ces deux principes répond à une idée spécifique. Le principe de l’effet immédiat tend à assurer à la fois l’efficacité de la loi nouvelle, considérée comme étant la plus adaptée aux conditions et aux besoins du moment et l’unité de législation à un moment donné, alors que la survivance de la loi ancienne entraînerait une dualité de législation. Le principe de non-rétroactivité de son côté répond à une préoccupation de sécurité juridique. Ce principe est une garantie donnée aux situations juridiques valablement acquises et consolidées sous la loi ancienne et répond, en ce sens, à un besoin de paix et de stabilité sociale4. L’article 2 du Code civil, en ce qu’il dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif», met l’accent sur le principe de non-rétroactivité pour l’application des règles juridiques. Etant inséré au titre préliminaire du Code civil, qui a une portée générale, la règle de non-rétroactivité vaut pour tous les domaines du droit, y compris le droit administratif, économique et social5.
La jurisprudence ancienne et bien assise distingue en ce qui concerne l’effet de la loi nouvelle entre les droits acquis et ce qu’elle appelle les simples expectatives. La loi ne modifie pas les droits acquis sous le régime de la loi ancienne ; en d’autres mots, reporter la loi nouvelle à des situations juridiques pleinement formées sous l’empire de la loi ancienne, ce serait lui faire produire un effet rétroactif. Au contraire, la loi nouvelle se substitue à la loi ancienne pour autant qu’il ne s’agit que de simples expectatives.
La solution doctrinale consiste à faire une distinction entre l’acquisition des droits ou, plus largement, la formation de situations juridiques et les effets successifs d’un rapport de droit antérieurement formé. L’acquisition d’un droit ou la création d’une situation juridique, que ce soit par l’effet d’un fait ou d’un acte juridique, est régie et reste régie par la loi en vigueur au moment de l’acquisition ou de la création du droit. Au contraire, les effets successifs d’un rapport de droit antérieurement formé sont régis, avec effet immédiat, par la loi nouvelle6.
En résumé, si elle ne peut, sans rétroactivité, revenir sur la constitution et les effets passés d’un rapport de droit réalisés avant son entrée en vigueur, la loi nouvelle peut en revanche s’appliquer aux situations juridiques en cours, à commencer par celles en cours de constitution.
Ainsi, si la situation présente a été définitivement constituée dans le passée, l’application de mesures nouvelles relatives à la constitution même de cette activité ne constituerait pas une application immédiate, mais comporterait rétroactivité. En revanche, si la nouvelle règlementation se rapporte non pas à la constitution d’une situation, mais à sa prolongation, il 4 Pierre Pescatore, op.cit., n° 215, p. 315 et voir dans le même sens : trib. adm. 25 juin 2009, n° 24354 du rôle, Pas.
adm. 2012, V° Lois et Règlements, n° 39 5 Pierre Pescatore, op. cit. n° 217, p. 317 6 Pierre Pescatore, op. cit. n° 217, p. 317 importe peu que cette activité ait pu commencer dans le passé : les mesures relatives à sa continuation ont tout lieu de s’appliquer à elle, sans qu’il y ait pour autant rétroactivité7.
Rétroagissent dès lors les décisions prises en cours d’année ou de campagne et dont l’effet doit nécessairement remonter au début d’année8.
En l’espèce, force est de prime abord au tribunal de constater qu’en application de l’article 4 (1) de la loi du 26 octobre 2010 : « La qualité de ressortissant de la Chambre de commerce est acquise de plein droit au jour de l’immatriculation au registre de commerce et des sociétés (…) ».
Par ailleurs, la cotisation annuelle payable à la Chambre de commerce au sens de l’article 16 de la loi du 26 octobre 2010 par les ressortissants de plein droit est due en contrepartie de l’affiliation à la Chambre de commerce, pour permettre à cette dernière de faire face à ses dépenses. C’est partant l’affiliation de plein droit à la Chambre de commerce qui fait naître l’obligation de régler annuellement une cotisation à ladite chambre.
La constatation qui précède permet d’écarter l’analyse dite « formelle » présentée par la Chambre de commerce suivant laquelle le bulletin de cotisation n’aurait été émis après l’entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 2010 et de ses règlements d’exécution et ne serait partant devenu exigible qu’à un moment où la nouvelle loi aurait été en vigueur, de sorte qu’il n’y aurait pas eu de rétroactivité. En effet, tel que retenu ci-avant, l’obligation de payer une cotisation à la Chambre de commerce naît en raison de l’affiliation à cette dernière, de sorte que l’affiliation sert à la détermination de la loi applicable rationae temporis aux cotisations et non point le moment où la cotisation devient exigible.
Dans le même ordre d’idées, il y a lieu de constater que l’affiliation à la Chambre de commerce tout comme l’obligation de payer une cotisation, indépendamment du moment de son fait générateur, vaut pour toute une année et a partant vocation à s’appliquer pour toute l’année concernée. Il s’agit en effet d’une situation juridique en cours, dans la mesure où elle naît à un moment donné, soit par l’inscription au registre de commerce au cours de l’année, soit par le début de la nouvelle année et dont les effets se prolongent par la suite sur toute l’année.
Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de tirer en l’occurrence les conclusions suivantes en ce qui concerne, d’une part, le bulletin de cotisation émis au titre de l’année 2010 et, d’autre part, celui émis au titre de l’année 2008.
Ainsi, en ce qui concerne, d’une part, le bulletin de l’année 2010, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que la loi nouvelle peut s’appliquer aux situations juridiques en cours sans qu’il n’y ait rétroactivité, la loi nouvelle, en l’occurrence, la loi du 26 octobre 2010, entrée en vigueur au cours de l’année 2010, est applicable aux cotisations dues au titre de l’année 2010, étant donnée que l’affiliation par la société demanderesse à la Chambre de commerce était à considérer comme situation juridique en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 2010, dans la mesure où l’année d’affiliation 2010 n’avait pas encore pris fin.
7 Jurisclasseur administratif, « Acte administratif – Application dans le temps», Vol. 1, fasc. 108-30, à jour au 5 février 2005, n° 35.
8 Jurisclasseur administratif, « Acte administratif – Application dans le temps», Vol. 1, fasc. 108-30, à jour au 5 février 2005, n° 46.
Il s’ensuit que le bulletin de cotisation déféré concernant l’année 2010 a valablement pu être fondé sur les dispositions de la loi du 26 octobre 2010, ainsi que sur ses mesures d’exécution, à savoir le règlement grand-ducal du 4 novembre 2010 et le règlement de cotisation du 12 novembre 2010, sans qu’il n’y ait eu application rétroactive desdites dispositions législatives et règlementaires.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, que le recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre le bulletin litigieux du 10 décembre 2010 portant fixation de la cotisation à payer pour l’année 2010 est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Concernant, d’autre part, le bulletin de cotisation émis au titre de l’année 2008, il y a lieu de constater que la loi nouvelle du 26 octobre 2010, ainsi que ses mesures d’exécution n’ont pas pu s’appliquer au bulletin de cotisation émis au titre de l’année 2008. En effet, la cotisation à payer par la société demanderesse au titre de l’année 2008 est due en raison de son affiliation à la Chambre de commerce en 2008. Or, l’année 2008 a été définitivement clôturée au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 26 octobre 2010, de sorte que l’affiliation relative à l’année 2008 et l’obligation de cotiser en découlant, sont à considérer comme situation définitivement constituée dans le passé. Tel que le tribunal vient de le retenir, la nouvelle loi ne peut pas s’appliquer à une situation définitivement constituée dans le passé, sous peine d’une application rétroactive.
Il échet partant de conclure que le bulletin de cotisation émis le 10 décembre 2010 au titre de l’année 2008 n’a pas pu être établi sur base de la loi du 26 octobre 2010 et doit encourir l’annulation pour illégalité.
La conclusion qui précède n’est pas énervée par l’argumentation de la Chambre de commerce suivant laquelle la loi du 26 octobre 2010 aurait implicitement autorisé une application rétroactive de ses dispositions.
En effet, s’il est certes vrai que le législateur peut conférer un effet rétroactif aux dispositions légales, il faut toutefois, pour des raisons de sécurité juridique évidentes, qu’une telle autorisation soit expresse. En effet, « on acceptera la rétroactivité qu’en présence d’une disposition expresse du législateur »9. En l’espèce, la Chambre de commerce concède elle-même que la loi du 26 octobre 2010 ne contient aucune disposition expresse relative à une éventuelle application rétroactive de ses dispositions, de sorte que ladite loi ne peut pas servir de fondement aux bulletins de cotisation des années antérieures à 2010.
Par ailleurs, l’article 18 de la loi du 26 octobre 2010 duquel la Chambre de commerce veut déduire une autorisation implicite mais nécessaire, devant correspondre à une autorisation expresse, de procéder à une application rétroactive de ses dispositions, dispose qu’il « est loisible à la Chambre de Commerce de fixer dans son règlement de cotisation, par dérogation aux articles 16 et 17, des montants forfaitaires pour les sociétés qui détiennent principalement des participations financières et qui sont répertoriées comme telles selon la Nomenclature générale des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE) dans sa version luxembourgeoise en vigueur au 1er janvier de l’année de perception. Cette disposition des montants forfaitaires ne concerne pas les bulletins de cotisation déjà émis avant l’entrée en vigueur de la présente loi. Les nouveaux bulletins de cotisation émis après l’entrée en vigueur de 9 Pierre Pescatore, op. cit. n° 216, p. 317 la présente loi en cas d’une modification d’un bénéfice commercial par l’Administration des Contributions Directes et concernant les années de perceptions pour lesquelles la Chambre de Commerce a déjà émis les bulletins de cotisation d’après l’ancien mode de calcul ne sont pas non plus concernés par cette disposition des montants forfaitaires. Toutefois, ces forfaits ne peuvent dépasser, par an, 3.000 euros. Ce montant peut être adapté périodiquement par voie de règlement grand-ducal. (…) » Outre le fait que le législateur ne peut conférer un effet rétroactif aux dispositions d’une loi que de manière expresse, il y a lieu de constater au vu du libellé de l’article 18 précité que le législateur n’a, en l’espèce, pas eu l’intention d’autoriser une application rétroactive des dispositions de la loi portant réorganisation de la Chambre de commerce. En effet, en précisant que la disposition relative aux cotisations forfaitaires ne concernait pas les bulletins émis avant l’entrée en vigueur de la loi, ni les bulletins de redressement concernant les années de cotisations préalables à son entrée en vigueur mais émis postérieurement à celle-ci, le législateur a précisément voulu insister sur le fait que la loi n’avait pas d’effet rétroactif, afin d’éviter toute discussion à ce sujet. Les travaux parlementaires préparatoires ayant abouti à la loi du 26 octobre 2010 ne contiennent, d’ailleurs, aucune indication relative à l’application dans le temps des dispositions de ladite loi et ne font partant pas ressortir une quelconque intention du législateur de conférer un effet rétroactif à ladite loi.
Enfin, force est encore à ce sujet de constater, que la portée de l’article 18 de la loi du 26 octobre 2010 est exclusivement limitée aux sociétés qui détiennent principalement des participations financières. Dès lors, et toujours en considérant que de toute façon le législateur ne peut conférer un effet rétroactif aux dispositions d’une loi que de manière expresse, une autorisation implicite générale d’application rétroactive ne saurait pas être déduite d’une disposition, dont le champ d’application est explicitement restreint à une certaine catégorie d’administrés.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les partager par moitié entre la partie demanderesse et la Chambre de Commerce.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
vidant le jugement avant dire droit du 12 juillet 2012 ;
au fond, déclare le recours en annulation partiellement justifié et annule en conséquence le bulletin de cotisation litigieux du 10 décembre 2010 portant fixation des cotisations à verser à la Chambre de commerce pour l’année 2008 ;
rejette ledit recours pour le surplus comme n’étant pas fondé ;
fait masse des frais et les impute pour moitié à chacune des parties à l’instance.
Ainsi jugé par:
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 27 février 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 mars 2014 Le greffier du tribunal administratif 13