La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2014 | LUXEMBOURG | N°31880

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2014, 31880


Tribunal administratif N° 31880 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2012 1re chambre Audience publique du 12 février 2014 Recours formé par la société anonyme …, …, contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg, en présence du ministre du Développement durable et des Infrastructures ainsi que de l’administration des Bâtiments publics en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 31880 du rôle et déposée le 24 décembre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude BLE

SER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Tribunal administratif N° 31880 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2012 1re chambre Audience publique du 12 février 2014 Recours formé par la société anonyme …, …, contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg, en présence du ministre du Développement durable et des Infrastructures ainsi que de l’administration des Bâtiments publics en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 31880 du rôle et déposée le 24 décembre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude BLESER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés à Luxembourg sous le n° B …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une autorisation de construire délivrée par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, en date du 27 juin 2011, référencée sous le n°…, au profit du ministère du Développement durable et des Infrastructures, administration des Bâtiments publics, représenté par son ministre actuellement en fonctions, relative à la transformation et l’extension de l’ancien bâtiment de la Cour des comptes, situé 2-4, avenue Monterey à Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick KURDYBAN, demeurant à Luxembourg, du 16 janvier 2013, portant signification de ladite requête à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, sise à L-2090 Luxembourg, 42, Place Guillaume II ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 juillet 2013 par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2013 ;

Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date 15 avril 2013 par Maître Christian POINT au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 avril 2013 par Maître Claude BLESER au nom de la société anonyme … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2013 ;

Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2013 par Maître Christian POINT au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Claude BLESER, Maître Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Christian POINT et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 février 2013.

___________________________________________________________________________

Le 27 juin 2011, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, dénommé ci-après le « bourgmestre », délivra sous le n° … à l’administration des Bâtiments publics, une autorisation relative à la transformation et l’extension de l’ancien bâtiment de la Cour des comptes, situé 2-4, avenue Monterey à Luxembourg Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 2012, la société anonyme …, ci-après « la société … », en sa qualité de propriétaire de l’immeuble d’habitation et de commerce situé à …, inscrit au cadastre de la Ville de Luxembourg, section LF de la Ville-Haute sous le n°…, contiguë au bâtiment situé 4, avenue Monterey, inscrit sous le numéro cadastral 203/1486, annexe du 2, avenue Monterey (anciennement Cour des comptes), a fait introduire un recours tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’autorisation précitée du 27 juin 2011.

Quant à la recevabilité Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière d’autorisations de bâtir, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’acte déféré au tribunal.

Il s’ensuit que le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

La Ville de Luxembourg et l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg concluent à l’irrecevabilité du recours au motif que le délai pour agir contre l’autorisation litigieuse aurait expiré.

En effet, l’Etat affirme que l’autorisation de bâtir aurait été délivrée par le bourgmestre en date du « 31 août 2011 » et aussitôt valablement affichée de suite dans une fenêtre bien visible du rez-de-chaussée de la Cour des Comptes, et ce de manière continue conformément à l’article 37 dernier alinéa de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, de sorte que le délai de recours aurait valablement commencé à courir début septembre 2011, pour expirer début décembre 2011.

Il relève encore que l’administration du Cadastre et de la Topographie aurait adressé un courrier en date du 10 janvier 2012 à la société demanderesse en vue d’aborner une limite entre le terrain appartenant à l’Etat et abritant la Cour des Comptes et la propriété appartenant à la demanderesse et qu’un état des lieux contradictoire aurait été réalisé le 24 avril 2012 en présence de représentants de la demanderesse.

De son côté, la Ville de Luxembourg, outre de confirmer que le certificat attestant de la délivrance de l’autorisation de construire et présentant le contenu requis par l’article 37 précité, aurait été affiché aux abords du chantier, de manière continue, depuis le 31 août 2011, de sorte que le délai de recours contentieux contre ladite autorisation de construire aurait commencé à courir trois jours à compter de la prédite date, relève encore que des représentants respectivement des copropriétaires de l’immeuble sis à Luxembourg, 15, rue Philippe II, auraient consulté les plans faisant partie de l’autorisation en date du 8 mai 2012, tandis que la société … aurait également été conviée par courrier du 10 janvier 2012 de l’administration du Cadastre et de la Topographie à procéder à l’abornement de la limite entre sa propriété et celle de l’Etat, de sorte que la demanderesse saurait au moins depuis la réception du prédit courrier du 10 janvier 2012 que des travaux devaient être réalisés au niveau de l’immeuble de la Cour des Comptes.

Enfin, à l’instar de la partie étatique, elle relève encore qu’un état des lieux contradictoire avant travaux de l’immeuble de la demanderesse sis à …, aurait été effectué en date du 26 avril 2012, la demanderesse ayant à cette fin délivré le 24 avril 2012 un mandat à ses représentants, de sorte que la demanderesse aurait eu connaissance au plus tard le 24 avril 2012 des travaux envisagés au niveau de l’immeuble de la Cour des Comptes.

La société … entend résister à ce moyen de tardiveté en soulignant que le certificat informant de l’existence d’une autorisation de bâtir n’aurait pas été affiché conformément à ce qui est inscrit sur le certificat, à savoir « sur le chantier près du trottoir, d’une manière accessible et lisible pour tout le monde », alors que l’affichage aurait été fait à l’intérieur du bâtiment au 2, avenue Monterey du côté extrême gauche derrière la fenêtre située à gauche de la porte d’entrée de l’ancienne Cour des comptes, à plus ou moins 6 mètres de la voie publique, de sorte qu’il n’aurait été ni visible, ni accessible, et n’aurait pas permis aux tiers d’en prendre connaissance, la demanderesse affirmant de surcroît que certaines parties de la cour intérieure auraient été encombrées et que « personne n’aurait même osé pénétrer à l’intérieur de cette cour qui, (…), n’était plus accessible au public alors que depuis un certain nombre de mois déjà avant l’autorisation de construire, et certainement depuis l’autorisation de construire, le bâtiment était inoccupé et inaccessible pour le public », la société … maintenant que le premier jour où la personne déléguée sur place par elle aurait pu prendre connaissance de l’existence de l’autorisation de construire remonte au 27 septembre 2012 sinon, au plus tard au 25 octobre 2012.

En ce qui concerne l’état contradictoire des lieux, tel que mis en avant par l’administration communale et l’Etat, la société … affirme en substance que les personnes chargées de procéder à cet état des lieux n’auraient pas été mandatées par elle, mais par le locataire de l’immeuble voisin, à savoir la société …qui exploiterait le magasin de vêtements sis à …. En tout état de cause, elle estime que l’existence d’un état des lieux contradictoire serait dépourvue de toute incidence, étant donné que ledit état des lieux ni ne mentionnerait l’envergure des travaux envisagés, ni ne ferait référence à une autorisation de construire qui aurait été émise à ce moment.

Quant à l’invitation lui adressée par l’administration des Bâtiments publics en vue de procéder à un abornement, elle estime que le courrier lui adressé ne comporterait aucune indication quant à d’éventuels travaux de construction, la demanderesse déniant toute pertinence à l’indication dans ce courrier que des travaux de la Cour des Comptes seraient prévus très prochainement.

Enfin, en ce qui concerne l’attestation versée en cause par l’administration communale et rédigée par l’un de ses fonctionnaires, attestant que des copropriétaires de l’immeuble sis à … auraient consulté les plans faisant partie de l’autorisation en date du 8 mai 2012, la société …, outre de contester la régularité de cette attestation, dénie également toute pertinence à cette attestation, en donnant à considérer, d’une part, que rien ne permettrait de dire à partir de quel moment ces personnes auraient eu connaissance de l’autorisation de bâtir, et, d’autre part, qu’il ne serait pas exclu que ces personnes auraient pris connaissance de l’existence de l’autorisation de construire litigieuse « par un autre canal ».

En ce qui concerne la question de l’éventuelle tardiveté du recours, l’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que :

« Sauf dans les cas où les lois ou règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».

Aux termes des alinéas 5 et 8 de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, intitulé « Autorisations de construire », pris en sa version applicable lors de la délivrance de l’autorisation litigieuse :

« (…) Un certificat délivré par le bourgmestre attestant que la construction projetée a fait l’objet de son autorisation est affiché aux abords du chantier par le maître de l’ouvrage. Ce certificat mentionne notamment qu’à la maison communale le public peut prendre inspection des plans afférents pour autant qu’ils portent sur l’implantation de la construction, ses parties extérieures et l’affectation de l’immeuble. (…) Le délai de recours devant les juridictions administratives commence à courir trois jours à compter de la date d’affichage [du prédit certificat] ».

Les deux articles précités sont à lire conjointement. Ainsi, l’article 13 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit deux hypothèses alternatives dans lesquelles un recours peut être déclaré irrecevable faute d’avoir été introduit dans les délais, à savoir celle où le demandeur dépose son recours plus de trois mois après s’être vu formellement notifier la décision litigieuse, et celle où il introduit un recours plus de trois mois après avoir pu prendre connaissance de l’acte faisant grief, l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée ayant à cet égard retenu pour des raisons pratiques que la prise de connaissance d’une autorisation de construire par les tiers intéressés est réputée avoir eu lieu trois jours après l’affichage d’un certificat attestant de l’octroi de l’autorisation à construire.

Ces deux hypothèses ne sont pas énervées par l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée qui dispose que le délai de recours contre l’autorisation court à compter de la date d’affichage de l’autorisation, sans qu’il n’exclut la deuxième hypothèse consacrée par l’article 13 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999 selon laquelle le délai peut courir à compter de la prise de connaissance de la décision litigieuse.

En effet, si le législateur, partant du constat, d’une part, qu’une notification individuelle aux personnes intéressées par une autorisation de construire n’est pas toujours possible pour des raisons pratiques, liées notamment à l’impossibilité d’identifier toutes les personnes susceptibles d’être intéressées, et d’autre part, que l’affichage in extenso des autorisations de construire avec les plans afférents est impraticable, a estimé nécessaire d’imposer la formalité d’une notification générale telle que retenue à l’article 37 de la loi précitée du 19 juillet 2004, à savoir l’affichage d’un certificat aux abords du chantier, et ceci afin de faire courir le délai du recours contentieux1, cette formalité, qui a été prévue pour des raisons de sécurité juridique, ne s’impose cependant pas dans l’hypothèse où les intéressés ont eu une connaissance effective de l’autorisation de construire, la preuve de pareille connaissance appartenant cependant à la partie qui l’invoque.2 En l’espèce, il résulte du certificat prévu par l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée et établi par le représentant du maître de l’ouvrage, à savoir l’administration des Bâtiments publics, que l’autorisation de bâtir n° 459.5B.2011 a été affichée depuis le 31 août 2011 « sur le chantier prédésigné », à savoir aux n° 2-4, avenue Monterey à Luxembourg, cette date d’affichage n’étant pas contestée.

Il résulte encore des photographies versées en cause par la demanderesse, et explicitement reconnues tant par la partie étatique que par l’administration communale, que ledit certificat a été affiché à l’intérieur de l’une des fenêtres sise au rez-de-chaussée de l’ancienne Cour des Comptes, donnant sur un espace dégagé et ouvert - c’est-à-dire non fermé - sis le long de la rue Monterey, ladite fenêtre étant située à quelques mètres de ladite rue Monterey, à savoir 6 mètres d’après la partie demanderesse. Il résulte encore des photographies versées en cause par la demanderesse que ledit certificat non seulement est visible depuis la rue Monterey - l’une des photographies ayant manifestement été prise depuis la rue Monterey, mais qu’il est encore directement lisible à travers la fenêtre, l’une des photographies versées en cause permettant en effet aisément de lire le texte figurant sur ledit certificat. Le tribunal relève d’ailleurs qu’il résulte de la photographie prise à travers la fenêtre, dans laquelle se reflète l’auteur de cette photographie, que ledit certificat, contrairement à ce que la demanderesse allègue, était encore manifestement directement accessible, le photographe ne s’étant trouvé qu’à une faible distance dudit certificat, partant dans l’espace même séparant la façade de l’ancienne Cour des Comptes et la rue Monterey, voie publique ; il convient tout particulièrement de relever que l’espace sis devant l’ancienne Cour des Comptes est un espace largement ouvert, directement connexe à la voie publique, et dont l’accès n’est pas entravé d’une quelconque façon.

Si le certificat, ainsi accolé derrière une fenêtre, n’attire pas particulièrement l’attention, s’agissant d’une feuille de papier blanche ne comportant qu’un en-tête et une note terminale de couleur orangée, il n’en demeure pas moins qu’il répond aux exigences de la loi, en ce sens qu’il est bien visible depuis la voie publique et librement accessible, tel que retenu ci-dessus par le tribunal, les affirmations de la demanderesse, selon lesquelles certaines parties non précisées de la cour auraient été encombrées, outre de rester à l’état de simple allégation, étant encore trop imprécises pour être retenues par le tribunal : or, l’affichage 1 Voir Projet de loi concernant le développement urbain et l’aménagement communal, doc. parl. n° 4486-3, p. 65 et 66.

2 Voir trib. adm. 15 mai 2006, n° 20625 du rôle ; trib. adm. 3 octobre 2007, n° 22520 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 618.

d’une attestation sur le chantier en un endroit bien visible, en permettant la lecture d’une façon accessible, est de nature, à travers la possibilité de prise de connaissance ainsi donnée, de déclencher le délai contentieux à l’encontre de la décision à la base3.

Le tribunal relève ensuite qu’en date du 10 janvier 2012, l’administration du Cadastre et de la Topographie a adressé un courrier à la société … afin de procéder à l’abornement entre « une parcelle appartenant à l’Etat (cour des comptes) et une parcelle située … appartenant à … ».

Par ailleurs, le 24 avril 2012, un mandat a été donné par « Madame …et Monsieur …., demeurant à …, propriétaires4 de l’objet cité ci-dessus », à savoir l’immeuble sis à …, L-…, à Madame … et Monsieur … - ce dernier étant architecte - « pour établir, en notre nom et pour notre compte, tout constat contradictoire rédigé résultant de l’état des lieux effectué par le bureau d’expertise chargé par le ministère du Développement durable et des Infrastructures qui serait nécessaire en vue des travaux de la Cour des Comptes prévus très prochainement ».

Il résulte encore des pièces versées en cause que l’état des lieux contradictoire a été signé par Madame …pour compte du propriétaire de l’objet visité, le rapportage photographique annexé identifiant celui-ci encore comme étant la société …, propriétaire notamment des parties communes, des appartements y situés ainsi que du magasin « … ».

Le tribunal constate encore qu’en dépit des dénégations actuelles de la demanderesse, il résulte de l’extrait du Mémorial C de mars 2010 que Madame …, demeurant à L-…, est administrateur, administrateur-délégué et président du conseil d’administration de la société …, tandis que son époux, Monsieur …, signataire du mandat précité, demeurant également à L-…, est administrateur de la même société, de sorte que les explications actuelles de la demanderesse, selon lesquelles elle n’aurait pas été personnellement représentée lors de l’état des lieux du 24 avril 2012, mais que les personnes déléguées auraient été envoyées sur place par le locataire de l’immeuble, salariés d’une autre société et non de la société …, et que la signataire de l’état des lieux contradictoire aurait « par inadvertance » coché la mauvaise case (« mandataire du propriétaire »), alors pourtant qu’elle aurait été déléguée par le locataire de l’immeuble et non par le propriétaire, doivent être rejetées par le tribunal comme relevant d’une particulière mauvaise foi.

D’ailleurs, pour preuve de cette mauvaise foi particulière, le tribunal constate encore que le locataire de l’immeuble en question, à savoir la société …qui exploite le magasin de vêtements sis à …, a pour seuls associés les époux …et …, de sorte qu’indépendamment de la question de la personne morale ayant délivré ledit mandat portant explicitement sur l’établissement d’un état des lieux en vue des travaux de la Cour des Comptes, il est constant en cause que les personnes physiques se trouvant derrière les deux sociétés avaient connaissance de l’imminence de ces travaux.

En l’espèce, il se dégage de l’ensemble des éléments concordants énoncés ci-avant que la demanderesse avait été régulièrement informée de la délivrance de l’autorisation de construire litigieuse par l’affichage visible, accessible et lisible du certificat prévu par l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 dès le 31 août 2011 et qu’elle avait encore été 3 Trib. adm. 12 février 2003, n° 14703 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 226, et autres références y citées 4 Souligné par le tribunal.

régulièrement confrontée à l’imminence de la réalisation des travaux projetés en étant personnellement invitée et représentée à la réalisation d’un abornement ainsi qu’à l’établissement d’un état des lieux contradictoire.

S’il est certes vrai que le courrier du 10 janvier 2012 de l’administration du Cadastre et de la Topographie ne justifie pas la nécessité de l’abornement et que le mandat conféré par la demanderesse ne mentionne que l’imminence de travaux à la Cour des Comptes diligentés par le ministère du Développement durable et des Infrastructures, la confrontation de la demanderesse, laquelle était représentée par un architecte lors de l’état des lieux, à ces deux éléments - abstraction faite pour les besoins de la discussion de l’affichage régulier du certificat - aurait nécessairement dû l’amener à se renseigner sur la nature et l’envergure des travaux imminents, le tribunal ne pouvant d’ailleurs pas concevoir que les représentants de la demanderesse, dûment mandatés, aient assisté le 24 avril 2012 à un état des lieux contradictoire « avant travaux », portant tant sur l’extérieur que sur l’intérieur de l’immeuble sis à …, et plus particulièrement sur les parties communes, les appartements - ce qui écarte par ailleurs l’affirmation que le locataire « Magasin ……» aurait été représenté et non le propriétaire - et les commerces abrités par cet immeuble, sans s’enquérir de la nature et de l’envergue des travaux imminents, une telle abstention confinant à une négligence inexcusable.

Il y a en effet lieu de souligner à ce sujet, à l’instar des travaux parlementaires afférents5, que le fait pour des voisins de se renseigner et de consulter les autorités pour connaître la teneur exacte et complète d’autorisations susceptibles de les intéresser relève d’un comportement de bon père de famille que toute personne normalement diligente se devrait d’adopter.

Aussi, au vu de ces éléments de fait, la demanderesse aurait dû, au plus tard le 24 avril 2012, prendre conscience de ce qu’une autorisation de construire avait été délivrée et il lui appartenait, plutôt que de se cantonner dans une attitude passive, d’introduire le recours qu’elle estimait approprié, afin de faire valoir ses droits au plus tôt.

Il s’ensuit que le recours sous analyse, introduit en date du 24 décembre 2012 a été introduit tardivement à l’encontre de l’autorisation de construire délivrée le 27 juin 2011, de sorte qu’il doit être rejeté pour être irrecevable ratione temporis.

La partie demanderesse réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- €, demande qui, au vu de l’issue du litige, est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

déclare le recours en annulation subsidiaire irrecevable pour cause de tardiveté, rejette la demande en allocation d’indemnités de procédure formulée par la société … ;

5 Projet de loi concernant le développement urbain et l’aménagement communal, doc. parl. 4486-3, p. 65 et 66.

condamne la société … aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 février 2014 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Hoffmann s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12.2.2014 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 31880
Date de la décision : 12/02/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-02-12;31880 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award