Tribunal administratif N° 31789 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 décembre 2012 1re chambre Audience publique du 12 février 2014 Recours formé par Monsieur …, …(Portugal) contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31789 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2012 par Maître Kalthoum BOUGHALMI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Guinée Bissau), de nationalité portugaise, demeurant actuellement à …(Portugal), tendant à la réformation sinon à l’annulation de deux « décisions » du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration des 19 juillet 2012, respectivement 10 septembre 2012 portant retrait du droit de séjour dans son chef ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les « décisions » critiquées ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Kalthoum BOUGHALMI et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 janvier 2014.
Par courrier du 19 juillet 2012, notifié le 20 juillet 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après le « ministre », informa Monsieur … de ce qui suit :
« Je constate que l'attestation d'enregistrement d'un citoyen de l'Union n° … vous a été délivrée en date du 3 juin 2011 en qualité de travailleur salarié par l'administration communale d'Esch-sur-Alzette.
Une vérification a cependant donné que vous ne remplissez pas les conditions prévues par l'article 6, paragraphe (1), point 1 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration étant donné que vous ne disposez pas de ressources suffisantes afin d'éviter de devenir une charge pour le système d'assistance sociale.
En effet, je constate que depuis le mois de septembre 2011 vous êtes bénéficiaire du revenu minimum garanti de sorte que vous êtes à considérer comme une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale.
Par voie de conséquence, j'envisage dès lors de révoquer votre droit de séjour conformément à l'article 24 de la même loi.
Vous êtes prié de présenter vos observations dans un délai de huit jours à partir de la notification de la présente. […] » Par décision du 10 septembre 2012, notifiée le 11 septembre 2012, le ministre révoqua le droit de séjour de Monsieur …. Cette décision est libellée comme suit :
« Par la présente, j'ai l'honneur de me référer à mon courrier du 19 juillet 2012 relatif à votre droit de séjour.
J'accuse réception de votre courrier du 24 juillet 2012 et je suis au regret de vous informer que je ne peux que réitérer les motifs contenus dans mon courrier du 19 juillet 2012.
Par voie de conséquence votre droit de séjour est retiré.
En effet, je constate que votre dernier jour de travail était le 27 juillet 2011, de sorte que vous ne saurez plus être considéré comme travailleur salarié aux termes de l'article 6 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, et que vous représentez une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale au sens de l'article 24, paragraphe (4) de la même loi. Vous étiez bénéficiaire du revenu minimum garanti pendant une durée de 12 mois sur une durée de séjour d'un total de 15 mois.
Conformément à l'article 25, paragraphe (1) de la même loi vous êtes obligé de quitter le territoire dans un délai d'un mois vers le pays dont vous avez la nationalité, le Portugal, ou vers tout autre pays où vous avez le droit à la libre circulation. […] » Par requête déposée le 10 décembre 2012 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions du ministre du 19 juillet, respectivement du 10 septembre 2012 portant « refus, respectivement retrait » de son droit de séjour.
Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, invoque d’abord l’irrecevabilité du recours en réformation intenté en ordre principal au motif qu’un tel recours ne serait pas prévu par la loi.
Aucune disposition de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », ni aucune autre disposition légale applicable en la matière, ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, l’article 31 de la loi du 29 août 2008 renvoyant au contraire expressément aux dispositions du chapitre 4 de la loi du 29 août 2008 quant aux voies de recours applicables, dont l’article 113, qui indique que les décisions y visées sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Par contre, le tribunal administratif est compétent, en vertu de l’article 113 de la loi du 29 août 2008, pour connaître du recours subsidiaire en annulation.
Le délégué du gouvernement soulève encore l’irrecevabilité du recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre le courrier du ministre du 19 juillet 2012, qui ne serait pas à considérer comme une décision conformément à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par : « le règlement du 8 juin 1979 », mais comme un courrier informatif au sens de l’article 9 de ce même règlement ne pouvant pas faire l’objet d’un recours qu’il soit gracieux ou contentieux.
Pour pouvoir faire l’objet d’un recours, un acte administratif doit constituer une véritable décision finale de nature à faire grief, c'est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. Il a été jugé que n’a pas cette qualité de décision faisant grief, une lettre adressée à un administré par laquelle un ministre se borne à exprimer une intention ou les actes préparatoires d'une décision.1 Plus spécialement, un courrier émis en conformité avec l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, par lequel le ministre invite un administré à lui faire part de ses observations éventuelles, avant de révoquer dans son chef une autorisation délivrée, ne peut être considéré comme constitutif d’une décision de refus, mais s’analyse en un acte préparatoire d’une décision administrative finale, constitutif d’une étape dans la procédure d’élaboration de celle-ci et échappant en tant que tel au recours contentieux2.
Il ressort du contenu de la lettre du 19 juillet 2012 précitée, que le ministre se borne à informer Monsieur… qu’il « envisage » de révoquer son droit de séjour conformément à l’article 24 de la loi du 29 août 2008, tout en lui demandant de présenter ses observations dans un délai de huit jours, et ce, en application de l’article 9 du règlement du 8 juin 1979 précité selon lequel, « (…) l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d´office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à agir. » Il en résulte que par ce courrier du 19 juillet 2012 le ministre n’a pas encore pris de décision définitive faisant grief à Monsieur…, de sorte que le recours en annulation dirigé contre ledit courrier est à déclarer irrecevable.
Est partant seul recevable le recours en annulation contre la décision du 10 septembre 2012 par le biais de laquelle Monsieur… s’est vu retirer son droit de séjour, recours qui a, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur soutient être arrivé au Luxembourg au mois de mai 2010 et avoir commencé à travailler le 31 mai 2010 auprès de l’employeur …. Il affirme avoir été enregistré à la commune de Dudelange à partir du 27 juillet 2010 et avoir travaillé sans interruption jusqu’au mois de novembre 2010.
Monsieur… explique ensuite avoir travaillé à partir du 16 mai 2011 sans cesse jusqu’au 27 juillet 2011, et que ce ne serait que par ignorance qu’il se serait seulement enregistré en tant que citoyen de l’Union Européenne en date du 3 juin 2011.
Etant donné qu’il aurait travaillé plus de 8,5 mois avant de demander le bénéfice du revenu minimum garanti, le demandeur estime que le ministre lui aurait à tort retiré le droit 1 Trib. adm. 7 mars 2007, n°21708 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes administratifs, n° 44 2 Trib. adm. 2 février 2005, n° 18301, Pas.adm. 2012, V° Actes administratifs, n° 48 de séjour.
En droit, le demandeur estime que le ministre aurait basé sa décision sur une erreur manifeste d’appréciation des faits, alors que ce dernier se serait à tort basé sur le fait qu’il aurait eu sa carte d’enregistrement seulement en juin 2011 et d’avoir déjà été bénéficiaire d’un revenu minimum garanti à partir de septembre 2011, alors qu’il n’aurait pas pris en compte que le début de son activité professionnelle au Luxembourg se situerait au mai 2010.
A titre subsidiaire, le demandeur fait plaider que la décision ministérielle critiquée serait à annuler pour défaut d’application de l’article 11 de la loi du 8 juin 1979, étant donné qu’en dépit du droit de tout administré à la communication de son dossier administratif garanti par ledit article, il n’aurait jamais reçu copie de son dossier, ce qui aurait eu pour conséquence qu’il n’aurait pas été en mesure de juger de l’opportunité d’un recours contentieux.
Le demandeur invoque ensuite une violation de l’article 149 de la loi du 29 août 2008 combiné à l’article 4 du règlement du 8 juin 1979, alors que la décision déférée n’aurait pas été précédée d’un avis de la commission consultative des étrangers ayant pour mission de donner un avis obligatoire avant toute décision portant retrait d’un titre de séjour.
A titre plus subsidiaire, le demandeur critique la décision déférée pour avoir violé le principe général de la confiance légitime, exigeant que l’administration se conforme à une attitude qu’elle a suivie dans le passé. En effet, le retrait de son attestation d’enregistrement lui permettant de s’installer au Luxembourg aurait pour conséquence de l’empêcher de continuer ses démarches en vue de trouver un emploi rémunéré.
A titre encore plus subsidiaire, le demandeur fait valoir que le versement du revenu minimum garanti généralisé ne constituerait pas une prestation d’assistance sociale et que les circonstances de la cause ne dénoteraient aucune charge déraisonnable pour l’Etat luxembourgeois. Le ministre aurait à tort retenu que le demandeur constituerait une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale par le fait qu’il serait bénéficiaire de prestations sociales non contributives de la part du Fonds National de Solidarité, alors que la Cour de justice de l’Union Européenne aurait consacré, dans son arrêt du 4 juin 2009 (Athanasios Vatsouras et Josif Koupatantze c/ Arbeitsgemeinschaft Nürnberg 900, Affaire C-
22/08 et C-23/08) que les prestations de nature financière qui sont destinées à faciliter l’accès au marché du travail ne sauraient être considérées comme des prestations d’assistance sociale au sens de l’article 24 paragraphe 2 de la directive 2004/38. Ainsi, un contrat d’insertion, en ce qu’il aurait pour objectif d’accompagner le travailleur vers un emploi, ne saurait être considéré comme une prestation d’assistance sociale.
Dans un dernier ordre de subsidiarité, le demandeur estime que la décision ministérielle attaquée ne respecterait pas le droit du travail, étant donné que le retrait de l’autorisation de séjour serait attentatoire à son « droit du travail ».
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation des éléments de la cause et conclut au rejet du recours.
En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d'une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.3 En ce qui concerne d’abord l’irrégularité formelle pour défaut de communication du dossier administratif, l’article 11 du règlement du 8 juin 1979 dispose ce qui suit : « Tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l´être, par une décision administrative prise ou en voie de l´être. » Il a été jugé que les dispositions de l’article 11 du règlement du 8 juin 1979 imposent à l'administration une obligation de communication à première demande sans que toutefois l'autorité administrative concernée ne soit tenue d'y procéder de façon automatique à défaut d'être sollicitée en ce sens par l'administré intéressé.4 Il ne ressort d’aucun élément du dossier administratif que Monsieur… ou son mandataire auraient fait une demande en ce sens, de sorte qu’en application de la jurisprudence précitée, il ne peut pas être reproché au ministre de n’y avoir pas procédé de manière spontané.
A défaut d’une demande expresse y relative, le défaut de communication du dossier administratif ne peut en aucune manière avoir un impact sur la légalité de la décision déférée, de sorte que le moyen y relatif est à rejeter.
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 149 de la loi du 29 août 2008 aux termes duquel « Il est institué une commission consultative des étrangers qui a pour mission de donner un avis obligatoire, sauf en cas d’urgence, avant toute décision prise par le ministre portant sur le retrait ou le refus de renouvellement d’un titre de séjour aux termes de la présente loi. » pris en combinaison avec l’article 4 du règlement du 8 juin 1979 qui dispose que « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent. », force est au tribunal de constater que les parties sont en désaccord en ce qui concerne l’applicabilité de l’article 149 précité dans le cas d’un retrait du droit de séjour d’une citoyen de l’Union Européenne.
Si le demandeur réclame l’application de cet article à la décision déférée qui lui a refusé son droit de séjour en tant que citoyen de l’Union Européenne, le délégué du gouvernement rétorque que l’avis de la commission consultative des étrangers ne serait requis qu’en cas de retrait ou de refus de renouvellement d’un titre de séjour d’un ressortissant d’un pays tiers, alors qu’un citoyen de l’Union européenne ne serait pas titulaire d’un titre de séjour, mais bénéficierait d’un droit de séjour. Il précise que le titre de séjour visé par la loi du 29 août 2008 concernerait le titre de séjour établi conformément au règlement (CE) 380/2008 du Conseil du 18 avril 2008 modifiant le règlement (CE) 1030/2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers, tandis que l’article 8 de la directive 2004/38/CE prévoirait la délivrance d’une attestation d’enregistrement au citoyen de l’Union qui remplit les conditions de séjour et l’article 10 du même règlement prévoirait la délivrance d’un document dénommé carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de 3 Trib. adm. du 31 mai 2006, n °21060 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 392 4 Trib. adm. 9 octobre 2002, n°14743 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative non-contentieuse, n° 109 et autre référence y citée l’Union s’il s’agit d’un membre de la famille qui n’est pas ressortissant d’un Etat membre.
Le règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 portant exécution de certaines dispositions relatives aux formalités administratives prévues par la loi du 29 août 2008 ferait également cette distinction en se référant au chapitre 2 aux documents délivrés aux citoyens de l’Union européenne et aux membres de leur famille, quelle que soit leur nationalité, et au chapitre 3 aux titres de séjour des ressortissants de pays tiers.
Le représentant étatique conclut que ce serait à bon droit que le demandeur n’aurait pas été convoqué devant la commission consultative des étrangers et que l’absence de l’avis de cette dernière ne mettrait pas en cause la légalité de la décision litigieuse. Il conclut qu’en conséquence il ne pourrait y avoir violation de l’article 4 du règlement du 8 juin 1979.
A titre liminaire, le tribunal se doit de préciser que l’article 149 de la loi du 29 août 2008, entretemps abrogé par la loi du 21 décembre 2012 portant notamment modification de la loi du 29 août 2008, a néanmoins encore été applicable au jour de la prise de la décision ministérielle du 10 septembre 2012.
Si le délégué du gouvernement est à suivre en ce qu’il souligne qu’il y a a priori bien lieu de distinguer entre, d’une part, le titre de séjour délivré par le ministre en vertu de la loi du 29 août 2008 aux ressortissants de pays tiers, définis à l’article 3 c) de la loi du 29 août 2008 comme « toute personne qui n’est pas citoyen de l’Union européenne ou qui ne jouit pas du droit communautaire à la libre circulation », et, d’autre part, le droit de séjour des citoyens de l’Union européenne, constituant l’exercice de leur droit fondamental de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres découlant directement du traité instituant la Communauté européenne, sous réserve des limitations et restrictions fixées par ledit traité et des mesures adoptées en vue de leur application, et s’il est exact qu’aucune disposition de la loi du 29 août 2008 ne permet de conclure que la notion de « titre de séjour », employée à son article 149, englobe le droit de séjour des citoyens de l’Union européenne, il échet de constater qu’il n’en reste pas moins que l’article 149, précité, fait partie du chapitre 8 de cette loi intitulé « Les organes consultatifs », qui d’après son agencement est un chapitre d’ordre général s’appliquant à l’ensemble des étrangers, que ce soient ceux relevant du chapitre 2 ou ceux relevant du chapitre 3 de la même loi.
D’autre part, le règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 relatif à la composition et au fonctionnement notamment de la commission consultative des étrangers, se réfère, en ce qui concerne la procédure devant la commission consultative, à l’ « étranger », qui en vertu de l’article 3 a) de la loi du 29 août 2008 est défini comme « toute personne qui ne possède pas la nationalité luxembourgeoise (…) », et non pas uniquement au « ressortissant de pays tiers », de sorte qu’il y a lieu d’admettre que sont visés par la procédure devant la commission consultative aussi bien les citoyens de l’Union européenne que les ressortissants de pays tiers.
Par ailleurs, il se dégage plus particulièrement des travaux parlementaires de la loi du 21 décembre 2012, ayant abrogé l’article 149, précité, que l’intention du législateur était celle de requérir l’avis de la commission consultative aussi bien en cas de retrait ou de non renouvellement d’un titre de séjour, que dans l’hypothèse d’un retrait du droit de séjour. Ainsi, il se dégage des travaux parlementaires que: « La création d’un double degré de juridiction par la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif rend cette commission [la commission consultative des étrangers] superfétatoire.
Les droits des étrangers visés qui font l’objet d’une décision de retrait du droit de séjour ou de refus de renouvellement d’un titre de séjour pris par le ministre, sont amplement garantis par la possibilité du recours gracieux prévu par la procédure administrative non contentieuse et par les voies de recours contentieux devant les juridictions administratives. Ainsi la possibilité d’un retrait ou d’un refus de renouvellement « abusif » par le ministre est exclu par les diverses voies de recours existantes. L’existence de la commission consultative des étrangers n’est par conséquent plus justifiée »5.
Il s’ensuit que l’article 149 de la loi du 29 août 2008 est à entendre comme requérant l’avis de la commission consultative, sauf en cas d’urgence, également avant toute décision ministérielle portant sur le retrait du droit de séjour d’un citoyen de l’Union européenne6.
Le tribunal est dès lors amené à retenir que le ministre n’était en l’espèce pas fondé à se dispenser de la saisine de la commission consultative des étrangers, telle que prévue par l’article 149 de la loi du 29 août 2008. L’inobservation de cette disposition entraîne par voie de conséquence l’illégalité de la décision de retrait du droit de séjour intervenue à son mépris.
L’annulation de la décision de retrait du droit de séjour entraîne pareillement celle de l’ordre de quitter le territoire prononcé à l’encontre de Monsieur ….
Il s’ensuit que la décision ministérielle du 10 septembre 2012 est à annuler, sans qu’il n’y ait lieu de statuer par rapport aux autres moyens et arguments développés par les parties à l’instance, cet examen devenant surabondant.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation ;
déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation en ce qu’il est dirigé contre le courrier du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 19 juillet 2012 ;
reçoit pour le surplus le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant annule la décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 10 septembre 2012 portant retrait du droit de séjour au Grand-duché de Luxembourg et ordre de quitter le territoire à l’encontre de Monsieur …, et renvoie en prosécution de cause l’affaire au ministre de l’Immigration et de l’Asile, entretemps en charge du dossier ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 février 2014 par :
Thessy Kuborn, premier juge, 5 Trav. parl. 6404, p. 14 6 voir en ce sens récemment : trib. adm. 24 septembre 2013, n° 31309 du rôle, trib. adm. 16 octobre 2013, n° 31857 du rôle et trib. adm. 14 novembre 2013, non encore publiés Alexandra Castegnaro, juge Olivier Poos, attaché de justice délégué en présence du greffier Michèle Hoffmann s. Michèle Hoffmann s. Thessy Kuborn 8