Tribunal administratif Numéro 31937 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 janvier 2013 1re chambre Audience publique du 10 février 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 31937 du rôle, déposée le 14 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-
…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du 7 novembre 2012 du directeur de l’administration des Contributions directes, portant rejet de sa réclamation introduite à l’encontre d’un bulletin d’appel en garantie émis en date du 21 septembre 2010 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2013 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2013 par Maître François MOYSE pour compte de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Marie ROMERO, en remplacement de Maître François MOYSE, et Madame le délégué du gouvernement Caroline PEFFER en leurs plaidoiries à l’audience publique du 3 février 2014
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En date du 21 septembre 2010, le bureau d’imposition RTS 1 de l’administration des Contributions directes émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’égard de Monsieur … en sa qualité de gérant ayant été en charge de la gestion journalière de la société à responsabilité limitée … …, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire, pour le principal, d’un montant de … euros résultant de retenues d’impôt non réalisées pour les années 2006, 2007 et 2008.
Monsieur … fit introduire par son mandataire le 8 décembre 2010 une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après « le directeur », à l’encontre dudit bulletin d’appel en garantie.
Par décision du 7 novembre 2012, le directeur rejeta ladite réclamation pour les motifs suivants :
« Vu la requête introduite le 10 décembre 2010 par Me François MOYSE, au nom du sieur …, L…, pour réclamer contre le bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires de Luxembourg en date du 21 septembre 2010 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119 alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§238 AO) dans les forme (§249 AO) et délai (§245 AO) de la loi; qu’elle est partant recevable ;
Considérant que le bureau d’imposition, après avoir constaté que le réclamant était tenu en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée … …, actuellement en faillite, de payer sur les fonds administrés, les impôts dont la société était redevable et qu’il avait négligé de remplir les obligations qui lui incombaient à cet égard aux termes du § 103 AO, l’a déclaré responsable du non paiement de la retenue sur les traitements et salaires dus par la société pour les années 2006, 2007 et 2008 au montant total de 10.316,40 euros, dont … euros à titre d’intérêts ; qu’à cet égard l’omission de verser les sommes retenues serait à considérer comme faute grave au sens du § 109 AO;
Considérant que le réclamant fait notamment valoir qu’on ne saurait lui reprocher une inexécution fautive ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que les retenues litigieuses ont été déclarées et opérées par la société, mais qu’elles n’ont pas été continuées au bureau de recette ;
Considérant que le représentant est responsable du paiement des dettes d’impôt de la personne morale qu’il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ;
qu’aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable ( CE 20.10.1981 no 6902 ) ;
que dans la mesure où le gérant par l’inexécution fautive de ces obligations a empêché la perception de l’impôt légalement dû, il est, en principe constitué co-débiteur solidaire des arriérés d’impôt de la société, conformément au § 109 AO ;
Considérant qu’en vertu de l’article 136 alinéa 4 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) l’employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l’impôt.qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ;
que dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers (§ 103 AO) ;
que la responsabilité du gérant est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’administration ( CA du 6 mai 2003 no 15989C ) ;
qu’il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sa responsabilité, pour les actes par lui accomplis pendant la période de ses fonctions, survit à l’extinction de son pouvoir de représentation (§110 AO) ;
Considérant que sous l’empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l’imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf. Becker-Riewald-
Koch §2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3) ;
que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe-même de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du gérant d’une société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109 alinéa 1 AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (CA du 22.02.2000, no 11694C) ;
Considérant qu’en l’espèce l’auteur de la décision a révélé les circonstances particulières susceptibles de justifier sa décision de poursuivre le réclamant et de mettre à sa charge l’intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires ;
qu’il développe clairement les raisons qui l’ont conduit à engager la responsabilité du gérant, pour les années d’imposition litigieuses ;
Considérant qu’il se dégage d’une publication au Registre de Commerce et des Sociétés no 83 du 9 février 1998 que suivant assemblée générale extraordinaire du 14 octobre 1997, le réclamant a été nommé gérant de la société à responsabilité limitée … … pour une période indéterminée, sans qu’une démission n’ait été publiée par la suite ;
Considérant que l’auteur de la décision a également motivé sa décision en ce qui concerne le montant pour lequel la responsabilité du réclamant est engagée à la vue des éléments qui précèdent ;
Considérant que le réclamant a sciemment omis de verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires des années 2006, 2007 et 2008 et que partant il a empêché la perception de l’impôt légalement dû ;
Considérant qu’il s’ensuit que la responsabilité du réclamant en tant que gérant de la société à responsabilité limité … … est incontestablement établie et la mise à charge de l’intégralité des arriérés de la société au titre de la retenue d’impôt sur traitements et salaires des années 2006, 2007 et 2008 est justifiée ;
Considérant par ailleurs, que de même qu’en matière de responsabilité du fait personnel (art.1382 du code civil), l’auteur du dommage ne peut pas s’exonérer en invoquant une prétendue faute d’un tiers, lequel n’entrera en ligne de compte qu’au stade du recours entre les coresponsables, le gérant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s’opposer à une poursuite au motif qu’elle n’a pas été engagée contre l’autre (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 7 novembre 2012.
Conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus.
Il s’ensuit qu’en l’espèce le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale par le représentant du contribuable … … en tant que sujet d’un bulletin d’appel en garantie.
Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
A l’appui de son recours, Monsieur … conteste d’une manière générale s’être comporté de manière fautive ; à cet égard, il considère que le bureau d’imposition se serait contenté de constater une absence de paiement de la société pour en déduire une faute de son ancien gérant sans fournir de plus amples explications et sans qualifier in specie un quelconque comportement fautif dans le chef de ce dernier.
Dès lors, il estime que l’administration des Contributions directes serait restée en défaut de prouver l’existence d’une quelconque faute dans son chef susceptible d’engager sa responsabilité personnelle, tel que cela serait cependant exigé par le paragraphe 109 AO.
Le demandeur estime ensuite qu’en tout état de cause, la responsabilité du représentant légal, lorsqu’elle existerait, serait limitée. Or, ni le bulletin d’appel en garantie du 21 septembre 2010, ni la décision sur réclamation du 7 novembre 2012 ne feraient état de circonstances particulières susceptibles de justifier la décision du bureau d’imposition de le poursuivre et de mettre à sa charge l’intégralité des prétendus arriérés de la société à responsabilité limitée … … au titre de la retenue d’impôt sur les salaires, alors que la majeure partie des dettes fiscales auraient déjà fait l’objet d’une procédure de recouvrement antérieure, Monsieur … estimant plus particulièrement à ce sujet qu’une telle façon de procéder serait inique, et ce d’autant plus que la décision directoriale de rejet litigieuse serait intervenue près de 2 ans après l’introduction de sa réclamation fiscale.
En ce qui concerne les montants lui réclamés, le demandeur fait plaider que la responsabilité du dirigeant se limiterait aux créances d’impôt qui sont restées en souffrance par sa faute, à l’exclusion de toute somme qui ne répond pas à la définition de l’impôt, de sorte que le dirigeant ne saurait répondre personnellement ni des frais de poursuite ni des sanctions encourues à titre de supplément ou d’intérêts de retard par la société en cause, pour en déduire que sa responsabilité ne saurait en aucun cas être étendue aux intérêts de retard, sanctions et frais de poursuite dus par la société, sa responsabilité éventuelle étant limitée aux impôts.
A cet égard, il relève qu’il ressortirait encore du bulletin d’appel en garantie lui-
même, émis en date du 21 septembre 2010, qu’il serait « invité à payer le montant de … euros », de sorte à exclure ainsi les intérêts de retard ; il en déduit que l’administration des Contributions directes ne saurait pas désormais alourdir le montant de l’impôt mis à sa charge en y incluant des intérêts de retard.
Enfin, il souligne l’existence d’une contradiction flagrante entre le montant lui réclamé et un relevé versé à son dossier fiscal, ce relevé qui reprendrait manuellement les retenues d’impôts dues et payées, ne permettant pas d’établir une quelconque correspondance avec les sommes désormais réclamées.
La partie étatique, de son côté, argumente que l’employeur serait tenu de retenir, déclarer et verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel, cette obligation incombant à l’organe ayant le pouvoir de représentation lorsque l’employeur est une personne morale ; par ailleurs, le fait pour un gérant d’une société de ne pas verser les retenues sur les salaires au Trésor Public, qui sont légalement dues, constituerait un comportement fautif per se dans le chef dudit gérant, sans qu’il ne soit nécessaire de rapporter d’autres preuves à ce titre.
En l’espèce, l’Etat relève que la société à responsabilité limitée … …, en faillite sur assignation suivant jugement du 5 juillet 2010, aurait omis de verser les retenues d’impôt dues sur les traitements et salaires du personnel au titre des années d’imposition 2006 à 2008 à hauteur de 10.316,70.- € en principal et intérêts, tandis que Monsieur … aurait été le gérant de cette société, habilité à l’engager par sa signature individuelle.
Partant, ce serait à juste titre que le bureau d’imposition compétent et le directeur en auraient déduit que Monsieur … en sa qualité de gérant unique, était responsable pour accomplir ou veiller à l’accomplissement des obligations fiscales de retenir, déclarer et verser l’impôt dû sur les traitements et salaires des années 2006 à 2008.
Finalement, en ce qui concerne la question des intérêts de retard, la partie étatique considère que comme les intérêts de retard constitueraient un accessoire des impôts auxquels ils se rapportent, ce serait à juste titre que l’administration des Contributions directes aurait étendu la responsabilité de Monsieur … aux intérêts de retard sur les impôts dus.
En vertu des dispositions de l’article 136 (4) de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l’impôt sur le revenu (LIR), l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au paragraphe 103 AO, qui dispose que « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».
L’impôt sur les salaires est un impôt dû par le salarié qu’il incombe à l’employeur de retenir et de continuer pour compte du salarié à partir du moment qu’un salaire passible dudit impôt lui est versé.
Il s’ensuit que le fait par l’employeur de verser un salaire sans pour autant effectuer, voire continuer les retenues qui s’imposent, s’analyse en un détournement des sommes en question au profit de la société, alors que cette partie du salaire est due à l’Etat non pas par l’employeur, mais par le salarié.
Il se dégage des considérations qui précèdent que la société à responsabilité limitée … … était tenue d’opérer et de continuer les retenues sur les salaires payés.
Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du non-paiement des impôts litigieux, il y a lieu de se référer plus particulièrement aux dispositions du paragraphe 109 AO, qui dispose dans son alinéa (1) que : « die Vertreter und die übrigen in den Paragraphen 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den Paragraphen 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».
En vertu des dispositions du paragraphe 103 AO, « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».
Il s’ensuit que le gérant en titre d’une société à responsabilité limitée est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à cette dernière et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable.
Il n’est en l’espèce pas contesté que Monsieur … était gérant unique de la société à responsabilité limitée … ….
Il n’en demeure cependant pas moins que le dirigeant d’une société ne peut être tenu personnellement responsable du non-paiement de ces impôts que dans les conditions plus particulièrement prévues au paragraphe 109 AO qui dispose dans son alinéa (1) que :
« die Vertreter und die übrigen in den Paragraphen 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den Paragraphen 103 bis 108 auferlegten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütungen zu unrecht gewährt worden sind ».
Il se dégage de ces dispositions légales que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers le fisc.
Le paragraphe 7, alinéa (3) de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, maintenue en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, appelée « Steueranpassungsgesetz (StAnpG) », disposant par ailleurs que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldetet Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
Conformément au paragraphe 2 StAnpG disposant dans son alinéa (1) que « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen », l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision.
En l’espèce, le bureau d’imposition a décidé de mettre en œuvre la responsabilité personnelle du demandeur en sa qualité de gérant unique de la société à responsabilité limitée … …, disposant du pouvoir d’engager l’entreprise sous sa signature individuelle depuis le 14 octobre 1997, le bureau d’imposition ayant retenu plus particulièrement à charge de Monsieur … que celui-ci, en sa qualité de personne en charge de la gestion journalière de ladite société, aurait négligé l’accomplissement des obligations fiscales incombant à la société vis-à-vis de l’administration des Contributions directes, en l’occurrence n’avoir pas continué les retenues d’impôt sur rémunération au Trésor Public.
Or, en tant que personne de jure et de facto en charge de la gestion journalière de la société, Monsieur …, conformément au paragraphe 103 AO, était personnellement tenu pendant les périodes correspondant à l’exercice de cette fonction, à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, de sorte qu’il était obligé de retenir, lors du paiement des salaires, l’impôt sur les salaires, ainsi que de le verser au trésor public.
Aussi, concernant la période litigieuse, le tribunal ne peut dès lors que constater que le demandeur, ayant librement assumé la charge de gérant de la société, a éminemment failli à ses devoirs en s’abstenant de verser à l’Etat les sommes retenues ou qui auraient dû être retenues sur les salaires payés1.
Il s’ensuit qu’il y a lieu d’admettre, à l’instar de ce qui a été retenu par le directeur, que Monsieur …, en sa qualité de gérant ayant effectivement exercé la gestion journalière de la société à responsabilité limitée … …, est personnellement responsable des insuffisances d’impôt qui sont la conséquence de son comportement fautif, à savoir son défaut d’avoir continué pendant la période en question l’impôt sur les salaires retenu au trésor public2.
1 Voir trib. adm. 13 janvier 2003, n° 14859, confirmé par arrêt du 6 mai 2003, n° 15989C.
2 Voir trib. adm.14 juin 2010, n° 26277, confirmé par arrêt du 6 janvier 2011, n° 27126C.
En avançant ces considérations à l’appui de sa décision, le directeur s’est livré à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles de fonder sa décision. Force est encore de constater que le demandeur n’a de son côté pas utilement renversé les conclusions du directeur à cet égard, mais qu’il est resté en défaut d’énerver concrètement les faits relevés par le directeur pour conclure au caractère fautif de son comportement en tant que gérant ayant effectivement exercé la gestion journalière de la société en question.
En ce qui concerne l’argumentation du demandeur relative au caractère inique de l’appel en garantie, tiré du fait qu’il aurait d’ores et déjà fait l’objet d’un appel en garantie antérieur et du fait que le directeur aurait mis 2 ans à prendre position par rapport à sa réclamation, il convient de retenir qu’à défaut pour le demandeur de préciser une quelconque disposition légale ou règlementaire à l’appui de ce moyen, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. En effet, des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen.
Quant au bénéfice de discussion dont le demandeur entend se prévaloir au motif que l’Etat n’aurait pas déposé de déclaration de créance dans le cadre de la faillite de la société à responsabilité limitée … …, il convient de rappeler que le recours contre le tiers responsable n’exige ni que le débiteur de l’impôt soit insolvable, ni que le recouvrement forcé contre le débiteur de l’impôt ait été infructueux3, le défaut de l’administration des Contributions directes de procéder au recouvrement forcé de la créance fiscale auprès du contribuable n’exonérant en tout état de cause pas le tiers responsable4.
En ce qui concerne la discussion des montants tels que réclamés, le tribunal constate que le demandeur n’a pas formulé la moindre contestation à cet égard par-devant le directeur.
Or, aux termes de l’article 58 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, « les demandes nouvelles n’ayant pas figuré dans la réclamation sont prohibées […] en revanche, les moyens nouveaux sont admis ».
Partant, aux termes de cette disposition des demandes nouvelles n’ayant pas figuré dans la réclamation ne sont pas admissibles en cours d’instance, une « demande nouvelle » constituant une demande qui diffère de la réclamation - la demande initiale - par son objet, par sa cause ou par les personnes entre qui elle est engagée5. En revanche, on entend par 3 F. Rosen, « Obligations et responsabilité des dirigeants de société en matière de contributions directes », Droit fiscal luxembourgeois, Livre jubilaire de l’IFA Luxembourg, Bruylant, 2009, p.212.
4 Becker, Riewald, Koch, Reichsabgabenordnung, Kommentar, Band I, 1963, p.335.
5 Voir Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales, 81-85, n° 213, p.141, ainsi que trib. adm. 25 janvier 2010, n° 25705, disponible sous www.ja.etat.lu.
moyen la raison de droit ou de fait invoquée devant un tribunal à l’appui d’une prétention, et par moyen nouveau (« neues Vorbringen ») un moyen qui n’a pas été soulevé devant le juge précédemment saisi du procès6.
Le moyen nouveau diffère de la demande nouvelle en ce que celle-ci, changeant le principe et le but de l’action, lui en substitue une autre, tandis que le moyen nouveau ne modifie ni l’objet, ni la cause de la demande, ni la qualité des parties, ni par conséquent le dispositif des conclusions, mais constitue un nouveau motif d’admettre la prétention du demandeur.
En droit fiscal, en vertu de l’énumération exhaustive aux paragraphes 231 (1) et 232 (1) AO des griefs pour lesquels un bulletin d’impôt peut être déféré devant les instances de recours, il faut entendre par objet de la demande dans les procès fiscaux dirigés contre les bulletins d’impôt stricto sensu soit la négation de l’imposabilité affirmée par le bulletin (paragraphe 232 (1) AO), soit la modification de la cote d’impôt fixée par le bulletin d’impôt (paragraphe 232 (1) AO), soit la modification de la base d’imposition fixée par le bulletin d’établissement séparé (« Feststellungsbescheid ») ou par le bulletin de la base d’assiette (« Steuermessbescheid ») (paragraphe 231 (1) AO). La cause de la demande ne peut être, d’après ces mêmes prescriptions, que l’affirmation de l’imposabilité ou le montant de la cote d’impôt ou de la base d’imposition séparée7.
Le moyen du demandeur tendant à discuter les montants lui réclamés doit par conséquent être considéré comme une demande nouvelle non formulée dans la réclamation.
En tout état de cause, le tribunal souligne que le relevé manuscrit figurant dans le dossier fiscal du demandeur, tel qu’identifié par le litismandataire du demandeur comme étant contradictoire avec les sommes actuellement réclamées, n’est en l’espèce pas pertinent, ledit relevé portant sur les retenues déclarées et opérées par le demandeur, alors que l’administration des Contributions directes reproche au demandeur de ne pas avoir continué les retenues d’impôts.
Enfin, en ce qui concerne la question des intérêts de retard, le tribunal relève à titre superfétatoire que le bulletin d’appel en garantie, à la base du présent litige, ne porte pas sur ceux-ci.
En effet, si le bulletin d’appel en garantie tel qu’émis le 21 septembre 2010 indique certes que la société à responsabilité limitée … … redevrait à l’Etat un montant total de …euros, dont … euros à titre d’intérêts, seul le montant en principal de … euros est réclamé à Monsieur …, ledit bulletin précisant ainsi explicitement que « considérant que le § 118 AO m’autorise à engager votre responsabilité, j’engage votre responsabilité et l’appel en garantie s’élève au montant de … euros. En tant que codébiteur solidaire vous êtes invité à payer le montant de … euros ».
6 Ibidem.
7 Op. cit., n° 214, p.143.
Il se dégage dès lors des développements qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé, aucun autre moyen n’ayant été soulevé par le demandeur à l’encontre de la décision directoriale sous analyse.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours principal en réformation ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 février 2014 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Marc Sünnen 11