Tribunal administratif Numéro 32134 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er mars 2013 1re chambre Audience publique du 5 février 2014 Recours formé par Monsieur …et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19 L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 32134 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2013 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo) et de son épouse, Madame …, née le … à …(Kosovo), agissant en leurs noms personnels ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs trois enfants mineurs …, né le … à … (Kosovo), …, né le … à … (Kosovo) et …, née le … à …, tous de nationalité kosovare, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 30 janvier 2013 portant refus de leurs demandes de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 janvier 2014.
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Le 25 juillet 2012, Monsieur …et son épouse, Madame …, agissant en leurs noms personnels ainsi qu’en celui de leurs trois enfants mineurs …, … et … …, ci-après « les consorts …», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».
Les consorts …furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Monsieur …fut par la suite entendu les 27 décembre 2012 et 16 janvier 2013 par un agent du ministère des Affaires étrangères sur la situation de sa famille et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. Son épouse, Madame …, fut quant à elle entendue pour les mêmes raisons le 27 décembre 2012.
Par décision du 30 janvier 2013, envoyée par recommandé le 31 janvier 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts …que leurs demandes de protection internationale avaient été rejetées comme étant non fondées. Cette décision est libellée comme suit :
«J'ai l'honneur de me référer à vos demande[s] en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 25 juillet 2012.
En application de la loi précitée du 5 mai 2006, vos demandes de protection internationale ont été évaluées par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport du Service de Police Judiciaire de la même date et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 27 décembre 2012 ainsi que du 16 janvier 2013.
Vous êtes en possession de cartes d'identités kosovares établies le 3 juillet 2012 et le 17 juillet 2012.
Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous appartiendriez à la communauté serbe du Kosovo habitant à …. Vous invoquez qu'« en 1999 j'ai tout perdu ce que je possédais sous la pression de l'UCK et des autres » (p. 3/8). Vous précisez qu'en 1999 vous auriez eu des terres cultivables dans votre village natal de …, lesquelles seraient actuellement cultivées par un Albanais. Bien que vous ayez dénoncé ce fait à ta KFOR en 2008, celle-ci n'aurait rien entreprise.
Selon vos dires, vous seriez réserviste de la police serbe du Kosovo, et que vos problèmes auraient commencés quand la police kosovare aurait commencé à arrêter des ex-policiers de 1999. Vous auriez été policier du 16 février 1998 jusqu'en 1999 et vous auriez été stationné au poste de police de …. Vous précisez que personne ne pourrait vous protéger et que certains de vos collègues se seraient déjà fait arrêter quelques mois avant que vous ayez quitté le Kosovo. Vous-mêmes n'auriez pas reçu de convocation et vous n'auriez pas été arrêté par la police. Ainsi, vous précisez que vous auriez régulièrement rencontré des problèmes avec la police kosovare lorsque vous auriez essayé de traverser la frontière serbo-kosovare. Toutefois, vous précisez que vous seriez forcé de traverser la frontière assez régulièrement comme votre fils serait diabétique et qu'il suivrait son traitement en Serbie. Votre femme précise qu'en 2011 on lui aurait diagnostiqué du diabète. Vous invoquez que quelque fois, la police kosovare aurait refusé de vous laisser traverser la frontière. En plus, vous faites état de provocations de la part des douaniers déployés aux postes frontière. Puis, vous indiquez encore qu'à partir d'un moment vous n'auriez plus eu le droit de circuler avec des plaques d'immatriculations serbes.
En 2004 lorsque vous auriez été en route avec votre père, votre épouse et un de vos enfants, des personnes inconnues que vous suspecteriez d'avoir été des Albanais, auraient jeté des objets sur votre voiture. Vous vous seriez immédiatement rendu à un poste de police, où les agents auraient par la suite enregistré votre déclaration et pris des photos. Toutefois, vous indiquez qu'il n'y aurait pas eu de suite dans votre dossier, et que vous n'auriez pas été dédommagé.
Selon vos dires, en 2006 des personnes dont vous ignorez l'identité vous auraient volé deux vaches. Bien qu'on ait retrouvé les coupables, ceux-ci n'auraient pas reçu de peine, et vous n'auriez pas non plus reçu de dédommagements.
Puis, en 2008, lorsque vous auriez voulu aller chercher du bois chez votre frère à …, un groupe de 4 à 5 personnes inconnues lesquelles vous suspecteriez d'avoir été des Albanais, se seraient approchés vers vous. Bien qu'ils n'auraient pas été armés, vous vous seriez enfui, et vous auriez par la suite dénoncé ledit incident à la KFOR. Vous précisez que votre tracteur n'aurait pas été touché.
Finalement, Monsieur, vous faites encore état d'insultes et de provocations quotidiennes de la part des Albanais.
Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous ajoutez que les Albanais vous menaçaient de mort si vous ne quitteriez pas le Kosovo. En 2002, lorsque vous auriez été au neuvième mois de votre grossesse, vous auriez d[û] vous rendre à Vranje en Serbie, parce que suite à des raisons de sécurité vous n'auriez pas pu accoucher au Kosovo. A ce moment vous auriez d[û] supplier les douaniers au poste frontière afin qu'ils vous laissent passer.
Selon vos dires, vous ne pourriez plus retourner dans votre village natal « parce que personne ne peut nous garantir notre sécurité » (p. 4/6). Aujourd'hui il n'y aurait plus une seule personne d'ethnie serbe qui y vivait. Vous indiquez encore que vous auriez déjà essayé de vous installer dans une autre région au Kosovo afin d'échapper aux problèmes que vous rencontreriez à ….
Madame, Monsieur, vous ne faites pas lieu [sic] d'autres problèmes dans votre pays d'origine.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1 er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, en l'espèce, la situation générale des membres de la minorité ethnique serbe est certes difficile, elle n'est cependant pas telle que tout membre serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Selon la jurisprudence de la Cour administrative une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des traitements discriminatoires.
Madame, Monsieur, soulignons tout d'abord que les incidents qui dateraient de 1999 concernant la perte de vos terres cultivables dans votre village natal de … sont trop éloignés dans le temps pour être prise en compte dans l'examen de vos demandes de protection internationale datant de juin 2012.
Monsieur, pour ce qui est des problèmes dont vous faites état de par votre engagement auprès de la police dans les années 1998 et 1999, il y a lieu de noter que jusqu'à votre départ du Kosovo, vous n'auriez pas été arrêté par la police kosovare. De même, vous pensez uniquement qu'on arrêterait les ex-policiers serbes pour leur faire peur. Or, il n'est pas établi pour quelles raisons les personnes auraient été arrêtées. De même, vous ne savez pas quel sort leur aurait été réservé. Vous ne savez pas si elles ont été condamnées et pensez uniquement qu'elles seraient en prison. De même, aucun lien ne peut être établi entre l'arrestation de ces personnes et votre situation personnelle.
Votre peur liée au fait que vous auriez été réserviste pour trois mois en 1999 est donc plutôt à considérer comme un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution, d'autant plus que personne ne serait venue vous arrêter. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006.
Il convient d'ajouter le dernier rapport de l'OSCE de novembre 2011 qui soulève la présence policière dans la municipalité de … : "The Kosovo police station was established on 5 September, 2011. It has 16 police officers; 12 Kosovo Serbs and four (4) Kosovo Albanians, all male. As for the international military presence, the United States KFOR is in charge of the area (source: Kosovo police). ». A cet égard, il y a lieu de souligner que la majorité des policiers à … sont des serbes du Kosovo. Qui plus est, le rapport le plus récent de l'OSCE de novembre 2011 relève à propos de … que « The Kosovo police station in … municipality has 174 police officers; 142 Kosovo Albanians, 25 Kosovo Serbs and seven (7) Kosovo Turks, while 45 are female. One hundred and sixty-two (162) are stationed in … police station and 13 in the police sub-station in Žegra village. The regional directorate of Kosovo police and specialized regional units are located in … town and employ 148 officers including 12 Kosovo Serbs, five (5) Kosovo Turks and two (2) Kosovo Bosniaks; 24 are female. As for the international military presence, the United States KFOR is in charge of the area (source: Kosovo police). " Or, force est de constater que non-seulement la police est bien présente dans votre municipalité et est tout à fait en mesure de vous procurer la protection nécessaire, elle est aussi ethniquement mixte.
Concernant les problèmes aux postes frontières dont vous faites état lors de votre entretien, il faut noter tout d'abord que vous avez indiqué vous-mêmes que toutes les personnes qui entameraient de traverser la frontière seraient arrêtées et contrôlées. Bien qu'il soit condamnable que vous n'auriez pas pu traverser la frontière à plusieurs reprises, force est de constater que ceci ne saurait être considéré comme un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006.
Dans ce cadre, on peut encore noter que Catherine Ashton, Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pour l'Union européenne, s'est félicité en date du 4 décembre 2012 de l'accord accompli entre les Premiers Ministres kosovar et serbe en vue d'ouvrir des croisements à leurs frontières respectives: « We reviewed progress made on the implementation of the agreement on IBM. The two Prime Ministers confirmed the conclusions of the IBM working group, according to which two gates (1 and 3) are now ready and will be operational on 10 December. Two more gates (5 and 31) will be ready on the 31 December. De même, il faut noter que si vous vous estimez lésé par le comportement de certains policiers au poste frontière, la possibilité vous aurait été ouverte de porter plainte contre les policiers en question. Ainsi, il résulte de nos recherches, que « Ein Polizei-inspektorat (PIK) agiert als eine unabhängige Abteilung innerhalb des Innenministeriums. Die Zuständigkeit für die Untersuchung strafrechtlicher Verfehlungen des Polizeipersonals wird somit von einer unabhängigen Einrichtung gewährleistet. Die Aufgabe des PIK besteht in einer Verbesserung der Polizeiarbeit und fungiert als Aufsichtsorgan in Fällen von Polizeiübergriffen und Polizeifehlverhalten. Das PIK untersuchte 2010 insgesamt 1.185 Fälle von Beschwerden, davon wurden 577 Beschwerden von Bürgern, 13 Fälle von Institutionen und 595 Fälle von der Polizei selbst eingereicht. Von diesen wurden 408 Fälle seitens der PIK weiter untersucht und 541 Fälle an die sog. Professional Standards Unit (PSU) innerhalb der Polizei weitergeleitet. Gerichtsentscheidungen waren in insgesamt 106 Fällen anhängig, und 100 Fälle wurden vor dem Senior Police Appointment und Discipline Committee untersucht. Von den von der PIK untersuchten 408 Fällen machten 20 Prozent Anschuldigungen betreffend ernster Disziplinarvergehen aus. Davon betrafen 20 Prozent Fehlverhalten als Polizeibeamter, 13 Prozent übertriebene Anwendung von Waffengewalt, 12 Prozent betrafen strafrechtliche Tatbestände (die an die Staatsanwaltschaft weitergeleitet wurden), 9 Prozent ernste Gehorsamsverweigerung, 2 Prozent Korruptionsfälle und weitere unterschiedliche ernste Vergehen. Die PSU untersuchte auch kleinere Vergehen und verhängte dabei Verwaltungsstrafen. Insgesamt untersuchte die PSU 2010 639 Fälle, welche Vorfälle kleinerer Gehorsamsverweigerungen und Beschädigung und Verlust von Polizeieigentum betrafen.
Es gibt genügend Polizeistationen im ganzen Land, wo man grundsätzlich Anzeigen erstatten kann. Weiters können Anzeigen auch beim a)Büro der Staatsanwaltschaften, b)bei der EULEX Staatsanwaltschaft und, c)bei der Ombudsperson-Institution eingereicht werden.
Monsieur, il résulte également de vos déclarations qu'à partir d'un certain moment, vous n'auriez plus eu le droit de circuler avec des plaques d'immatriculation serbes. Or, il y a force de constater qu'il s'agit en l'espèce d'une mesure administrative kosovare prévue par les lois et règlements de votre pays d'origine : « EULEX recently distributed leaflets at border crossing points with Serbia, in Jarinje and Bernjak, in which it was said that by June 1, all citizens of Kosovo must have drivers license and ID cards issued by institutions of Kosovo, while cars the lances plates with KS or RKS. In the leaflet also is written that these documents are required for all citizens of Kosovo to cross the Kosovo - Serbia border. It was also stated that for citizens living in the north, the issuance of the documentation and vehicle registration with KS or RKS plates will be enabled in the centre of civil registration in the north. » . Plus précisément : « The agreement on the freedom of movement, as part of the negotiations between Pristina and Belgrade, foresees that two types of license plates are accepted in Kosovo: the so called "KS" plates as well as the new "RKS" plates, which started being issued in December 2010. "RKS" license plates are composed of a blue strip with the RKS letters, a two digit number indicating the region 1, the emblem of the Republic of Kosovo, a three digit number starting with 101 for ordinary plates and with the two serial letters which start with AA (…) The so called "KS" plates were issued from 1999 to 2010. Following the unilateral declaration of independence of Kosovo, they were withdrawn, however, after the November 2011, they started being reissued for citizens requiring to travel into Serbia. They consist of a three digit number, the abbreviation "KS", and the another three digit number (…). Ainsi, il y a lieu de constater que « (…) numerous members of the Serb community decided to take the so called "RKS" plates and then simply change plates, in any way or another, when crossing the boundary line. Local observers estimate that in areas south of Ibar river the overwhelming majority of members of the Serb community have actually RKS license plates. As a proof of this, it is sufficient to visit the enclaves and visually check the amount of "RKS" plates: it will be surprising to find out that numerous residents, even if they are not members of the Albanian community, and are often travelling to Serbia proper, have taken RKS license plates.» .
Ensuite, vous faites encore état de plusieurs agressions par des personnes inconnues, lesquelles vous suspecteriez être des Albanais, dont notamment l'incident dans lequel on vous aurait volé deux vaches en 2006. Vous ajoutez encore que vous seriez victime d'insultes et de menaces quotidiennes de la part des Albanais. Ainsi, les faits que vous alléguez établis, constituent des délits de droit commun, commis par des personnes privées et punissables en vertu de la législation kosovare. Il faut noter que des personnes albanaises non autrement identifiées ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas de votre rapport d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations gouvernementales présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection.
Dans ce contexte, il convient de souligner, que la police ainsi que la KFOR ont toujours réagit suite à vos plaintes. Or, dans ce contexte il y a lieu de soulever que la police kosovare est multiethnique et, malgré le fait qu'elle est régionalement pas représentée à un niveau optimal dû au nombre restreint d'effectifs, elle se prévaut d'une bonne réputation: « Des sources signalent que la police du Kosovo mène ses activités sous l'autorité du ministère des Affaires internes (Ministry of Internal Affairs) et compte environ 7 000 policiers (Conseil de l'Europe 2 juill. 2009, paragr. 82; É -U. 8 avr. 2011, sect. 1.d). Selon des statistiques affichées sur le site internet de la police du Kosovo, en 2009, 85,8 p. 100 des policiers étaient Albanais, 9,4 p. 100 étaient Serbes et 4,8 p. 100 appartenaient à une autre minorité ethnique (Kosovo 2009). L'international Crisis Group souligne que les Serbes et d'autres minorités sont fortement représentés dans la police (19 mai 2010, 5) ».
En effet « L'International Crisis Group décrit la police du Kosovo comme [traduction] « la plus forte des institutions du Kosovo pour ce qui est d'assurer la primauté du droit ». En outre, il ressort du rapport de l'OSCE de septembre 2009 que:
«The Kosovo police station in Gjilan/… municipality is made up of 223 officers (including 36 Kosovo Serbs and six Kosovo Turks). There are 56 female officers. There are also five EULEX police monitors. Substations are located in the villages of Zhegrë/Žegra and Cërrnicë/Cernica. As for the international military presence, United States KFOR is in charge of the area. The Regional Directorate of Kosovo police and specialized regional units is located in Gjilan/… town and made up 194 officers (including 17 Kosovo Serbs, seven Kosovo Turks, one Kosovo Bosnian, and one Kosovo Macedonian). There are 35 female officers. There are also eight EULEX police monitors. The regional director of Gjilan/… Kosovo police region is a Kosovo Bosniak female. Gjilan/Gniilane was one of the first municipalities to introduce ethnically-mixed patrols ». Qui plus est, le rapport le plus récent de l'OSCE de novembre 2011 relève que « The Kosovo police station in Gjilan/… municipality has 174 police officers; 142 Kosovo Albanians, 25 Kosovo Serbs and seven (7) Kosovo Turks, while 45 are female. One hundred and sixty-two (162) are stationed in Gjilan/… police station and 13 in the police sub-station in Zhegër/Žegra village. The regional directorate of Kosovo police and specialized regional units are located in Gjilan/… town and employ 148 officers including 12 Kosovo Serbs, five (5) Kosovo Turks and two (2) Kosovo Bosniaks; 24 are female. As for the international military presence, the United States KFOR is in charge of the area (source: Kosovo police). ». Ainsi, force est de constater que non-seulement la police est bien présente dans votre municipalité et qu'elle est tout à fait en mesure de vous procurer la protection nécessaire, elle est aussi ethniquement mixte. Il n'est pas établi que vous n'auriez pas pu obtenir de la protection par la police dans votre municipalité.
Soulevons dans ce contexte un arrêt de la Cour administrative du 5 juin 2012 (n°30.197C du rôle) qui retient que « Quant à l'analyse des faits concrets de l'espèce, la Cour est amenée à rejoindre les premiers juges en ce qu'ils ont décidé que considérés tant globalement que dans leur contexte, les faits avancés par les appelants actuels ne revêtent pas le caractère de gravité suffisant requis par la loi et que les actes mis en avant émanent de personnes privées sans que les conditions prévues à l'article 29 de la loi du 5 mai 2006 soient remplies. Ici encore, la Cour est amenée à rejoindre les premiers juges lorsqu'ils retiennent que le Kosovo dispose en dernière analyse d'un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et que les appelants actuels avaient accès à cette protection. Ainsi la Cour ne saurait suivre les appelants lorsqu'ils déclarent que, d'une manière générale, l'Etat kosovar et les organisations internationales ne peuvent ou ne veulent pas leur accorder une protection contre les persécutions dont ils estiment faire l'objet. D'une part, les différents rapports des organisations internationales sur place ne contiennent pas d'indication d'une réticence générale des autorités en place d'assurer la protection des minorités du pays. D'autre part, c'est à bon droit que le tribunal a mis l'accent sur l’évolution au pays qui va dans le sens de l'amélioration de la situation des minorités. Il est à noter que la Serbie a abandonné sa position intransigeante à l'égard de son ancienne province et que les gouvernements serbe et kosovar sont entrés dans des négociations, ce qui devrait logiquement influer favorablement sur le sort des Serbes du Kosovo.
De même, les appelants n'ont-ils pas concrètement énervé l'information reprise par les premiers juges à partir des indications citées par le délégué de gouvernement à partir d'un rapport de l'OSCE de 2009 suivant lequel la police de … dispose de policiers d'origine serbe. Dés lors, le simple fait pour les appelants d'affirmer qu'ils n'auraient pas voulu se rendre à la police par crainte de devoir parler à des policiers d'origine albanaise n'est, au regard de la composition du personnel de la police de …, pas plus convaincant pour la Cour que pour les premiers juges. » A cet égard, il y a lieu de soulever que vous être originaire d'un village à majorité serbe. Force est de constater que cette municipalité fut crée le 19 août 2010 et en août 2011, lors de la première célébration de la municipalité, les dirigeants locaux ainsi que le Ministre de l'administration locale du Kosovo et autres donateurs internationaux se félicitèrent des progrès réalisés. Ainsi le Ministre déclara: "I congratulate to all of you the first anniversary and for the completion of the above project as well as salute you in maintaining peace and order regardless the tense situation in North Mitrovica, this proves that we are all working together towards a brighter future for all of us living in Kosovo with the aim of joining the European family.” On remarque donc que la municipalité reçoit un large soutien de la part des dirigeants kosovares et que la volonté est présente à intégrer cette municipalité le mieux que possible dans la vie politique et sociale kosovare.
En ce qui concerne les menaces et insultes dont vous faites état, il faut noter que des délits de droit commun sont toujours présents mais, très récemment, le Secrétaire Général des Nations Unis a publié dans son rapport du 31 janvier 2012 que « De manière générale, une baisse globale des infractions de droit commun a été constatée par rapport à 2010. La police du Kosovo a réalisé avec succès plusieurs opérations visant des personnes impliquées dans la criminalité organisée, la traite des êtres humains et le trafic de drogues. Cependant, cette baisse globale n'a pas eu de conséquence directe sur les conditions de sécurité lors de la période étudiée. Le climat de tension qui a caractérisé la région située au nord de l'Ibër/Ibar s'explique par la situation décrite plus haut. En revanche, une légère diminution du nombre d'incidents mineurs visant les communautés minoritaires (actes d'intimidation, agressions, vols, infractions liées au foncier, vandalisme visant les églises et les cimetières orthodoxes serbes ainsi que les voitures immatriculées en Serbie, surtout dans les zones mixtes et albanaises du Kosovo) a été observée au sud du fleuve. ».
Madame, vous venez d'indiquer lors de votre entretien que vous auriez été contrainte de vous rendre dans un hôpital à Vranje en Serbie comme suite à des raisons de sécurité vous n'auriez pas pu accoucher dans un hôpital kosovar. Or, selon le rapport du Humanitarian Law Center (HLC) de Pristina, "Health services provided by hospitals and clinics, are under the control of the Kosovo Government are used by all ethnic communities except Serbs, who use health services in the parallel health centres controlled by the Government of Serbia. Besides Serbs, members of other ethnic communities, such as Roma and Gorani, also use Serbian healthcare centres. They do so because, if they have healthcare insurance, the services at a Serbian healthcare institution are free of charge. In contrast, in Albanian healthcare institutions patients have to pay additional fees for healthcare services even if they have medical insurance.
HLC-Kosovo notes that the number of Serbs using healthcare institutions that are under the jurisdiction of the Kosovo Government is increasing. This did not change after the declaration of independence. (…) Serbs generally access health care services in Serbian outpatient clinics or, in case of major need, they go to Serbian hospitals in Gracanica /Graçanicë, Laplje Selo/Laplaselle, North Mitrovica, or to hospitals in Serbia. (…) Serbs from … and the village of Srpski Babuš/Babushi i Sërbve sometimes in case of emergency go to hospitals in … or Ferizaj/ Uroševac. They claim that they were properly treated there and that they spoke with doctors in their own mother tongue. " Le rapport de l'OSCE de novembre 2011 constate que: « The primary health care system currently includes: one (1) municipal family health centre in …/Pasjan village and three (3) health houses. Health sector has 37 employees, 24 females and 13 male, including doctors, nurses and support staff. Additional information: All the doctors (including some other health and support staff) working in the health facilities are employed and paid by the Serbian Ministry of Health and are not on the Parteš/Partesh municipal payroll (source:
municipal directorate of health) ».
Concernant la situation générale de la minorité serbe au Kosovo, il y a lieu de citer le rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo du 10 juin 2009: « Dans l'ensemble, la situation en matière de sécurité au Kosovo est demeurée relativement calme. Toutefois, une série d'incidents se sont produits à Kroi i Vitakut/Brdjani, dans la partie nord de Mitrovica, où d'anciens résidents albanais du Kosovo ont commencé, malgré l'opposition de résidents serbes, à reconstruire leurs maisons qui avaient été détruites en 1999». De même le dialogue entre les autorités kosovares et de Belgrade a réussi de dessiner quelques succès supplémentaires. Ainsi selon le rapport « Des progrès ont été accomplis sur la voie d'un accord et de l'adoption de solutions dans le domaine de la protection du patrimoine culturel serbe au Kosovo. En avril et mai, des experts de la MINUK se sont entretenus avec les principales parties prenantes, dont des organisations internationales qui s'occupent de cette question, en vue de trouver une formule de coopération acceptable pour les autorités de Belgrade et de Pristina et l'Église orthodoxe serbe. En ce qui concerne le secteur de la justice, des représentants de la MINUK et d'EULEX ont rencontré, le 8 avril, des autorités serbes à Belgrade. Les discussions ont porté sur les éléments d'une feuille de route relative à la réaffectation de juges et de procureurs locaux au tribunal de Mitrovica. On a enregistré quelques progrès dans la constitution d'une commission formée de cadres locaux, chargée d'inventorier les dossiers en instance au tribunal, en guise de mesure de confiance. Par ailleurs, des représentants de la MINUK ont poursuivi les consultations avec les responsables politiques serbes des municipalités du nord sur la normalisation du fonctionnement du système judiciaire dans le nord du Kosovo. En attendant, des juges et des procureurs d'EULEX traitent les affaires urgentes du tribunal de Mitrovica. » Le rapport continue en estimant que « Si de nombreux Serbes du Kosovo rejettent l'autorité des institutions du Kosovo issues de la « Constitution de la République du Kosovo », à l'instar du Gouvernement de Belgrade, ils sont de plus en plus nombreux à demander des cartes d'identité, des permis de conduire et d'autres pièces officielles du Kosovo et à signer des contrats avec la Compagnie d'électricité du Kosovo afin de faciliter leur existence quotidienne au Kosovo ». Or, « La réticence des Serbes du Kosovo à entretenir des relations avec les autorités du Kosovo continue de remettre en question la création des nouvelles municipalités à majorité serbe du Kosovo planifiée par les autorités du Kosovo. En mars 2009, ces dernières ont lancé un processus de constitution d'équipes chargées de mener des travaux préliminaires devant conduire à la création des nouvelles municipalités et annoncé des vacances de poste en vue du recrutement des membres de ces équipes. Certains Serbes du Kosovo ont manifesté le désir de présenter leur candidature, attirés principalement par les salaires qui sont trois fois plus élevés que le salaire moyen au sein de la fonction publique du Kosovo. Dans la perspective des prochaines élections municipales, les autorités du Kosovo ont intensifié leurs appels aux Serbes du Kosovo afin qu'ils participent au processus de décentralisation. » Toujours selon le même rapport du Secrétaire général « Le nombre de retours librement consentis, constaté en 2009, augmente graduellement, même s'il reste très limité et toujours en deçà des chiffres de 2008. D'après les estimations du Haut-
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 137 membres de communautés déplacés, dont 24 Kosovars, 30 Serbes du Kosovo et 54 Roms, Ashkali et Tziganes, sont rentrés au Kosovo de leur plein gré entre janvier et avril. Au cours de la période considérée, 936 personnes ont été contraintes de rentrer au Kosovo, en provenance de l'Europe occidentale, soit une augmentation de 27,3 % par rapport à 2008, pour la même période. Dans ce groupe 40 personnes appartiennent à des communautés minoritaires ».
De même « plus de 660 familles, totalisant 3 100 personnes, ont exprimé le désir de rentrer en 2009. Le Ministère est maintenant plus réceptif aux demandes de retour et mieux outillé pour gérer ces mouvements grâce à la mise au point de sa base de données sur les retours. Le Ministère des communautés et des retours met en oeuvre six projets de retours organisés qui devraient permettre le retour de 143 familles serbes du Kosovo dans les municipalités de Vushtrri/Vucitrn, Prizren, Kline, Istog/Istok, Novobërdë/Novo Brdo et Pristina. En outre, en 2009, 23 familles qui sont rentrées ont bénéficié d'une aide à la reconstruction de leur logement, tandis que 45 autres logements devraient être reconstruits avant la fin de l'année dans le cadre d'un programme de retours intitulé «Partenariats durables pour l'aide au retour des minorités au Kosovo » (Sustainable Partnerships for Assistance to Minority Returns in Kosovo), administré par le PNUD et financé par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le Ministère des communautés et des retours. Par ailleurs, 180 autres familles bénéficieront d'une aide au retour dans le cadre du projet intitulé « Retour et réintégration au Kosovo » (Return and Reintegration to Kosovo), financé conjointement par la Commission européenne, le Ministère des communautés et des retours et le PNUD. Une centième famille serbe du Kosovo est revenue dans la ville de Klinë/Klina depuis les premiers retours urbains enregistrés au Kosovo en février 2005. » Madame, Monsieur, force est de constater qu'en vue de votre situation personnelle et celle régnant actuellement au Kosovo, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Etant donné que les faits invoqués à la base de vos demandes de protection internationale ne sauraient être actuellement admis comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne les demandes tendant à obtenir la protection subsidiaire.
En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Par ailleurs, la constitution kosovare du 8 avril 2008 interdit dans son article 25-2 la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. En s'appuyant sur tous les rapports et jurisprudence cités la situation actuelle au Kosovo ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.
Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.
Vos demandes en obtention d'une protection internationale est dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Kosovo, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2013, les consorts …ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 30 janvier 2013, par laquelle ils se sont vus refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à leur égard ordre de quitter le territoire.
1. Quant au recours visant la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être introduite contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de leur recours, les consorts …, membres du groupe ethnique serbe du Kosovo et de confession orthodoxe, exposent les faits et rétroactes de leurs demandes en obtention d’une protection internationale, en confirmant pour l’essentiel l’exposé des faits figurant dans la décision déférée.
Les consorts …auraient ainsi toujours habité au Kosovo où ils auraient possédé des terres cultivables dans le village de …. Ils auraient toutefois été dépossédés de ces terres en 1999 suite au conflit armé ayant sévi au Kosovo. De ce fait, les demandeurs se seraient retrouvés dans une situation très précaire.
Les demandeurs font encore exposer que Monsieur …aurait été réserviste de la police serbe pendant trois mois entre 1998 et 1999 et que les risques encourus par lui et sa famille de ce chef se seraient aggravés au fil du temps et de la construction de l’Etat kosovar.
Après que les demandeurs se seraient retrouvés sans revenu ni domicile, ils auraient été obligés d’aller habiter chez la sœur du demandeur dans le village de …, près de la frontière serbe.
Entre 1999 et le 20 juillet 2012, date de leur départ vers le Luxembourg, ils n’auraient cessé de faire l’objet de brimades, insultes, provocations, menaces et violences de la part de la population albanaise civile et militaire.
Ainsi, en 1999, un voisin albanais aurait tiré à quatre reprises sur le demandeur.
Alors même qu’une plainte aurait été déposée, aucune suite n’aurait été donnée à cet incident en raison du chaos régnant dans le pays à cause de la guerre. La même année, son véhicule aurait été volé et ensuite incendié.
En 2006, des Albanais auraient volé deux vaches ayant appartenu au demandeur.
Les coupables auraient certes été retrouvés et condamnés, mais aucune peine ne leur aurait été effectivement infligée, ce qui témoignerait de la défaillance globale de la justice kosovare et de l’existence dans la région des demandeurs d’une véritable insécurité et d’une aire d’impunité.
En 2008, le demandeur aurait été obligé de s’enfuir de la cabine de son tracteur en raison de la présence d’Albanais. Il aurait pu récupérer son tracteur après avoir dénoncé ces faits à la KFOR.
De manière générale, les demandeurs auraient toujours dû éviter d’emprunter les mêmes chemins que ceux utilisés par les Albanais afin d’éviter toute forme de conflits.
Ainsi, ils auraient régulièrement fait l’objet de jets de pierres sur leur voiture et de menaces verbales ou bien par l’intermédiaire de signes intimidants.
Le demandeur aurait également reçu de nombreuses menaces parce qu’il aurait été membre de la police serbe.
Par ailleurs, comme les enfants des demandeurs nécessiteraient un suivi médical continu, le demandeur aurait été obligé de se rendre dans divers hôpitaux en Serbie afin de les faire soigner. Or, à chaque fois qu’il aurait tenté de passer la frontière, il aurait dû faire face à des humiliations qui n’auraient cessé de s’aggraver. Ainsi, il serait arrivé que les forces de l’UCK et des TMK, qui auraient été chargées de filtrer les passages, lui auraient refusé l’accès à la Serbie tout en lui rappelant qu’il ne serait pas chez lui au Kosovo et qu’il devrait quitter le pays.
Les demandeurs sont dès lors d’avis qu’il ressortirait à suffisance de leurs récits qu’ils auraient subi des persécutions et craintes ayant rendu leur vie intolérable au Kosovo, tout en soulignant qu’il existerait un décalage flagrant entre les faits divers relatés dans la presse internationale concernant la vie des Serbes au Kosovo et les divers rapports officiels publiés sous l’égide de l’ONU et cités dans la décision ministérielle entreprise.
En droit, les demandeurs font tout d’abord valoir en substance qu’au Kosovo, la population et surtout les minorités souffriraient des problèmes politiques inhérents à la situation instable du pays. A cela s’ajouteraient de graves problèmes de persécutions ethniques tant nationaux que purement locaux et une situation économique déplorable. En se référant à un certain nombre de faits divers s’étalant de 2004 à 2012, les demandeurs tentent de mettre en évidence les persécutions dont seraient régulièrement victimes les membres de la minorité serbe tout aussi bien au nord qu’au sud du Kosovo. Les demandeurs estiment à cet égard que les statistiques et les déclarations faites par l’ONU au sujet d’une prétendue diminution du nombre d’incidents mineurs visant les communautés minoritaires seraient à remettre en cause au vu des incidents et violences répétés perpétrés contre la minorité serbe du Kosovo.
Les demandeurs reprochent ensuite au ministre d’avoir violé l’article 26 (3) de la loi du 5 mai 2006 étant donné qu’il n’aurait pas procédé à une évaluation individuelle de leur situation à la lumière de tous les faits pertinents, des lois internes kosovares et de la manière dont celles-ci seraient appliquées. Ainsi, ce serait à tort que le ministre aurait considéré que la perte de leurs terres en 1999 serait trop éloignée dans le temps pour pouvoir être prise en compte dans l’examen de leurs demandes, et ce, alors même que cet évènement serait fondamental dans la mesure où le demandeur n’aurait cessé d’espérer et de tenter de les récupérer. Par ailleurs, alors même qu’il aurait dénoncé l’occupation de ses terres en 2008, sa plainte serait restée sans suite. L’injustice résultant de la perte de leurs terres aurait dès lors continué à produire ses effets et aurait contribué à la décision des demandeurs de quitter le Kosovo.
Les demandeurs insistent encore sur le fait qu’ils auraient été expulsés du centre culturel de la commune de Partes dans lequel ils auraient habité de 1999 à 2011 pour cause de travaux. Malgré cette expulsion, ils n’auraient bénéficié ni d’aides sociales, ni de mesures pour retrouver un logement.
Les demandeurs reprochent par ailleurs au ministre de s’être contenté de rappeler une série de rapports généraux et formels n’attestant pas de la manière dont les lois kosovares seraient effectivement appliquées aux minorités serbes. Ainsi, ils soutiennent que notamment la loi dite « anti-discrimination » serait restée lettre morte, tout comme l’implication des Serbes dans les institutions kosovares.
Ils mettent encore en exergue que le ministre aurait fait une mauvaise application de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006.
En outre, les demandeurs insistent sur le fait qu’ils auraient versé une série de preuves officielles et documentaires pour étayer et justifier leurs demandes, de sorte que la crédibilité de leurs récits ne saurait être remise en cause.
Les demandeurs sont encore d’avis qu’il serait établi que l’Etat et/ou les partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci seraient à l’origine des persécutions dont ils auraient été victimes. Plus particulièrement, les déboires du demandeur aux postes frontières, son expulsion de ses terres, les traitements dégradants de la part de la police kosovare à chaque dépôt de plainte sans aucune poursuite légale, l’incapacité de la justice pour appliquer des sanctions et le manque de force coercitive de la KFOR justifieraient les atteintes graves et les persécutions quotidiennes des demandeurs. Ces derniers mettent à cet égard encore l’accent sur la corruption active qui règnerait au sein de tous les organes de l’Etat kosovar. Par ailleurs, même si le ministre souligne que la police kosovare serait capable de protéger les intérêts des habitants du Kosovo, il n’en demeurerait pas moins qu’aucun fait dénoncé par le demandeur n’aurait été suivi de sanctions et qu’il n’aurait pas non plus été indemnisé des différents vols qu’il aurait subis.
De manière générale, les demandeurs insistent encore sur le fait qu’au sein des hiérarchies supérieures de la police kosovare, les ethnies minoritaires et plus particulièrement l’ethnie serbe, ne seraient pas représentées proportionnellement à la population issue de l’ethnie serbe, de sorte qu’il ne saurait être question d’une véritable multiethnicité au sein des organes de police.
Les demandeurs font encore valoir que le fait qu’au cours de l’année 2012 des policiers serbes auraient été arrêtés et emprisonnés, aurait créé dans leur chef un sentiment d’insécurité en raison de l’appartenance du demandeur lui-même à la police serbe entre 1998 et 1999. Ils estiment à cet égard qu’aucun élément dans la décision ministérielle litigieuse ne permettrait d’affirmer que ces évènements ne se reproduiront pas ou que le demandeur ne risque pas d’être à son tour suspecté et emprisonné. Cette seule peur d’être injustement emprisonné justifierait dès lors l’octroi d’une mesure de protection internationale sur base des articles 30 et 31 de la loi du 5 mai 2006.
Finalement, les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir correctement évalué les problèmes qu’ils auraient rencontrés aux postes frontières. Ainsi, l’impossibilité qui en serait découlée pour eux de se déplacer en Serbie de manière libre et sécurisée serait constitutive d’une violation de l’article 2 du protocole additionnel n°4 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-
après la « CEDH ». Par ailleurs, en ce qui concerne plus particulièrement le fait qu’en 2002, alors qu’elle aurait été sur le point d’accoucher, la demanderesse aurait dû supplier les gardiens du poste frontière de la laisser passer afin de pouvoir rejoindre l’hôpital en Serbie, serait constitutif d’un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH. Ils insistent à cet égard également sur le fait que l’interdiction des plaques d’immatriculation et permis de conduire serbes devrait s’analyser en une mesure administrative de police et/ou judiciaire discriminatoire en soi ou mise en œuvre de manière discriminatoire conformément à l’article 31 (2) b) de la loi du 5 mai 2006.
En conclusion, les demandeurs estiment qu’il serait établi que les acteurs des principaux actes de persécutions et d’atteintes graves à leurs droits fondamentaux seraient l’Etat kosovar, ses services douaniers et policiers. A cela s’ajouterait que les persécutions aux postes frontières, dans les villages à prédominance albanaise, les traitements réservés par la police kosovare aux Serbes du Kosovo, les atteintes à la liberté de circulation, l’inefficacité des plaintes déposées devant la police kosovare et l’absence de sanctions et/ou de recours juridictionnel devant les autorités judiciaires kosovares, ainsi que les traitements dégradants qu’ils auraient subis, constitueraient des persécutions au sens de la l’article 31 (2) a), b), c), d) et f) de la loi du 5 mai 2006.
La décision ministérielle aurait finalement encore violé l’article 32 de la loi du 5 mai 2006 en ne prenant pas en compte dans l’évaluation des motifs de persécution les notions de race, de religion et de nationalité dans son sens large tel que cela serait préconisé par ledit article.
Le délégué du gouvernement soutient quant à lui que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut au rejet du recours.
Il convient de prime abord de rappeler que le tribunal statue en l’espèce en tant que juge de la réformation ; or, le recours en réformation traduit le choix du législateur de confier au juge administratif la mission de statuer au fond et de refaire l’appréciation en fait et en droit, « voire de refaire - indépendamment de la légalité - l’appréciation de l’administration » en se plaçant au jour où lui-même est appelé à statuer, de sorte qu’il est irrelevant, dans le cadre d’un recours en réformation, que la décision litigieuse ait été légale et que l’autorité administrative qui en est l’auteur ait agi dans le cadre des pouvoirs qui étaient les siens au moment de la prise de cette décision, dès lors que de l’appréciation du juge du fond, indépendamment, c’est-à-dire sans aucun égard, en faisant abstraction de toute cause d’annulation, « et même si la situation de droit et de fait ne devait point avoir évolué depuis la prise de la décision », une autre décision est plus appropriée.
En effet, le juge de la réformation jouit d’une compétence de pleine juridiction, ce qui signifie qu’il « soumet le litige dans son ensemble à un nouvel examen et qu’il se prononce, en tant que juge administratif, (….) sur le fond du litige, ayant la compétence de réformer ou de confirmer les décisions [de l’autorité administrative] (…), quel que soit le motif sur lequel [celle-ci] s’est appuyé pour parvenir à la décision contestée. (…). Le [ juge] n’est dès lors pas lié par le motif sur lequel [l’autorité administrative] (…) s’est appuyée pour parvenir à la décision: la compétence de « confirmation » ne peut clairement pas être interprétée dans ce sens. Ainsi, le [juge] peut, soit confirmer sur les mêmes ou sur d’autres bases une décision prise par [l’autorité administrative] (…) soit la réformer (…)1 ».
La mission ainsi circonscrite du juge administratif saisi d’un recours en réformation l’amenant concrètement à toiser l’affaire qui lui est soumise en lieu et place de l’autorité administrative auteur de la décision litigieuse, le tribunal analysera dès lors la situation des demandeurs, indépendamment des critiques formulées par ceux-ci à l’encontre de la décision ministérielle déférée.
Le tribunal rappelle ensuite qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, 1 Par analogie : Projet de loi réformant le Conseil d’Etat et créant un Conseil du Contentieux des étrangers, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2005-2006, n° 51 2479/001, p. 95, cité Comité du contentieux des étrangers, 21 janvier 2012, n° 74280.
la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est quant à elle définie par l’article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves, cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.
Tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Une crainte de persécution au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure qu’il apparaît qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
S’agissant tout d’abord de la situation des demandeurs au Kosovo, bien que l’élément subjectif de la crainte pourrait être considéré comme présent, tel n’est cependant pas le cas de l’élément objectif, tant au regard de la situation générale des Serbes au Kosovo que par rapport aux éléments propres à la situation des demandeurs.
En effet, en ce qui concerne tout d’abord la situation générale de la minorité ethnique serbe au Kosovo, s’il peut être admis que ses membres constituent un groupe à risque et que leur situation au Kosovo telle qu’elle est dépeinte dans les différents rapports et articles versés par les demandeurs n’est certes pas idéale, entre autres en raison des tensions interethniques toujours existantes, il n’en demeure pas moins qu’il ne ressort ni des arguments développés par les demandeurs, ni des éléments du dossier que cette situation soit telle que tout membre de la minorité ethnique serbe peut se prévaloir de raisons de craindre d’être persécuté du seul fait de cette origine ethnique. Il se dégage ainsi des explications fournies par le ministre et le délégué du gouvernement, confirmées par les sources internationales dont il est fait état, que la sécurité s’est améliorée au Kosovo et que les crimes à l’encontre des membres des communautés minoritaires sont en diminution, malgré quelques tensions subsistant encore sur le terrain. Force est à cet égard encore de relever que si les faits divers sur lesquels se basent les demandeurs pour contester les conclusions ministérielles relatives à la situation sécuritaire des Serbes au Kosovo confirment certes que les membres de cette minorité doivent toujours être considérés comme constituant un groupe à risques, il n’en demeure pas moins que pour certains, ces faits divers sont très éloignés dans le temps alors que d’autres s’inscrivent dans un contexte très spécifique, comme une manifestation ou un attentat à l’encontre d’un député serbe.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que dans une matière comme le respect des droits de l'Homme qui dépend très étroitement de l'évolution de la situation politique dans un pays et qui est de ce chef sujet à de constantes fluctuations, il faut porter un regard particulier aux tendances - positives ou négatives - qui se dessinent au vu de l'évolution la plus récente.
La Cour administrative a encore récemment retenu dans ce contexte que « par rapport à une toile de fond restée constante concernant une relative stabilisation de la situation, même si le nombre des incidents à connotation ethnique a augmenté ces derniers temps, il s’agit pour l’essentiel d’incidents mineurs. Si certains de ces incidents doivent être qualifiés de majeurs, il ne convient pas de perdre de vue que pour l’essentiel la situation est restée stable, les tensions récentes étant à mettre sur le compte des préparatifs et la tenue du référendum du mois de février 2012, dans la partie nord-est du Kosovo, essentiellement habitée par des ressortissants d’origine serbe2 ». Ce constat est entre autres confirmé par le rapport du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 3 août 2012, versé par les demandeurs, qui a retenu que pendant la période du 16 avril 2012 au 15 juillet 2012, - donc au cours des mois ayant immédiatement précédé le départ des demandeurs -, malgré une série d’incidents qui seraient survenus à Pristina et au poste frontière de Mardarë, la situation au Kosovo serait restée généralement calme sur le plan de la sécurité.
Par ailleurs, même s’il est vrai que des efforts doivent encore être faits au Kosovo au niveau d’un meilleur fonctionnement du système judiciaire et policier, les éléments soumis en cause par les demandeurs ne permettent cependant pas de retenir que cette situation soit telle que de manière générale aucune protection ne puisse être accordée à la minorité serbe.
En effet, le Kosovo a vu mettre en place des instances, nationales et internationales - le mandat d'EULEX vient d'être étendu - destinées à recevoir et à traiter des plaintes contre des agents de la police ayant manqué à leurs devoirs3.
2 Cour adm. 5 février 2013, n° 31851C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.
3 Cour adm. 15 octobre 2013, n° 32888C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu .
La Cour administrative a dans ce contexte encore récemment eu l’occasion de retenir que « même s’il est vrai, tel que le mettent en exergue les appelants, que le bureau du protecteur du citoyen reste une institution fragile et que, les contrôles internes à la police restent en partie fragmentaires, il n’en reste pas moins que ces institutions existent et fonctionnent, de même qu’elles permettent, dans bon nombre de cas d’aboutir à des résultats pour le moins satisfaisants, la situation allant en s’améliorant4».
Elle a de même constaté qu’au niveau de la municipalité de …, dont les demandeurs sont originaires, - la localité de … se situant en effet dans la municipalité de … -, des modèles de vie interethnique se trouvent vérifiés et que ce qui importerait dans un tel cas, c’est que les autorités n’attisent pas les antagonismes entre les différentes parties de la population, mais essaient en revanche de faciliter du moins une coexistence pacifique, ce qui serait le cas des autorités kosovares en général et au niveau de la municipalité de … en particulier5.
A cet égard, il convient également de se référer au rapport de mai 2012 d’un correspondant de la partie étatique duquel il se dégage que dans la région de …, la cohabitation entre Albanais et Serbes a toujours été plus pacifique que dans le reste du Kosovo et qu’il n’y a en général pas de danger pour un Serbe.
Par ailleurs, le récent accord intervenu entre la République serbe et l’Etat du Kosovo concernant notamment la reconnaissance d’une certaine autonomie à la minorité serbe vivant au Kosovo avec l’obligation de cette dernière de reconnaître les autorités kosovares n’apparaît pas comme étant de nature à voir empirer la situation des minorités à l’avenir, dont les membres de la minorité serbe, tels les demandeurs6.
Ces constats ne sont pas énervés par les observations quant à la situation en général au Kosovo faites par les demandeurs. En effet, même à supposer que la situation au Kosovo soit telle que décrite par les demandeurs, force est toutefois de constater qu’une telle situation n’est pas de nature, à elle seule, à justifier le cas échéant l’octroi de la protection internationale, étant donné qu’il n’y a pas lieu d’accorder l’asile à des personnes qui, dans un régime politique ne respectant pas les droits de l’Homme, ne sont pourtant pas individuellement concernés7. Dès lors, les éléments d’appréciation à la disposition du tribunal ne lui permettent pas de considérer que la situation de la minorité serbe au Kosovo et notamment dans la région de … soit telle que tout membre de cette communauté - dont les demandeurs - a des raisons de craindre des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006 du seul fait de son origine ethnique.
A titre superfétatoire, le tribunal relève à cet égard encore qu’en vertu de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 et du règlement grand-ducal du 19 juin 2013 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, le pays d’origine des demandeurs, à savoir le Kosovo, est à considérer 4 Cour adm. 21 janvier 2014, n° 33552C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.
5 Cour adm. 21 janvier 2014, n° 33552C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.
6 Cour adm. 2 mai 2013, n° 32052C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.
7 Cour adm. 15 novembre 2011, n° 28836C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.
comme pays d’origine sûr où il n’existe pas, généralement et de façon constante, de persécution au sens de la Convention de Genève.
Le tribunal rappelle néanmoins qu’en toute hypothèse, l’accent n’en doit pas moins rester essentiellement placé sur l’appréciation de la situation individuelle et concrète de chaque demandeur d’asile8. Il convient dès lors d’examiner si, en l’espèce, compte tenu de la situation particulière et concrète des consorts …, les événements dont ils font état sont susceptibles de justifier dans leur chef une crainte de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, étant rappelé qu’une crainte de persécution au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
Avant d’examiner plus en avant les dires des demandeurs, force est au tribunal de constater que la présomption instituée par l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. S’il ressort en effet de l’article précité qu’une persécution ou des atteintes graves passées constituent un indice sérieux d’une crainte de persécution, en l’espèce, le tribunal ne peut que conclure à l’absence de persécutions passées, comme détaillé ci-dessous. Partant, l’élément déclencheur de la présomption fait défaut, et les demandeurs ne peuvent dès lors en tirer argument.
Quant à leur situation personnelle, les demandeurs font état de persécutions, respectivement de craintes de persécutions de la part tant d’entités étatiques que de certains membres de la communauté albanaise du Kosovo du fait de leur origine ethnique serbe, de sorte que les problèmes invoqués semblent a priori trouver leur fondement dans l’un des critères de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006, à savoir leur appartenance à la minorité ethnique serbe du Kosovo.
Le tribunal relève toutefois d’emblée, de concert avec le ministre, que plusieurs des faits invoqués par les demandeurs remontent trop loin dans le temps pour pouvoir actuellement fonder l’octroi d’un statut de protection internationale9. Ainsi, la perte de leurs terres, les coups de feu du voisin albanais du demandeur et le vol de sa voiture ont eu lieu en 1999 et s’inscrivent dans une situation d’après-guerre. Ce conflit étant terminé et la situation sécuritaire au Kosovo s’étant nettement améliorée depuis lors, il existe de bonnes raisons de croire que ces incidents ne se reproduiront pas. En ce qui concerne l’incident d’août 2004 lors duquel des Albanais auraient jeté des objets sur la voiture du demandeur, outre qu’il s’agit d’un incident isolé, il est également trop éloigné dans le temps pour pouvoir être pris en compte dans le cadre de la demande de protection internationale des demandeurs. Le même constat s’impose en ce qui concerne le vol de deux vaches qui aurait été perpétré par des Albanais en 2006.
Ensuite, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété 8 Trib. adm. 1er juillet 2013, n°31537, www.ja.etat.lu.
9 Trib. adm. 11 octobre 2010, n°27160, Pas. adm. 2012, v° Etrangers, n°123, p. 406.
pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention de européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) » Il s’ensuit qu’aux termes de cette disposition, un acte doit présenter un degré de gravité certain pour pouvoir être considéré comme une persécution au sens de la Convention de Genève, c’est-à-dire qu’il doit constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Le tribunal constate que les évènements décrits par les demandeurs, tant pris isolément que par leur effet cumulé, n’atteignent pas le niveau de gravité prévu par l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 rendant leur vie intolérable au Kosovo, les faits décrits, même pris en leur globalité, ne constituant en particulier pas une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme.
A cet égard, le tribunal relève tout d’abord que des contrôles et des durées d’attente excessives aux postes frontière entre le Kosovo et la Serbie, outre qu’ils n’ont pas nécessairement pour fondement l’appartenance des demandeurs au groupe ethnique des Serbes qui vivent au Kosovo - d’autant plus dans le contexte de tensions qui caractérise les liens entre ces deux Etats -, ne sont pas susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Force est à cet égard de constater que le demandeur lui-même explique que toutes les personnes voulant traverser la frontière auraient été arrêtées et contrôlées et que le but de ces contrôles était de vérifier la présence éventuelle de personnes se trouvant sur la liste des personnes recherchées10. Il ne s’agit dès lors à premier vue pas de contrôles arbitraires touchant seulement une catégorie de personnes, les policiers devant plutôt être considérés comme ayant agi dans leur sphère de compétence en contrôlant l’identité des personnes voulant passer la frontière. Le seul fait que le demandeur se serait à chaque fois vu demander ses papiers, ne saurait en tout état de cause s’analyser en une chicanerie policière, ce genre de demande faisant partie des démarches usuelles en cas de contrôle à la frontière, même dans d’autres pays dotés de frontières. Par ailleurs, si le demandeur devait effectivement s’être vu refuser à quelques reprises le passage après que ses papiers auraient été contrôlés, il ne ressort pas de ses déclarations que ces refus étaient basés sur son origine ethnique alors qu’à d’autres reprises il a pu passer la frontière11.
Force est à cet égard encore de noter qu’il ressort de la décision ministérielle entreprise que depuis le départ des demandeurs du Kosovo, des progrès ont pu être 10 Page 5/8 du rapport d’audition de Monsieur Stankovic du 27 décembre 2012.
11 Page 5/8 du rapport d’audition de Monsieur Stankovic du 27 décembre 2012.
constatés en matière d’ouverture des croisements aux frontières serbo-kosovares suite à l’accord trouvé entre les Premiers ministres kosovar et serbe en vue d’ouvrir des croisements à leurs frontières respectives dès le mois de décembre 2012.
S’il est certes condamnable qu’en 2002, la demanderesse, qui en aurait été alors à son neuvième mois de grossesse, aurait dû attendre des heures avant de pouvoir passer la frontière, il n’en demeure pas moins que cet incident, qui est par ailleurs trop éloigné dans le temps, n’atteint pas le seuil de gravité requis pour pouvoir être qualifié de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH, ce d’autant plus au regard des progrès qui ont été réalisés depuis cet incident en termes de gestion des frontières serbo-kosovares et qui permettent de croire qu’à l’heure actuelle le risque qu’une telle situation se reproduise est minime.
Par ailleurs, si le comportement de certains policiers à l’égard des demandeurs devait effectivement avoir été désobligeant, il ressort des explications étatiques et de la décision ministérielle litigieuse qu’il aurait été loisible aux demandeurs de se plaindre du comportement de ces policiers auprès de l’Inspectorat de police qui agit en tant qu’entité indépendante au sein du ministère de l’Intérieur, ce qu’ils n’ont toutefois pas fait.
En ce qui concerne ensuite l’interdiction faite aux demandeurs d’utiliser des plaques d’immatriculation serbes et l’entrave à leur liberté de circulation qui s’ensuivrait, le tribunal constate sur base des informations fournies par le ministre et la partie étatique, qu’il s’agit de mesures administratives légales, alors que depuis le 1er juin 2012, tous les véhicules kosovars doivent porter une plaque d’immatriculation comportant soit le sigle « KS », soit le sigle « RKS ». Ces plaques se distinguent tant sur le fond que sur le plan visuel, alors que toutes deux présentent des numérotations différentes et que le sigle « KS » permet l’entrée en Serbie, tandis que le sigle « RKS », flanqué d’une bande bleue, ne permet l’entrée en Serbie qu’avec une autre plaque temporaire. Du fait de ces différences, la plaque avec le sigle « KS » peut être considérée comme créatrice d’un signe extérieur d’appartenance à une minorité non-albanaise, notamment serbe, alors qu’a priori, seules les personnes désireuses de se rendre en Serbie vont postuler pour une telle plaque d’immatriculation. Il ressort néanmoins des sources internationales citées par la partie étatique que pour éviter toute stigmatisation, de nombreux Serbes du Kosovo auraient fait la demande d’une plaque « RKS », mais qu’ils la remplaceraient par une ancienne plaque serbe lors du passage de la frontière avec la Serbie.
Il résulte des développements qui précèdent que cette mesure administrative ne saurait être considérée comme discriminatoire dans le chef des demandeurs, alors qu’elle s’applique indistinctement à tous les citoyens kosovars et que par ailleurs, il leur aurait été tout à fait loisible d’opter, comme bon nombre de membres de la communauté serbe du Kosovo, de circuler à l’intérieur du Kosovo avec une plaque « RKS » et de changer de plaque avant de passer la frontière serbe.
Finalement, s’il est certes regrettable qu’avant la nouvelle législation introduisant les plaques « RKS »/« KS » obligatoires, certains policiers se soient acharnés pour arrêter les véhicules porteurs d’une ancienne plaque d’immatriculation serbe et pour les confisquer, outre que les conclusions du comité des ministres invoqué à cet égard par le litismandataire des demandeurs datent de 2010, force est également de relever que les perturbations de la vie quotidienne engendrées du fait de cette attitude ne sont pas de nature à atteindre un degré de gravité tel qu’elles puissent être qualifiées de persécutions au sens de la loi et de la Convention de Genève.
En tout état de cause, des contrôles fréquents et des durées d’attente parfois excessives aux postes frontière, ne sauraient s’analyser en une atteinte à la liberté de circulation telle que garantie à l’article 2 du protocole additionnel n°4 à la CEDH. Il n’est en effet pas établi que les contrôles dont les demandeurs ont fait l’objet l’ont été dans un but autre que celui de sécuriser la frontière vers la Serbie, ni que l’exercice par les policiers affectés aux postes frontière de leur mission aurait excédé les mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique ou encore au maintien de l’ordre public. Au contraire, il ressort du récit du demandeur lui-
même que le passage à la frontière était dangereux en raison de la présence à certaines occasions de groupes de l’UCK ou de faux policiers, ce qui justifie d’autant plus l’existence de contrôles renforcés aux frontières dans le but de protéger les citoyens des deux côtés de la frontière.
Le demandeur a encore fait état d’un incident s’étant déroulé en 2008 lorsqu’il aurait été assis dans son tracteur et qu’un groupe de quatre à cinq personnes se seraient arrêtées devant lui, suite à quoi il se serait enfui pour aller chercher de l’aide auprès de la KFOR. Lorsqu’il serait revenu avec la KFOR et d’autres villageois, le tracteur n’aurait pas été endommagé. Force est à cet égard au tribunal de relever qu’il ne ressort d’aucun élément du récit du demandeur que le groupe de personnes qui se serait approché de lui, et dont le demandeur suppose simplement qu’il s’agissait d’Albanais, aurait voulu l’agresser, le demandeur précisant même qu’ils n’étaient pas armés12, de sorte que cet incident ne saurait justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution.
Les demandeurs ont encore fait état lors de leurs auditions de leur peur que le demandeur soit arrêté parce qu’il aurait été membre de la police serbe pendant trois mois au cours des années 1998 à 1999. Ainsi, il ressort de leurs récits qu’avant leur départ du Kosovo, la police kosovare aurait commencé à arrêter des personnes qui auraient fait partie de la police serbe en 1999 et ce dans le but d’effrayer les membres de la communauté serbe du Kosovo13. A défaut d’éléments concrets - le demandeur ne sachant pas si les personnes en question ont été emprisonnées, ni si elles ont été jugées14 -, le tribunal est à cet égard amené à rejoindre le constat du ministre suivant lequel il n’est pas établi pour quelles raisons exactement un certain nombre d’ex-policiers serbes auraient été arrêtés en 2012. Même s’il devait effectivement s’agir d’anciens collègues du demandeur, les raisons de leur arrestation peuvent être variées et ne doivent pas nécessairement être liées exclusivement à leur statut d’ex-policier. Par ailleurs, le fait même que le demandeur n’a pas été arrêté au même moment, voire même jusqu’à son départ vers le Luxembourg, permet de douter que ces arrestations aient un lien 12 Page 6/8 du rapport d’audition de Monsieur Stankovic.
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14 Page 4/8 du rapport d’audition de Monsieur Stankovic.
quelconque avec sa situation personnelle. La crainte purement hypothétique du demandeur d’être arrêté du fait de son appartenance à la police serbe pendant trois mois en 1998/1999 doit dès lors davantage s’analyser en un sentiment général d’insécurité qui ne saurait toutefois justifier l’octroi du statut de réfugié.
En ce qui concerne les jets de pierre, ainsi que les insultes et provocations de la part des personnes inconnues albanaises, tous des faits dont les demandeurs auraient été régulièrement victimes du fait de leur origine ethnique, le tribunal constate qu’il s’agit d’incidents s’analysant davantage et en substance en des harcèlements et que les demandeurs n’ont pas apporté d’éléments qui permettent de retenir que ces évènements, certes condamnables, tant pris isolément que par leur effet cumulé, aient pu atteindre le niveau de gravité prévu par l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 rendant leur vie intolérable au Kosovo, ces insultes et menaces prises en leur globalité ne constituant en particulier pas une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme.
En ce qui concerne finalement encore la circonstance que les demandeurs, contrairement à d’autres familles dans la même situation, n’auraient pas encore pu récupérer leurs terres ni leur maison, le tribunal ne saurait conclure de ce seul état de fait que les demandeurs auraient été victimes de discriminations et traitements inégalitaires.
En effet, à défaut de précisions quant aux démarches concrètes que les demandeurs auraient entreprises et les raisons pour lesquelles ces démarches seraient restées infructueuses, le tribunal est dans l’impossibilité d’apprécier le bien-fondé de ce reproche. Ce même constat s’impose en ce qui concerne l’affirmation du litismandataire des demandeurs suivant laquelle aucune aide sociale ni mesure pour trouver un logement social ne leur aurait été proposée.
La demanderesse a encore déclaré qu’elle n’aurait pas pu se faire soigner ni accoucher au Kosovo à cause de problèmes de sécurité. Le tribunal est amené à constater que ces affirmations générales et non étayées par des éléments concrets ne sauraient être retenues comme crainte fondée de persécution au sens de l’article 2 d) la loi du 5 mai 2006, et ce d’autant plus que les demandeurs ne font état d’aucune mauvaise expérience avec les médecins kosovars, ni d’un refus de prise en charge médicale au Kosovo. Il se dégage également de la décision ministérielle et des sources internationales y citées que de plus en plus de Serbes se feraient soigner dans les hôpitaux kosovars et que de manière générale ils seraient satisfaits de la manière dont ils y seraient traités. A cela s’ajoute que les soins médicaux seraient gratuits en Serbie pour les patients titulaires d’une couverture médicale, tandis qu’au Kosovo, les patients devraient s’acquitter de frais supplémentaires, même au cas où ils ont une assurance médicale, de sorte que la décision des demandeurs de se faire soigner en Serbie plutôt qu’au Kosovo semble plutôt fondée sur des considérations d’ordre pécuniaire que sur autre chose.
Au vu des développements qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que les demandeurs n’ont pas fait état d’évènements qui tant pris isolément que par leur effet cumulé présentent un degré de gravité suffisant pour pouvoir être qualifié de persécution au sens de la loi, respectivement de violation grave des droits fondamentaux de l’Homme.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a rejeté les demandes en obtention du statut de réfugié présentées par les demandeurs comme étant non fondées. Le recours des demandeurs est par conséquent à déclarer comme non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre à leur accorder le statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder aux demandeurs le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
Le tribunal constate que les demandeurs n’invoquent pas de moyens spécifiques à l’appui de leurs demandes de protection subsidiaire, de sorte qu’il y a lieu d’en conclure que ces demandes sont basées sur les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leurs demandes en reconnaissance du statut de réfugié.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où il a été jugé que les faits et motifs invoqués par les demandeurs ne sont pas suffisamment graves, force est de constater que les risques invoqués par les demandeurs de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Kosovo de ce même chef ne sont pas suffisamment sérieux et avérés pour justifier l’octroi du statut de protection subsidiaire, alors que les faits invoqués par les demandeurs, même pris en leur globalité ne revêtent pas un degré de gravité suffisant pour pouvoir être qualifiés de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’en outre il n’existe pas de sérieuses raisons de croire que les demandeurs encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir la peine de mort ou l’exécution, la torture, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection internationale sous analyse comme non justifiées, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
Il résulte des conclusions retenues ci-avant que le ministre a en l’espèce valablement pu opposer aux demandeurs un refus à leurs demandes en obtention du statut de réfugié ainsi qu’en obtention de la protection subsidiaire, de sorte qu’il a a priori également valablement pu leur opposer l’ordre de quitter le territoire.
Les demandeurs font encore exposer que l’ordre de quitter le territoire encourrait l’annulation au motif qu’il violerait l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration. Ils font valoir qu’un retour au Kosovo les exposerait à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Aux termes de l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008 : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
Il convient de relever que l’article 129, précité, renvoie à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) aux termes duquel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour au Kosovo, le tribunal administratif a conclu ci-avant que les faits décrits par les demandeurs n’atteignent pas un degré de gravité tel qu’ils seraient exposés à des actes de torture ou à des traitements inhumains, et qu’ils ne sauraient dès lors prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, de sorte que le tribunal actuellement ne saurait pas se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.
Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH15, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi des demandeurs au Kosovo soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH.
15 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 30 janvier 2013 portant refus d’une protection internationale aux consorts …;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision déférée du 30 janvier 2013 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 février 2014 par :
Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, Olivier Poos, attaché de justice délégué, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Hoffmann s. Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6/2/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 27