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03/02/2014 | LUXEMBOURG | N°31804

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2014, 31804


Tribunal administratif Numéro 31804 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 décembre 2012 2e chambre Audience publique du 3 février 2014 Recours formé par Monsieur AAA, contre des décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31804 du rôle et déposée le 11 décembre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Andrea Sabbatini, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur AAA, ingénieur électro...

Tribunal administratif Numéro 31804 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 décembre 2012 2e chambre Audience publique du 3 février 2014 Recours formé par Monsieur AAA, contre des décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31804 du rôle et déposée le 11 décembre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Andrea Sabbatini, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur AAA, ingénieur électrotechnique, né le …. à …. (Montenegro), demeurant à ….., tendant à l’annulation sinon la réformation:

- d’une décision du 7 juin 2012 du ministre des Classes moyennes et du Tourisme refusant la délivrance d’une autorisation d’établissement à la société à responsabilité limitée BBB.

- d’une décision du 8 juin 2012 du ministre des Classes moyennes et du Tourisme refusant la délivrance d’une autorisation d’établissement à la société à responsabilité limitée CCC..

- de la décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 11 septembre 2012 intervenue sur recours gracieux et confirmant le refus de délivrance d’une autorisation d’établissement à la société à responsabilité limitée BBB.

- de la décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 11 septembre 2012 intervenue sur recours gracieux et confirmant le refus de délivrance d’une autorisation d’établissement à la société à responsabilité limitée CCC.

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2013 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2013 par Maître Andrea Sabatini au nom de Monsieur AAA ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en sa plaidoirie à l’audience publique du 16 décembre 2013.

Par courriers des 23, respectivement 24 avril 2012, le Ministre des Classes moyennes et du Tourisme, dénommé ci-après « le ministre », informa la Fiducière ….., qui avait déposé des demandes de délivrance d’autorisations d’établissement au nom et pour le compte des sociétés à responsabilité limitée BBB et CCC, qu’il avait l’intention de refuser la délivrance des autorisations d’établissement aux motifs suivants :

« (…) Je reviens par la présente à votre demande d'autorisation d'établissement référencée sous rubrique, qui a entre-temps fait l'objet de l'instruction administrative prévue à l'article 28 de la loi d'établissement du 2 septembre 2011.

Il en résulte que le dirigeant social, Monsieur AAA, ne satisfait plus aux exigences d'honorabilité professionnelle légalement requises et ce en raison de son implication dans la faillite de la société DDD, dont il était le dirigeant (cf rapport du curateur et avis du Parquet Economique, joints en annexe), conformément aux dispositions des articles 4, 1. et 6 de la loi d'établissement du 2 septembre 2011, qui prévoient:

«Art.4. L'entreprise qui exerce une activité visée à la présente loi désigne au moins une personne physique, le dirigeant, qui:

1. satisfait aux exigences de qualification et d'honorabilité professionnelles.

Art6. (1) La condition d'honorabilité professionnelle vise à garantir l'intégrité de la profession ainsi que la protection des futurs cocontractants et clients.

(2) L'honorabilité professionnelle s'apprécie sur base des antécédents du dirigeant et de tous les éléments fournis par l'instruction administrative pour autant qu'ils concernent des faits ne remontant pas à plus de dix ans.

Le respect de la condition d'honorabilité professionnelle est également exigé dans le chef du détenteur de la majorité des parts sociales ou des personnes en mesure d'exercer une influence significative sur la gestion ou l'administration de l'entreprise.

(3) Constitue un manquement privant le dirigeant de l'honorabilité professionnelle, tout comportement ou agissement qui affecte si gravement son intégrité professionnelle qu'on ne peut plus tolérer, dans l'intérêt des acteurs économiques concernés, qu'il exerce ou continue à exercer l'activité autorisée ou à autoriser.

(4) Par dérogation au paragraphe (3), constituent d'office un manquement qui affecte l'honorabilité professionnelle du dirigeant:

a) le recours à une personne interposée ou l'intervention comme personne interposée dans le cadre de la direction d'une entreprise soumise à la présente loi;

b) l'usage dans le cadre de la demande d'autorisation de documents ou de déclarations falsifiés ou mensongers;

c) le défaut répété de procéder aux publications légales requises par les dispositions légales relatives au registre de commerce et des sociétés ou le défaut de tenir une comptabilité conforme aux exigences légales;

d) l'accumulation de dettes importantes auprès des créanciers publics dans le cadre d'une faillite ou liquidation judiciaire prononcées;

e) toute condamnation définitive, grave ou répétée en relation avec l'activité exercée.» En effet, cette faillite est caractérisée par de nombreuses irrégularités incombant à Monsieur AAA au titre de dirigeant figurant sur l'autorisation d'établissement.

Ainsi, il ressort du rapport du curateur que Monsieur AAA a commis un certain nombre de manquements graves dont notamment :

- agissement comme personne interposée, - le défaut de publications des bilans, - des dettes auprès des créanciers publics et le défaut de payer les cotisations sociales, - des malversations et abus de biens sociaux.

L'ensemble de ces manquements affecte gravement l'honorabilité professionnelle de Monsieur AAA.

Par conséquent, j'invite Monsieur AAA à prendre position endéans un mois. Passé ce délai, j'ai l'intention de procéder à la révocation de toutes les autorisations reposant sur Monsieur AAA pour défaut d'honorabilité, conformément aux dispositions des articles 3.4.1, 6, et 28 (3) de la loi d'établissement du 2 septembre 2011. (…) » En date du 16 mai 2012, par un courrier de son mandataire, Monsieur AAA pris position quant aux reproches lui adressés par le ministre dans ses courriers des 23 et 24 avril 2012.

Par courriers du 7, respectivement 8 juin 2012 le ministre informa Monsieur AAA, de sa décision de refus de délivrance des autorisations d’établissement des sociétés BBB et CCC. Ces décisions étant libellées comme suit :

« Par la présente, j'ai l'honneur de me référer à votre requête sous rubrique et plus particulièrement à votre lettre du 16 mai 2012. Votre demande a fait entre temps l'objet d'une nouvelle instruction prévue à l'article 28 de la loi d'établissement du 2 septembre 2011.

D'emblée, j'aimerais préciser que les développements effectués dans votre courrier du 16 mai 2012 ne sont pas pertinents, puisqu'il est incontestable que l'autorisation d'établissement reposait sur Monsieur AAA, et ce pendant au moins une partie de la période où la gestion s'est avérée désastreuse.

Il semble alors - et le curateur Maître ….. le précise dans sa missive du 6 janvier 2012 -

que Monsieur AAA a servi de personne interposée afin que Monsieur EEE puisse poursuivre les activités en question.

Je vous rappelle dans ce contexte l'article 6 de la loi d'établissement du 2 septembre 2011 qui prévoit que cela est constitutif d'une perte automatique de l'honorabilité.

Par conséquent, je vous informe qu'en l'absence de tout élément probant nouveau, je suis au regret de maintenir la décision du 23 avril 2012 [respectivement 24 avril 2012]. (…) ».

En date du 7 septembre 2012, un recours gracieux contre les décisions du 7 et 8 juin 2012 fut introduit par le mandataire de Monsieur AAA.

Par deux décisions du 11 septembre 2012, le ministre confirma ses décisions de refus dans les termes suivants :

« Par la présente, j'ai l'honneur de me référer à votre requête sous rubrique et plus particulièrement à votre recours gracieux du 7 septembre 2012 ainsi qu'aux pièces supplémentaires versées au dossier à cette occasion. Votre demande a fait entre temps l'objet d'une nouvelle instruction prévue à l'article 28 de la loi d'établissement du 2 septembre 2011.

Malgré vos explications très détaillées, les manquements commis par Monsieur AAA subsistent.

Vous avez certes raison de souligner que Monsieur AAA a démissionné en 2010 de son poste de dirigeant de la société DDD.

Préalablement à cette démission, Monsieur AAA a cependant commis des manquements graves qui affectent son honorabilité professionnelle. De 2008 à 2010, il a accumulé d'importantes dettes auprès des créanciers publics. De même, malgré que ses autorisations de séjour et d'établissement ont expiré en 2009, il a continué à gérer la société DDD.

En fin de compte, lors d'un récent contrôle de chantier, il a été constaté que la société CCC dont Monsieur AAA est également dirigeant, faisait travailler des personnes illégalement.

Le défaut d'honorabilité est donc justifié. (…) » Par requête déposée le 11 décembre 2012 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 31804 du rôle, Monsieur AAA a fait introduire un recours en annulation sinon en réformation contre les quatre décisions ministérielles du 7 et 8 juin respectivement du 11 septembre 2012 reprises ci-avant.

Dans la mesure où le présent recours est dirigé non seulement contre les décisions du 11 septembre 2012 prises sur recours gracieux, mais également contre les décisions initiales du 7 et 8 juin 2012, force est au tribunal de retenir qu’en vertu de l’article 13 alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le fait d’avoir introduit un recours gracieux dans le délai de recours contentieux contre les décisions initiales, ce dernier a été interrompu et a recommencé à courir à partir des décisions intervenues sur recours gracieux.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité entraînant qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit contre la même décision.

Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond en matière de refus d’autorisation d’établissement, seul un recours en annulation a pu être introduit contre les décisions ministérielles litigieuses portant refus d’une autorisation en vue de l’exercice de la profession d’électricien.

Il s’ensuit que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre subsidiaire.

Le recours principal en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste toute implication dans la faillite de la société à commandite simple DDD, dénommé ci-après « la société DDD », en arguant qu’en raison de la forme sociale spécifique et sur base de l’article 16 de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, seuls les associés seraient responsables pour les engagements d’une telle société, et ce, tant vis-à-vis des tiers que vis-à-vis de la société elle-

même. La finalité de cette loi aurait pour objet de confier la gestion de la société en commandite simple à un ou plusieurs associés commandités à désigner par les statuts, de sorte que tout gérant d’une telle société devrait nécessairement être un associé commandité. Il fait valoir que les statuts de la société DDD désigneraient Monsieur EEE comme associé commandité chargé de la gestion de la société pouvant accomplir tous les actes de gestion qui rentrent dans l’objet social de la société. Ainsi Monsieur AAA souligne qu’il n’a jamais été associé commandité de la société DDD, mais seulement gérant technique, qualité qui ne lui aurait en aucune manière conféré les mêmes responsabilités.

Il fait encore valoir que l’autorisation lui accordée pour la société DDD aurait expiré le 15 novembre 2009, date à laquelle son permis de séjour aurait expiré. Il aurait par ailleurs démissionné de son poste en date du 13 avril 2010 en raison d’infractions à la législation sur les sociétés.

Il souligne finalement dans le contexte de la faillite de la société DDD, prononcée le 16 décembre 2011, que les irrégularités constatées par le curateur de cette dernière, sembleraient avoir pris leur source et être apparues longtemps après l’expiration de la validité de son autorisation d’établissement n°119426/0 liée à la société DDD, respectivement après sa démission de sa fonction de gérant.

Le demandeur estime que ce serait à tort que le ministre affirme que la gestion désastreuse de la société DDD se serait déroulée au moins pour une partie pendant la période où l’autorisation d’établissement aurait reposée sur ses épaules, alors que le ministre aurait parfaitement été au courant de sa démission, tout en soulignant qu’en raison de l’absence de pouvoirs pour engager la société DDD du fait de sa démission, il n’aurait plus été à même de procéder à la publication de sa démission au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, dénommé ci-après « RCS ».

Il conteste encore le reproche qu’il aurait agi en tant que personne interposée, étant donné que ce reproche ne serait que la conséquence d’une interprétation erronée de la deuxième phrase du courrier du 6 janvier 2012 émanant du curateur de la société DDD, qui se base sur les déclarations de deux salariés de la société affirmant ne jamais avoir vu Monsieur AAA ni au siège social, ni sur les chantiers de la société faillie, sans pour autant que l’identité des deux salariés soit déterminée et sans savoir si ces deux salariés avaient déjà été employés avant sa démission en tant que gérant technique, quelque 20 mois avant la faillite. En tout état de cause le demandeur conteste formellement ne pas avoir été présent au siège et sur les chantiers de la société DDD, tout en faisant valoir que du fait qu’il aurait disposé de plusieurs autorisations d’établissement, il aurait dû partager son temps entre les sociétés dont il était le gérant. Il invoque à l’appui une jurisprudence du tribunal administratif du 4 juin 2003, inscrite sous le n° 15607 du rôle, selon laquelle le simple fait d’exercer des fonctions dirigeantes dans plusieurs sociétés ne serait pas en soi de nature à dénoter un défaut effectif d’exercer réellement ces fonctions, de sorte que le reproche d’agir en tant que personne interposée ne serait pas automatiquement établi en raison d’un tel fait.

En ce qui concerne le reproche de ne pas avoir publié les bilans de la société DDD pour les années 2009 et 2010, le demandeur donne à considérer principalement que cette tâche ne relèverait pas de ses responsabilités mais de celles de l’associé commandité, et subsidiairement qu’en raison de sa démission en date du 13 avril 2010, le bilan de l’année 2010 n’aurait de toute façon pas encore pu être déposé, du fait que l’exercice 2010 n’aurait pas encore été clôturé et qu’au jour de sa démission de ses fonctions de gérant en date du 13 avril 2010, le délai de publication du bilan de l’exercice 2009 n’aurait pas encore été écoulé.

Quant aux dettes de la société DDD auprès des créanciers publics, le demandeur fait plaider que le ministre resterait en défaut de fournir des pièces selon lesquelles ces dettes auraient déjà existé au jour de sa démission en tant gérant. Il explique à ce sujet, qu’en raison du fait que d’après le curateur, entre le 28 juin 2011 et le jour de la faillite en date du 16 décembre 2011, les arriérés de cotisations sociales seraient passés de …..,- euros à ….., - euros, les dettes y relatives au 28 juin 2011 ne sauraient en tout état de cause constituer que l’équivalant d’une demie année de cotisations sociales dont l’exigibilité ne remonterait dès lors pas jusqu’à sa démission du 13 avril 2010.

En ce qui concerne le reproche d’avoir été à l’origine de malversations et d’abus de biens sociaux, le demandeur fait remarquer, tout en contestant toute implication personnelle relative à de tels faits, que le curateur ne se prononcerait pas sur l’époque des opérations suspectes dont il fait état.

En dernier lieu, Monsieur AAA conteste l’affirmation du ministre selon laquelle des personnes auraient illégalement travaillées sur des chantiers de la société CCC, alors que cela ne résulterait d’aucune pièce portée à sa connaissance.

En droit, le demandeur fait plaider qu’il résulterait de ses développements en fait qu’il ne tomberait pas sous les prescriptions de l’article 6 (4) a), c) et d) de la loi du 2 septembre 2011 réglementant l’accès à certaines professions, ci-après libellée « la loi du 2 septembre 2011 » et établissant des manquements qui affectent d’office l’honorabilité du dirigeant, étant donné que les renseignements de la part du curateur de la société DDD ne permettraient pas de conclure au défaut d’honorabilité dans son chef.

Il conclut, qu’en refusant les autorisations d’établissement sollicitées, le ministre aurait commis une violation de la loi, sinon un excès de pouvoir, sinon un détournement de pouvoir, de sorte que les décisions déférées seraient à annuler.

Le délégué du gouvernement répond que ce serait à bon droit que le ministre aurait refusé la délivrance des autorisations d’établissement sollicitées sur base d’un défaut d’honorabilité du demandeur.

A ce titre il rappelle que depuis 2008 Monsieur AAA aurait été titulaire d’autorisations d’établissement pour 8 sociétés.

Suite à la faillite de la société DDD en date du 16 décembre 2011, le ministre aurait constaté que Monsieur AAA, sur lequel aurait reposé la seule et unique autorisation d’établissement de la société, aurait été rayé d’office de sa dernière adresse connue.

Le ministre aurait également reçu l’avis du parquet dans le cadre de la faillite de la société DDD qui ferait état de nombreuses irrégularités dans la gestion de la société et d’importantes dettes auprès des créanciers publics. Ainsi la dette de TVA concernant des arriérés des années 2008, 2009 et 2010 se serait élevée à ….. euros, tandis que pour le Centre commun de la Sécurité sociale les impayés se chiffreraient à …. euros dont ….. euros à la date du prétendu départ de Monsieur AAA.

La partie étatique souligne encore que seul le bilan de 2007 aurait été publié au RCS.

Le délégué du gouvernement fait valoir qu’il ressortirait de ces chiffres que, malgré le fait que l’autorisation d’établissement aurait expiré le 15 novembre 2009, coïncidant avec la date d’expiration de son titre de séjour, Monsieur AAA aurait continué à exploiter, en toute illégalité, la société DDD, et ce, au moins jusqu’au 19 juillet 2010, date à laquelle il aurait informé le ministre de sa démission en tant que gérant. La partie étatique se base encore sur le fait que Monsieur AAA aurait souligné dans sa lettre de démission du 13 avril 2010 que son contrat de travail avec la société DDD ne serait pas affecté par sa démission de ses fonctions de gérant, pour en conclure que ce dernier aurait eu l’intention de continuer à exploiter illégalement les activités de la société DDD.

Il se réfère encore au rapport de l’Administration des Douanes et Accises duquel il ressortirait que, lors d’un contrôle du 8 mai 2012 auprès de la société FFF, dont le demandeur aurait officiellement été le gérant technique et titulaire de l’autorisation d’établissement, le gérant de fait, Monsieur GGG, aurait révélé que ce dernier ne serait qu’une personne interposée se contentant de mettre à disposition de la société son autorisation d’établissement. Le ministre ayant en conséquence décidé de révoquer ladite autorisation d’établissement, la société en question aurait volontairement procédé à sa restitution sans interjeter le moindre recours.

En droit, et quant à l’implication du demandeur dans la faillite de la société DDD, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il ne serait pas contestable que ce dernier aurait occupé des fonctions de dirigeant de la prédite société entre janvier 2008 et juillet 2010, date à laquelle il aurait démissionné de cette fonction. Etant donné qu’en sa qualité de gérant technique, Monsieur AAA devrait être considéré comme dirigeant de la société, à qui il aurait incombé de veiller à ce que cette dernière respecte ses obligations professionnelles, fiscales et sociales, ce qui n’aurait cependant pas été le cas. Ainsi le fait pour la société DDD, en juillet 2010, d’avoir eu ….. euros de dettes auprès du Centre commun de la Sécurité sociale, de ne pas avoir réglé la TVA pour les années 2008, 2009 et 2010 et de ne pas avoir publié les bilans des années 2008, 2009, 2010, serait directement imputable au demandeur.

Le délégué du gouvernement se réfère à ce titre aux articles 445 et suivants du Code de la sécurité sociale sanctionnant le non paiement des cotisations sociales et étendant cette responsabilité à tous les membres de la direction d’une société commerciale. Ce principe serait en outre transposable, en ce qui concerne les dettes de TVA. Le défaut de publication des bilans serait considéré comme fautif par l’article 203 de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales.

La partie étatique souligne encore que, même si les agissements du demandeur ne devaient pas rentrer dans les prévisions de l’article 6 (4) de la loi du 2 septembre 2011, ils constitueraient en tout état de cause un défaut d’honorabilité au sens de l’article 6 (3) de cette même loi. Le non payement des cotisations sociales et de la TVA constituerait un acte de concurrence déloyale menaçant la survie des entreprises sérieuses qui respectent leurs obligations légales.

En tout état de cause, le délégué du gouvernement fait valoir que le simple fait de se soustraire au paiement des charges sociales constituerait une raison suffisante pour refuser, respectivement révoquer une autorisation d’établissement en application de l’article 4 de la loi du 2 septembre 2011.

Finalement, quant à l’intervention en tant que personne interposée, ce reproche résulterait des constats et auditions clairs et non équivoques faits par les officiers de police judiciaire de l’Administration des Douanes et Accises lors du contrôle de la société FFF et serait encore corroboré par un faisceau d’indices concordants. Ainsi, d’après le délégué du gouvernement, Monsieur AAA n’aurait été affilié comme salarié qu’auprès des sociétés DDD et CCC alors qu’il aurait cependant détenu quasi-simultanément les autorisations d’établissement pour huit sociétés, par ailleurs non autrement liées entre elles, de sorte qu’il serait impossible d’assurer simultanément la gestion journalière effective et permanente d’autant de sociétés. Il affirme encore que les sociétés FFF, GGG et HHH n’auraient pas réagi au retrait de leurs autorisations d’établissement pour perte d’honorabilité du demandeur, laissant présumer que ce dernier n’était nullement impliqué dans la gestion de ces dernières.

Le demandeur fait répliquer qu’il conteste avoir exploité la société DDD jusqu’en juillet 2010, étant donné qu’il aurait informé le ministre dans les meilleurs délais de sa démission.

L’Etat ne serait pas en droit de présumer qu’il aurait eu l’intention de continuer l’exploitation de cette dernière par le simple fait d’avoir dans la lettre de démission indiqué que son contrat de travail ne serait pas affecté.

Le demandeur explique encore qu’il n’aurait pas démissionné le jour de l’expiration de son autorisation d’établissement en date du 15 novembre 2009, étant donné qu’il serait alors retourné dans son pays d’origine. Ainsi l’Etat serait en défaut de rapporter la preuve qu’entre le 15 novembre 2009 et le 13 avril 2010, date de sa démission, il aurait, sans autorisation, continué effectivement à assurer la gérance de la société DDD, dont il n’aurait pas été le seul gérant selon les statuts.

Dans son mémoire en duplique l’Etat rappelle que le demandeur aurait officiellement occupé les fonctions de gérant de la société DDD entre le 1er janvier 2008, date de sa nomination à la fonction de gérant technique de la société, et le 19 juillet 2010, date de l’information du ministre de la démission de ses fonctions, de sorte que les manquements relevés durant cette période lui seraient directement imputables.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés1.

Il échet de rappeler que l’article 4 de la loi du 2 septembre 2011 dispose que « L’entreprise qui exerce une activité visée à la présente loi désigne au moins une personne physique, le dirigeant, qui:

1. satisfait aux exigences de qualification et d’honorabilité professionnelles;

et 2. assure effectivement et en permanence la gestion journalière de l’entreprise;

et 3. a un lien réel avec l’entreprise en étant propriétaire, associé, actionnaire, ou salarié;

et 4. ne s’est pas soustrait aux charges sociales et fiscales, soit en nom propre, soit par l’intermédiaire d’une société qu’il dirige ou a dirigée (…) ».

Ainsi, toute personne physique et morale tombant dans le champ d’application de la loi du 2 septembre 2011 doit être détentrice d’une autorisation d’établissement délivrée soit en son nom personnel, lorsqu’il s’agit d’une personne physique, soit au nom de la société en présence d’une personne morale, auquel cas les conditions d’honorabilité et de qualifications professionnelles doivent être réunies dans le chef du dirigeant de la société.

En vertu de l’article 6 de la loi du 2 septembre 2011 « (1) La condition d’honorabilité professionnelle vise à garantir l’intégrité de la profession ainsi que la protection des futurs cocontractants et clients.

(2) L’honorabilité professionnelle s’apprécie sur base des antécédents du dirigeant et de tous les éléments fournis par l’instruction administrative pour autant qu’ils concernent des faits ne remontant pas à plus de dix ans. Le respect de la condition d’honorabilité professionnelle est également exigé dans le chef du détenteur de la majorité des parts sociales ou des personnes en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration de l’entreprise.

(3) Constitue un manquement privant le dirigeant de l’honorabilité professionnelle, tout comportement ou agissement qui affecte si gravement son intégrité professionnelle qu’on ne peut 1 Cf. Cour adm. 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en annulation, n° 21 et autres références y citées.

plus tolérer, dans l’intérêt des acteurs économiques concernés, qu’il exerce ou continue à exercer l’activité autorisée ou à autoriser.

(4) Par dérogation au paragraphe (3), constituent d’office un manquement qui affecte l’honorabilité professionnelle du dirigeant:

a) le recours à une personne interposée ou l’intervention comme personne interposée dans le cadre de la direction d’une entreprise soumise à la présente loi;

(…) c) le défaut répété de procéder aux publications légales requises par les dispositions légales relatives au registre de commerce et des sociétés ou le défaut de tenir une comptabilité conforme aux exigences légales;

d) l’accumulation de dettes importantes auprès des créanciers publics dans le cadre d’une faillite ou liquidation judiciaire prononcées; (…) » Il y a lieu de relever que l’article 6 (4) de la loi du 2 septembre 2011 a érigé un certain nombre de comportements comme constituant individuellement et d’office un manquement affectant l’honorabilité professionnelle du dirigeant, de sorte qu’en présence de ces manquements, le ministre ne dispose d’aucune marge d’appréciation, sauf en ce qui concerne l’évaluation de l’importance des dettes envers les créanciers publics, Force est au tribunal de retenir que les décisions de refus d’autorisations d’établissement déférées sont valablement motivées par l’intervention de Monsieur AAA en tant que personne interposée au sens de l’article 6 (4) de la loi du 2 septembre 2011, ainsi que par le fait, en violation de l’article 4 paragraphe 4 de la même loi, de s’être soustrait aux charges sociales et fiscale par l’intermédiaire d’une société qu’il a dirigé. Il s’y ajoute que le demandeur, par le fait d’un comportement et des agissements affectant gravement son intégrité professionnelle, a mis en cause son honorabilité professionnelle au sens de l’article 6 (3) de la loi du 2 septembre 2011.

C’est d’abord à bon droit que, parmi les éléments relevés pour apprécier la perte d’honorabilité professionnelle du demandeur, le ministre invoque notamment le fait pour le demandeur d’être intervenu comme personne interposée dans le cadre de la direction d’une entreprise soumise à la loi du 2 septembre 2011.

A ce titre la partie étatique se base sur le rapport versé en cause et relatif à un contrôle effectué le 8 mai 2012 par les services de l’administration des Douanes et des Accises au siège de la société FFF., dans le cadre duquel les douaniers ont recueilli les déclarations de Monsieur III, associé et gérant administratif de ladite société, qui affirme sur la demande où Monsieur AAA se trouverait, que « ce Monsieur vient de temps en temps au bureau mais qu’il ne figure pas dans le[s] statut[s] de la société et qu’il mettait [à] disposition son autorisation d’établissement ».

Il y a encore lieu de relever que la décision du ministre de procéder au retrait de l’autorisation d’établissement n° 10003158/0 délivrée le 3 mai 2010 et attribuée à Monsieur AAA pour le compte de la société FFF, ne fut contestée, ni par Monsieur AAA, ni par la société FFF, cette dernière ayant même restitué ladite autorisation au ministre par courrier du 17 juillet 2012.

Si le demandeur, dans le cadre de son recours gracieux invoque le fait qu’il aurait démissionné de ses fonctions de gérant technique en date du 2 mai 2012, soit quelques jours avant le contrôle de la part de l’Administration des Douanes et Accises, et que contrairement aux affirmations de Monsieur GGG, il aurait figuré dans les statuts de la société en tant que gérant technique, de telles considérations qui ne sont d’ailleurs pas expressément repris dans les mémoires soumis au tribunal, ne sont pas de nature à contredire ou invalider les déclarations de Monsieur GGG du 8 mai 2012, relative à l’absence d’une gestion journalière effective de la société de la part du demandeur et à l’intervention de ce dernier comme personne interposée, étant encore relevé qu’il ressort du certificat d’affiliation établi par le Centre Commun de la Sécurité Sociale que le demandeur n’a jamais, depuis le 1er janvier 2008 au 19 décembre 2012, date du certificat, été affilié en tant que salarié auprès de la société FFF. Il en résulte au contraire que le demandeur a été salarié auprès de la société CCC depuis le 1er août 2011 jusqu’au 19 décembre 2012, soit pendant une partie de la période où il était également censé gérer la société FFF, de sorte qu’il y a lieu de retenir au regard de ces éléments que, face à ce faisceau d’indices concordant, le demandeur est resté en défaut de rapporter la preuve qu’il aurait effectivement dirigée cette dernière.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a considéré que le demandeur est intervenu en tant que personne interposée dans le cadre de la société FFF.

Quant au reproche lié aux dettes fiscales et sociales de la société DDD, si les explications du curateur de la prédite société dans son courrier du 6 janvier 2012, tel que versé aux débats, ne suffisent pas à impliquer le demandeur dans l’accumulation proprement dite des dettes ayant abouti à la mise en faillite de la société fin 2011, conditions requises pour l’application de l’article 6 (4) de la loi du 2 septembre 2011, il en ressort néanmoins que le bilan de la société DDD pour l’exercice 2008, à savoir une année pendant laquelle le demandeur a officiellement été en charge de la direction du fait de sa fonction de gérant technique et de sa détention de l’autorisation d’établissement reposant sur ses épaules à l’époque, affichait déjà une dette fiscale d’un montant total de ….. euros, de sorte que la condition prévue au paragraphe 4 de l’article 4 précité de la loi du 2 septembre 2011, et qui exige que le titulaire d’une autorisation d’établissement ne se soit pas soustrait aux charges sociales et fiscales, même par l’intermédiaire d’une société, n’est pas remplie.

A cet égard, il échet de souligner que les considérations du demandeur quant aux responsabilités des associés au sein d’une société en commandite simple ne sont d’aucune pertinence en l’espèce, alors que les dispositions citées de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales traitent de la question de l’étendue du patrimoine personnel engagé par les différents associés dans la société, et non de la question de l’imputation des fautes de gestion, étant rappelé qu’en application de l’article 4 paragraphe 2 précité de la loi du 2 septembre 2011, il est exigé de la part de tout titulaire d’une autorisation d’établissement d’assurer effectivement et en permanence la gestion journalière de l’entreprise. Cette disposition a dès lors pour conséquence pour les titulaires d’une autorisation d’établissement de leur faire endosser vis-à-vis du ministre, qui leur attribue ladite autorisation, la responsabilité relative à la bonne gestion et au respect des règlementations à laquelle l’entreprise est soumise, et ce, quelle que soit la fonction réellement exercée au sein de l’entreprise, toute délégation de la gestion journalière à une tierce personne étant à cet égard inopposable au ministre.

En ce qui concerne la perte d’honorabilité au sens de l’article 6 (3) précité de la loi du 2 septembre 2011, force est de constater que le ministre a à bon droit pu retenir que les agissements du demandeur dans le cadre de la société DDD seraient de nature à compromettre son honorabilité.

En effet, dans son mémoire en réplique, le demandeur se considère comme simple salarié de la société DDD à partir du 13 avril 2010, date à laquelle il explique avoir démissionné de ses fonctions de gérant technique. Il ressort néanmoins du dossier administratif que, pour cette société, il indique, en date du 29 novembre 2011, sur le formulaire de déclaration rempli dans le cadre de sa demande d’autorisation d’établissement pour la société BBB, avoir été en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration de la société DDD de « 2008 à ce jour », tout en sachant que l’autorisation d’établissement de la société DDD a expiré en date du 15 novembre 2009 et qu’il ressort du précité certificat d’affiliation que l’affiliation du demandeur en tant que salarié de la société DDD a officiellement et définitivement pris fin le 30 septembre 2009.

Force est au tribunal de retenir de ces considérations que le demandeur n’a pas cessé de diriger la société DDD malgré le fait qu’il savait ne plus avoir d’autorisation d’établissement valable, d’y avoir travaillé en tant que salarié après le 30 septembre 2009, sans pourtant avoir été affilié au Centre Commun de la Sécurité Sociale, et d’avoir ainsi exercé une influence significative sur la gestion de cette société jusqu’en novembre 2011, soit un mois avant la mise en faillite de cette dernière. Un tel comportement est révélateur d’une attitude pour le moins peu respectueuse des lois réglementant la profession en cause, de sorte que l’honorabilité professionnelle s’en trouve ébranlée au point de justifier le refus des nouvelles autorisations d’établissement sollicitées.2 Il suit des développements qui précèdent que les motifs ayant trait au fait que Monsieur AAA ait été une personne interposée, qu’il se soit soustrait aux charges fiscales et sociales, ainsi qu’aux agissements du demandeur dans le cadre de la gestion de la société DDD, mis en avant par le ministre pour refuser la délivrance de l’autorisation d’établissement au demandeur ont valablement pu justifier les décisions sous examen sur base des articles 6 (4) a), 6 (3) et 4 (4) de la loi du 2 septembre 2011, de sorte qu’il n’y a plus lieu d’analyser les autres motifs invoqués, ainsi que les moyens y relatifs du recours qui est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 euros formulée par le demandeur est à rejeter comme étant non fondée.

2 Trib. adm. 21 juin 2012, n° 28174 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Autorisation d’Etablissement, n° 164 et autres références y citées.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

reçoit en la forme le recours principal en annulation;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure de 1.500 euros formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Paul Nourissier, juge, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 3 février 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 février2014 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 31804
Date de la décision : 03/02/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-02-03;31804 ?

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