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27/01/2014 | LUXEMBOURG | N°31980

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 janvier 2014, 31980


Tribunal administratif N° 31980 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 janvier 2013 2e chambre Audience publique du 27 janvier 2014 Recours formé par Monsieur AAA, …. (D) contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31980 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2013 par Maître Jean-Philippe Lahorgue, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur AAA, demeurant

à ,…., tendant à l’annulation de la décision du ministre des Classes Moyennes et d...

Tribunal administratif N° 31980 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 janvier 2013 2e chambre Audience publique du 27 janvier 2014 Recours formé par Monsieur AAA, …. (D) contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31980 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2013 par Maître Jean-Philippe Lahorgue, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur AAA, demeurant à ,…., tendant à l’annulation de la décision du ministre des Classes Moyennes et du Tourisme du 19 décembre 2012 portant refus de délivrance d’une autorisation d’établissement ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2013 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2013 par Maître Jean-Philippe Lahorgue pour compte de Monsieur AAA ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 avril 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Jean-Philippe Lahorgue, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 décembre 2013.

Par formulaire daté du 4 décembre 2012 et réceptionné le 6 décembre 2012, Monsieur AAA introduisit auprès du ministre des Classes moyennes et du Tourisme une demande d’autorisation d’établissement pour exercer l’activité de « Immobilienverwaltung/Handelstätigkeiten » sous la forme d’une société commerciale, à savoir sous la forme de la société à responsabilité limitée BBB, ci-après désignée par « la société BBB».

Par courrier du 19 décembre 2012, le ministre des Classes moyennes et du Tourisme, ci-après désigné par « le ministre », informa la société BBB que la demande d’autorisation d’établissement sus-visée aurait fait l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 28 de la loi du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par la « loi du 2 septembre 2011 », dont il ressortirait qu’en date du 6 mars 2012, Monsieur AAA aurait été informé par courrier qu’il ne satisferait plus aux exigences d’honorabilité professionnelle légalement requises en raison de son implication dans la faillite de la société anonyme CCC dont il aurait été dirigeant et qu’il aurait permis d’utiliser à des fins criminelles. Ladite décision ministérielle est plus amplement motivée comme suit : « Je reviens par la présente à votre demande d'autorisation d'établissement référencée sous rubrique, qui a entre-temps fait l'objet de l'instruction administrative prévue à l'article 28 de la loi d'établissement du 2 septembre 2011.

Il en résulte qu'en date du 6 mars 2012, le Ministère des Classes moyennes a notifié à Monsieur AAA par courrier ministériel qu'il ne remplissait plus la garantie nécessaire d'honorabilité professionnelle, pour avoir permis l'utilisation de la société faillie CCC, dont il était le dirigeant, à des fins criminelles.

Je vous rappelle que cette prise de position était basée sur un rapport négatif du Parquet ainsi que sur le rapport établi par le curateur de la société faillie susmentionnée.

En effet, cette façon de procéder est particulièrement grave et affecte gravement l'honorabilité de Monsieur AAA.

L'honorabilité professionnelle est un élément essentiel aussi bien à la délivrance qu'au maintien d'une autorisation d'établissement.

Or, comme Monsieur AAA ne satisfait plus aux garanties nécessaires de l'honorabilité professionnelle une autorisation d'établissement ne saurait être délivrée (…). » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2013, Monsieur AAA a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 19 décembre 2012.

Dans la mesure où ni la loi du 2 septembre 2011, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle déférée, lequel est recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève tout d’abord, en substance, deux moyens tirés de la violation de la légalité externe de la décision à savoir, le premier tiré de la violation du principe du débat contradictoire et le second tiré de l’incompétence de l’agent décisionnaire.

Quant au moyen tiré de la violation du principe du débat contradictoire le demandeur invoque en substance la violation de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi que de l’article 14 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives qui consacreraient ce principe, en ce que la décision déférée fonderait le refus de délivrer l’autorisation d’établissement exclusivement sur les informations contenues dans le rapport du curateur de la faillite de la société anonyme faillie CCC et du rapport du parquet alors que lesdites informations n’auraient pas été portées à sa connaissance et qu’il n’aurait pas pu organiser sa défense.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen en rétorquant que les informations auraient été transmises au demandeur en annexe aux courriers du ministre des 13 février et 6 mars 2012, informations sur lesquelles le demandeur aurait, par ailleurs, pris position dans son courrier du 19 mars 2012.

Le demandeur fait répliquer en soutenant en substance qu’il ne ressortirait ni de l’avis du curateur ni de celui du Parquet le caractère de sérieux et de gravité des faits lui reprochés pour déterminer si le ministre aurait été en droit de procéder au refus de délivrance de l’autorisation d’établissement.

Force est au tribunal de constater qu’il ressort sans équivoque des pièces et éléments soumis à son appréciation que le ministre a informé la société anonyme DDD dont le demandeur était dirigeant par courrier du 13 février 2012 de l’avis du Parquet dans le cadre de la faillite de la société anonyme CCC et des explications fournies par le curateur quant à l’utilisation de ladite société par le demandeur à des fins criminelles. Il ressort encore dudit courrier que le demandeur a disposé d’un délai de 8 jours à dater de sa réception pour présenter d’éventuelles observations ou demander à être entendu en personne de sorte qu’aucun reproche ne peut être formulé en l’espèce quant à la violation du principe du respect des droits de la défense ou encore du principe du débat contradictoire. Il y a encore lieu de relever qu’il ne ressort d’aucun élément ou d’aucune pièce soumis à l’examen du tribunal que le demandeur aurait sollicité la communication de son dossier administratif. Il s’ensuit que le moyen afférent laisse d’être fondé.

Quant au moyen tiré de l’incompétence de l’agent décisionnaire, le demandeur estime que la décision déférée serait entachée de nullité au motif qu’elle aurait été prise par ….., en sa qualité de « chef de bureau adjoint », signant par délégation de pouvoir et pour compte du ministre en matière d’autorisation d’établissement alors qu’il ne serait pas établi que ladite personne se serait vu conférer une délégation de pouvoir.

Le délégué du gouvernement indique que le signataire de la lettre disposerait d’une délégation de signature.

Le demandeur fait répliquer en soutenant en substance que la qualité de « chef de bureau adjoint » en laquelle ….. aurait signé la décision déférée ne lui aurait pas été dévolue par la délégation de signature ministérielle ce qui le conduit à soutenir l’illégalité de la décision déférée.

Il échet de rappeler qu’un administré qui conteste la qualité du signataire d'un acte administratif doit spécifier en quoi les dispositions de l'arrêté grand-ducal du 22 décembre 2000 concernant les délégations de signature par le Gouvernement n'a pas été respectée. Il lui appartient, le cas échéant, de s'enquérir au ministère d'Etat si la signature apposée sur la décision attaquée est conforme au spécimen de la signature du fonctionnaire délégué, conformément à l'article 3 dudit arrêté grand-ducal1. En l’espèce outre le fait qu’une copie de la délégation de signature de . …., rédacteur principal auprès du Ministère des Classes Moyennes et du Tourisme est versée au dossier administratif, aux termes de laquelle cette dernière a pouvoir de signer toutes les affaires en matière d’autorisation d’établissement, à l’exception des affaires financières, il échet de relever que, d’une part, le demandeur omet de préciser de quelle manière les dispositions de l'arrêté grand-ducal précité du 22 décembre 2000 n'auraient pas été respectées et, d’autre part, il reste en défaut de rapporter la preuve qu’il s’est enquis auprès du ministère d’Etat de la conformité de la signature apposée sur la décision attaquée avec le spécimen de la signature du fonctionnaire délégué, conformément à l'article 3 dudit arrêté grand-ducal de sorte que le moyen est à rejeter pour ne pas être fondé.

Cette conclusion n’est pas énervée par la circonstance que ….. a signé la décision déférée sous 1 trib. adm. 27 février 1997, n° 9605 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes administratifs, n° 126 et autres références y citées la fonction de « chef de bureau adjoint », dès lors qu’il ressort sans équivoque de la délégation de signature ministérielle que, disposant du titre de « rédacteur principal », elle était habilitée à engager l’autorité ministérielle.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le demandeur reproche en substance au ministre d’avoir violé le prescrit de l’article 6 (4) de la loi du 2 septembre 2011 qui énumère les cas de présomptions établissant un défaut d’honorabilité, lesquelles seraient d’interprétation stricte et limitativement énumérés dans cet article. En effet, il soutient que le ministre n’aurait pas invoqué un des cas y prévus comme fondement de la décision déférée mais aurait, en revanche, fondé sa décision « par renvoi à une décision antérieure qu’[il] a permis l’utilisation de la société à des fins criminelles, sans réserves, sans justifier et sans qualifier les faits constitutifs d’un quelconque manquement ou agissement de sa part et surtout sans rechercher et démontrer en quoi ce manquement ou cet agissement éventuel était criminel et partant d’une particulière gravité (…) ».

Le délégué du gouvernement rétorque en substance que le ministre aurait respecté en l’espèce la procédure administrative idoine en matière d’autorisation d’établissement. Il donne plus particulièrement à considérer que le ministre aurait retenu par décisions du 13 février 2012 et 6 mars 2012 le défaut d’honorabilité du demandeur de sorte à révoquer par décisions du 29 mars 2012 les autorisations d’établissement préalablement délivrées au demandeur le 23 septembre 2011 pour l’exercice de l’activité de commerçant respectivement le 29 septembre 2011 pour l’exercice de l’activité de commerçant en sa qualité de gérant de la société anonyme DDD Il estime que ces décisions n’ayant été contestées ni par recours gracieux ni par recours contentieux, elles seraient devenues définitives et auraient acquis l’autorité de la chose décidée de sorte à fonder valablement les décisions de révocation sus-

visées au motif que le demandeur ne remplirait plus les exigences d’honorabilité professionnelle requises. Il conclut au rejet du recours pour défaut de fondement dès lors que la décision déférée ne porterait pas sur l’appréciation de l’honorabilité professionnelle du demandeur mais uniquement sur la révocation définitive des autorisations antérieurement délivrées suite à sa perte d’honorabilité constatée par les décisions précitées des 13 février et 6 mars 2012.

Le demandeur fait encore plaider en substance que le ministre en se basant sur les rapports du curateur et du Parquet aurait omis de démontrer avec certitude que la double condition prévue à l’article 6 (3) de la loi du 2 septembre 2011 serait réunie en l’espèce, à savoir, l’omission délibérée ou la commission d’un fait d’une particulière gravité et la menace de cette omission ou commission sur l’intérêt des acteurs économiques. Il estime que le ministre serait en outre resté en défaut de déterminer que le refus de l’octroi de l’autorisation d’établissement serait proportionné et strictement nécessaire à garantir les objectifs énoncés par le législateur dans le cadre d’une société démocratique garantissant par la Constitution le droit à l’exercice d’une activité commerciale et indépendante. Il considère qu’en l’absence de condamnation pénale, il bénéficierait de la présomption d’innocence de sorte que le ministre aurait, à tort, refusé de lui délivrer l’autorisation d’établissement sollicitée en invoquant l’argument selon lequel il aurait utilisé la société dont il aurait été l’administrateur délégué à des fins criminelles, sans autrement préciser la nature desdites activités criminelles. Enfin, il critique le délégué du gouvernement pour avoir soutenu que les décisions ministérielles visant la révocation d’autorisations d’établissement lui antérieurement délivrées auraient acquis autorité de chose jugée alors que cette notion ne viserait que le dispositif d’une décision judiciaire, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, le ministère des Classes Moyennes et du Tourisme n’ayant pas la qualité d’une juridiction au sens de l’article 6-1 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement rétorque sur ce dernier point que le demandeur opérerait une confusion entre l’autorité de chose jugée relevant des organes juridictionnels et l’autorité de chose décidée attachée aux décisions administratives devenues définitives et irrévocables, tel que cela serait le cas en l’espèce étant donné que les décisions de révocation sus-visées n’ayant pas été contestées, le ministre aurait pu, à juste titre, les invoquer comme fondement à la décision précitée en l’absence de tout élément nouveau présenté par le demandeur afin d’invalider le constat de perte de l’honorabilité professionnelle du demandeur opéré par le ministre.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée2.

Il échet de rappeler que les conditions de délivrance d’une autorisation d’établissement tiennent, notamment, à l’existence de l’honorabilité et des qualifications concernées telles que celles-ci sont fixées à l’article 3 de la loi du 2 septembre 2011 qui dispose que :

« L’autorisation d’établissement requise au préalable pour l’exercice d’une activité visée par la présente loi est délivrée par le ministre si les conditions d’établissement, d’honorabilité et de qualification prévues aux articles 4 à 27 sont remplies. » L’article 6 de la loi précitée dispose que :

« (1) La condition d’honorabilité professionnelle vise à garantir l’intégrité de la profession ainsi que la protection des futurs cocontractants et clients.

(2) L’honorabilité professionnelle s’apprécie sur base des antécédents du dirigeant et de tous les éléments fournis par l’instruction administrative pour autant qu’ils concernent des faits ne remontant pas à plus de dix ans.

Le respect de la condition d’honorabilité professionnelle est également exigé dans le chef du détenteur de la majorité des parts sociales ou des personnes en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration de l’entreprise.

(3) Constitue un manquement privant le dirigeant de l’honorabilité professionnelle, tout comportement ou agissement qui affecte si gravement son intégrité professionnelle qu’on ne peut plus tolérer, dans l’intérêt des acteurs économiques concernés, qu’il exerce ou continue à exercer l’activité autorisée ou à autoriser.

(4) Par dérogation au paragraphe (3), constituent d’office un manquement qui affecte l’honorabilité professionnelle du dirigeant:

a) le recours à une personne interposée ou l’intervention comme personne interposée dans le cadre de la direction d’une entreprise soumise à la présente loi;

b) l’usage dans le cadre de la demande d’autorisation de documents ou de déclarations falsifiés ou mensongers;

2 Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en annulation, n° 21 et les autres références y citées c) le défaut répété de procéder aux publications légales requises par les dispositions légales relatives au registre de commerce et des sociétés ou le défaut de tenir une comptabilité conforme aux exigences légales;

d) l’accumulation de dettes importantes auprès des créanciers publics dans le cadre d’une faillite ou liquidation judiciaire prononcées;

e) toute condamnation définitive, grave ou répétée en relation avec l’activité exercée. » Il s’ensuit que l’exercice d’une activité réglementée par la loi du 2 septembre 2011 est subordonné au respect des conditions d’honorabilité et de qualification posées aux articles 4 à 27 de ladite loi, étant entendu que la condition d’honorabilité professionnelle n’est, notamment, pas remplie lorsque le dirigeant qui sollicite l’autorisation d’établissement s’est comporté ou a agi d’une manière qui affecte si gravement son intégrité professionnelle qu’on ne peut plus tolérer, dans l’intérêt des acteurs économiques concernés, qu’il exerce ou continue à exercer l’activité autorisée ou à autoriser (article 6 paragraphe 3) ou si son comportement ou agissement est de nature à entrer dans une des catégories visées à l’article 6 paragraphe 4, qui qualifie d’office ledit comportement ou agissement en manquement affectant l’honorabilité professionnelle du dirigeant.

Il est constant en l’espèce que le curateur a écrit au Parquet économique en date du 27 janvier 2012 en ces termes : « (…) Le sieur AAA fut un des administrateurs et l’administrateur-délégué d’CCC. Le rapport d’activité du curateur n’est pas actuellement dressé et ce pour la raison essentielle que la comptabilité a été saisie dès avant la mise en faillite de la société par Monsieur le Juge d’Instruction ….. via l’intermédiaire de la section IEFC du service de Police Judiciaire. D’après ma compréhension du dossier et sous le numéro de référence sus-indiqué, Monsieur le Juge d’Instruction …. est chargé d’une instruction à l’égard de Monsieur Arthur AAA et de Madame EEE, veuve de l’ancien actionnaire de la société. Sauf erreur de ma part, cette instruction est poursuivie du chef de vols, d’escroqueries, d’abus de biens sociaux, de blanchiment et d’abus de confiance au détriment de la FFF s.a.. D’après les informations que j’ai pu obtenir de cette dernière, un montant d’environ .… € avait été subtilisé par un employé de cette banque qui était le sieur EEE, associé unique de CCC. Les fonds ont été réceptionnés par CCC et utilisés à différents moyens. Le sieur AAA ne semble pas avoir profité personnellement de cette fraude mais a permis l’utilisation de la société qu’il dirigeait en tant qu’administrateur délégué et membre du conseil d’administration à des fins criminelles. Je suis dès lors d’avis que les éléments qui sont actuellement à ma disposition, laissent apparaître un manque d’honorabilité dans le chef du sieur AAA qui a permis l’utilisation de la société à des fins criminelles en violation des dispositions légales applicables. Sous réserve évidemment d’une décision de non lieu ou d’un acquittement, je ne vois pas actuellement le sieur AAA obtenir une nouvelle autorisation d’établissement (…) ».

Il est encore constant en l’espèce qu’il ressort d’une note du 1er février 2012 du Parquet du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg au ministère des Classes moyennes ce qui suit : « Dans son courrier Maître …. résume, à la connaissance du Parquet, de manière correcte l’instruction actuellement en cours relative à la société sous rubrique ».

Il est finalement encore constant qu’en date du 29 mars 2012, le ministre a révoqué les autorisations d’établissement portant les numéros N° …. et N°…. délivrées au demandeur respectivement le 23 septembre 2011 et le 29 septembre 2011 en raison des agissements mettant en cause son honorabilité professionnelle et constituant une violation des dispositions de la loi du 2 septembre 2011 tout en se référant aux décisions du 13 février 2012 et 6 mars 2012 suivant lesquelles « il aurait permis l’utilisation de la société, dont [il est] le dirigeant, à des fins criminelles ».

Si le juge administratif ne saurait qualifier un comportement comme constituant une infraction pénale à défaut de pouvoir se rallier à un jugement pénal ayant acquis autorité de chose jugée, il lui appartient néanmoins et il a l’obligation de contrôler si un fait est susceptible d’entraver l’honorabilité professionnelle de la personne concernée indépendamment de sa qualification pénale, pourvu que la matérialité du fait soit établie à suffisance de droit, sans violer le principe de la présomption d’innocence3.

Les éléments fournis par un curateur de faillite, le procureur général d'Etat et le procureur d'Etat constituent une base suffisante pour apprécier l'honorabilité professionnelle d'une personne, même en l'absence de poursuites pénales4.

Force est de constater en l’espèce que si les conditions de l’article 6 paragraphe 4 de la loi du 2 septembre 2011 établissant une liste de comportements constituant d’office un manquement qui affecte l’honorabilité professionnelle du dirigeant ne sont pas remplies, il n’en reste pas moins qu’il ressort à suffisance de droit des éléments et pièces soumis à l’examen du tribunal et, en particulier, de la note du 1er février 2012 du Parquet du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg au ministère des Classes moyennes ainsi que du courrier du curateur de la société anonyme CCC du 27 janvier 2012 que le comportement du demandeur qui s’est illustré en ayant probablement permis « l’utilisation de la société qu’il dirigeait en tant qu’administrateur délégué et membre du conseil d’administration à des fins criminelles » telles que notamment « vols, […] escroqueries, […] abus de biens sociaux, […] blanchiment et […] abus de confiance au détriment de la FFF s.a. » en vue de la soustraction frauduleuse d’un montant d’environ ….. euros à ladite banque est de nature à affecter si gravement son intégrité professionnelle qu’on ne peut plus tolérer, dans l’intérêt des acteurs économiques concernés, qu’il exerce ou continue à exercer l’activité autorisée ou à autoriser, de sorte, que les conditions posées à l’article 6 paragraphe 3 de la loi du 2 septembre 2011 étant réunies en l’espèce, ledit comportement est constitutif d’un manquement privant le demandeur de son honorabilité professionnelle, et ce même en l’absence d’une condamnation définitive. Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé de délivrer l’autorisation d’établissement sollicitée.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argument soulevé par le demandeur selon lequel le ministre aurait omis de déterminer que le refus de l’octroi de l’autorisation d’établissement serait proportionné et strictement nécessaire à garantir les objectifs énoncés par le législateur dans le cadre du droit à l’exercice d’une activité commerciale et indépendante dès lors que la condition de proportionnalité à laquelle se réfère le demandeur est intrinsèquement visée dans le prescrit de l’article 6 (3) de la loi du 2 septembre 2011 en ce que cet article confère au ministre un pouvoir discrétionnaire d’apprécier si le comportement en question d’un détenteur d’une autorisation d’établissement est suffisamment grave pour compromettre son intégrité professionnelle, ce pouvoir discrétionnaire étant, par ailleurs, 3 trib. adm. 24 novembre 2009 n°25537 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Autorisation d’établissement, n° 161 et les autres références y citées 4 trib. adm. 22 mars 1999 n°10716 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Autorisation d’établissement, n° 168 et les autres références y citées soumis à l’examen du tribunal de céans dans le cadre du présent recours, lequel a retenu plus en avant que les agissements du demandeur remplissent les conditions visées audit article.

Cette conclusion n’est pas non plus énervée par l’argument soutenu par le demandeur selon lequel, les décisions ministérielles visant la révocation d’autorisations d’établissement antérieurement lui délivrées ne pourraient jamais acquérir autorité de chose jugée alors que cette notion ne viserait que le dispositif d’une décision judiciaire, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, dès lors que le tribunal partage la position du délégué du gouvernement selon laquelle, le ministre a valablement pu se prévaloir de l’autorité de la chose décidée sur base de la triple identité des parties, de l’objet et de cause en l’espèce (et non de l’autorité de la chose jugée invoquée à tort par le demandeur) dans le cadre des décisions de révocation du 29 mars 2012, en l’absence de tout nouveau élément invoqué par le demandeur de nature à invalider le constat ministériel antérieurement établi.

Partant, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande d’allocation d’une indemnité de procédure de 3.000 euros est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant le rejette ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure formulée par la partie demanderesse ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, attaché de justice et lu à l’audience publique du 27 janvier 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 janvier 2014 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 31980
Date de la décision : 27/01/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-01-27;31980 ?

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