Tribunal administratif N° 31763 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2012 1re chambre Audience publique du 20 janvier 2014 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures en matière de chasse
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31763 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 décembre 2012 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit du tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, demeurant à L-
…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures du 30 octobre 2012 portant approbation du contrat de bail de chasse conclu le 11 octobre 2012 entre le collège des syndics du syndicat de chasse de … et Monsieur …, demeurant à L-…, relativement au lot de chasse n° … de … ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 4 décembre 2012, portant signification de la prédite requête à Monsieur …, pris « en sa qualité de Président du syndicat de chasse de … » ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé en date du 15 février 2013 au greffe du tribunal administratif ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Daniel BAULISCH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 janvier 2014.
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Par courrier recommandé du 18 novembre 2011, de surcroît signifiée par exploit d’huissier du même jour, Madame …, ensemble avec 2 autres personnes, adressa au syndicat de chasse de … une déclaration de retrait de ses fonds dudit syndicat de chasse.
Par courrier du même jour, également signifié par exploit d’huissier, l’avocat de susdits opposants éthiques à la chasse réitéra leur déclaration de retrait à l’adresse du syndicat de chasse de … Par courrier recommandé du 4 octobre 2012, Madame … s’adressa encore au ministre du Développement durable et des Infrastructures pour lui notifier son opposition à tout acte de chasse sur ses terrains et pour l’informer de sa déclaration de retrait précitée, tout en demandant au ministre compétent de l’informer des suites réservées à l’allocation du lot de chasse de ….
Le 11 octobre 2012, un contrat de prorogation du bail de chasse relativement au lot de chasse n° … de … fut conclu entre le collège des syndics du syndicat de chasse de …, agissant comme bailleur, et Monsieur …, agissant comme locataire, pour la période du 1er août 2012 au 31 mars 2021.
Ce contrat de bail de chasse fut approuvé par le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, ci-après dénommé le « ministre », le 30 octobre 2012.
Le 4 décembre 2012, Madame … a saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation sinon en réformation dirigé contre la susdite décision ministérielle d’approbation et, par requête déposée le même jour, elle sollicita encore le sursis à exécution de ladite décision jusqu’à ce que le recours au fond soit toisé, demandé dont elle fut déboutée par ordonnance du président du tribunal administratif du 12 décembre 2012.
Conformément aux dispositions de l’article 36, alinéa 3, de la loi du 25 mai 2011 sur la chasse, ci-après « la loi du 25 mai 2011 », un recours au fond est prévu à l’encontre des décisions du ministre au Développement durable et aux Infrastructures, ayant la chasse en ses attributions, statuant en vertu de ladite loi.
Le recours en annulation introduit à titre principal est par conséquent irrecevable.
Le recours subsidiaire en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai et de la loi, est pour sa part recevable.
Le syndicat de chasse de …, quoique informé par exploit d’huissier du dépôt de la requête introductive d’instance de la demanderesse, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, le tribunal statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Quant au fond et en fait, la demanderesse expose être propriétaire de terrains compris dans le lot de chasse n°… du syndicat de chasse de …, à savoir les terrains inscrits au cadastre de la commune de …, section B du chef-lieu, sous les numéros 1013, 1184/1 et 1201/1, et ce alors qu’elle serait pourtant opposante éthique à la chasse.
Par conséquent, par déclaration signifiée en date du 18 novembre 2011 au syndicat de Chasse de …, Madame … aurait demandé à voir sortir ses terrains du syndicat de Chasse (« Ausscheiden aus dem Jagdsyndikat »), la demanderesse, à l’appui de sa déclaration, s’étant formellement opposée à une « adhésion forcée» de ses terrains au syndicat de chasse en question qui réaliserait des objectifs contraires à ses convictions et qui iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un « juste équilibre» entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.
Elle affirme que si en date du 30 octobre 2012, le contrat de bail de chasse relatif au lot n° … a été approuvé par le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ni le contrat de bail relatif à la chasse, ni la décision ministérielle portant approbation dudit contrat ne feraient toutefois mention de sa demande explicite formulée en ce sens par le biais de la déclaration signifiée par voie d’huissier au syndicat de chasse de …, alors pourtant qu’elle insisterait que ses trois terrains cessent de faire partie du syndicat de chasse de … et que ces terrains seraient à exclure de l’assiette du lot de chasse n° …, Madame … réitérant son opposition à l’exercice de tout acte de chasse sur ses terrains, fût-il exercé dans le cadre d’une chasse administrative telle que prévue par les articles 55 et suivants de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse.
En droit, Madame … attaque la décision déférée pour divers motifs relevant tant de la procédure suivie en amont et des formes à respecter en aval de la décision que du fondement propre à la décision, motifs qui en substance peuvent être énumérés comme suit :
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illégalité de la décision ministérielle pour défaut de mention, dans le contrat de bail relatif à la chasse ou dans la décision ministérielle d’approbation, de sa demande d’exclusion et, partant, pour violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ;
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violation de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et de l’article 7, alinéa 2, de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse, ci-après dénommée la « loi du 25 mai 2011 », en ce que malgré sa déclaration expresse, les fonds lui appartenant continueraient de faire partie du lot de chasse n° … de … et le droit de chasse n’y serait pas suspendu. Dans son argumentaire, la demanderesse entend s’appuyer sur la jurisprudence en la matière de la Cour européenne des Droits de l’Homme au titre de laquelle le fait d’imposer à un propriétaire foncier opposé à la chasse pour des motifs éthiques l’obligation d’en tolérer l’exercice sur ses terres serait de nature à rompre le juste équilibre qui doit être ménagé entre la protection du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général et à faire peser sur le propriétaire concerné une charge disproportionnée, incompatible avec l’article 1er du Protocole additionnel n° 1. Sur ce, dépeignant les actes de chasse comme ne pouvant pas être réduits à la définition énoncée par la loi de 2011 et considérant qu’il conviendrait d’y inclure aussi les chasses au chien courant ou les chasses administratives, elle soutient que son droit de propriété lui permettrait de s’opposer à ce qu’un quelconque tiers puisse pénétrer sur ses fonds pour y pratiquer des actes de chasse. L’obliger à supporter « tous les ans la présence de chiens de chasse ainsi que celle d’hommes en armes sur ses terrains, ce lors de chasses administratives », constituerait une limitation apportée à la libre disposition du droit d’usage et partant une ingérence injustifiée dans la jouissance de son droit de propriété ;
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violation de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CEDH, combiné à l’article 14 de la CEDH, au motif que la loi du 25 mai 2011, tout comme la loi française dite « loi Verdeille », instituerait une différence de traitement injustifiée entre les grands et les petits propriétaires, différence expressément sanctionnée par la Cour européenne des Droits de l’Homme ;
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violation de l’article 11 de la CEDH, en ce sens que l’inclusion rémanente de ses terrains dans le lot de chasse n° … de … serait constitutive d’une atteinte à sa liberté d’association. Elle insiste encore dans ce contexte qu’elle ne pourrait pas non plus tolérer « l’exercice d’une chasse exercée sous mode au chien courant, respectivement l’exercice d’une chasse administrative sur ses terrains » ;
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violation de l’article 11 de la CEDH, combiné à l’article 14 de la CEDH, en ce que « l’Etat et les communes peuvent prendre en location en leur nom et à leurs frais un ou plusieurs lots de chasse » et en ce qu’elle devrait apporter ses terrains « pour que l’association en question, le cas échéant avec le concours des communes et de l’Etat, réalise des objectifs qu’elle désapprouve », étant précisé que cet état des choses irait au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un juste équilibre entre les intérêts contradictoires et ne saurait être considéré comme proportionné au but poursuivi ;
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violation de l’article 14 de la CEDH, combiné aux articles 10 et 11 de la CEDH, en raison d’une discrimination au détriment des membres (de droit) du syndicat de chasse opposés au principe du relaissement et au bénéfice de ceux qui y sont favorables ; et -
violation de l’article 9 de la CEDH au motif que l’obligation qui lui est faite d’apporter ses terrains à une association de chasse la prive de la possibilité d’agir conformément à ses convictions morales.
Il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de sa légalité intrinsèque, afin le cas échéant, lorsqu’il statue comme en l’espèce en tant que juge du fond, de substituer son appréciation à celle de l’administration et de prendre la décision qu’il considère en tant que juge du fond comme appropriée.
En ce qui concerne l’obligation de motivation mise en avant par la partie demanderesse, il y a lieu de rappeler qu’une telle obligation, inscrite à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, n’a pas une portée générale, mais s’impose seulement aux décisions qui refusent de faire droit à la demande de l’intéressé, révoquent ou modifient une décision antérieure, sauf si elles interviennent à la demande de l’intéressé et qu’elles y font droit, interviennent sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ou encore interviennent après procédure consultative, lorsqu’elles diffèrent de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elles accordent une dérogation à une règle générale.
Or il n’appert ni des éléments du dossier que la décision déférée s’inscrirait dans ce cadre déterminé, la décision ministérielle déférée, en ce qu’elle porte approbation du contrat de bail de chasse conclu le 11 octobre 2012 entre le collège des syndics du syndicat de chasse de … et Monsieur …, constituant au contraire une décision faisant expressément droit à la demande de Madame …, pour laquelle l’indication formelle des motifs n’est pas requise, obligation à ne pas confondre avec celle relative à l’existence de motifs légaux, cette question-là ne relevant pas de la régularité formelle d’une décision, mais de sa légalité intrinsèque.
En effet, il résulte des explications circonstanciées de la partie étatique, dûment documentées par les pièces figurant au dossier administratif, que si le syndicat de chasse avait rejeté dans un premier temps la déclaration de retrait notamment de Madame … en novembre 2011, le ministre avait toutefois en date du 27 juillet 2012 refusé un premier contrat de bail du 2 décembre 2011 et cela suite à l’avis du Commissaire de District du 10 avril 2012.
Suite à ce refus ministériel, un nouveau contrat de bail fut signé avec le même locataire en date du 16 octobre 2012, lequel fut approuvé en date du 30 octobre 2012 par le ministre compétent, cette approbation ministérielle constituant en l’espèce la décision déférée par la demanderesse au tribunal de céans.
Or, il appert à la lecture de ce contrat de bail que les parties audit contrat ont bien tenu compte notamment de la déclaration de retrait de Madame …, un paragraphe 6 libellé comme suit y ayant été ajouté :
« Folgende Sonderbestimmungen wurden vereinbart :
En vertu des dispositions de l’article 24 de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse, les propriétés des Dames … notamment les parcelles suivantes, sises dans la section de la Commune de … :
1013, au lieu-dit …» :
91,00 ares 1164/2710, au lieu-dit «… » :
6,25 ares 1184/2711, au lieu-dit « … » :
0,75 ar 1201/2712, au lieu-dit « … » :
15,01 ares 1201/2713, au lieu-dIt « … » :
1,29 ares Surface totale :
114,30 ares sont retirées de la location du droit de chasse pendant la durée du présent bail de chasse. La surface du lot de chasse no … du Syndicat de Chasse … est par conséquent réduit de 114,30 ares.(voir plans et extraits cadastraux joints) ».
Par ailleurs, si le juge statuant au provisoire, nécessairement à un stade d’instruction sommaire de l’affaire, avait retenu que « S’il est vrai qu’il n’appert point relever d’une bonne pratique administrative que les déclarations de la demanderesse et de ses deux sœurs n’aient été honorées de la moindre réponse, ne fût-ce que d’un accusé de réception, de sorte que la demanderesse - devenue par la suite l’unique propriétaire des terrains concernés - a valablement pu éprouver un sentiment légitime d’être fixée sur la réception », il résulte des pièces soumises actuellement au tribunal que le ministère du Développement durable et des Infrastructures avait par mail du 30 octobre 2012 directement informé la demanderesse du sort réservé à sa déclaration en y attachant une copie du contrat de bail contenant l’exclusion explicite des parcelles de Madame … du lot de chasse en question.
Aussi, encore que cette façon de procéder doive être considérée comme peu orthodoxe, alors que l’article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes prévoit qu’en cas de désignation d’un mandataire, l’autorité adresse ses communications à celui-ci et que la décision finale est en outre notifiée à la partie elle-même, de sorte qu’il aurait appartenu au ministre, saisi d’un recours tutélaire introduit en date du 4 octobre 2012 par l’avocat de la demanderesse, d’adresser également à cet avocat une copie du contrat de bail de chasse tel qu’approuvé par ses soins, Madame … ne saurait être suivie par le tribunal en ses affirmations selon lesquelles ni le contrat de bail de la chasse, ni la décision ministérielle portant approbation dudit contrat ne feraient mention de sa demande explicite de retrait de ses terrains, une telle affirmation, et le recours corrélatif fondé sur celle-ci, devant même être considérés comme abusifs, compte tenu du paragraphe 6 explicite du contrat de bail de chasse, dont la demanderesse, respectivement son avocat, auraient dû prendre connaissance au terme d’une lecture même superficielle.
Le moyen tiré de l’illégalité de la décision ministérielle déférée pour défaut de mention, dans le contrat de bail relatif à la chasse ou dans la décision ministérielle d’approbation, de sa demande d’exclusion, doit partant être rejeté pour être non fondé tant en fait qu’en droit.
En ce qui concerne les autres moyens de la demanderesse, tirés, à un titre ou à un autre, d’une violation par la décision déférée de diverses dispositions de la CEDH et de la loi du 25 mai 2011, le tribunal constate que ces moyens reposent tous sur l’affirmation, tirée de l’article 7, alinéa 2 de la loi du 25 mai 2011, que les fonds de Madame … feraient « implicitement mais nécessairement » partie du lot de chasse n° …, respectivement que Madame … serait « membre de jure » du syndicat de chasse.
Une telle affirmation repose cependant également sur une lecture erronée sinon lacunaire du contrat de bail de chasse et de la loi du 25 mai 2011.
En effet, comme relevé ci-avant, le contrat de bail de chasse ayant fait l’objet de la décision ministérielle actuellement déférée exclut explicitement notamment les terrains de la demanderesse de la location du droit de chasse pendant la durée du bail de chasse afférent et précise que la surface du lot de chasse n° … est réduite en conséquence par soustraction des surfaces des terrains retirés.
Par ailleurs, il résulte encore de l’article 7 de la loi du 25 mai 2011 que « L’exercice du droit de chasse est suspendu1 sur les fonds appartenant à des personnes qui pour des convictions éthiques personnelles sont opposées à la pratique de la chasse et qui ont notifié une déclaration écrite et motivée conformément aux dispositions de l’article 24 de la présente loi », tandis que ledit article 24 - explicitement cité par le paragraphe 6 du contrat de bail de chasse - indique que « Les propriétaires qui pour des convictions éthiques personnelles sont opposés à la pratique de la chasse sur leurs fonds ne font pas partie2 d’un syndicat de chasse (…) L’exercice de la chasse est alors suspendu sur ces fonds pendant la durée du bail (…) ».
L’affirmation selon laquelle la demanderesse serait toujours membre du syndicat de chasse et que ses terrains feraient partie du lot de chasse n° … est donc factuellement et juridiquement fausse ; les moyens afférents, tous fondés sur cette prémisse erronée, sont partant à rejeter.
Finalement, en ce qui concerne l’affirmation de la demanderesse qu’elle devrait, en dépit de son opposition et de sa déclaration de retrait, endurer des chasses au chien courant ainsi que des chasses administratives sur son terrain, la demanderesse affirmant en effet qu’elle serait « obligée de supporter tous les ans (sic) la présence de chiens de chasse ainsi que celle d’hommes en armes sur ses terrains, ce lors de chasses administratives », il convient de rappeler que le tribunal est saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, et non contre la législation afférente, prise en sa globalité.
Or, à cet égard, la décision déférée n’a pas pour objet d’autoriser une chasse administrative sur les terrains de la demanderesse, une telle chasse devant faire l’objet conformément à l’article 55 de la loi du 25 mai 2011 d’une décision distincte du ministre compétent, laquelle doit de surcroît conformément à l’article 56 de la même loi être notifiée 1 Souligné par le tribunal.
2 Souligné par le tribunal.
aux intéressés, dont notamment les propriétaires des fonds retirés, lesquels pourront ainsi, le cas échéant et à ce moment, faire usage des possibilités de recours leur ouvertes.
Il convient par ailleurs de relever que l’affirmation de la demanderesse, selon laquelle elle serait forcée de supporter tous les ans des chasses administratives sur ses terrains doit être considérée comme étant pour le moins exagérée, alors qu’outre qu’elle reste en défaut de verser ne serait-ce qu’une seule décision du ministre ayant ordonné pareille chasse sur ses terrains, il résulte des explications de la partie étatique, non contestées par la demanderesse, que depuis 2000, seules deux chasses administratives ont eu lieu au Grand-Duché et cela en 2001 et 2002 dans le Bambësch sur le territoire de la Ville de Luxembourg.
Quant à l’affirmation que ses terrains devraient encore supporter des chasses au chien courant, il convient de rappeler - outre qu’une telle affirmation reste en l’état de pure allégation - que les actes de chasse sont suspendus sur les terrains de la demanderesse conformément aux articles 7 et 24 précités de la loi du 25 mai 2011.
Or, l’exercice de la chasse est défini par l’article 6 de la loi du 25 mai 2012 comme étant « le droit exclusif de chasser les animaux sauvages considérés comme gibier et de s’approprier le gibier blessé ou mis à mort à la suite d’un acte de chasse » : dès lors, tout acte s’inscrivant dans ce cadre est proscrit sur les terrains de la demanderesse, en ce compris la chasse au chien courant, c’est-à-dire par des chiens destinés à poursuivre et à attraper du gibier.
S’il est vrai que l’article 5 de la loi ne considère pas comme des actes de chasse le fait pour un conducteur de chien de sang de procéder à la recherche d’un animal blessé ou de contrôler le résultat d’un tir sur un animal, ou encore le fait, à la fin de l’action de chasse, de récupérer sur le terrain d’autrui ses chiens perdus voire le passage des chiens courants sur les terrains sur lesquels la chasse est interdite, suspendue ou limitée, à moins que le chasseur a poussé les chiens à le faire, actes que la demanderesse semble néanmoins personnellement reprouver en tant qu’actes incompatibles avec ses conceptions éthiques, l’admissibilité de tels actes - indépendamment de leur qualification - ne résulte toutefois pas de la décision déférée, mais directement de la loi, la loi les autorisant sur tous les terrains, en ce compris les terrains sur lesquels la chasse est interdite, limitée ou suspendue.
Les moyens afférents de la demanderesse sont dès lors inopérants, en ce que ces actes critiqués par la demanderesse seraient réalisables sur ses terrains indépendamment de la décision déférée, voire même en dépit d’une éventuelle et hypothétique annulation par le tribunal de la décision déférée telle que recherchée par la demanderesse, étant souligné qu’il n’appartient en tout état de cause pas au tribunal de « dire que tout acte de chasse de quelque nature qu’il soit est interdit sur les parcelles », une telle demande, outre de dépasser clairement l’objet et la portée de la décision ministérielle déférée, consistant en une invitation au tribunal à statuer outre, voire contre la loi. Or, il y a lieu de rappeler à cet égard, pour autant que de besoin, qu’il n’appartient pas au tribunal de modifier d’une quelconque manière la loi, le tribunal étant au contraire tenu d’appliquer la loi et ses règlements d’exécution, la seule exception à ce principe absolu se trouvant inscrite à l’article 95 de la Constitution, aux termes duquel les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes à la loi, étant entendu qu’il appartient au seul pouvoir législatif de modifier ou d’adapter une disposition légale contenant un prétendu illogisme, s’agissant là d’une prérogative appartenant au seul pouvoir politique, échappant au champ de compétence des juridictions.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours, pris en ses différents volets et moyens, est à rejeter comme n’étant pas fondé.
La demanderesse réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500.- €., demande qui, au vu de l’issue du litige, est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours en annulation introduit à titre principal irrecevable ;
reçoit le recours subsidiaire en réformation en la forme ;
le déclare cependant non fondé et en déboute ;
rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;
met les frais à charge de la demanderesse.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 janvier 2014 :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Marc Sünnen 8