Tribunal administratif N° 31737 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 novembre 2012 1re chambre Audience publique 20 janvier 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31737 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 novembre 2012 par Maître Lucien WEILER, avocat à la Cour, inscrit du tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 12 novembre 2012 portant autorisation conditionnelle de construire un abri de chasse ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian BILTGEN, en remplacement de Maître Lucien WEILER, en ses plaidoiries à l’audience publique du 13 janvier 2013.
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Par demande du 4 juin 2012, Monsieur … sollicita de la part du ministre du Développement durable et des Infrastructures, dénommé ci-après par « le ministre », une autorisation de construire un chalet de chasse sur la parcelle n° … inscrite au cadastre de la commune de …, section D de …, au lieu-dit « … ».
Par courrier 15 juin 2012, le ministre accusa réception de cette demande.
En date du 20 août 2012, le ministre refusa d’accorder son autorisation pour le projet lui soumis, au motif suivants : « En effet, la construction projetée dépasse de loin les dimensions maxima usuelles que le Ministère accorde pour ce genre de constructions (25 m2 de surface au sol, hauteur max. 3 m).
Dans l’intérêt de la protection de l’environnement naturel et de l’intégrité resp. de la beauté des sites naturels, il y a effectivement lieu d’éviter qu’un abri de chasse ne prenne des allures trop importantes.
Je vous invite à me soumettre une nouvelle proposition pour un abri adapté aux dimensions précitées, à réaliser en bois brut non raboté, ni traité, sans socle en béton ni maçonnerie. (…) » Par courrier du 7 septembre 2012, Monsieur … fit introduire par le biais de son mandataire un recours gracieux contre le refus ministériel du 20 août 2012.
Par décision datée au 12 novembre 2012, le ministre fit droit à l’autorisation de construire sollicitée tout en la soumettant à une série de conditions préalables. Cette décision est libellée comme suit :
« En réponse à votre recours gracieux du 7 septembre 2012 par laquelle vous sollicitez un réexamen de la décision 76130 du 20 août 2012 relative à la construction d'un abri de chasse sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …: section D de … (…), sous le numéro …25, j'ai l'honneur de vous informer qu'en vertu de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je vous accorde une autorisation aux conditions suivantes:
1. La cabane de chasse sera érigée sur la parcelle cadastrale N° …25 située sur le territoire de la commune de …, section D de … au lieu-dit «…» ;
2. L'emprise au sol ne dépassera pas le total de 36 m2, y compris aménagements connexes tels que surplombement, terrasse couverte ou non, remise pour bois de chauffage, etc.) ;
3. L'abri sera entièrement construit en bois brut non raboté ni traité et placé sur le sol nu sans socle en béton ni maçonnerie ;
4. Aux parties extérieures, ne pourront être appliquées que des couleurs foncées, non reluisantes, adaptées au paysage. Sur les parties extérieures, y compris la toiture, l'emploi de la tôle galvanisée et de tout autre matériau reluisant est interdit ;
5. Aucune matière dangereuse n'y sera stockée ; aucune eau usée n'y sera produite ou déversée, ni quelconque autre matière polluante ;
6. La construction servira uniquement comme abri de chasse. Tout changement d'affectation est interdit ;
7. La construction ne pourra servir à l'habitation, même occasionnelle, et ne pourra pas être équipée à cette fin ;
8. L'abri ne sera pas raccordé aux réseaux publics d'eau potable, d'énergie et de télécommunication et la mise en place d'installations photovoltaïques est interdite :
9. Aucun autre abri de chasse ne sera toléré sur le lot de chasse de … ;
10. La végétation ligneuse existante sera conservée pour autant qu'elle ne gêne pas directement la réalisation du projet, resp. regarnie dès l'achèvement des travaux suivant les instructions du préposé forestier (M. …, tél : …) ;
11. Des nouveaux plans de construction respectant les conditions énumérées ci-dessus me seront soumis pour approbation avant le commencement des travaux.
L'autorisation n'est valable que pour la durée du bail en cours (01/08/2012-
31/3/2021). La construction sera enlevée après l'expiration du bail ou devra faire l'objet d'une nouvelle demande de la part de l'adjudicataire de lot de chasse pour le bail suivant.
La présente vous est accordée sans préjudice d'autres autorisations éventuellement requises.
La présente décision ne sort ses effets qu'après approbation des plans de constructions mentionnés sub. 11. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2012, Monsieur … a fait introduire par le biais de son mandataire un recours en réformation de la décision du 29 novembre 2012 qu’il considère, en raison des conditions y imposées, comme refus partiel de sa demande d’autorisation de construire.
Il sollicite encore la condamnation de l’Etat à une indemnité de procédure de 1500,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de la procédure devant les juridictions administratives, intitulée ci-après « la loi du 21 juin 1999 ».
Il y a lieu de relever d’abord que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal, bien que la requête introductive ait été valablement notifiée par la voie du greffe au délégué du Gouvernement en date du 29 novembre 2012. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.
Conformément aux dispositions de l’article 58 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée « la loi du 19 janvier 2004 », un recours au fond est prévu à l’encontre des décisions du ministre ayant la protection de l’environnement dans ses attributions et statuant en vertu de ladite loi, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.
A titre liminaire le demandeur sollicite le tribunal de rectifier une erreur matérielle dans la décision déférée relative à la désignation du numéro de cadastre du fonds sur lequel la construction litigieuse est prévue, étant donné qu’au lieu d’autoriser la construction sur la parcelle n° … de la commune de …, section D de …, comme il était demandé, le ministre se serait erronément référé à une parcelle …25, au même lieu-dit, mais qui n’existerait pas.
Force est effectivement au tribunal de constater que tant la demande d’autorisation initiale que le recours gracieux font toujours référence à une construction sur la parcelle n° … de la commune de …, section D de …, tel que cela ressort encore de l’extrait du plan cadastral versé à l’appui. Il résulte du même extrait qu’au lieu-dit « … » il n’existe pas de parcelle sous le n° …25.
Faute pour l’Etat d’avoir pris position quant à la différence dans la désignation de la parcelle visée, force est dès lors au tribunal de retenir que la référence par le ministre au numéro cadastral n° …25 procède d’une erreur matérielle qu’il appartient au tribunal de rectifier pour lui donner la désignation cadastrale correcte, à savoir le n° … de la commune de …, section D de …, au lieu-dit « … ».
Quant au fond le demandeur fait valoir que les conditions imposées par le ministre à la base de l’autorisation litigieuse seraient trop sévères et irréalistes et de ce fait inacceptables.
A ce titre, il fait plaider qu’il conteste les conditions n°2, n°3, ainsi que la condition n°11, conditions auxquelles le recours en réformation est limité.
A l’audience des plaidoiries le demandeur a expliqué que par une nouvelle décision non attaquée du 18 juillet 2013, le ministre a approuvé le plan de construction, tel qu’il était joint à la demande, à condition que les dimensions de longueur et de largeur ne dépassent pas 6,5 mètres respectivement 5,5 mètres.
Le demandeur a par ailleurs indiqué qu’il acceptait les dimensions maximales y fixées par le ministre et qu’il renonçait en conséquence à ses moyens relatifs à la condition n°2 portant sur l’emprise au sol maximale de 36 m2.
Il a également déclaré renoncer à sa demande relative à la condition n° 11 de la décision déférée, ayant subordonné l’autorisation de construire à l’approbation par le ministre de plans rectifiés, alors que cette approbation aurait eu lieu par le biais de cette nouvelle décision du 18 juillet 2013.
Il y a dès lors lieu de donner acte au demandeur que son recours en réformation est finalement limité à la mise en cause de la seule condition n°3 de la décision déférée.
A ce titre, le demandeur estime que le ministre aurait excédé ses pouvoirs tirés de l’article 57 en interdisant tant l’utilisation de bois raboté que le traitement de ce bois et en imposant que le chalet soit placé sur le sol nu sans socle en béton ni maçonnerie.
Il fait plaider que le ministre baserait à tort cette décision sur le souci de protection de la nature et des ressources naturelles, alors qu’il resterait en défaut de motiver en quelle mesure les conditions imposées empêcheraient une nuisance à l’environnement respectivement contribueraient à la protection de ce dernier.
En ce qui concerne l’interdiction d’utiliser du bois raboté, le demandeur explique que le type de construction envisagé, tel qu’il résulte des plans et schéma versés à l’appui du recours, utiliserait des poutres de bois circulaires d’un diamètre de 15 centimètres, qui seraient assez lisses pour avoir été réalisées par des machines et qui seraient taillées de façon à s’imbriquer les unes sur les autres sans laisser de fentes entre elles pour avoir un effet isolent par elles seules. Ces poutres, bien que préfabriquées, resteraient à l’état de bois brut et ne seraient pas à considérer comme bois raboté. Le ministre resterait par ailleurs en défaut de justifier en quoi le rabotage d’un bois de construction serait nuisible à l’environnement.
En ce qui concerne l’interdiction de traiter le bois, le demandeur explique qu’il avait annoncé vouloir traiter le bois à l’aide de produits biodégradables à base d’huile de lin, non toxiques, facile à manipuler et d’une durée de vie excellente. Dans la mesure où un tel traitement serait absolument favorable à l’environnement, le ministre resterait en défaut de rapporter la preuve contraire. Le demandeur souligne encore qu’il serait tout-à-fait illogique d’interdire d’un côté tout traitement, même biodégradable et d’autoriser d’un autre côté, la mise en peinture du même bois par des couleurs foncées.
Quant à la pose du chalet de chasse, le demandeur estime encore que sa proposition de fixer le chalet en bois sur des piliers en béton coulé, enfoncés dans le sol et amovibles, serait non seulement de nature à garantir la solidité de la construction et par ce biais la sécurité des personnes utilisant le chalet, mais serait également de nature à éviter le contact direct avec le sol et partant à favoriser la circulation d’air sous le chalet, limitant de ce fait le pourrissement du bois et le besoin de le remplacer régulièrement par du bois neuf. En imposant un placement sur le sol nu, le ministre préconiserait une solution moins écologique tout en se gardant d’expliquer de quelle manière la méthode d’installation proposée serait défavorable à l’environnement.
Force est d’abord au tribunal de constater qu’il n’est pas contesté en cause que les fonds accueillant le chalet de chasse litigieux se trouvent classés dans une zone non urbanisée et non destinée à être urbanisée et doivent de ce fait être considérés comme zone verte au sens de l’article 5 alinéa 4 de la loi du 19 janvier 2004.
L’article 5 de la loi du 19 janvier 2004 ayant trait aux constructions en zone verte dispose que :
« Il ne peut être entamé ni érigé, sans l'autorisation du Ministre, aucune construction quelconque, incorporée ou non au sol, à une distance inférieure à trente mètres:
a) des bois et forêts d'une étendue d'un hectare au moins;
b) des cours d'eau chaque fois que le raccordement à la canalisation locale n'est pas possible ou fait défaut;
c) des zones protégées définies aux articles 34, 40 et 46.
Dans les communes régies par un plan ou un projet d'aménagement général couvrant l'ensemble de leur territoire, toute construction, incorporée au sol ou non, n'est autorisée que dans les zones affectées à l'habitation, à l'exploitation de commerces, à l'implantation d'industries, aux installations et constructions sportives et assimilées, ainsi qu'à d'autres destinations nécessitant en ordre principal des constructions immobilières sur la totalité de l'aire concernée.
Dans les parties du territoire de ces communes situées en dehors des zones définies à l'alinéa qui précède, parties dénommées "zone verte" dans la présente loi, seules peuvent être érigées des constructions servant à l'exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d'utilité publique. Les constructions restent cependant soumises à l'autorisation du Ministre (…) ».
Au vu de la disposition légale qui précède, il y a lieu de retenir, d’une part, que toute construction en zone verte nécessite l’approbation du ministre ayant dans ses attributions la protection de l’environnement, et, d’autre part, que pour être autorisable en zone verte une construction doit nécessairement servir à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique.
En règle générale sont à considérer comme étant conformes à l’affectation d’une zone agricole, les constructions et installations qui sont nécessaires à exploitation autorisée, en l’espèce l’exploitation cynégétique, c'est-à-dire qui sont utilisées pour les besoins de la chasse telle qu’elle est réglementée. De plus, ces constructions et installations doivent avoir un lien fonctionnel direct avec l’exploitation cynégétique, les bâtiments y relatifs devant en effet correspondre à une nécessité concrète dans le cadre de l’exploitation envisagée et les dimensions devant être en rapport avec cette nécessité. Il se dégage des considérations qui précèdent que dès que l’exploitation envisagée passe à l’arrière plan et cède le pas à d’autres utilisations – par exemple des activités de loisir ou commerciales – la conformité à la zone ne peut plus être admise1.
En l’espèce force est de constater que, par sa décision du 12 novembre 2012, telle que déférée, le ministre a donné son accord de principe quant à la nature et la destination de la construction envisagée, ainsi que quant à l’endroit de son implantation, mais qu’il soumet son autorisation à certaines conditions, dont une seule demeure litigieuse.
Aux termes de l’article 57 de la loi du 19 janvier 2004, « le Ministre peut assortir les autorisations requises en vertu des articles qui précèdent de conditions telles que les ouvrages à exécuter et les opérations à réaliser ne puissent nuire à l’environnement. » Dans ce contexte, il convient de rappeler que les dispositions de la loi du 19 janvier 2004 ne doivent évidemment pas être appliquées comme interdisant ipso facto tout projet qui serait de nature à affecter à court terme l’environnement existant, sous peine de paralyser toute activité humaine, mais doivent être appliquées au cas par cas, en fonction des caractéristiques propres de chaque projet ainsi que des mesures et obligations imposées à l’exploitant afin de préserver en définitive les objectifs poursuivis par la loi2.
Parmi les conditions auxquelles l’autorisation de construire est soumise, le demandeur se limite actuellement à mettre en cause les conditions relatives au type de bois utilisé, son traitement et la technique de pose du chalet, exigences regroupées par le ministre sous la condition n°3 de la décision déférée.
Le tribunal constate que le ministre, confronté à ces contestations circonstanciées tant dans le cadre du recours gracieux que dans celui du recours contentieux, n’a pas utilement pris position, mais, en ce qui concerne le recours gracieux, qu’il s’est limité à rappeler les conditions sans autre justification, et, en ce qui concerne le recours contentieux, qu’il a omis de rencontrer les critiques de demandeur, et a fortiori de préciser ses motifs y relatifs.
Ainsi, il n’est pas décelable, à défaut de toute explication du ministre, dans quelle mesure l’article 57 de la loi du 19 janvier 2004 par lui cité serait invocable en l’espèce.
Plus spécialement en l’espèce, en ce qui concerne la nature des matériaux susceptibles d’être utilisés en zone verte, il y a lieu de souligner que la partie étatique reste en défaut de préciser en quoi la construction d’un chalet, telle que proposée par le demandeur, à base de poutres en bois brut préfabriquées, traitées par un produit biodégradable, et qui serait fixé au sol sur 9 piliers en béton amovibles, serait de nature à avoir un impact négatif sur l’environnement naturel dans lequel la construction est envisagée.
1 Par analogie : Trib. adm. 23 mai 2012, n°27001 du rôle, Pas. adm. 2012, V°Environnement, n°74 2 Cour adm. 2 juillet 2002, n° 14623C, Pas. adm. 2012, V° Environnement, n° 50.
Il y a lieu de souligner qu’aucune disposition légale ou règlementaire n’impose des caractéristiques spécifiques aux constructions en zone verte.
A ce titre, il y a lieu de relever que dans la mesure où le choix des matériaux pour une construction en zone verte est susceptible d’avoir un impact sur l’environnement naturel, le ministre peut, afin de garantir un impact minimal sur l’environnement naturel, émettre des lignes de conduite. Néanmoins, et même si de telles lignes de conduites avaient effectivement été élaborées par le ministre, il n’en reste pas moins qu’elles ne pourraient constituer que de simples recommandations, étant donné qu’elles n'auraient pas de caractère légal. En effet, elles ne constituent ni des actes réglementaires, ni des décisions obligatoires pour les administrés, de sorte à ne s’imposer aux tribunaux. Ces lignes de conduites ne sauraient être invoquées comme base juridique suffisante, alors qu'elles ne reflètent que l'opinion de son auteur et ne constituent pas une norme juridique dont le respect s'impose à ses destinataires3.
Dès lors, l’existence éventuelle de telles lignes de conduite ne dispense pas le ministre d’analyser in concreto l’incidence des matériaux envisagés par le demandeur sur l’environnement naturel.
Force est au tribunal de constater que le ministre n’a pas fourni au dossier les éléments d’appréciation nécessaires l’ayant guidé dans l’appréciation de l’impact négatif de la construction telle qu’envisagée sur l’environnement, de sorte à mettre le tribunal - et l’administré - dans l’impossibilité de vérifier l’existence de tels critères et l’incidence négative afférente du projet immobilier litigieux sur son environnement, compte tenu par ailleurs des explications du demandeur quant à la réalisation de son projet immobilier.
En effet, en matière de contentieux administratif, la charge de la preuve est partagée entre les parties demanderesse et défenderesse. Ainsi, si le régime administratif de la preuve fait en premier lieu peser le fardeau de la preuve sur le demandeur, lequel doit effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué, il n’en reste pas moins que l’administration, c’est-à-
dire la partie défenderesse, ne saurait rester purement passive. En effet, l’administration doit collaborer à l’établissement des preuves, ceci spécialement dans les cas dans lesquels elle détient les pièces ou informations nécessaires à la connaissance de la vérité ou encore, lorsque l’acte soumis au contrôle du juge est le fruit d’une initiative de l’administration, l’appelant à démontrer notamment la matérialité des faits à la base de sa décision4.
En l’espèce, les faits allégués dans la requête introductive d’instance, qui ne sont a priori pas contredits par les pièces produites en cause, sont à considérer comme établis, dans la mesure où le demandeur apporte des indices et des indications de nature à sous-tendre ses prétentions5.
3 Trib.
adm.
14 novembre 2012, n°29193 du rôle, disponible sur http://www.justice.public.lu/fr/jurisprudence/juridictions-administratives 4 Trib. adm. 21 mars 2002, n° 13690, Pas.adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 606, et autres références y citées.
5 Trib. adm. 21 mars 2002, n° 13690, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 608, et autres références y citées.
Or, en l’absence de prise de position de la part de l’Etat susceptible de documenter les motifs à la base de la décision litigieuse, le tribunal n’a pas été mis en mesure de procéder à un quelconque examen utile des motifs qui sous-tendent la décision litigieuse, étant entendu que la seule consultation des pièces versées en cause par la partie demanderesse n’est pas de nature à combler utilement cette carence, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de puiser de sa propre initiative les motifs d’une décision administrative dans le dossier administratif.
Le tribunal est partant amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier, et en ce qui concerne la condition n°3 actuellement seule mise en cause, la décision déférée est dépourvue de motifs et que l'autorisation sollicitée aurait dû être accordée au demandeur dans les modalités par lui proposées, qui, de l’avis du tribunal, ne se heurtent à aucune prescription légale spécifique et qui sont a priori de nature à minimiser le plus possible l’impact sur l’environnement naturel de la construction, essentiellement provisoire, telle qu’envisagée.
Monsieur … sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500,- euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.
Eu égard à l’issu du litige, ainsi qu’à l’attitude essentiellement passive de l’Etat, et eu égard au fait que le demandeur a dû recourir aux services d’un avocat pour soutenir sa demande, le tribunal fixe ex aequo et bono une telle indemnité de procédure à la somme de 750,- euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme, dit qu’il y lieu de lire que l’autorisation de construire du 12 novembre 2012, avec la référence 76130-G MS/mw, vise une implantation d’un chalet de chasse sur la parcelle n° … inscrite au cadastre de …, section D de …, au lieu-dit « … » donne acte au demandeur qu’au fond il limite son recours en réformation à la condition n°3 de la décision déférée du 12 novembre 2012 ;
au fond le dit justifié ;
partant, par réformation accorde à Monsieur … l’autorisation pour la construction d’un chalet de bois ancrée au sol par neuf piliers en béton coulé d’au maximum 80 centimètres de profondeur, de 50 centimètres au maximum de longueur et de 50 centimètres de largeur, ces piliers étant à enlever du sol au moment de la remise en pristin état, ledit chalet devant être entièrement construit en poutres de bois brut façonnées de façon à s’imbriquer aisément, et, si besoin en est, uniquement traité à l’aide de produits huileux naturels à base de résines non toxiques, microporeux, faciles à manipuler et biodégradables.
condamne l’Etat à payer à Monsieur … une indemnité de procédure de 750,-
euros ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 janvier 2014 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, Olivier Poos, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Schmit s. Sünnen 9