Tribunal administratif N° 31578 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 octobre 2012 1re chambre Audience publique du 15 janvier 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre, en matière de permis de construire
JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 31578 du rôle et déposée le 24 octobre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL, avocat à la Cour, assisté de Maître Martine KRIEPS, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre du 24 juillet 2012 rejetant son recours gracieux du 25 avril 2012 introduit contre l’autorisation de construire numéro … délivrée le 25 janvier 2012 par le même bourgmestre à la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, pour un ensemble de deux maisons jumelées sises à … ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 26 octobre 2012, portant signification de ladite requête à l’administration communale d’Esch-sur-
Sûre, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à L-9650 Esch-sur-Sûre, 7, rue du Moulin et à la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son gérant actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 novembre 2012 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre ;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 janvier 2013 par Maître Gilbert REUTER au nom de l’administration communale d’Esch-sur-
Sûre ;
Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 février 2013 par Maître Roland MICHEL au nom de Monsieur … ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mars 2013 par Maître Gilbert REUTER au nom de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Martine KRIEPS, en remplacement de Maître Roland MICHEL, et Maître Gilbert REUTER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 décembre 2013.
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Le 25 janvier 2012, le bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre, ci-après désigné par le bourgmestre, délivra sous le numéro …, une autorisation à la société … pour la construction d’un ensemble de deux maisons jumelées à ….
Par courrier de son mandataire du 25 avril 2012, Monsieur … fit introduire un recours gracieux contre l’autorisation de bâtir numéro …, précitée, délivrée par le bourgmestre le 25 janvier 2012.
Par courrier du 24 juillet 2012, le bourgmestre s’adressa au mandataire de Monsieur … en les termes suivants :
« J'accuse bonne réception de votre courrier daté au 25 avril 2012, par lequel vous formez un recours gracieux contre l'autorisation de bâtir no. … du 25 janvier 2012. Celle-ci porte sur la construction, par la société …, d'un bloc de deux maisons jumelées à …, .
Comme le projet en question est toutefois conforme aux dispositions du plan d'aménagement particulier applicable et au règlement communal sur les bâtisses, je considère que rien ne justifie le retrait de l'autorisation attaquée. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2012, inscrite sous le numéro 31578 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du bourgmestre du 24 juillet 2012 rejetant son recours gracieux du 25 avril 2012 introduit contre l’autorisation de bâtir numéro … délivrée le 25 janvier 2012 par le bourgmestre à la société à responsabilité limité ….
La partie défenderesse se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité ratione temporis et ratione materiae du présent recours, ainsi que l’intérêt à agir du demandeur.
Le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1, de sorte qu’il convient d’analyser la recevabilité du présent recours.
Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de permis de construire, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal. Le tribunal est par contre, et à défaut de contestations plus circonstanciées de la partie défenderesse, compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation introduit en l’espèce.
1 Cour adm., 7 octobre 2010, n° 27059C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 640 et autres références y citées Quant à son intérêt à agir, le demandeur soutient qu’en sa qualité de propriétaire voisin de la construction projetée, sa situation individuelle serait directement affectée du fait du volume de cette construction. Il explique que la nouvelle construction entraînerait une déviation des eaux pluviales et usées en cas de forte pluie vers sa maison et se réfère dans ce contexte à un rapport d’expertise du 23 avril 2012. Le système d’évacuation des eaux dans la localité de Heiderscheid ne permettrait pas de recueillir les eaux pluviales et usées en cas de forte pluie ce qui aurait déjà pu être observé à plusieurs reprises et ce qui serait connu par les autorités communales. Ainsi, lors de l’élaboration du plan d’aménagement particulier du lotissement « …» en 2009, le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, ci-après désigné par « le ministre », aurait approuvé celui-ci sous condition que les problèmes d’évacuation des eaux soient résolus avant toute construction en ces lieux. Il affirme qu’aucune modification du système d’évacuation des eaux n’aurait été réalisée depuis. Il déplore que la localité de Heiderscheid ne disposerait pas d’un système séparatif d’évacuation des eaux, mais d’un système mixte, de sorte qu’en cas de forte pluie non seulement les eaux pluviales, mais également les eaux usées seraient déversées sur sa propriété. Il estime que la construction projetée risquerait d’entraîner une perte de la valeur de sa propriété immobilière.
L’intérêt pour agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter2, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés3.
Il s’ensuit qu’au vu des explications du demandeur et à défaut de contestations plus circonstanciées de la part de la partie défenderesse, le tribunal est amené à retenir l’existence d’un intérêt à agir dans le chef du demandeur.
Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.
Quant aux faits, le demandeur explique que l’autorisation de construire numéro … délivrée le 25 janvier 2012 par le bourgmestre aurait été affichée le 27 janvier 2012 et que par courrier du 9 février 2012, il aurait informé le ministre que l’avis de celui-ci du 29 octobre 2009, d’après lequel « en ce qui concerne les problèmes potentiels d’évacuation des eaux usées, il va de soi qu’ils devront être résolus avant toute construction en ces lieux », n’aurait pas été respecté.
Le 22 février 2009, le ministre aurait invité l’administration communale de Heiderscheid à prendre position par rapport à son courrier du 9 février 2012, mais puisqu’aucune prise de position ne serait intervenue, il aurait introduit un recours gracieux le 25 avril 2012 contre l’autorisation de construire litigieuse.
Quant à la légalité externe de la décision du bourgmestre du 24 juillet 2012, le demandeur estime qu’elle ne serait pas suffisamment motivée tant au niveau légal qu’au niveau factuel. Il 2 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247.
3 Trib. adm. prés. 27 septembre 2002, n° 15373 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 3 et autres références y citées reproche au bourgmestre de ne pas avoir pris position concernant l’aggravation de sa situation et de celle de sa propriété en ce que la construction projetée comporterait un risque non négligeable de déversement des eaux pluviales et usées sur son terrain et de ne pas s’être prononcé sur le rapport d’expertise du 23 avril 2012 qu’il aurait versé.
L’obligation de motivation se trouve inscrite à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes et s’impose notamment aux décisions intervenant sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle, tel que c’est la cas de la décision du décision du bourgmestre du 24 juillet 2012 sous examen, ladite disposition exigeant en effet que les décisions visées indiquent formellement les motifs par l’énoncé sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.
Il convient encore d’ajouter que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste en principe dans la suspension des délais de recours, la décision restant valable lorsque l’administration produit ou complète de manière utile les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif.4 En l’espèce, si la motivation contenue dans la décision déférée du 24 juillet 2012 est certes succincte, le bourgmestre a cependant indiqué que le projet de construction projeté serait conforme aux dispositions du plan d’aménagement particulier applicable et au règlement communal sur les bâtisses, de sorte que le tribunal est amené à retenir que les motifs gisant à la base de la décision déférée ressortent à suffisance de droit de la décision elle-même ainsi que des explications complémentaires fournies par la partie défenderesse, étant encore rappelé que l’existence de motifs légaux relève de la légalité intrinsèque d’une décision, de sorte que le moyen tiré d’une absence de motivation laisse d’être fondé.
Quant à la légalité interne de la décision du bourgmestre du 24 juillet 2012, le demandeur soutient en substance qu’en accordant l’autorisation de construire litigieuse et en refusant de faire droit à son recours gracieux introduit contre ladite autorisation, sans que les travaux de voiries et d’équipements publics soient tels à permettre la viabilité du projet en cause, le bourgmestre aurait violé l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain notamment, ci-après dénommée « la loi du 19 juillet 2004 ».
Le demandeur déplore que dans la décision déférée du 24 juillet 2012, le bourgmestre n’aurait aucunement pris en considération ses objections concernant plus particulièrement l’absence d’adaptation du système de canalisation et d’évacuation de l’eau et le risque réel de déversement des eaux usées et pluviales sur son terrain ce qui créerait une aggravation certaine de sa situation.
Il affirme que la prise de position de l’administration communale de Heiderscheid par rapport à son courrier du 9 février 2012 intervenue par un courrier du 5 mai 2012 adressé au commissaire de district de Dierkich, c’est-à-dire postérieurement à l’introduction de son recours gracieux du 25 avril 2012, précité, et de l’élaboration du rapport d’expertise du 23 avril 2012, ne 4 cf. Cour adm. 11 octobre 2005, n° 19880C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 83 changerait rien à la véracité et à la pertinence des conclusions de l’expert, et cela d’autant plus que la prise de position de l’administration communale de Heiderscheid serait à considérer comme partiale. Il met ensuite en exergue que la demande d’autorisation auprès de l’administration de la Gestion de l’Eau n’aurait été introduite que le 14 juin 2012 et que ladite administration n’aurait toujours pas délivré d’autorisation, de sorte que le bourgmestre n’aurait pas disposé d’un dossier complet au moment de la délivrance de l’autorisation de bâtir litigieuse, tout en renvoyant encore au « Leitfaden zum Umgang mit Regenwasser in Siedlungsgebieten Luxemburgs » établi par l’administration de la Gestion de l’Eau.
Le demandeur, tout en reconnaissant que le rapport d’expertise du 23 avril 2012 aurait été élaboré unilatéralement, soutient que ce rapport serait confirmé par la prise de position de l’administration communale de Heiderscheid du 5 mai 2012 en ce qui concerne l’absence d’un système séparatif des eaux usées. Il en serait d’ailleurs de même du courrier du syndicat intercommunal de dépollution des eaux résiduaires du Nord (SIDEN) en ce qu’il constaterait seulement l’existence d’un système de canalisation pour les eaux pluviales, dont l’usage serait très restreint tel que le confirmeraient l’administration communale et l’expert.
Le demandeur expose ensuite que les plans dont se prévaut l’administration communale de Heiderscheid pour établir l’existence d’un système de canalisation suffisant indiqueraient justement l’absence de canalisation des eaux usées dans la rue « …» puisque la canalisation pour les eaux mixtes et la canalisation pour les eaux usées ne sauraient pas être considérées comme étant identiques dans la mesure où ces plans reprendraient trois types de canalisation différents, à savoir les canalisations pour eaux mixtes, les canalisations pour eaux usées et les canalisations pour eaux pluviales. Il en conclut que la rue « …» ne disposerait pas d’un système séparatif des eaux usées. Les eaux usées produites par les constructions projetées ne pourraient pas être déversées dans la conduite séparée pour les eaux pluviales qui ne serait pas prévue pour accueillir les eaux usées et que par conséquent elles seraient nécessairement déversées dans le système surchargé de canalisation mixte ce qui engendrait un risque non négligeable qu’en cas de fortes pluies, les eaux mixtes se déversent notamment sur sa propriété. Le demandeur fait valoir que le système de canalisation, qui se serait déjà avéré comme étant insuffisant les années dernières, devrait encore supporter des charges supplémentaires et que le tuyau de conduite des eaux de source serait également insuffisant pour accueillir des eaux pluviales supplémentaires.
Le demandeur soutient que la construction projetée aggraverait donc le problème d’inondation dans la rue « …», d’autant plus qu’elle modifierait nécessairement les chemins d’infiltration et de déversement de l’eau de surface. Il craint que les eaux superficielles et mixtes se déversent sur son terrain en raison de la surcharge de la canalisation des eaux mixtes. Il souligne que le ministre aurait soulevé ce problème dans son courrier du 29 octobre 2009 intervenu dans le cadre de la procédure d’élaboration du PAP et qu’il devrait être résolu avant toute construction en ces lieux, de sorte qu’il faudrait en tenir compte dans le présent contexte de délivrance d’une autorisation de construire. Il estime en outre qu’il ressortirait du courrier du SIDEN du 6 février 2012 que des infrastructures adéquates devraient être mises en place avant toute construction sur le terrain litigieux avant d’éviter tout risque d’inondation. Il donne à considérer que son voisin aurait acquis un terrain devant accueillir une construction afin de se mettre à l’abri des inondations. Il insiste sur le fait que l’avis et l’autorisation de l’administration de la Gestion de l’Eau devraient être attendus puisque ceux-ci permettraient d’apprécier si les mesures projetées de construction de rigoles, de siphons et de bordures seraient suffisantes pour régler le problème d’inondation.
L’administration communale d’Esch-sur-Sûre conclut au rejet du moyen fondé sur une violation de l’article 37 de la loi de la loi du 19 juillet 2004.
Aux termes de l’article 37, alinéas 1 et 2 de la loi du 19 juillet 2004 : « Sur l’ensemble du territoire communal, toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction, ainsi que les travaux de remblais et de déblais sont soumis à l’autorisation du bourgmestre.
L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. » Il résulte de la lecture de ces dispositions légales qu’une autorisation de construire n’est délivrée qu’après contrôle de la conformité des travaux en cause notamment au plan ou au projet d’aménagement général et au règlement sur les bâtisses de la commune. La compétence pour effectuer ce contrôle incombe au bourgmestre, sans qu’il n’ait à prendre en compte les droits civils invoqués de part et d’autre.
En l’espèce, force est de constater que le demandeur ne formule aucun moyen relatif à une violation par l’autorisation de construire litigieuse du plan ou du projet d’aménagement général, respectivement du règlement sur les bâtisses de la commune d’Esch-sur-Sûre. Le tribunal est partant amené à retenir que ladite autorisation de construire est légale en ce qui concerne la conformité du projet sous analyse au plan et au projet d’aménagement général, ainsi qu’au règlement sur les bâtisses de la commune d’Esch-sur-Sûre.
En ce qui concerne le volet plus spécifiquement visé par le demandeur, à savoir l’article 37, alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004, celui-ci dispose que : « Le bourgmestre n’accorde aucune autorisation tant que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée ne sont pas achevés, sauf si l’exécution et les délais d’achèvement de ces travaux, la participation aux frais et les termes de paiement sont réglés dans la convention prévue à l’article 36. [i.e. la convention relative au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier »] » L’article 37, alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004 instaure le principe selon lequel le bourgmestre n’accorde aucune autorisation tant que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée ne sont pas achevés et prévoit comme exception à ce principe le cas dans lequel l’exécution et les délais d’achèvement de ces travaux, la participation aux frais et les termes de paiement sont réglés dans la convention relative au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier ».
Or, il résulte à ce sujet, sur question afférente du tribunal, qu’une telle convention a été conclue.
Il ressort ainsi de la convention d’exécution du plan d’aménagement particulier « …» à Heiderscheid du 28 février 2011, vue et approuvée par le ministre le 31 mars 2011, versée parmi les pièces du dossier que « 16) Les travaux de réalisation des infrastructures se font sous la responsabilité exclusive du lotisseur. Toutes les précautions doivent être prises pour sauvegarder la sécurité des riverains et éviter toute dégradation des installations privées et publiques existantes. 17) Après achèvement des travaux, ces derniers seront réceptionnés provisoirement.
[…] » Il s’ensuit que la conclusion de la convention d’exécution du 28 février 2011, précitée, a permis au bourgmestre de délivrer valablement l’autorisation de construire litigieuse et ce conformément à l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004. Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur mettant en substance en cause la performance du système de canalisation dans la localité de Heiderscheid, qui ne sont pas pertinents en l’espèce, étant donné que le tribunal est dans le présent litige uniquement saisi de l’examen de la légalité de la décision du bourgmestre du 24 juillet 2012 rejetant le recours gracieux du demandeur introduit le 25 avril 2012 contre l’autorisation de construire litigieuse du 25 janvier 2012, laquelle est étrangère à la question, purement factuelle et technique, de l’adéquation du système de canalisation communal.
A titre superfétatoire, il convient encore de mentionner qu’il ressort des explications de la partie défenderesse que le système de canalisation dans la localité de Heiderscheid a été renouvelé entre 2007 et 2009 notamment afin de combattre les problèmes d’inondation s’étant présentés en cas d’intempéries antérieurement à ces travaux et que le ministre a approuvé le 29 octobre 2009 la délibération du 8 juillet 2009 due conseil communal portant adoption définitive du plan d’aménagement particulier du lotissement « …».
En ce qui concerne l’affirmation du demandeur que le bourgmestre aurait délivré l’autorisation de construire litigieuse sans être en possession d’un dossier complet, affirmation consistant en substance à reprocher au bourgmestre d’avoir délivré ladite autorisation de construire sans attendre l’autorisation de « l’administration de la Gestion de l’Eau », il y a d’abord lieu de rappeler que s’il est certes vrai que l’article 23 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau, ci-après dénommée « la loi du 19 décembre 2008 », prévoit un certain nombre d’hypothèses dans lesquelles l’autorisation du ministre ayant la gestion de l’eau dans ses compétences est requise et si l’article 49 de la même loi dispose qu’« une autorisation de construire ne peut être délivrée pour une construction ou une construction de bâtiments et d’installations que si l’immeuble est raccordé au réseau communal d’assainissement ou si le ministre a délivré une autorisation au titre de l’article 23 », il n’en reste pas moins qu’il ressort également des dispositions de la loi du 19 juillet 2004, et plus particulièrement de ses articles 1er et 5, que le plan d’aménagement d’une commune est appelé à couvrir l’ensemble du territoire de la commune, le pouvoir de police des autorités communales en matière de bâtisses et la faculté que la loi leur accorde de réglementer l’aménagement du territoire de la commune s’étend à l’ensemble de ce territoire indépendamment des spécificités se présentant pour certaines parties de ce territoire. En effet, il y a lieu de souligner qu’en ce qui concerne l’obligation de requérir l’autorisation du ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions prévue par l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008, cette obligation est uniquement basée sur des considérations relatives à la gestion de l’eau. Il en découle que le pouvoir de police des autorités communales en matière de bâtisses et la faculté que la loi leur accorde de réglementer l’aménagement du territoire de la commune ne sont donc nullement entamés par la loi relative à la gestion de l’eau, ces prérogatives du pouvoir local restant pleines et entières. En effet, les dispositions de la loi du 19 décembre 2008 qui confèrent un pouvoir d’appréciation et de décision au ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions ne sauraient empêcher que le pouvoir communal puisse être investi, sur base de textes régissant la matière communale, de pouvoirs propres et distincts. Le bourgmestre, ainsi que le ministre ayant dans ses attributions la gestion de l’eau, ont donc des compétences concurrentes, chacune de ces autorités administratives agissant dans la sphère de sa compétence propre et en application de ses lois et règlements spécifiques, de sorte qu’elles doivent tirer autorité des normes et conditions qui relèvent de leurs sphères de compétence respectives.5 Par voie de conséquence, l’exigence légale d’une autorisation du ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions sous l’égide de la loi du 19 décembre 2008 pour procéder à la réalisation du lotissement « …» reste sans incidence sur la légalité du permis de construire relevant de la compétence du bourgmestre, étant donné que le bourgmestre n’est admis qu’à vérifier si un projet respecte les conditions relevant de sa sphère de compétence, à savoir la réglementation de l’urbanisme et de la police des bâtisses, et n’est ni admis, ni tenu de prendre égard à la question de savoir si le ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions a déjà exercé sa compétence distincte d’autorisation conformément aux prévisions de ladite loi du 19 décembre 2008 et s’il a effectivement délivré l’autorisation en question, si ce n’est dans les cas prévus par l’article 49 de cette même loi. Ledit article 49, précité, prévoit qu’une autorisation de construction ne peut être délivrée pour une construction que si l’immeuble en question est raccordé au réseau communal d’assainissement ou si le ministre compétent a délivré une autorisation au titre de l’article 23 de la même loi, de sorte qu’a contrario une autorisation de construire peut être délivrée pour une construction si l’immeuble en question est raccordé au réseau communal d’assainissement, ce qui est en l’espèce expressément prévu par la convention d’exécution du 28 février 2011 pour le plan d’aménagement particulier du lotissement « …», précité.
Dans le même contexte, le demandeur reproche encore au bourgmestre d’avoir violé l’article 46 (1) de la loi du 19 décembre 2008 en délivrant le permis de construire litigieux sans prendre en considération ses arguments et sans tenir compte des meilleures techniques disponibles pour l’évacuation de l’eau.
Aux termes de l’article 46 (1) de la loi du 19 décembre 2008 : « Les communes sont tenues d’assurer la collecte, l’évacuation et l’épuration des eaux urbaines résiduaires et la gestion des eaux pluviales dans les zones urbanisées ou destinées à être urbanisées conformément au plan d’aménagement général. Elles sont tenues de concevoir, de construire, d’exploiter, d’entretenir et de surveiller les infrastructures d’assainissement faisant partie de leur territoire, selon les règles de l’art en tenant compte des meilleures techniques disponibles.
Les activités d’entretien et de surveillance à l’exception de l’exploitation peuvent être sous-
traitées à des entreprises spécialisées. Les conditions et modalités de cette sous-traitance sont fixées par règlement grand-ducal. » L’article 46 (1) de la loi du 19 décembre 2008 prévoyant des obligations incombant uniquement aux communes en matière d’élimination des eaux urbaines résiduaires collectées et 5 Par analogie Trib. adm. 13 juillet 2005, n°19077 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Environnement, n°13 et autres références y citées de gestion des eaux pluviales, une telle obligation, respectivement son non-respect, ne sauraient être opposés à un administré pour faire obstacle à sa demande d’une autorisation de construire, le reproche fondé sur une violation de cette disposition légale n’est pas pertinent en l’espèce, étant rappelé que le tribunal est dans le présent litige uniquement saisi de l’examen de la légalité de la décision du bourgmestre du 24 juillet 2012 rejetant le recours gracieux du demandeur introduit le 25 avril 2012 contre l’autorisation de construire litigieuse du 25 janvier 2012 qui ne tombe pas dans le champ d’application de la disposition légale visée.
Partant, ce moyen est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ces volets.
Le demandeur conclut également à une violation de l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après dénommée « la loi communale », en ce que lors de l’élaboration de la décision déférée du 24 juillet 2012, le bourgmestre n’aurait pas pris en considération les conclusions du rapport d’expertise du 23 avril 2012 qu’il aurait fait établir et qui mettrait en évidence la nécessité de régler le problème des eaux superficielles ou mixtes, ni les recommandations du SIDEN. L’autorité communale aurait délivré l’autorisation de bâtir litigieuse sans attendre l’avis et l’autorisation de l’administration de la Gestion de l’Eau. Le demandeur reproche au bourgmestre d’avoir ignoré le risque fort probable de l’aggravation de sa situation, alors que s’il devait faire respecter les dispositions applicables en matière d’urbanisme, il devrait également veiller au respect de l’intégralité des dispositions légales et réglementaires de police applicables concernant la tranquillité, la propreté, la salubrité et la sécurité sur le territoire communal. Le bourgmestre ne saurait porter atteinte, de quelque manière que ce soit, aux propriétés privées, ce qu’il aurait cependant fait en ne prenant pas en considération le risque de détérioration de la situation et la propriété immobilière du demandeur. Le bourgmestre n’aurait donc pas légalement motivé sa décision par rapport à l’article 67 de la loi communale, cela d’autant plus que le problème de déversement de l’eau aurait déjà été connu en 2009 lors de la procédure de l’approbation du PAP pour le lotissement « …». La décision déférée du 24 juillet 2012 devrait partant être annulée.
L’administration communale d’Esch-sur-Sûre conclut au rejet de ce moyen.
L’article 67 de la loi communale dispose que : « Le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police sous la surveillance du commissaire de district. […] » En vertu de l’article 67 de la loi communale, le bourgmestre est donc chargé de l’exécution des lois et règlements de police. Il s’agit en l’occurrence de l’énoncé d’une règle générale, laquelle est spécifiée en matière d’urbanisme par l’article 37, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004, précité. Or, comme retenu ci-avant, le bourgmestre doit lors de la délivrance d'une autorisation de construire, vérifier la conformité de la demande d'autorisation uniquement par rapport au plan d'aménagement général et au règlement sur les bâtisses de la commune6, textes d’interprétation stricte. Le bourgmestre, appelé à statuer sur une demande de permis de construire, agit dès lors en organe d’exécution et s'il refusait un permis de construire pour une construction dont la mise en place ne serait point empêchée par la réglementation communale d'urbanisme existante, il suspendrait de ce fait l'exécution même de ladite réglementation, sinon encore rendrait de fait non constructible une parcelle ayant vocation à recevoir des constructions, 6 Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Urbanisme, n° 561 pareille façon de procéder n'étant pas seulement prohibée par la loi, mais encore contraire à l'essence même des attributions exécutives du bourgmestre en la matière7.
Dès lors, à défaut, comme relevé ci-avant, par le demandeur d’avoir établi, ni même indiqué quelle disposition concrète du plan d’aménagement général ou du règlement sur les bâtisses de la commune d’Esch-sur-Sûre le bourgmestre aurait violé en délivrant l’autorisation de construire litigieuse, la simple affirmation que la situation du demandeur, respectivement celle de sa propriété risquerait de s’aggraver par la construction projetée étant insuffisante à cet égard, le tribunal est amené à retenir que le demandeur n’a pas établi en quoi le bourgmestre aurait en l’espèce violé l’article 67 de la loi communale. Cette conclusion n’est pas non plus énervée par le reproche du demandeur que le bourgmestre aurait dû attendre l’autorisation du ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions avant de délivrer l’autorisation de construction litigieuse, au vu des développements figurant ci-dessus relatifs aux sphères de compétence respectives du bourgmestre et du ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Le demandeur reproche enfin au bourgmestre d’avoir commis un excès de pouvoir en violant l’article 23 (1) f) de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau, ci-après dénommée « la loi du 19 décembre 2008 », et ce toujours au motif qu’en délivrant l’autorisation de construire litigieuse sans être en possession d’un dossier complet, et plus particulièrement de l’autorisation du ministre ayant la gestion de l’eau dans ses compétences, tout en soulignant que l’autorisation afférente n’aurait été sollicitée que le 14 juin 2012 auprès de l’administration de la Gestion de l’Eau. Il explique que cette autorisation serait d’autant plus importante que les impératifs de la construction et du raccordement aux canalisations seraient appréciés différemment depuis des années et que le ministre compétent imposerait différentes conditions s’appliquant aux constructions d’une envergure telle que celle en l’espèce. Il relève encore que le problème de l’évacuation des eaux usées aurait déjà été relevé en 2009 par le ministre et confirmé par l’expert dans le rapport d’expertise du 23 avril 2012.
La partie défenderesse conclut au rejet de ce moyen.
L’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 dispose que : « (1) Sont soumis à autorisation par le ministre :
[…] f) toutes mesures ayant une influence sur l’infiltration naturelle et toutes mesures de collecte des eaux de ruissellement dans les zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » conformément aux dispositions de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précité, […] » Force est au tribunal de constater que le cadre dans lequel l’autorisation ministérielle au sens de l’article 23 (1) f) de la loi du 19 décembre 2008 est requise n’est pas celui des autorisations de construire, - c’est-à-dire celui du présent litige -, mais celui des plans d’aménagement particuliers devant accueillir des infrastructures générales de collecte des eaux de ruissellement et caractérisées par une imperméabilisation importante du sol. A cela s’ajoute que compte tenu des développements précédents relatifs aux sphères de compétences respectives du 7 Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Urbanisme, n° 527 bourgmestre et du ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions, le reproche que le bourgmestre aurait commis un excès de pouvoir en délivrant l’autorisation de construire litigieuse sans être en possession de l’autorisation du ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions n’est pas fondé, d’autant plus que dans le cas d’espèce, tel que relevé ci-dessus, le bourgmestre a valablement pu délivrer l’autorisation de construire litigieuse sans violer l’article 49, précité, de la loi du 19 décembre 2008. Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur qu’il aurait relevé à plusieurs reprises que la construction projetée risquerait de créer des problèmes majeurs d’évacuation des eaux usées sans qu’une quelconque mesure de protection au niveau de l’évacuation n’ait été prise, voire étudiée, étant donné que cette affirmation n’est pas pertinente dans le cadre de la délivrance d’une autorisation de construire.
Dans ce même contexte, le demandeur soutient encore que la servitude du fonds supérieur à charge du fonds inférieur prévue par l’article 640 du Code civil n’entraînerait en aucun cas l’obligation pour le propriétaire du fonds inférieur de subir les modifications de la situation du fonds supérieur et de voir aggraver sa situation en conséquence.
Il découle de l’analyse des compétences du bourgmestre ci-dessus, qu’à l’occasion de la délivrance d’une autorisation de construire, celui-ci ne doit prendre en considération que les prescriptions administratives8 alors qu'il ne lui appartient pas de prendre en compte des considérations d'intérêt privé de voisins9 sans commettre un excès de pouvoir10.
Le bourgmestre dès lors permet de bâtir en se prononçant uniquement du point de vue administratif, la conception et la réception de l’immeuble, les responsabilités pénale et civile, les litiges sur le droit de propriété restant l’affaire des constructeurs11.
Cette conclusion se dégage encore du fait que le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers : les droits généralement quelconques des tiers étant réservés, il leur appartient de les faire valoir devant le juge compétent, à savoir les juridictions civiles12.
Dès lors, la question de savoir si le propriétaire du fonds supérieur aggrave la servitude du fonds inférieur par la construction projetée est sans pertinence, étant donné que cette circonstance ne saurait affecter la légalité de la décision administrative déférée.
Partant, ce moyen est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne la demande de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre d’écarter des débats le rapport d’expertise du 23 avril 2012 dont se prévaut le demandeur, cette demande s’avère être superflue étant donné que ledit rapport d’expertise n’a pas d’incidence sur l’issue du présent litige.
Le demandeur réclame la condamnation de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre à lui payer une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.- € sur base de l’article 33 de la loi 8 CE 14 décembre 1972, Bull. doc. comm. n° 13, p.79.
9 CE 14 mars 1928, Pas. 11, 481, CE 27 avril 1932, Pas. 12, p. 458.
10 Voir trib. adm. 14 avril 2005, n° 17935 du rôle, www.ja.etat.lu 11 Wilkin R., Voirie et alignement – urbanisme et constructions, Bruylant, 1964, n° 135, p.283 12 Voir trib. adm. 18 février 2004, n° 16832, www.ja.etat.lu TA 10-6-09, n° 25016.
modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, et l’administration communale quant à elle réclame la condamnation du demandeur au paiement d’une indemnité de procédure de 1.500.- €. Ces demandes sont cependant à rejeter étant donné que le demandeur, de même que la partie défenderesse, omettent de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et ne précisent pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à leur charge, la simple référence à l’article de la loi applicable n’étant pas suffisante à cet égard.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours, à défaut de tout autre moyen, est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, quant au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
rejette toutes les demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 janvier 2014 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Andrée Gindt, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann s. Hoffmann s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15/1/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 12