Tribunal administratif N° 31996 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 janvier 2013 2e chambre Audience publique du 19 décembre 2013 Recours formé par Monsieur ….., Insenborn contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31996 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2013 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Kosovo), de nationalité kosovare et demeurant actuellement à L-9660 Insenborn, Maison 1, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 3 janvier 2013 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Tom Luciani, en remplacement de Maître Luc Majerus et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 décembre 2013.
Le 17 octobre 2012, Monsieur ….. introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».
Il fut entendu le même jour par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Il fut en outre entendu en date du 27 novembre 2012 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 3 janvier 2013, notifiée par courrier recommandé du même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, dénommé ci-après « le ministre », informa Monsieur ….. qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale et qu’elle avait été refusée comme non fondée. La même décision comporte un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard. Ladite décision est libellée de la façon suivante :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 17 octobre 2012.
En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 17 octobre 2012 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 27 novembre 2012.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté votre pays le 13 octobre 2012 à bord d'une camionnette appartenant à un passeur vous emmenant jusqu'au Luxembourg. Vous présentez une carte d'identité kosovare émise le 14 septembre 2012.
Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous seriez serbe du Kosovo et que vous auriez habité à ….. Vous auriez été maltraité à maintes reprises par des personnes d'origine albanaise. Vous dites que lors d'une promenade le 15 juillet 2010, vous auriez été insulté et provoqué par des personnes inconnues d'origine albanaise en voiture. En plus, vous indiquez que des albanais auraient tiré avec des « balles qui font de la lumière » en provenance de ….., un village albanais non loin de votre domicile. Vous ne savez pas si votre maison avait été visée.
Puis, vous indiquez que le 3 août 2011 l'électricité aurait été coupée pendant une période de deux semaines afin de vous contraindre à payer la dette d'électricité datant de la période de 1999 à 2000. Afin de protester contre cette mesure, vous auriez alors participé à une manifestation. La police serait intervenue et vous auriez été arrêté, puis relâché le lendemain.
Le 24 juillet 2012, des albanais seraient passés devant votre maison et ils auraient mis de la musique albanaise forte pendant toute la journée et la nuit.
Monsieur, il résulte également de vos déclarations que votre liberté de circulation serait limitée et que d'une manière générale, les personnes de votre village n'oseraient plus sortir le soir comme ils craindraient d'être kidnappés. Selon vos dires, à défaut de pouvoir continuer de circuler en voiture, vous auriez été contraint de ré-immatriculer vos véhicules avec des plaques «KS » en date du 17 septembre 2012. Vous indiquez également que les autorités n'auraient plus accepté que vous continueriez de circuler avec votre permis de conduire serbe. Ainsi, vous auriez été obligé de passer le test encore une fois afin de recevoir un permis de conduire kosovare.
Toutefois, afin de passer ledit permis de conduire, il faudrait vous rendre à Gnjilane. Cependant, vous n'oseriez pas vous y rendre, faute des mesures de sécurité suffisantes. A cet égard, vous indiquez qu'en date du 10 septembre 2012, lorsque vous seriez rentré en vélo d'un séjour à ….
alors qu'il aurait déjà fait nuit, vous auriez été poursuivi par une voiture dotée d'une plaque d'immatriculation kosovare. Vous précisez que ladite voiture vous aurait heurté à la sortie du village …… Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de là loi précitée du 5 mai 2006. En effet, en l'espèce, la situation générale des membres de la minorité ethnique serbe est certes difficile, elle n'est cependant pas telle que tout membre serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève.
Selon la jurisprudence de la Cour administrative une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des traitements discriminatoires.
Monsieur, concernant la coupure de l'électricité dans votre village, il résulte de nos recherches que de manière générale de nombreux serbes du Kosovo rejettent l'autorité des institutions du Kosovo issues de la « Constitution de la République du Kosovo », à l'instar du Gouvernement de Belgrade. Ils sont pourtant de plus en plus nombreux à demander des cartes d'identité, des permis de conduire et d'autres pièces officielles du Kosovo et à signer des contrats avec la Compagnie d'électricité du Kosovo afin de faciliter leur existence quotidienne au Kosovo.
Or, la réticence des Serbes du Kosovo à entretenir des relations avec les autorités du Kosovo est encore grande et des coupures d'électricité dans des villages notamment serbes ont eu lieu parce que les factures d'électricité n'ont pas été payées. Il y a lieu citer le rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo du 10 juin 2009 qui indique que « avec l'appui des acteurs internationaux, la Compagnie d'électricité est allée à la rencontre des habitants des villages concernés et leur a proposé des modalités de paiement.
Cette démarche a abouti à la signature d'accords collectifs et au rétablissement de l'électricité dans la grande majorité des villages concernés ». Le rapport ajoute que « 28. L'OSCE a suivi de près la question de l'électricité, en s'attachant à déterminer si les plaintes pour discrimination ethnique étaient justifiées. Tout en concluant que les coupures étaient dénuées de ce caractère discriminatoire, l'OSCE a estimé que la compagnie d'électricité devait faire preuve de plus de conciliation, compte tenu de la complexité du contexte politico-juridique ». On ne saurait donc conclure que les coupures d'électricité dont vous faites état seraient motivées par des seules considérations ethniques.
Monsieur, il est certes regrettable que certains policiers vous auraient assailli lors de la manifestation à laquelle vous auriez participé en date du 4 août 2012. Or, force est de constater que le fait que vous auriez été arrêté dans le cadre d'une manifestation et relâché le lendemain ne saurait être considéré comme un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006. De même, il faut noter que si vous vous estimé lésé par le comportement de certains policiers, la possibilité vous aurait été ouverte de porter plainte contre les policiers en question. Ainsi, il résulte de nos recherches, que « Ein Polizei-Inspektorat (PIK) agiert ais eine unabhängige Abteilung innerhalb des Innenministeriums. Die Zuständigkeit für die Untersuchung strafrechtlicher Verfehlungen des Polizeipersonals wird somit von einer unabhängigen Einrichtung gewährleistet. Die Aufgabe des PIK besteht in einer Verbesserung der Polizeiarbeit und fungiert ais Aufsichtsorgan in Fällen von Polizeiübergriffen und Polizeifehlverhalten. Das PIK untersuchte 2010 insgesamt 1.185 Fälle von Beschwerden, davon wurden 577 Beschwerden von Bürgern, 13 Fälle von Institutionen und 595 Fälle von der Polizei selbst eingereicht. Von diesen wurden 408 Fälle seitens der PIK weiter untersucht und 541 Fälle an die sog. Professional Standards Unit (PSU) innerhalb der Polizei weitergeleitet.
Gerichtsentscheidungen waren in insgesamt 106 Fällen anhängig, und 100 Fälle wurden vor dem Senior Police Appointment und Discipline Committee untersucht. Von den von der PIK untersuchten 408 Fällen machten 20 Prozent Anschuldigungen betreffend ernster Disziplinarvergehen aus. Davon betrafen 20 Prozent Fehlverhalten als Polizeibeamter, 13 Prozent übertriebene Anwendung von Waffengewalt, 12 Prozent betrafen strafrechtliche Tatbestände (die an die Staatsanwaltschaft weitergeleitet wurden), 9 Prozent ernste Gehorsamsverweigerung, 2 Prozent Korruptionsfälle und weitere unterschiedliche ernste Vergehen.
Die PSU untersuchte auch kleinere Vergehen und verhängte dabei Verwaltungsstrafen. Insgesamt untersuchte die PSU 2010 639 Fälle, welche Vorfälle kleinerer Gehorsamsverweigerungen und Beschädigung und Verlust von Polizeieigentum betrafen.
Es gibt genügend Polizeistationen im ganzen Land, wo man grundsätzlich Anzeigen erstatten kann. Weiters können Anzeigen auch beim a) Büro der Staatsanwaltschaften, b) bei der EULEX Staatsanwaltschaft und, c) bei der Ombudsperson-Institution eingereicht werden.
Puis, vous faites état d'insultes et de provocations de la part d'albanais qui auraient tiré avec des « balles qui font de la lumière » sur votre maison, et qu'une voiture, conduite par des personnes inconnues que vous supposez être des albanais, vous aurait heurté. Or, bien qu'il soit condamnable que ces incidents auraient eu lieu, ces incidents ne sont pas d'une gravité telle qu'ils puissent être assimilés à une persécution au sens de dispositions précitées de la Convention de Genève et de la loi précité du 5 mai 2006. Il y a force de constater que déjà le document de l'UNCHR datant de novembre 2009 dresse le constat d'une amélioration de la sécurité au Kosovo, avec une diminution des crimes à l'encontre des membres des communautés minoritaires. Il estime que « since the March 2004 attacks, which targeted Kosovo Serbs, Roma and Ashkali there have not been serious incidents of violence reported against minorities on that scale ». Malgré le fait que quelques problèmes persistent les autorités kosovares ont fait des efforts « to ensure respect for human rights ».
Par ailleurs, il faut noter que des personnes albanaises inconnues ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas de vos rapports d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations gouvernementales présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection. Il ne ressort pas de vos déclarations que vous auriez essayé de porter plainte auprès de police. Vous indiquez que vous n'auriez pas sollicité la police parce qu'elle n'aurait pas voulu vous parler en serbe. Or, dans ce contexte il y a lieu de soulever que la police kosovare est multiethnique et, malgré le fait qu'elle est régionalement pas représentée à un niveau optimal dû au nombre restreint d'effectifs, elle se prévaut d'une bonne réputation: « Des sources signalent que la police du Kosovo mène ses activités sous l'autorité du ministère des Affaires internes (Ministry of Internal Affairs) et compte environ 7 000 policiers (Conseil de l'Europe 2 juill. 2009, paragr. 82; É.-U. 8 avr. 2011, sect. 1.d). Selon des statistiques affichées sur le site Internet de la police du Kosovo, en 2009, 85,8 p. 100 des policiers étaient Albanais, 9,4 p. 100 étaient Serbes et 4,8 p. 100 appartenaient à une autre minorité ethnique (Kosovo 2009). L'International Crisis Group souligne que les Serbes et d'autres minorités sont fortement représentés dans la police (19 mai 2010, 5) ». En effet « L'International Crisis Group décrit la police du Kosovo comme[traduction] « la plus forte des institutions du Kosovo pour ce qui est d'assurer la primauté du droit ». En outre, il ressort du rapport de l'OSCE de septembre 2009 que: «The Kosovo police station in Gjilan/Gnjilane municipality is made up of 223 officers (including 36 Kosovo Serbs and six Kosovo Turks). There are 56 female officers. There are also five EULEX police monitors. Substations are located in the villages of Zhegrë/Zegra and Cërrnicë/Cernica.
As for the international military presence, United States KFOR is in charge of the area. The Regional Directorate of Kosovo police and specialized regional units is located in Gjilan/Gnjilane town and made up 194 officers (including 17 Kosovo Serbs, seven Kosovo Turks, one Kosovo Bosnian, and one Kosovo Macedonian). There are 35 female officers. There are also eight EULEX police monitors. The regional director of Gjilan/Gnjilane Kosovo police region is a Kosovo Bosniak female. Gjilan/Gnjilane was one of the first municipalities to introduce ethnically-mixed patrols ». Qui plus est, le rapport le plus récent de l'OSCE de novembre 2011 relève que « The Kosovo police station in Gjilan/Gnjilane municipality has 174 police officers;
142 Kosovo Albanians, 25 Kosovo Serbs and seven (7) Kosovo Turks, while 45 are female. One hundred and sixty-two (162) are stationed in Gjilan/Gnjilane police station and 13 in the police sub-station in Zhegër/Zegra village. The regional directorate of Kosovo police and specialized regional units are located in Gjilan/Gnjilane town and employ 148 officers including 12 Kosovo Serbs, five (5) Kosovo Turks and two (2) Kosovo Bosniaks; 24 are female. As for the international military presence, the United States KFOR is in charge of the area (source: Kosovo police). ». Ainsi, force est de constater que non-seulement la police est bien présente dans votre municipalité et qu'elle est tout à fait en mesure de vous procurer la protection nécessaire, elle est aussi ethniquement mixte. Il n'est pas établi que vous n'auriez pas pu obtenir de la protection par la police dans votre municipalité.
En ce qui concerne les menaces et insultes dont vous faites état, il faut noter que des délits de droit commun sont toujours présents mais, très récemment, le Secrétaire Général des Nations Unis a publié dans son rapport du 31 janvier 2012 que « De manière générale, une baisse globale des infractions de droit commun a été constatée par rapport à 2010. La police du Kosovo a réalisé avec succès plusieurs opérations visant des personnes impliquées dans la criminalité organisée, la traite des êtres humains et le trafic de drogues. Cependant, cette baisse globale n'a pas eu de conséquence directe sur les conditions de sécurité lors de la période étudiée. Le climat de tension qui a caractérisé la région située au nord de l’Ibër/Ibar s'explique par la situation décrite plus haut. En revanche, une légère diminution du nombre d'incidents mineurs visant les communautés minoritaires (actes d'intimidation, agressions, vols, infractions liées au foncier, vandalisme visant les églises et les cimetières orthodoxes serbes ainsi que les voitures immatriculées en Serbie, surtout dans les zones mixtes et albanaises du Kosovo) a été observée au sud du fleuve. ».
Monsieur, il y a lieu de soulever que vous être originaire d'un village à majorité serbe.
Dans ce cadre il faut noter que la communauté serbe constitue une majorité numérique dans neuf municipalités, dont celle de Gnjilane, municipalité à laquelle appartient votre village. Selon ce même rapport « Inter-community relations in the Gjilan/Gnjilane region are stable and slightly better than in other parts of Kosovo ». Il y a lieu de constater que non-seulement la police est bien présente dans votre municipalité, mais de même elle est composée d'un certain nombre de serbes.
Le rapport du Conseil de Sécurité du 31 octobre 2011 soulève dans ce sens que « Parmi les tendances positives enregistrées au cours de la période, il faudrait signaler le surcroît d'efforts déployés par les autorités du Kosovo pour lutter contre la criminalité organisée, notamment dans le cadre de mesures concertées contre la traite d'êtres humains, la contrebande, le blanchiment d'argent et le trafic de stupéfiants. Une autre évolution favorable a été la baisse de moitié du nombre de meurtres, de 16 % de celui des menaces d'attentat à la bombe et de 8 % de celui des vols à main armée. Or, bien que la période ait également vu une diminution de 26 % du nombre de fusillades, plus de 40 personnes ont été blessées par des coups de feu. La période à l'étude a également été marquée par un recul du nombre d'incidents touchant les acteurs internationaux présents et leurs biens. » Ainsi, le rapport de l'OSCE de 2010 établit clairement la situation des institutions et infrastructures de la municipalité de Gnjilane et laisse apparaître une représentation importante des membres de la minorité serbe auprès de la police, des infrastructures judiciaires, sociales et sanitaires et le personnel multiethniques des hôpitaux et des centres médicaux. Le rapport prouve ainsi les efforts certains de la municipalité de Gnjilane pour rendre toutes les infrastructures accessibles aux serbes et ne pas les discriminer en raison de leur appartenance ethnique : « In the Gjilan/Gnjilane region, the participation of Kosovo Serbs in Kosovo institutions has significantly increased since the 2009 edition of the Profiles. (…)The community is, however, also engaged in all Serbia-run institutions. In Gjilan/Gnjilane, a Kosovo Serb has been appointed as deputy mayor for communities. In Kamenicë/Kamenica, the Kosovo Serb community is small, and very few participated in the local elections. The municipality has, nonetheless, appointed a Kosovo Serb deputy chairperson for communities of the municipal assembly. In the municipalities where Kosovo Serbs reside, they are represented in all established municipal community offices and community committees. The community heads the municipal community office in the three municipalities of Gjilan/Gnjilane, Kamenicë/Kamenica and Novo Brdo/Novobërdë. ». De même, le Tribunal administratif a considéré à maintes reprises Gnjilane comme une région où les serbes disposent de la liberté de circulation et où ils ont accès à l'enseignement et aux soins de santé.
Monsieur, il résulte également de vos déclarations que votre liberté de circulation serait limitée comme vous seriez contraint de traverser des villages à majorité albanaise afin de vous rendre Gnjilane. Vous remarquez à cet égard que depuis la date du 17 septembre 2012 vous seriez contraint à circuler sous des plaques d'immatriculation de voiture kosovare « KS ».
D'abord, il y a lieu de noter qu'en ce qui concerne vos dires selon lesquels vous auriez des problèmes à cause de votre plaque d'immatriculation, il y a force de constater qu'il s'agit en l'espèce d'une mesure administrative kosovare prévue par les lois et règlements de votre pays d'origine : « EULEX recently distributed leaflets at border crossing points with Serbia, in Jarinje and Bernjak, in which it was said that by June 1, all citizens of Kosovo must have drivers license and ID cards issued by institutions of Kosovo, while cars the lances plates with KS or RKS. In the leaflet also is written that these documents are required for all citizens of Kosovo to cross the Kosovo – Serbia border. It was also stated that for citizens living in the north, the issuance of the documentation and vehicle registration with KS or RKS plates will be enabled in the centre of civil registration in the north. » . Plus précisément : « The agreement on the freedom of movement, as part of the negotiations between Pristina and Belgrade, foresees that two types of license plates are accepted in Kosovo: the so called "KS" plates as well as the new "RKS" plates, which started being issued in December 2010. "RKS" license plates are composed of a blue strip with the RKS letters, a two digit number indicating the region 1, the emblem of the Republic of Kosovo, a three digit number starting with 101 for ordinary plates and with the two serial letters which start with AA (…) The so called "KS" plates were issued from 1999 to 2010. Following the unilateral declaration of independence of Kosovo, they were withdrawn, however, after the November 2011, they started being reissued for citizens requiring to travel into Serbia. They consist of a three digit number, the abbreviation "KS", and the another three digit number (…).
Ainsi, il y a lieu de constater que « (…) numerous members of the Serb community decided to take the so called "RKS" plates and then simply change plates, in any way or another, when crossing the boundary line. Local observers estimate that in areas south of Ibar river the overwhelming majority of members of the Serb community have actually RKS license plates. As a proof of this, it is sufficient to visit the enclaves and visually check the amount of "RKS" plates: it will be surprising to find out that numerous residents, even if they are not members of the Albanian community, and are often travelling to Serbia proper, have taken RKS license plates.» .
Puis, vous indiquez que vous auriez peur de vous rendre à Gnjilane comme vous ne vous y sentiriez pas en sécurité. Ceci vous empêcheriez toutefois de passer l'examen requis pour vous doter d'un permis de conduire kosovare. Toutefois, le rapport du Secrétaire Général de la MINUK du 5 avril 2010 note que « Malgré des incidents isolés, les membres de communautés minoritaires circulent en général librement au Kosovo ». Rappelons également que les serbes sont de plus en plus nombreux à solliciter un permis de conduire kosovare.
La situation des minorités est donc devenue plus stable. En règle générale, celles-ci ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité. Plus particulièrement, les serbes commencent à bénéficier de la liberté de mouvement. S'il est vrai que leur situation économique est encore peu favorable dans les villes, ils ont accès à l'enseignement et aux soins de santé. De même, en ce qui concerne l'indépendance du Kosovo, les positions radicalement opposées des serbes et albanais sur la question engendrent certes une certaine tension au niveau politique.
Cependant, les rapports de l'UNMIK continuent de constater une diminution considérable des crimes susceptibles d'avoir été motivés par des considérations ethniques et une amélioration constante de la situation sécuritaire en général. Même le document de l'UNCHR du 9 novembre 2009 dresse le constat d'une amélioration de la sécurité au Kosovo, avec une diminution des crimes à l'encontre des membres des communautés minoritaires. Comme déjà cité il estime que « since the March 2004 attacks, which targeted Kosovo Serbs, Roma and Ashkali there have not been serious incidents of violence reported against minorities on that scale ». Malgré le fait que quelques problèmes persistent les autorités kosovares ont fait des efforts « to ensure respect for human rights ».
Selon un arrêt de la Cour administrative du 27 mars 2012 sous le numéro de rôle 28773 qui retient que : « Concernant la situation générale et sécuritaire au Kosovo et en particulier celle des minorités ethniques, dont celle des Serbes, il a pu être retenu à maintes reprises, notamment et plus précisément à partir d'un rapport de la Commission européenne du 5 novembre 2008 (SEC MEI 2008) 2697 final) que cette situation n'était pas telle que tout membre d'une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et de la loi du 5 mai 2006 ».
Monsieur, force est de constater qu'en vue de votre situation personnelle et celle régnant actuellement au Kosovo, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. En s'appuyant sur tous les rapports et jurisprudences cités, la situation actuelle au Kosovo ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admises comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de Kosovo, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner.(…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2013, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 3 janvier 2013 portant rejet de sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, contenu dans la même décision.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, un recours en réformation a valablement pu être introduit contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur expose être de nationalité kosovare, d’ethnie serbe et de confession orthodoxe et avoir été obligé de quitter son pays d’origine en raison du comportement qu’auraient eu à son égard certaines personnes albanaises agissant aux alentours de son village d’origine …. . Il fait état en substance de plusieurs incidents survenus entre 2010 et 2012, à savoir, premièrement, le 15 juillet 2010, il aurait été insulté par trois Albanais, deuxièmement, le 4 août 2011, il aurait été frappé par des policiers lors d’une manifestation consécutive à une coupure d’électricité et emprisonné pendant une nuit, troisièmement, le 8 juillet 2012, des Albanais auraient tiré dans la direction de sa maison des fusées de détresse, quatrièmement, pendant toute la nuit du 24 juillet 2012, des Albanais seraient passés à côté de sa maison en voiture et aurait mis de la musique albanaise à plein volume, cinquièmement, le 10 septembre 2012, il serait sorti à la tombée de la nuit en vélo et se serait fait renverser par une voiture albanaise et il serait tombé dans le ravin et, sixièmement, le 17 septembre 2012, le gouvernement kosovare ayant interdit les plaques d’immatriculation serbes de même que les permis de conduire serbes, il aurait été forcé de repasser son permis de conduire. Il se serait résolu à quitter le Kosovo après avoir subi cette dernière mesure discriminatoire et se serait rendu au Luxembourg pour introduire une demande de protection internationale.
En droit, il soutient en substance que le ministre aurait fait, à tort, une analyse in abstracto de la situation au Kosovo et non de la situation qu’il aurait personnellement vécue et qui ne serait pas mise en doute. Pour sa part, la coupure d’électricité constituerait une mesure à caractère discriminatoire (visant uniquement les Serbes concernant des arriérés de paiement de factures durant les années de guerre de 1999 à 2000), l’emprisonnement suite à la manifestation serait une détention arbitraire contraire à l’article 31 de la loi du 5 mai 2006, les coups de matraque dont il aurait fait l’objet lors de la manifestation constituerait une violation flagrante des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), l’obligation de passer examen du permis de conduire kosovare constituerait une mesure discriminatoire voire un traitement inhumain ou dégradant et l’incident de l’accident de vélo serait constitutif de violences et persécutions perpétrées par des agents non étatiques. Il en conclut que les incidents visés seraient à qualifier d’actes de persécution tombant dans le champ d’application de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006. Il insiste sur le caractère répété des faits survenus qui isolément ne seraient à la rigueur pas de nature à lui conférer la protection internationale.
A titre subsidiaire, il estime que les faits précités sont susceptibles d’entrer dans les prévisions de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 de sorte à lui conférer la protection subsidiaire Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
En vertu de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l'article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. […] » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des liens auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) » Il suit des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Force est tout d’abord au tribunal de constater que la partie étatique ne conteste pas la crédibilité du récit des demandeurs, de sorte qu’il y a lieu de conclure que les faits invoqués par eux sont avérés.
En l’espèce, il y a lieu de relever que le demandeur fait état de six incidents à l’appui de sa demande de protection internationale qu’il considère constitutif de persécutions eu égard à leur caractère répété. Or, les trois incidents suivants, à savoir ceux relatifs à la manifestation contre la coupure d’électricité ayant mené à l’emprisonnement subséquent du demandeur, au tir de fusées de détresse et au passage d’une voiture devant la maison du demandeur avec de la musique à plein volume ne sauraient manifestement pas être considérés comme étant motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social. Plus précisément quant à la manifestation contre la coupure d’électricité et la détention arbitraire du demandeur, il y a lieu de relever, de concert avec le délégué du gouvernement, qu’il ressort d’un rapport de la Commission européenne de 2011, cité par la partie étatique, que des coupures d’électricité seraient encore fréquentes au Kosovo et qu’il ne saurait en être conclu qu’elles seraient liées à une mesure discriminatoire envers une certaine ethnie. Il convient encore de relever quant à la détention du demandeur et le traitement qu’il aurait subi de la part des policiers qui l’auraient interrogé de manière musclée, mis en garde à vue et relâché le lendemain matin que si un écart de comportement de certains policiers serait à déplorer, il n’en reste pas moins que le demandeur reste en défaut de démontrer que ces faits auraient été motivés par un des critères définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006. Par ailleurs, il ne ressort pas des explications du demandeur d’une part, que les agissements des policiers qu’il reproche auraient atteint le seuil de gravité défini aux articles 3 et 8 CEDH, le demandeur se limitant à reprocher aux policiers leur attitude « vulgaire » à son égard et, d’autre part, qu’il aurait porté plainte auprès des instances policières supérieures de sorte qu’il ne saurait en être déduit une quelconque persécution au sens de l’article 2 d) précité.
Quant aux autres incidents relatifs aux insultes par des Albanais et à l’accident de vélo, s’il peut être admis que ces faits puissent être éventuellement motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social, il n’en reste pas moins que ces faits ne sont considérés comme des actes de persécutions ou des craintes de persécution que si les autorités gouvernementales ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection adéquate des victimes s’agissant en l’espèce d’actes émanant de personnes privées qualifiées d’acteurs au sens des points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ou si le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Or, le tribunal relève, d’une part, que les auteurs de ces actes sont des Albanais non identifiées et, d’autre part, que le demandeur a indiqué ne pas s’être rendu à la police car « ils ne veulent même pas parler en serbe » de sorte que cette affirmation non autrement étayée n’est pas de nature à convaincre le tribunal que les autorités kosovares seraient dans l’incapacité de lui accorder une protection efficace d’autant plus qu’il ressort des rapports cités par la décision ministérielle que la police de la région de Gnjilane compte parmi elle de nombreux policiers serbes.
Enfin, quant au dernier incident invoqué, à savoir celui de l’obligation de repasser le permis de conduire, le tribunal se rallie aux développements du délégué du gouvernement appuyés par les rapports cités dans son mémoire en réponse, par ailleurs non contestés par le demandeur, selon lesquels l’échange de permis de conduire serbe contre un permis kosovare aurait été possible jusqu’à la date du 31 octobre 2011 de sorte que l’incident décrit par le demandeur ne saurait être considéré comme un acte de persécution.
Force est au tribunal de constater que contrairement aux affirmations du demandeur selon lesquelles le ministre n’aurait fait qu’une appréciation in abstracto de sa situation, le ministre a examiné concrètement la situation du demandeur et les incidents invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale pour refuser, à bon droit, de lui accorder le statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».
L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi.
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
La notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une crainte fondée de faire l’objet d’atteintes graves ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.
Au regard de la circonstance retenue plus en avant par le tribunal qu’il n’est pas démontré que les autorités kosovares seraient dans l’incapacité ou refuseraient de fournir au demandeur une protection au sens de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006 contre les prétendus agissements dont il déclare être victime, force est de constater qu’il n’existe pas de sérieuses raisons de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, le demandeur reste en défaut d’établir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
2) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse.
Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
En l’espèce, le demandeur se limite à solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire sans développer de plus ample moyen à ce sujet.
Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte qu’à défaut d’un quelconque autre moyen, le tribunal ne saurait en l’état actuel du dossier mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 3 janvier 2013 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 3 janvier 2013 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 19 décembre 2013 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19.12.2013 Le greffier du tribunal administratif 15