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19/12/2013 | LUXEMBOURG | N°31751

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 décembre 2013, 31751


Tribunal administratif N° 31751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 novembre 2012 2e chambre Audience publique du 19 décembre 2013 Recours formé par Madame ….. et consort, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31751 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2012 par Maître Joram Moyal, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ….., née le …. à ….
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Tribunal administratif N° 31751 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 novembre 2012 2e chambre Audience publique du 19 décembre 2013 Recours formé par Madame ….. et consort, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31751 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2012 par Maître Joram Moyal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ….., née le …. à ….

(Kosovo), agissant en son nom personnel et au nom et pour le compte de sa fille mineure ….., née le …. à …. (Macédoine) toutes les deux de nationalité kosovare et demeurant ensemble à …., tendant, d’une part, à la réformation d’une décision de « refus implicite du ministre des Affaires Etrangères de faire droit à la nouvelle demande de protection internationale […] sinon [à] renvoyer l’affaire devant le Ministre des Affaires Etrangères afin qu’il ouvre une nouvelle procédure de protection internationale et qu’il analyse les éléments nouveaux fournis […]», d’autre part, à l’annulation de « l’ordre implicite de quitter le territoire découlant du refus implicite du Ministre des Affaires Etrangères de faire droit à la nouvelle demande de protection internationale […] » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2013 ;

Vu le courrier du 30 juillet 2013 adressé au greffe du tribunal administratif par lequel Maître Joram Moyal informe le tribunal qu’il n’a plus mandat pour défendre les intérêts de Madame ….. et de sa fille ….. du fait qu’elles ont été rapatriées le 24 juillet 2013 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 novembre 2013.

Le 9 juin 2009, Madame ….., agissant en son nom personnel et au nom et pour le compte de sa fille mineure ….., introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Le 10 juillet 2009 le ministre du Travail, de l’emploi et de l’Immigration rendit une décision d’incompétence sur base de laquelle Madame ….. et sa fille furent transférées en Allemagne.

En date du 31 mai 2010, Madame ….. et sa fille ….. introduisirent une nouvelle demande de protection internationale, qui leur fut refusée par décision du ministre du 16 mai 2011.

Par un arrêt de la Cour administrative du 27 mars 2012, inscrit sous le numéro du rôle 29652C, Madame ….. ainsi que sa fille ….. furent définitivement déboutées de leur demande de protection internationale.

Par décision du 30 mai 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », refusa la demande en obtention d’un sursis à l’éloignement présentée par Madame ….. et sa fille ….. en date du 3 mai 2012.

En date du 9 mai 2012, Madame ….. signa le formulaire de declaration de un retour volontaire dans son pays d’origine pour elle et sa fille auprès de l’Organisation Internationale pour les Migrations, désignée ci-après par « l’OIM ».

Par courrier du 18 juillet 2012, le litismandataire de Madame ….. et de sa fille …..

informa le ministre des Affaires Etrangères et de l’Immigration que ses mandantes ne marquaient pas leur d’accord pour un retour au Kosovo et sollicita l’ouverture d’une nouvelle procédure de demande de protection internationale sur base de nouvelles pièces à communiquer et qui justifieraient une nouvelle analyse de la situation de ses mandantes.

N’ayant pas reçu de réponse au courrier précité, Madame ….. et sa fille ….. ont fait introduire par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 novembre 2012, d’une part, un recours en réformation d’une décision de « refus implicite du ministre des Affaires Etrangères de faire droit à la nouvelle demande de protection internationale […] » et sollicitant « à titre subsidiaire [de] renvoyer l’affaire devant le Ministre des Affaires Etrangères afin qu’il ouvre une nouvelle procédure de protection internationale et qu’il analyse les éléments nouveaux fournis […]», d’autre part, un recours en annulation de « l’ordre implicite de quitter le territoire découlant du refus implicite du Ministre des Affaires Etrangères de faire droit à la nouvelle demande de protection internationale […]» 1) Quant au recours contre le « refus implicite du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration d’ouvrir une nouvelle procédure de protection internationale et de faire droit à sa nouvelle demande de protection internationale effectuée le 18 juillet 2012 » La partie étatique soulève en premier lieu un moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’objet du recours contentieux, alors que le ministre n’aurait jamais refusé, même implicitement, d’enregistrer une nouvelle demande de Madame ….. et de sa fille ….., en arguant qu’une telle demande n’aurait jamais été présentée par ces dernières. A cet effet, le délégué du gouvernement rappelle qu’en vertu de l’article 6 de la loi du 5 mai 2006, toute demande de protection internationale devrait être déposée par le demandeur en personne, mais que Madame ….. et de sa fille ….. ne se seraient jamais présentées personnellement auprès du service désigné à cet effet.

Madame ….. et sa fille ….. ne prennent pas position par rapport à ce moyen.

Force est au tribunal de constater que l’exception d’irrecevabilité ainsi soulevée vise à contester l’existence même d’une décision attaquable en justice.

L'article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », limite en effet l'ouverture d'un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l'acte litigieux doit constituer une décision administrative, c'est-à-dire émaner d'une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et que cet acte doit affecter les droits et intérêts de la personne qui le conteste1. En d’autres termes, l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-

dire, un acte final dans la procédure susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de l’intéressé.

S’il est de jurisprudence qu’il n’existe aucune condition de forme à remplir par un acte, il faut néanmoins que son existence soit établie2.

Il est constant en l’espèce que le litismandataire de Madame ….. et de sa fille ….. a fait parvenir le 18 juillet 2012 un courrier au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, par lequel il sollicita de ce dernier, au nom et pour les compte de ses mandantes, de bien vouloir ouvrir une nouvelle procédure de demande de protection internationale sur base de nouveaux faits relatés par le fils de Madame ….., suivant lesquels ses mandantes ne seraient toujours pas en sécurité dans leur pays d’origine.

Il est encore constant qu’aucune autorité administrative n’a réagi à ce courrier.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 1er, de la loi du 7 novembre 1996 : « Dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ».

L’application de cette présomption légale de rejet repose sur l’existence et la communication au ministre d’une demande précise et explicite.

Aux termes du courrier précité du 18 juillet 2012, le litismandataire, représentant les intérêts de Madame ….. et de sa fille, a principalement sollicité de manière explicite la réouverture de la procédure de protection internationale, et subsidiairement introduit « une deuxième demande d’asile, à cause des faits qui lui ont été relaté[s] par son fils lors de son retour au Kosovo ».

Force est dès lors au tribunal de constater que l’administration a été saisie d’une demande précise et explicite de la part de Madame ….. et de sa fille …… Il n’est, par ailleurs, pas contestable qu’une réponse négative à leur demande d’ouverture d’une nouvelle procédure d’asile est de nature à leur faire grief.

1 Trib. adm. du 26 août 2010 (n° du rôle 23551), Pasicrisie adm. V° Acte administratif n°1 2 Cour adm. du 14 janvier 2010 n° 25846C du rôle, Pas. adm. V° Acte administratif n°117 Il aurait dès lors appartenu à l’administration de se positionner par rapport à cette demande. Or, en raison du silence prolongé de plus de trois mois, Madame ….. et sa fille …..

ont pu considérer leur demande comme rejetée au sens de l’article 4 de la loi du 7 novembre 1996. Ce refus implicite est partant susceptible d’un recours devant le tribunal administratif.

Il importe peu à cet égard que le destinataire de la demande du 18 juillet 2012, à savoir le ministre des Affaires Etrangères et de l’Immigration, n’était pas compétent en cette matière qui est du ressort du ministre du Travail de l’Emploi et de l’Immigration, alors que le délai de trois mois court même si la demande de l’administré a été adressée à une autorité incompétente, compte tenu de l’obligation pour cette autorité de transmettre le dossier à l’autorité compétente3.

Le tribunal arrive dès lors à la conclusion que, contrairement aux allégations de la partie étatique, Madame ….. et sa fille ….. ont bien fait l’objet d’une décision de refus, certes implicite, de leur demande d’ouverture d’une nouvelle procédure de demande de protection internationale.

La circonstance que cette demande n’aurait pas été déposée dans le respect des prévisions de l’article 6 de la loi du 5 mai 2006, n’a pas d’incidence sur la recevabilité du recours contentieux par lequel le tribunal est saisi. La question de savoir si la demande du 18 juillet 2012 a été introduite dans les formes légales relève en effet de l’analyse au fond du recours contentieux.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’objet du recours contentieux est à rejeter en ce qu’il vise le recours dirigé contre la décision implicite de refus de la demande d’ouverture d’une nouvelle procédure de demande de protection internationale du 18 juillet 2012.

Le délégué du gouvernement soulève ensuite l’irrecevabilité du recours tirée du défaut d’intérêt à agir de Madame ….. et de sa fille ….., et motivée par la circonstance que ces dernières auraient accepté de retourner volontairement dans leur pays d’origine suite à l’arrêt précité de la Cour administrative les déboutant définitivement de leur première demande de protection internationale.

En ce qui concerne le défaut d’intérêt à agir, il y a lieu de rappeler que l’intérêt pour agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter4.

Saisi d'un recours contre la décision implicite de refus d’ouvrir une nouvelle procédure de demande de protection internationale, le tribunal doit apprécier l'intérêt à agir des demandeurs par rapport aux mesures sollicitées et les débouter s’il apparaît qu'elles ne justifient pas d'un intérêt à agir suffisamment caractérisé.

L'intérêt doit être direct et personnel et se mesure à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie5.

3 M. Rusen Ergec, Contentieux administratif luxembourgeois, in Pas. Adm. 2012, n°50 p. 30, Trib. adm. 21 juin 2010, n° 26164 du rôle, 4 Trib. adm. 22 mars 2006, n° 20355 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative contentieuse, n° 3.

5 Trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative contentieuse, n° 7.

Il ressort du courrier précité du 18 juillet 2012 que le litismandataire sollicite l’ouverture d’une nouvelle procédure de demande de protection internationale en raison des faits relatés par le fils de sa mandante, desquels il résulterait que les tueries des ressortissants serbes continueraient et que sa mandante ne serait pas en sécurité en cas de retour dans son pays d’origine. Il souligne encore que, malgré sa signature de la déclaration de retour volontaire, Madame ….. n’aurait, en fait, aucune intention de partir.

En l’absence d’une déclaration expresse de Madame ….., agissant en son nom personnel et pour le compte de sa fille mineure ….., de renoncer à sa nouvelle demande de protection internationale, force est au tribunal de constater qu’elle continue à garder un intérêt à toiser le présent litige causé par le refus implicite de réouverture d’une telle procédure et d’analyse au fond des motifs y relatifs.

Ce constat n’est pas énervé par le fait d’avoir signé en date du 9 mai 2012 une déclaration de retour volontaire, ni par le fait qu’elle ait été, ensemble avec sa fille, et en raison de cet engagement, rapatriée en date du 24 juillet 2013 vers son pays d’origine. En effet la déclaration de retour volontaire a été signée avant l’introduction d’une nouvelle demande de protection internationale le 18 juillet 2012, de sorte qu’elle ne saurait valoir renonciation à cette dernière.

Le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’intérêt de la part de Madame ….. et de sa fille ….. laisse partant également d’être fondé.

En ce qui concerne la compétence du tribunal administratif, en présence d’une décision implicite de refus, restant de par sa nature muette sur sa base légale exacte, il faut nécessairement se reporter à l’objet de la demande adressée à l’administration afin de déterminer le cadre légal de la décision implicite de refus et partant le type de recours, recours en réformation ou recours en annulation, prévu en la matière.

Il échet de constater que Madame …..-…. et sa fille ont clairement sollicité, à défaut de pouvoir réouvrir la procédure d’asile, l’ouverture d’une nouvelle procédure de protection internationale.

Force est au tribunal de relever que cette demande, telle qu’elle est encore soulignée par la motivation de la requête introductive d’instance, est basée sur l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 réglant les conditions de recevabilité d’un nouvelle demande de protection internationale de la part des personnes déboutées d’une première demande identique ou qui y ont renoncé.

Aux termes de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 : (1) «Le Ministre considérera comme irrecevable la demande de protection internationale d’une personne à laquelle le statut de réfugié ou la protection internationale ont été définitivement refusés ou d’une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

(2) Le demandeur concerné devra indiquer les faits et produire les éléments de preuve à la base de sa nouvelle demande de protection internationale dans un délai de quinze jours à compter du moment où il a obtenu ces informations. Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire prévu au paragraphe (1) en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien.

(3) La décision du ministre est susceptible d’un recours en annulation devant le tribunal administratif. Le recours doit être introduit dans un délai d’un mois à partir de la notification. Le tribunal administratif statue dans le mois de l’introduction de la requête. Les décisions du tribunal administratif ne sont pas susceptibles d’appel.» Force est dès lors de retenir que l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 prévoit expressément un recours en annulation en cas de rejet de la demande d’ouverture d’une nouvelle procédure de demande de protection internationale.

Il s’ensuit que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Au vu du libellé du dispositif de la requête introductive d’instance, selon lequel Madame ….. et sa fille demandent subsidiairement de « renvoyer l’affaire devant le Ministre des Affaires Etrangères afin qu’il ouvre une nouvelle procédure de protection internationale et qu’il analyse les éléments nouveaux fournis par la Requérante », le tribunal est amené à conclure qu’elles ont entendu introduire à titre subsidiaire un recours en annulation.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé, le recours subsidiaire visant l’annulation de la décision de refus implicite est à déclarer recevable pour avoir été présenté dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, s'il est vrai que le silence de l'administration suite à une requête légitime constitue une décision de refus implicite privée d’une motivation formelle, un tel manquement ne doit cependant pas conduire à l'annulation automatique de l'acte, si la décision administrative est, par ailleurs, basée sur des motifs légaux quoique non formellement énoncés dans l'acte. La sanction de l'obligation de motiver une décision administrative consiste en principe dans la suspension des délais de recours, la décision restant valable lorsque l'administration produit ou complète de manière utile les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif6.

Au moyen des motifs fournis en cours de la phase contentieuse, le délégué du gouvernement souligne l’irrecevabilité de la demande du 18 juillet 2012 de Madame ….., pour ne pas s’être présentée en personne, tel que cela serait exigé, sous peine d’irrecevabilité, par l’article 6 de la loi du 5 mai 2006, mais par la voie d’un courrier de son litismandataire.

Aux termes de l’article 6 de la loi du 5 mai 2006, « (1) Tout demandeur de protection internationale, ci-après «le demandeur», peut présenter sa demande, soit à la frontière, soit à l’intérieur du pays. La demande de protection internationale doit être déposée par le demandeur en personne sous peine d’irrecevabilité. » 6 Cour adm. du 13 juin 2006, n° 21176C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 74.

Etant donné que Madame ….. a demandé l’ouverture d’une nouvelle procédure de demande de protection internationale au sens de l’article 23 précité de la loi du 5 mai 2006, il appartient au tribunal d’analyser si les exigences formelles de l’article 6 précité ont également vocation à s’appliquer dans le cadre de l’article 23.

L’ouverture d’une deuxième procédure de demande de protection internationale au sens de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 supposant nécessairement que l’intéressé ait formulé une demande expresse y relative, force est de constater que l’article 23, se trouvant inséré sous le même chapitre de la loi que l’article 6 précité, ne prévoit pas des conditions d’admissibilité formelle propres, de sorte qu’il ne fait ainsi pas exception à la règle d’admissibilité générale de toute demande de protection internationale prévue à l’article 6 de la même loi. Force est dès lors au tribunal de retenir que la demande au sens de l’article 23 précité de la loi du 5 mai 2006 doit également être présentée en personne sous peine d’irrecevabilité.

La demande d’ouverture d’une procédure de demande de protection internationale du 18 juillet 2012 adressée à l’administration par un courrier d’avocat est partant irrecevable en application de l’article 6 de la loi du 5 mai 2006.

Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché au ministre d’avoir motivé sa décision de refus implicite par l’irrecevabilité de la demande lui adressée en date du 18 juillet 2012, de sorte que le recours est à déclarer non fondé, sans avoir à analyser les autres moyens invoqués par la partie demanderesse.

2) Quant au recours visant « l’ordre implicite de quitter le territoire » Etant donné qu’aucune disposition de la loi du 5 mai 2006 ne prévoit une décision de retour, respectivement un ordre de quitter automatique dans l’hypothèse où le ministre déclare irrecevable une demande de protection internationale basée sur l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 au motif d’une violation de l’article 6 de cette même loi, le refus implicite de faire droit à la demande d’ouverture d’une nouvelle procédure de demande de protection internationale du 18 juillet 2012 n’implique pas un tel ordre, même implicite, de quitter le territoire.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’une décision implicite valant ordre de quitter le territoire, le recours en annulation contre « l’ordre implicite de quitter le territoire » est irrecevable faute d’objet.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision de « refus implicite du Ministre des Affaires Etrangères de faire droit à la demande de protection internationale » ;

déclare recevable le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

le déclare non fondé et en déboute, déclare irrecevable le recours en annulation contre « la décision implicite portant ordre de quitter le territoire » ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, attaché de justice et lu à l’audience publique du 19 décembre 2013, par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20.12.2013 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 31751
Date de la décision : 19/12/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-12-19;31751 ?

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