Tribunal administratif Numéro 27205 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2010 3e chambre Audience publique du 18 décembre 2013 Recours formé par La société anonyme de droit belge …, … (Belgique) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de restitution d’impôts
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 27205 du rôle, déposée le 12 août 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Paul Tulcinsky, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme de droit belge …, établie et ayant son siège social à B-…, inscrite au registre du commerce de Bruxelles sous le numéro …, agissant par son conseil d’administration actuellement en fonction, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 mai 2010 portant rejet de sa réclamation introduite le 27 novembre 2009 contre deux décisions du bureau Sociétés I du 23 septembre 2009 portant rejet de ses deux requêtes en remboursement de retenue à la source sur revenus de capitaux mobiliers, présentées les 17 mars et 26 août 1997 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2010 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2011 par Maître Paul Tulcinsky au nom et pour compte de la société anonyme … ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2011 par Maître Laurent Schummer ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Laurent Schummer et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives ;
Vu l’avis du greffe du tribunal administratif informant les parties que le tribunal administratif a prononcé la rupture du délibéré pour des raisons de composition ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Laurent Schummer et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives.
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Au début de l’année 1996, la société anonyme de droit belge …, ci-après désignée par « … », détenait l’intégralité du capital de la société anonyme de droit belge … S.A., ci après désignée par « la société … », et, depuis l’année 1994, elle détenait une participation à hauteur de 1.098.502 actions dans le capital de la société anonyme de droit luxembourgeois …, ci-après désignée par « la société … ».
La société … détenait l’intégralité du capital de la société anonyme de droit belge …, ci-après désignée par « … ».
La société … détenait depuis l’année 1994 une participation à concurrence de 25% dans le capital de la société ….
Le patrimoine de la société … englobait à cette même époque une participation dans le capital de la société anonyme de droit luxembourgeois ….
En date du 3 mars 1996, la société … céda à la société … les 1.098.502 actions de la société …, de manière que la participation globale de la société … dans la société … fut portée à 34,922% du capital de cette dernière.
Le 27 décembre 1996, la société … versa à la société …, au titre de l’exercice 1995, un dividende de 373.490.680 LUF qui subit une retenue à la source de 56.023.602 LUF, soit 15% du montant du dividende brut. En date du 10 mars 1997, la société … introduisit, par l’intermédiaire de la société … mandatée à cette fin, auprès du bureau d’imposition Sociétés 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », une demande « de bien vouloir considérer que la retenue à la source sur … [la] distribution à la société … S.A., opérée sur base de la convention belgo-luxembourgeoise et du libellé actuel de l’article 147 2a LIR, est non conforme avec la directive du Conseil CE (90/435/CEE) concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mère et filiales d’Etats membres différents, et par conséquent de procéder au remboursement de l’excédent de retenue d’impôt, à savoir 56.023.602 LUF ».
Le 27 juin 1997, la société … versa à la société … au titre de l’exercice 1996 un dividende de 241.670.440 LUF qui fut amputé d’une retenue à la source de 24.167.044 LUF, soit 10% du montant du dividende brut. Le 20 août 1997, la société … introduisit, par l’intermédiaire de la société … mandatée à cette fin, auprès du même bureau d’imposition une demande en remboursement de l’excédent de retenue sur les dividendes lui distribués, à savoir du montant de 24.167.044 LUF, formulée en des termes identiques.
L’assemblée générale extraordinaire de la société … du 17 novembre 1997 décida la dissolution anticipée de cette société, prononça sa mise en liquidation à compter de cette date et nomma Maître Jacques Loesch liquidateur de la société. L’assemblée générale extraordinaire de cette même société du 20 novembre 1997 approuva les comptes de liquidation, donna décharge pleine et entière au liquidateur, prononça la clôture de la liquidation et constata que la société … avait définitivement cessé d’exister.
L’actif de la société … à la date du 17 novembre 1997 fut constitué essentiellement par 30.397.851 actions de la société …, 237.212 obligations remboursables en actions de cette même société et de liquidités à hauteur de 1.071.482.547 LUF. Ces éléments de l’actif furent attribués, dans le cadre de la liquidation de la société …, respectivement à hauteur de 75% à la société … et de 25% à la société ….
Par décision du 25 octobre 2002, portant les numéros du rôle … et …, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », refusa de faire droit aux deux demandes précitées de la société … des 17 mars et 26 août 1997.
A l’encontre de cette décision directoriale de rejet de ses deux demandes des 17 mars et 26 août 1997, la société …, ayant ultérieurement pris la dénomination …, ci-après désignée par « … », a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 24 janvier 2003.
Par jugement du tribunal administratif du 23 juillet 2003, n° 15907 du rôle, le tribunal administratif déclara le recours en réformation recevable et fondé, de sorte qu’il annula, dans le cadre du recours en réformation introduit, la décision du directeur litigieuse pour incompétence de son auteur et lui renvoya l’affaire en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent pour voir statuer sur les demandes de restitution de la société … introduites les 17 mars et 26 août 1997.
En date du 23 septembre 2009, le bureau d’imposition prit deux décisions portant refus des demandes de restitutions précitées au motif que la condition de durée de détention ininterrompue de deux ans ne serait pas remplie.
Le 27 novembre 2009, … introduisit par l’intermédiaire de son mandataire une réclamation, datée au 25 novembre 2009, contre les deux décisions précitées du bureau d’imposition du 23 septembre 2009.
Par décision du 19 mai 2010, portant le numéro C 15556 du rôle, le directeur reçut la réclamation précitée introduite le 27 novembre 2009 en la forme, mais la rejeta comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« […] Vu la requête introduite le 27 novembre 2009 par Me Paul Tulcinsky, pour réclamer au nom de la société anonyme de droit belge … (dont la dénomination a été changée par la suite en … S.A.), avec siège social à …, contre :
1) une décision du bureau Sociétés I portant rejet d'une demande en restitution d'une retenue à la source de 15%, soit 56.023.602 francs, émise en date du 23 septembre 2009 ;
2) une décision du bureau Sociétés I portant rejet d'une demande en restitution d'une retenue à la source de 10%, soit 24.167.044 francs, émise en date du 23 septembre 2009 ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que l'introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n'est incompatible en l'espèce avec les exigences d'une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu'il n'y a pas lieu de la refuser ;
Quant à la recevabilité Vu le § 252 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant qu'il échet tout d'abord d'analyser la qualification à conférer à l'acte introduit par la réclamante en date du 27 novembre 2009 ;
Considérant que la réclamante, débiteur de l'impôt, fait grief au bureau d'imposition de ne pas lui avoir accordé une restitution de respectivement 56.023.602 francs et de 24.167.044 francs ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'alinéa 1 de l'article 149 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), le débiteur des revenus doit opérer la retenue d'impôt pour compte du bénéficiaire et est personnellement responsable de l'impôt qu'il a retenu ou qu'il aurait dû retenir ;
que suivant l'alinéa 2 du même article, le bénéficiaire des revenus est débiteur de l'impôt ;
Considérant que l'alinéa 1 du § 150 AO vise les cas où le remboursement d'impôts peut être exigé, partant où le droit au remboursement est établi et n'a qu'à être invoqué par le contribuable ;
qu'en vertu de l'alinéa 2 du même paragraphe, le bureau d'imposition compétent est obligé de matérialiser son refus de remboursement de l'impôt par un bulletin ;
qu'il s'ensuit que « l'existence du droit à restitution ne doit pas être établie à suffisance de droit au moment de la soumission de la demande de restitution par le contribuable, mais qu'il incombe au bureau d'imposition de statuer sur la réalité de ce même droit » (jugement tribunal administratif du 23 juillet 2003, no rôle 15907) ;
Considérant que les droits des créanciers de revenus de capitaux sont réglés par le § 152 (2) n° 1 AO (études fiscales, Jean Olinger, nos 81/82/83/84/85, page 73) ;
qu'en l'occurrence la réclamante qui est le bénéficiaire des revenus de capitaux, peut contester la retenue opérée en soumettant une demande en restitution ;
Considérant qu'en l'espèce, la réclamante a soumis une telle demande en restitution en date du 17 mars 1997 et du 26 août 1996 au bureau d'imposition ;
Considérant qu'il s'ensuit que les bulletins datés du 23 septembre 2009 et communiquant les décisions de refus de remboursement de la part du bureau d'imposition ouvrent donc le droit à réclamation devant le directeur des contributions sur base du § 235 n° 5 AO ;
Quant au fond Considérant que c'est en date du 3 mai 1996 que la requérante a acquis 1.098.502 actions de la société anonyme … ; qu'elle a détenu ces titres, représentatifs d'une participation directe de 34,922% (taux inchangé par la suite) dans le capital social de la société filiale, de manière ininterrompue jusqu'à la dissolution et la mise en liquidation le 17 novembre 1997 (liquidation clôturée le 20 novembre 1997) ;
I) Caractère des allocations faites à la requérante Considérant qu'en vertu du § 243 de la loi générale des impôts (AO), une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du requérant, la loi d'impôt étant d'ordre public (décision C7640 du 09.09.1991) ;
Considérant qu'à la lumière de la mise en liquidation, en date du 17 novembre 1997, de la société anonyme … (dont l'exercice social a cadré avec l'année du calendrier), il importe de vérifier si aucune des distributions effectuées à la requérante les 27 décembre 1996 et 27 juin 1997 ne constitue une somme allouée à l'occasion du partage, visé à l'article 101 L.I.R., de l'actif net investi de la société filiale, somme qui tomberait dès lors sous la coupe de l'article 97 (3) lit. d) de la même loi (L.I.R.) et ne rangerait pas parmi les revenus provenant de capitaux mobiliers soumis à la retenue à la source y afférente ;
Considérant que si le moindre doute, quant au caractère de dividende au sens de l'article 97 (1) numéro 1 L.I.R., ne subsiste pour la part dans la distribution de bénéfice de l'exercice 1995 de la société anonyme …, décidée par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires tenue le 6 juin 1996 (2e résolution) et versée le 27 décembre 1996, la part de la requérante dans la distribution de bénéfice de l'exercice 1996, approuvée par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires tenue le 5 juin 1997 (2e résolution) et versée le 27 juin 1997, donc presque cinq mois avant l'entrée en liquidation de la société filiale (cf. Roger Molitor, Le régime fiscal des sociétés mère et filiales chap. 3.2.6., Etudes fiscales nos 90/91/92, avril 1994), n'est pas non plus à requalifier en un produit du partage de l'actif net investi (article 101 L.I.R.) ;
qu'en fait le versement du 27 juin 1997 n'a été conçu en aucun moment, de part et d'autre, comme un acompte sur produit de liquidation ;
Considérant que, pour ce qui est précisément dudit bénéfice distribué au titre de l'année 1996, l'article 169 L.I.R., réglant la détermination et l'imposition du bénéfice de liquidation dans le chef de la collectivité dissoute, ne peut pas servir de base légale positive pour conférer à ladite allocation, après coup et manifestement au contraire de la réalité économique (cf. la 2e résolution de l'assemblée générale ordinaire … du 5 juin 1997), la qualité de produit de liquidation, même si le versement y relatif s'est situé après la clôture du dernier exercice d'exploitation précédant la dissolution et la mise en liquidation de la société filiale ;
qu'en effet, la dernière phrase de l'article 169 (5) L.I.R. exclut du bénéfice (boni) de liquidation y visé le « bénéfice de l'exercice précédent qui a été distribué après la clôture de l'exercice » (cf. Herbert Brönner, « Die Besteuerung der Gesellschaften VI/153, 16.
Auflage 1988, dans le contexte du § 11 KStG. : „In das Abwicklungsendvermögen sind im Abwicklungszeitraum ausgeschüttete Wirtschaftsgüter (ausgenommen die Gewinnausschüttung für das dem Abwicklungszeitraum vorangegangene Wirtschaftsjahr) einzubeziehen (…)“) ;
Considérant que les dividendes alloués à la requérante en date du 27 décembre 1996 et du 27 juin 1997 conservent par conséquent, nonobstant la mise en liquidation de la société filiale le 17 novembre 1997, le caractère fiscal de revenus provenant de capitaux au sens de l'article 97 (1) numéro 1 L.I.R. ; qu'en tant que « revenus provenant d'actions », ils correspondent également au terme « dividendes » employé dans l'article 10 de la Convention entre le Luxembourg et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 17 septembre 1970 ;
II) Durée de détention de la participation dans la société filiale Considérant que l'obligation de procéder, lors de la mise à disposition des dividendes alloués à la requérante les 27 décembre 1996 et 27 juin 1997, aux retenues à la source contestées a résulté conjointement de l'article 10 § 2 de la convention fiscale belgo-luxembourgeoise ainsi que des articles 146, 147 numéro 2a, 148 (2) et 149 L.I.R., telles que ces dispositions ont été en vigueur à l'époque desdites attributions de dividendes ;
Considérant que le présent litige porte, en ordre principal, sur l'interprétation à donner à la condition de la durée minimale de détention d'une participation directe d'au moins 25%, condition à remplir pour bénéficier de l'exonération de la retenue à la source sur les dividendes distribués durant les années 1996 et 1997 par une société de capitaux résidente pleinement imposable à une société d'un autre État membre de l'Union Européenne et visée à l'article 2 de la directive 90/435/CEE du Conseil Européen du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents ;
Considérant qu'eu égard à la primauté, en matière d'hiérarchie de normes juridiques, du droit communautaire sur les conventions conclues entre les États membres de l'Union Européenne (cf. C.J.C.E. 27 février 1962, C-10/61) et sur le droit interne, l'analyse de la condition susmentionnée de la durée minimale de détention d'une participation directe se fait d'abord par référence aux articles 3 et 5 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990) ;
Considérant qu'en application de l'article 3 § 1, lit. a) de la directive 90/435/CEE, « la qualité de société mère est reconnue au moins à toute société d'un État membre qui remplit les conditions énoncées à l'article 2 et qui détient, dans le capital d'une société d'un autre État membre remplissant les mêmes conditions, une participation minimale de 25% » ;
qu'en vertu de l'article 3 § 2, 2e tiret de la directive 90/435/CEE, les États membres ont la faculté, par dérogation au § 2, « de ne pas appliquer la présente directive à celles de leurs sociétés qui ne conservent pas, pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, une participation donnant droit à la qualité de société mère, ni aux sociétés dans lesquelles une société d'un autre État membre ne conserve pas, pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, une telle participation » ;
que l'article 5 § 1 de la directive 90/435/CEE prévoit que « les bénéfices distribués par une société à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25% dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source » ;
Considérant que le contenu de la directive 90/435/CEE relatif à l'exemption de la retenue à la source en ce qui concerne les bénéfices distribués par une société filiale d'un État membre à sa société mère d'un autre État membre a été ancré dans l'article 147 numéro 2a L.I.R. comme suit, pour les années 1996 et 1997: « La retenue d'impôt faisant l'objet de l'article 146 n'est pas à opérer : (…) 2a. lorsque les revenus visés à l'article 97, alinéa 1er, numéro 1, sont alloués par une société de capitaux résidente pleinement imposable à une société qui est un résident d'un État membre de l'Union Européenne et visée à l'article 2 de la directive du Conseil des CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales États membres différents (90/435/CEE). Il faut dans ce cas que la société mère puisse prouver qu'elle a détenu une participation directe d'au moins 25 pour cent durant une période ininterrompue de 2 ans au moins au moment de la distribution. L'exonération ne vaut toutefois que dans la mesure où les revenus proviennent de titres de participation qui ont été la propriété ininterrompue de la société bénéficiaire pendant ladite période de 2 ans » ;
Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes, saisie dans le cadre d'une procédure préjudicielle dans trois affaires jointes (… BV, C-283/94 ; … BV, C-291/94 ; … BV, C-292/94), a prononcé le 17 octobre 1996 un arrêt relatif à l'interprétation de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, cet arrêt disant pour droit qu'un État membre de l'Union Européenne ne peut pas subordonner la dispense de retenue à la source prévue par la directive CEE des sociétés mères et filiales à la condition qu'au moment de la distribution des bénéfices, la société mère ait détenu une participation minimale de 25% dans le capital de la filiale pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, précisant de la sorte que la condition de délai doit s'apprécier a posteriori et non pas au moment de l'allocation des dividendes ;
Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a retenu dans sa motivation (points 24 et 25) qu'il y a lieu de se référer au libellé même de l'article 3 § 2, 2e tiret de la directive 90/435/CEE, selon lequel les sociétés mères ne peuvent être privées de l'exemption de la retenue que lorsqu'elles « …ne conservent pas, pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, une telle participation » et qu'il ressort des termes de cette disposition, et notamment de l'emploi du présent (« conservent ») dans toutes les versions linguistiques sauf dans la version danoise, que la société mère doit, pour bénéficier de l'avantage fiscal, détenir une participation dans la filiale pendant une certaine période, sans qu'il soit nécessaire que cette période ait déjà pris fin au moment de l'octroi de l'avantage fiscal ;
que, de ce fait, la Cour de justice des Communautés européennes a clairement souligné que la société mère, pour être exonérée de la retenue à la source, doit détenir une participation minimale de 25% pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans ;
Considérant qu'il en résulte que l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 octobre 1996, appliqué à l'article 147 numéro 2a L.I.R., a confirmé le caractère impératif de la condition de la durée minimale de détention de la participation dans la société filiale, même si, selon l'enseignement du prédit arrêt, cette condition n'a plus besoin d'être remplie au moment de la mise à disposition des dividendes ;
Considérant que la participation directe de la requérante dans le capital social de la collectivité distributrice des dividendes, participation acquise le 3 mai 1996, a cessé d'exister au moment de la clôture de la liquidation, le 20 novembre 1997, de la société anonyme … (suite à la répartition de ses actifs) ; qu'il n'y a eu ni fusion de sociétés, ni une quelconque autre opération susceptible de déclencher la prise en considération fiscale de la théorie de l'échange de biens équivalents ;
Considérant qu'il s'ensuit que faute d'avoir détenu sa participation directe dans le capital social de la société anonyme … pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, la requérante ne peut pas se prévaloir, en relation avec les dividendes alloués les 27 décembre 1996 et 27 juin 1997, de l'exemption de la retenue d'impôt à la source sur les revenus de capitaux ; que partant un droit dans son chef au remboursement des montants ainsi retenus ne peut pas être affirmé ;
III) Date d'exécution des retenues d'impôt à la source contestées par la requérante Considérant que si en l'espèce l'obligation de verser au Trésor public l'impôt sur le revenu frappant les revenus de capitaux est indubitablement établie, la question se pose néanmoins, à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 octobre 1996, à quelle(s) date(s) cette obligation était exécutable ;
Considérant que l'arrêt prévisé de la Cour de justice des Communautés européennes retient dans son dispositif qu' « il appartient aux États membres d'établir les règles visant à faire respecter cette période minimale (= de détention de la participation dans la société filiale) , conformément aux procédures prévues dans leur droit interne.
En tout état de cause, ces États ne sont pas tenus, en vertu de la directive, d'accorder l'avantage (= l'exemption de la retenue à la source) de manière immédiate lorsque la société mère s'engage unilatéralement à respecter la période de participation minimale. » ;
Considérant que le droit fiscal interne a été adapté en l'occurrence, avec effet à partir de l'année d'imposition 1998, par l'insertion au texte de l'article 149 L.I.R. des dispositions suivantes : « (4) (…) Un règlement grand-ducal déterminera les conditions de garantie à observer lorsque, à la date de la mise à la disposition des revenus, la seule condition de la durée de détention ininterrompue (…) n'est pas remplie et que le bénéficiaire des revenus s'engage à détenir jusqu'à l'accomplissement de la durée de détention restante une participation d'au moins (…) dans le capital social du débiteur des revenus. – (4a) En l'absence d'un engagement par le bénéficiaire des revenus, le débiteur des revenus est tenu de déclarer et de verser l'impôt retenu à la source dans le délai de huit jours à partir de la date de la mise à la disposition des revenus. Le remboursement peut être demandé par le bénéficiaire des revenus dès qu'il prouve que la durée de détention est remplie et que pendant toute la durée de détention le taux de participation n'est pas descendu au-dessous du seuil de (…) » ;
Considérant qu'aux fins de statuer sur les deux requêtes en cause, il échet de se référer aux solutions de principe (abstraction faite de l'abaissement du taux de participation minimale et de la réduction de la durée minimale de détention) apportées par le législateur national à la suite de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 octobre 1996, même si ces solutions ne sont d'application qu'à partir de l'année d'imposition 1998 ;
Considérant que la réclamante reste à défaut de fournir des preuves concrètes quant à l'existence, au moment de l'allocation des dividendes en question, d'un engagement prévu par l'article 149 L.I.R. tel qu'il a été complété avec effet à partir de l'année d'imposition 1998 ;
qu'un pareil engagement ne se présume pas ; que partant les retenues d'impôt à la source opérées à l'occasion de l'allocation des dividendes en dates du 27 décembre 1996 et du 27 juin 1997 l'ont été à bon droit ;
Considérant, à titre superfétatoire, que même la mise en place dès l'année 1996 d'un système d'exemption immédiate en contrepartie de la constitution de garanties dans l'hypothèse d'un engagement formel de détention de la participation, n'aurait dans le cas d'espèce que fait décaler dans le temps le versement de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux en question, au plus tard jusqu'à la date de la clôture de la liquidation de la société filiale (le 20 novembre 1997) ;
IV) Taux des retenues d'impôt à la source Considérant que, quant aux taux de retenue d'impôt sur les dividendes attribués les 27 décembre 1996 (15%) et 27 juin 1997 (10%), une juste application a été faite de l'article 10 § 2, lit. a) et b) de la Convention du 17 septembre 1970 entre le Luxembourg et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] » A l’encontre de cette décision directoriale de rejet de sa réclamation introduite le 27 novembre 2009, … a fait introduire un recours principalement en réformation, sinon subsidiairement en annulation par requête déposée le 12 août 2010 au greffe du tribunal administratif.
Au vœu des dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé contre une décision du directeur statuant sur une réclamation d’un contribuable contre une décision de refus de restitution d’impôts au sens du § 235, paragraphe 5 AO. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Tout en admettant que les allocations qui lui ont été faites ne constitueraient pas des sommes allouées à l'occasion d'un partage de l'actif net investi de la société …, mais bien des revenus en provenance de capitaux mobiliers, en l'espèce des dividendes, soumis de ce fait à la retenue à la source y afférente, sauf application du régime d'exemption des revenus provenant de participations, la demanderesse estime à l’appui de son recours de prime abord que l’application du § 243 AO imposerait tant au directeur qu'au tribunal administratif un réexamen intégral de la demande et ce quelque soient les conclusions et moyens invoqués par le demandeur, du fait du caractère d'ordre public de la loi fiscale.
Force est cependant à cet égard au tribunal de constater que s’il est exact qu’en vertu du § 243 AO le directeur est tenu de procéder d’office à un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du requérant et qu’il peut, le cas échéant, statuer in peius, c’est-à-dire au désavantage du réclamant, l’article 97, paragraphe 3, alinéa 8 de la loi du 7 novembre 1996 exclut de manière expresse l’application du § 243 AO au tribunal administratif. Par voie de conséquence, il y a lieu de conclure, d’un côté, que si le tribunal est certes investi en la matière du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, il n'en demeure pas moins que s'il est saisi d'un recours contentieux contre un acte déterminé, l'examen auquel il doit se livrer s'effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les points spécifiques de l'acte déféré faisant grief, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de la situation fiscale du demandeur au sens du § 243 AO et, de l’autre côté, que le tribunal, contrairement aux pouvoirs conférés au directeur, ne saurait réformer la décision déférée, en l’occurrence celle du directeur, au désavantage du demandeur.
Quant au fond, la demanderesse fait en premier lieu valoir que le principe jurisprudentiel allemand du Tauschgutachten, repris par l'administration fiscale luxembourgeoise, aurait été concrétisé par le Bundesfinanzhof dans un avis du 16 décembre 1958 et qu’en vertu de ce principe, lorsque des biens sont remis en échange à d'autres biens, cet échange de biens n'entraînerait aucune conséquence d'un point de vue fiscal, dans la mesure où les biens échangés et ceux remis en échange, seraient économiquement identiques, c'est-à-dire, qu'ils présenteraient une identité de nature, une identité de fonction ainsi qu'une identité de valeur. Les biens ainsi reçus en échange seraient considérés comme étant les mêmes biens que ceux remplacés. Il en serait ainsi, notamment, lorsque l'associé d'une société dont les titres sont annulés demeure en fait propriétaire des mêmes biens et reçoit en échange des titres annulés la fraction correspondante des actifs et passifs de la société dont les titres sont annulés.
En retenant, dans sa réponse aux réclamations, « qu'il n'y a eu ni fusion, ni une quelconque autre opération susceptible de déclencher la prise en considération fiscale de la théorie de l'échange des biens équivalents », sans autres précisions à ce sujet, le directeur n’aurait pas motivé suffisamment sa décision selon laquelle la société … ne pourrait pas bénéficier de la théorie de l'échange de biens équivalents, pour considérer que les titres de la société … n'auraient pas été détenus pendant le délai requis.
En effet, en indiquant que l'applicabilité de la théorie de l'échange de biens équivalents ne pourrait pas être invoquée en l'absence de fusion, le directeur aurait admis, a contrario, que s'il y avait eu une fusion, ce principe aurait eu vocation à s'appliquer. Or, il s'avèrerait que la requérante n'aurait pas été, à l'époque, en mesure de fusionner avec sa filiale, étant donné que la loi luxembourgeoise, dans sa rédaction de l'époque, n’aurait pas permis les fusions transfrontalières, faute de transposition de la directive européenne numéro 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents, ci-après désignée par « la directive 90/434/CEE » dans le délai imparti. Le directeur serait par conséquent mal fondé à invoquer l'absence de fusion dans la mesure où une telle opération aurait été impossible du fait d'un manquement de l'État luxembourgeois à ses obligations communautaires.
Ainsi, pour remédier à l'absence de législation en matière de fusions transfrontalières, elle aurait été contrainte de suivre la voie de la liquidation par répartition en nature des actifs aux associés. Or, une telle liquidation devrait pouvoir être considérée comme une « autre opération susceptible de déclencher la prise en considération fiscale de la théorie de l'échange de biens équivalents » en ce qu'elle produirait quasiment le même résultat qu'une fusion.
Les arguments invoqués par le directeur aux fins de rejeter la prise en considération de la théorie de l'échange de biens équivalents devraient donc être rejetés et la théorie de l'échange de biens devrait trouver application dans la mesure où les différentes conditions seraient remplies en l’espèce.
Le délégué du gouvernement, avant même de procéder à une analyse des conditions d’application inhérentes auxdits concepts, fait valoir que ni le concept de la fusion ni celui de la théorie de l’équivalence des biens, seraient d’application en l’espèce.
Force est au tribunal de constater de prime abord qu’il est constant en cause que les sociétés … et … n’ont pas fusionné, de sorte que les dispositions applicables en la matière ne sauraient trouver application aux fins de la solution des questions juridiques qui se posent en l’espèce, les raisons ayant empêché les sociétés intéressées de procéder à une fusion étant insignifiantes au stade actuel de l’analyse du litige.
Au sujet du concept du « Tauschgutachten » développé par le « Bundesfinanzhof » le 16 décembre 1958, il n’est pas contesté en l’espèce au moment des faits, en l’occurrence durant les années d’impositions 1995 et 1996, respectivement 1997 si on tient en compte l’année de versement du deuxième dividende litigieux, il était d'application au Luxembourg.
Quant à la teneur du concept du « Tauschgutachten », il résulte de l'ordonnance relative au « Tausch von Anteilen an Kapitalgesellschaften ; Grundsätze für die Anwendung des sog. Tauschgutachtens des BFH vom 16.Dezember 1958 » publié das le « Bundessteuerblatt » de 19981 que « Das Tauschgutachten behandelt den echten Tausch, bei dem die Vertragspartner wechselseitig aus ihrem Vermögen Beteiligungen übertragen. Außerdem werden Fälle der Einbringung angesprochen, in denen Anteile an einer Kapitalgesellschaft in eine andere Kapitalgesellschaft eingelegt werden und der Steuerpflichtige als Gegenleistung Anteile an einer anderen Kapitalgesellschaft erlangt (Tausch einer unmittelbaren gegen eine mittelbare Beteiligung.) » Il s’ensuit que l’application du concept du « Tauschgutachten » présuppose un véritable échange dont l’objet est soit constitué de titres, soit d’un apport en titres en contrepartie de titres de la société dans le capital de laquelle ces titres ont été apportés.
Or, en l’espèce il n’y a pas eu d’échange de titres ou de participations entre les sociétés … et …, la dernière ayant été dissoute par la décision de l’assemblée générale lors de laquelle la clôture de la liquidation fut décidée. Le fait que la société … a reçu en tant qu’actionnaire 75 % des actifs de la société … après la clôture de la liquidation, dont des actions de la société … et des obligations remboursables en actions de cette même société, ne confère à la liquidation de la société … avec attribution de l’actif aux actionnaires pas la nature d’un échange au sens du concept du « Tauschgutachten », de sorte que c’est à bon droit que la partie étatique conclut à son inapplicabilité en l’espèce.
1 Cf. Bundessteuerblatt, Teil I, page 163, Tausch von Anteilen an Kapitalgesellschafte ; Grundsätze für die Anwendung des sog. Tauschgutachtens des BFH vom 16.Dezember 1958 – BStBl 1959 III S.30 Le moyen afférent laisse partant d’être fondé, sans qu’il ait lieu d’analyser plus en avant les conditions d’application inhérentes au concept du « Tauschgutachten ».
La demanderesse fait encore valoir que dans sa décision du 19 mai 2010, le directeur se fonderait sur les dispositions du droit communautaire, primant sur le droit interne et plus particulièrement sur la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, ci-après désignée par « la directive 90/435/CEE », aux fins de vérifier si la condition impérative de la durée minimale de détention d’actions dans la société … de participation est rempli.
La directive 90/435/CEE énoncerait, dans son article 3, paragraphe 2., que les États membres ont la faculté de ne pas appliquer les dispositions de la directive lorsque la société mère « ne conserve pas, pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, une telle participation ». Cette condition aurait été reprise par le législateur luxembourgeois dans l'article 147 ancien de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « L.I.R. », qui disposerait que la société mère devrait « détenir » une participation directe d'au moins 25 % pour bénéficier de l'exemption de la retenue à la source prélevée sur les distributions de dividendes réalisées entre sociétés liées.
En l’espèce, lors de la clôture de la liquidation de la société …, les actions de cette dernière auraient été annulées et non cédées. Or, cette annulation ne pourrait pas être assimilée à une aliénation des actions par la société mère dans la mesure où le terme « détenir » employé par la loi luxembourgeoise et le terme « conserver » employé dans la directive 90/435/CEE supposeraient une volonté, un acte positif de la part de celui qui « détient » ou qui « conserve ». La seule manière de ne plus « détenir » et « conserver » impliquerait une volonté de se départir de sa possession, donc un acte positif consistant en une aliénation. L'annulation des titres du fait de la liquidation de la société … ne représenterait pas un tel acte positif. En effet, la société … n'aurait pas délibérément voulu se séparer de sa filiale. En conséquence, l'annulation des titres du fait de la liquidation de la société ne pourrait pas entraîner la déchéance du délai de détention.
La demanderesse donne par ailleurs à considérer que la société … aurait toujours affirmé sa volonté de conserver sa participation dans la société … pour une période minimale de deux ans. En effet, elle n'aurait jamais manifesté une quelconque intention de céder sa participation. Cette absence d'intention serait corroborée par le fait qu'il n'y aurait pas eu de réalisation des actifs de la filiale liquidée, mais une remise en nature de ces actifs à l'actionnaire de la société …, qui les aurait conservés par la suite.
La société … serait, par conséquent, restée propriétaire économique des actions de sa filiale, la société …, puis des actifs et passifs de cette filiale, pendant une période d'au moins deux ans lui permettant ainsi de bénéficier de l'exemption de la retenue à la source.
Quant aux développements du directeur par rapport aux conditions d'application de l'article 149 alinéa 4 LIR, entrée en vigueur en 1998, la demanderesse estime que ces développements seraient peu pertinents en l'espèce étant donné que la disposition en question, ainsi que son règlement d'application, n’auraient pas été applicables lors des années d'imposition 1996 et 1997.
La demanderesse conclut qu’il ressortirait de ses développements que l'intention de la société … de conserver les participations pendant une durée minimale de deux ans aurait été suffisamment manifestée, de sorte que ce serait à tort que le directeur prétend qu’elle serait en défaut de fournir des preuves concrètes quant à l'existence d'un engagement de détenir les participations pendant au moins deux ans au moment de l'allocation des dividendes.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
Aux termes de l’article 147, paragraphe 2a LIR, tel qu’en vigueur durant les années d’impositions litigieuses, « Il faut […] que la société mère puisse prouver qu’elle a détenu une participation d’au moins 25 pour cent durant une période ininterrompue de 2 ans au moins au moment de la distribution. L’exonération ne vaut toutefois que dans la mesure où les revenus proviennent de titres de participation qui ont été la propriété ininterrompue de la société bénéficiaire pendant ladite période de 2 ans. » Il s’ensuit que pour bénéficier de l’exonération litigieuse, la société mère doit prouver la détention d’une participation d’au moins 25 % durant une période de deux ans au moins au moment de la distribution des revenus, la seconde phrase de l’article 147, paragraphe 2a LIR précisant que les revenus doivent provenir de titres de participation qui ont été la propriété ininterrompue de la société bénéficiaire pendant ladite période de deux ans.
S’il est exact que le terme employé par la première phrase de l’article 147, paragraphe 2a précité LIR, à savoir détenir est tout aussi vague que le terme « conserver » inscrit à la directive 90/435/CEE, et est susceptible, le cas échéant d’englober d’autres situations que la propriété des titres, il n’en reste pas moins que la deuxième phrase de cet article est non équivoque en ce qu’elle exige que le bénéficiaire des revenus exonérés ait eu la propriété ininterrompue des titres desquels proviennent ces revenus pendant une période de deux ans au moins. La condition ainsi posée par le législateur s’analyse partant en une appréciation juridique neutre, à savoir avoir été propriétaire des actions durant une période ininterrompue de deux ans au moins, indépendamment de la question de savoir dans quelles circonstances la propriété a cessé.
En l’espèce, la dissolution de la société … en date du 20 novembre 1997, et l’annulation des actions de la demanderesse qui s’en est suivie a eu pour conséquence qu’elle n’est plus à considérer comme propriétaire de ces actions. Etant donné qu’il ressort des explications concordantes des parties que la demanderesse, par l’intermédiaire de sa filiale, la société …, avec laquelle elle a entre-temps fusionné, a acquis les titres en question en date du 3 mars 1996, elle n’était pas propriétaire de ces titres pendant un délai de deux ans.
Par voie de conséquence le moyen afférent laisse d’être fondé.
En troisième lieu, la demanderesse fait valoir que le remboursement des retenues à la source perçues au Luxembourg devrait être accordé au motif que la liquidation de la société … a dû être effectuée, par préférence à d'autres opérations juridiques, en raison de différents manquements du législateur luxembourgeois à ses obligations de transposition, dans les délais prévus, de plusieurs directives européennes.
En effet, étant donné que le Luxembourg n’aurait pas transposé la directive 90/434/CEE il aurait contrevenu à ses obligations. Cette lacune aurait notamment été soulignée lors des travaux parlementaires relatifs à la loi du 21 décembre 2001 portant réforme de certaines dispositions en matière d'impôts directs et indirects. C'est ainsi que le législateur aurait introduit l'article 170bis LIR, applicable à compter du ler janvier 2002, qui prévoirait la dissolution sans liquidation, en immunisation d'impôt, d'une société résidente du Luxembourg absorbée par une société résidente d'un autre État membre.
La circonstance que le droit des sociétés luxembourgeois n’aurait contenu aucune disposition relative aux fusions de sociétés impliquant à la fois une société résidente du Luxembourg et une société résidente d'un autre État de l'Union Européenne, et que le législateur luxembourgeois se serait abstenu d'introduire en droit fiscal luxembourgeois une disposition permettant l'absorption d'une société résidente du Luxembourg par une société résidente d'un autre État membre sous la forme d'une dissolution sans liquidation de la société dont les actifs sont transférés, serait contraire à la directive 90/434/CEE en ce sens qu’elle aurait imposé l’introduction d’une telle disposition en droit luxembourgeois.
Par ailleurs, cette absence de transposition de la directive 90/434/CEE en droit fiscal luxembourgeois aurait restreint le choix de la société …, résidente de la Belgique, dans la mesure où elle n’aurait pas pu absorber la société …, société résidente du Luxembourg, en régime de neutralité fiscale. Seule la voie de la liquidation de la société luxembourgeoise avec le transfert corrélatif des actifs et passifs lui aurait été ouverte.
En outre, les fusions impliquant exclusivement deux sociétés résidentes du Luxembourg, auraient pu, à cette époque, être réalisées par le biais d'une dissolution sans liquidation de la société absorbée, de sorte que si la société … avait été une société résidente du Luxembourg, la société … aurait pu être dissoute sans liquidation, et la société … aurait pu bénéficier du maintien du délai de détention des parts en cause.
Ainsi, dans la mesure où le droit fiscal luxembourgeois n'aurait pas autorisé l'absorption d'une société résidente du Luxembourg par une société résidente d'un autre État membre sans liquidation de la société luxembourgeoise, il aurait créé une discrimination au détriment des sociétés non-résidentes. Cette discrimination serait contraire tant à la directive 90/434/CEE qu'aux dispositions du Traité organique relatives à la liberté d'établissement telles qu'elles étaient en vigueur au moment des faits, de sorte qu’il y aurait lieu de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Justice de l'Union Européenne la question préjudicielle en interprétation ainsi libellée :
« L'article 170 de la loi luxembourgeoise modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu telle qu'applicable à l'époque des faits et notamment son article 170 violaient-ils l'article 43 du Traité CE, dans la mesure où cette disposition réservait aux seules fusions entre deux sociétés résidentes du Luxembourg le bénéfice du régime de neutralité fiscale pour les opérations de transmission en bloc de l'actif social d'un organisme à caractère collectif résident à un autre organisme à caractère collectif résident, alors même qu'un tel régime n'était pas disponible pour les contribuables non résidents réalisant la même opération, en raison d'un défaut de transposition en droit national luxembourgeois de la Directive Européenne n°90/434/CEE du 23 juillet 1990 dans le délai imparti ? » Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
Aux termes de l’article 170, paragraphe 2 LIR, tel qu’en vigueur au moment de l’opérations de liquidation, « […] lorsque l’actif social d’une société de capitaux résidente est transmis en bloc à une autre société de capitaux résidente, pleinement imposable ou à une société résidente d’un Etat membre de la Communauté Européenne, le bénéfice réalisé à l’occasion de la transmission est exonéré dans le mesure où les conditions suivantes sont remplies […] » Force est de prime abord au tribunal de constater qu’il est constant en cause que cet article résulte de la transposition de la directive 90/434/CEE par la loi du 20 décembre 1991 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat.
D’autre part, force est au tribunal de conclure à la lecture de la disposition précité que la fusion d’une société luxembourgeoise avec une autre société luxembourgeoise est traitée fiscalement de manière identique que la fusion d’une société luxembourgeoise avec une société résidente d’un Etat membre de la Communauté Européenne, de sorte que la discrimination mise en avant par la demanderesse n’est pas susceptible d’être vérifiée.
Par ailleurs, il ne ressort d’aucun considérant et d’aucun article de la directive 90/434/CEE qu’elle impose aux Etats membres l’introduction, dans leur droit des sociétés, de la possibilité de fusions transfrontalières, mais son objet se limite, tel que le préconisa déjà son intitulé cité in extenso ci-avant, à établir le régime fiscal commun applicable, notamment, aux fusions intéressant des sociétés d'États membres différents.
Ce n’est, en effet, que la directive n° 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux qui a introduit en droit des sociétés, la notion de fusion transfrontalière.
Quant à la question préjudicielle suggérée par la demanderesse force est de constater qu’aux termes de l’article 234 du Traité CE : « La Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:
a) sur l'interprétation du présent traité;
b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté et par la BCE;
c) sur l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, lorsque ces statuts le prévoient.
Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question. » En l’espèce, tel que relevé ci-avant la question suggérée par la demanderesse n’est pas nécessaire pour rendre le présent jugement, de sorte qu’il n’y a pas lieu de poser la question préjudicielle sollicitée par la demanderesse.
Partant, le moyen afférent laisse d’être fondé.
La demanderesse conclut encore à une violation de la directive 90/435/CEE au motif que l'État luxembourgeois aurait eu la faculté, aux termes de la directive 90/435/CEE, de subordonner le bénéfice des dispositions de cette directive à une détention minimale de deux ans qui devrait se concilier avec la finalité de cette condition qui est d'« éviter des abus résultant de participations prises dans le capital de sociétés dans le seul but de profiter des avantages fiscaux prévus et qui ne sont pas destinées à durer », comme cela aurait été indiqué par la Cour de Justice des Communautés européennes dans l'arrêt … C-283/94 du 17 octobre 1996. En l'espèce, il n'y aurait eu aucun abus de la part des sociétés concernées. En effet, il n'aurait pas été envisagé au moment de la distribution des dividendes par la société … que cette dernière serait liquidée.
En outre, la bonne foi de la société … pourrait être démontrée par le fait que le délai de détention de deux ans aurait pu être rempli par les sociétés du groupe si la société mère du groupe avait décidé d'une cession des actions de la société … par la société … à la société …, filiale entièrement détenue par la société …, puisque … aurait détenu plus de 25% du capital de la société … depuis plus de deux ans. Dans ce cas, les distributions de dividendes effectuées par la société … en décembre 1996 et juin 1997 n'auraient pas été soumises à une quelconque retenue à la source au Luxembourg.
Finalement, l'État luxembourgeois n’aurait pas pu, en l'espèce, subordonner l'octroi du bénéfice de la directive 90/435/CEE à une détention des parts de deux ans sans entraîner une restriction à la liberté d'établissement contraire à l'esprit même de cette directive. Le fait que la directive lui reconnaisse le droit de prévoir, dans ses dispositions nationales d'application, une telle période de détention « pour éviter les abus » n'emporterait aucune conséquence, dans la mesure où aucun « abus » n'a été constaté dans le cas présent.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
Il est constant en cause que la directive 90/435/CEE a été transposé en droit luxembourgeois par la loi du 6 décembre 1990 portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects.
En ce qui concerne tout d’abord la question de l’applicabilité directe de la directive 2000/78/CE, il convient de relever qu’en vertu du principe de l’effet direct du droit communautaire, consacré par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne2, les particuliers peuvent, sous certaines conditions, invoquer directement en droit national les dispositions du droit communautaire pour faire valoir les droits qu’ils en tirent. Plus particulièrement, par rapport aux directives européennes qui n’ont pas été transposées en droit national endéans le délai de transposition, respectivement qui ont été transposées de façon incorrecte, l’effet direct peut être invoqué à l’égard de l’Etat défaillant dans le sens de l’opposabilité à cet Etat membre des droits que les particuliers tirent de la directive, à condition toutefois que les dispositions invoquées soient inconditionnelles et suffisamment précises3.
L’invocabilité directe d’une directive communautaire est plus particulièrement conditionnée par le défaut de transposition de la directive dans le délai imposé, respectivement par la transposition incorrecte de la directive.
Etant donné que la demanderesse n’allègue pas une transposition non conforme ou incomplète de la directive 90/435/CEE en droit luxembourgeois, son moyen afférent laisse d’être fondé, étant par ailleurs relevé, de concert avec le délégué du gouvernement, qu’une mauvaise foi n’est pas reprochée à la demanderesse.
La demanderesse soutient finalement que si la société bénéficiaire des dividendes versés par la société … avait été résidente du Luxembourg, elle aurait pu imputer la retenue versée lors des distributions de dividendes sur l'impôt sur le revenu des collectivités dû au Luxembourg au sens de l’article 154, paragraphe (1) LIR et obtenir la restitution du surplus en vertu de l’article 154, paragraphe (7) LIR.
Un tel traitement des dividendes n'aurait pas été prévu en ce qui concerne l'actionnaire résident d'un autre État membre de l'Union Européenne, sauf si cet actionnaire aurait affecté sa participation génératrice des dividendes à l'exploitation d'un établissement stable dont il aurait disposé à Luxembourg.
Or, la Cour de Justice des Communautés Européennes aurait, à de nombreuses reprises, notamment, dans Arrêt « … aff. C141/99 », du 14 décembre 2000, affirmé que tout traitement divergent dépendant de la nationalité de la société était discriminatoire et qu'il portait atteinte au principe de la liberté d'établissement. Le refus du bénéfice du maintien du délai de détention, qui a pour conséquence directe qu'une retenue à la source 2 cf. arrêt …, n° 26/62 du 5 février 1963 pour ce qui du droit communautaire primaire ; cf. arrêt …, n° 41/74 du 4 décembre 1974 pour ce qui du droit communautaire dérivé et plus particulièrement des directives 3 cf. arrêt …, précité pratiquée sur le dividende ne serait pas imputable par l'actionnaire, contreviendrait directement à ce principe.
Elle expose en outre, sur base de différentes jurisprudences de la Cour de Justice des Communautés Européennes, que le délai de détention n'aurait pas été interrompu dans le cas où la société belge aurait détenu ses participations dans la société … par le biais d'une succursale luxembourgeoise d'une société belge et non d'une filiale établie au Luxembourg. Ainsi, la fermeture de la succursale n'aurait pas entraîné la remise en cause du délai de détention, ni l'application de la retenue à la source, puisqu'il n'y aurait pas eu de transfert de la propriété de la participation entre la succursale et sa maison-mère belge.
Selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, le choix pour un investisseur résident de l'Union Européenne entre l'établissement dans un autre État membre par le biais d'une filiale ou d'une succursale devrait être fiscalement neutre.
Un traitement plus favorable ne pourrait dès lors pas être réservé à une société belge détenant sa participation dans une société luxembourgeoise via sa succursale luxembourgeoise, par rapport à celui qui serait accordé si cette participation était directement détenue par le siège belge de ladite société belge. Elle sollicite dès lors de poser à la Cour de Justice de l'Union Européenne la question préjudicielle en interprétation suivante :
« L'article 154 de la loi luxembourgeoise modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu viole-t-il l'article 43 du Traité CE, dans la mesure où cette disposition réserve aux actionnaires résidents du Luxembourg d'une société luxembourgeoise le bénéfice du droit d'imputer la retenue à la source sur dividendes reçus sur l'impôt sur le revenu des collectivités dû au Luxembourg avec restitution du surplus, à l'exclusion de provisions similaires pour les actionnaires non-résidents d'une société luxembourgeoise ? » Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
Force est au tribunal de constater, de concert avec le délégué du gouvernement, que les derniers développements de la demanderesse, repris en détail ci-avant, sont étrangers à la question de l’interprétation de l’article 147, paragraphe 2a LIR, et notamment à la question de savoir si en l’espèce le délai de deux ans y inscrit a été respecté, alors que cette question fait l’objet de la décision sous analyse, de sorte que ces développements sont à rejeter pour défaut de pertinence.
Quant à la question préjudicielle suggérée par la demanderesse en vertu de l’article 234 du Traité CE, force est de constater qu’elle n’est pas nécessaire pour rendre le présent jugement, de sorte qu’il n’y a pas lieu de la poser.
Partant le moyen afférent laisse d’être fondé.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 18 décembre 2013 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19.12.2013 Le Greffier du Tribunal administratif 20