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11/12/2013 | LUXEMBOURG | N°31991

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2013, 31991


Tribunal administratif N° 31991 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2013 3e chambre Audience publique du 11 décembre 2013 Recours formé par la société … S.A. et consort, … contre une décision du ministre de l’Intérieur, et à la Grande Région en matière de subsides de l’Etat

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 31991 du rôle, déposée le 28 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Grosjean, avocat à la Cour, assis

té de Maître Adrien de Watazzi, avocat à la Cour, tous deux inscrits au tableau de l’Ordre des ...

Tribunal administratif N° 31991 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2013 3e chambre Audience publique du 11 décembre 2013 Recours formé par la société … S.A. et consort, … contre une décision du ministre de l’Intérieur, et à la Grande Région en matière de subsides de l’Etat

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 31991 du rôle, déposée le 28 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Grosjean, avocat à la Cour, assisté de Maître Adrien de Watazzi, avocat à la Cour, tous deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, ainsi que de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., établie et ayant son siège social à L-

…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses gérants actuellement en fonction, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du 26 avril 2012 prise par le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région leur refusant l’octroi de subsides pour des travaux relatifs à l’évacuation des eaux de pluie ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2013 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2013 par Maître Alain Grosjean pour le compte des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mai 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Adrien de Watazzi ainsi que Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 8 octobre 2010, le conseil communal de la commune de … approuva un plan d’aménagement particulier « … » présenté par la société anonyme … S.A., ci-

après désignée par « la société … », relativement à un terrain situé le long de la route … à ….

Ledit plan d’aménagement particulier fut approuvé par le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, ci-après désigné par « le ministre », en date du 13 décembre 2010.En date du 6 décembre 2011, la société … conclut une convention avec l’administration communale de … ayant pour objet de fixer les coûts, les conditions et modalités d’exécution et financières dans le cadre de la réalisation dudit plan d’aménagement particulier.

En date du 3 janvier 2012, la société à responsabilité limitée … S.à r.l., ci-après désignée par « la société … », détenant l’intégralité des actions de la société …, introduisit auprès du ministre une demande de prise en charge des coûts relatifs à la mise en œuvre des réseaux des eaux pluviales dans le cadre dudit plan d’aménagement particulier, notamment sur base d’un devis estimatif établi le 27 septembre 2011 par le bureau d’ingénieurs-conseils ….

En date du 2 février 2012, la société … conclut un contrat d’entreprise avec la société anonyme … S.A., ci-après désignée par « la société … », ayant pour objet la réalisation des travaux d’infrastructure pour le lotissement litigieux.

En date du 26 avril 2012, le ministre refusa de faire droit à la demande d’octroi des subsides présentée par la société …. Ladite décision est fondée sur les considérations suivantes :

« Par la présente, j'ai le regret de devoir vous informer que je ne me vois pas en mesure d'imputer sur le Fonds pour la Gestion de l'Eau les dépenses relatives aux travaux pour la gestion des eaux pluviales occasionnées par le projet dont question sous rubrique.

Selon l'avis ASS 05/12 du 23 mars 2012 de l'Administration de la Gestion de l'Eau, dont copie jointe, et aux termes de l'article 66, § 2 de la loi du 19 décembre 2008 relative à l'eau – « l'engagement des dépenses est subordonné à l'approbation préalable des projets par le Ministre ».

Par engagement d'une dépense au sens de la comptabilité publique, il y a lieu d'entendre l'acte par lequel un organisme public crée ou constate à son encontre une dépense dont résulte une charge du budget, l'acte étant matérialisé par une commande, un marché ou un contrat.

Il s'ensuit que dans la mesure où la commande des travaux a été passée préalablement à l'introduction de la demande tendant à l'intervention du Fonds pour la Gestion de l'Eau, le Comité de Gestion du Fonds pour la Gestion de l'Eau a, en sa réunion du 30 mars 2012, avisé défavorablement la demande.de prise en charge, avis auquel je me rallie.[…] » Par un courrier de son mandataire du 26 juillet 2012, la société … a fait introduire un recours gracieux contre la décision précitée du 26 avril 2012.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 janvier 2013, les sociétés … et … introduisirent un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du 26 avril 2012 du ministre.

Aucune disposition légale ou règlementaire n’instituant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à titre principal.

Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité ratione temporis de ce recours.

Aux termes de l’article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives : « (1) Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixant un délai plus long ou plus court […], le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance.

(2) Toutefois si la partie intéressée a adressé un recours gracieux à l’autorité compétente avant l’expiration du délai de recours fixé par la disposition qui précède ou d’autres dispositions législatives ou réglementaires, le délai du recours contentieux est suspendu et un nouveau délai commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite de ce recours gracieux.

(3) Si un délai de plus de trois mois s’est écoulé depuis la présentation du recours gracieux sans qu’une nouvelle décision soit intervenue, le délai du recours contentieux commence à courir à partir de l’expiration du troisième. […] ».

Tel que cela a été relevé à juste titre par les sociétés … et …, la décision du ministre du 26 avril 2012 ne comporte aucune indication des voies de recours. La conséquence en est qu’aucun délai de recours contentieux n’a commencé à courir.

Ce constat n’est pas énervé par la circonstance qu’un recours gracieux a été introduit en l’espèce en date du 26 juillet 2012, auquel le ministre n’a pas répondu. En effet, si aux termes de l’article 13 (2), précité, le recours gracieux suspend les délais de recours et si, en cas de silence du ministre, un nouveau délai commence à courir, en vertu du paragraphe 3 de l’article 13, à l’expiration du troisième mois suivant l’introduction du recours gracieux, la suspension du délai de recours par l’effet d’un recours gracieux et corrélativement le départ d’un nouveau délai en cas de silence du ministre pendant plus de trois mois, présuppose qu’un délai de recours contre la décision initiale a commencé à courir, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (cf. en ce sens TA 18 novembre 2009, n° 25454 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 196).

Il s’ensuit que le recours introduit contre la décision du 26 avril 2012 n’est pas tardif, de sorte que le moyen d’irrecevabilité afférent est à rejeter.

Le recours en annulation, par ailleurs introduit par les formes prévues par la loi, est partant recevable.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation.

A titre liminaire, il convient de prendre position sur la demande de rejet des photos versées en copie par l’Etat au motif que le délégué du gouvernement n’a pas fait suite à une demande de communication des originaux.

Il se dégage des explications fournies par la partie étatique que la version numérique des photos n’est plus disponible, de sorte qu’il n’est pas possible de produire les originaux. Au regard de ces explications, le mandataire des demanderesses a déclaré à l’audience des plaidoiries renoncer à cette demande de communication des originaux.

D’autre part, la loi du 21 juin 1999, précitée, ne requiert pas que les pièces soient produites en original, sous la réserve de la possibilité pour le tribunal de l’exiger en vertu de l’article 2, alinéa 2 de la même loi.

Au regard de ces constats, la demande de rejet des pièces est à déclarer comme non fondée.

A l’appui de leur recours, les parties demanderesses invoquent de prime abord un défaut de motivation de la décision du 26 avril 2012, en reprochant au ministre d’avoir retenu que « l’engagement des dépenses est subordonné à l’approbation préalable des projets par le ministre », sans préciser la nature de la prétendue dépense qui aurait existé avant l’introduction de la demande de subsides. A cet égard, les parties demanderesses soulèvent la question de savoir si le ministre de la sorte a visé le devis estimatif des travaux du 27 septembre 2011, le contrat d’entreprise passé avec la société … le 2 février 2012 ou encore les factures finales matérialisant la dépense.

Par ailleurs, les demanderesses contestent qu’une commande ait été passée avant l’introduction de la demande en obtention des subsides.

Elles soutiennent enfin que la décision de refus aurait dû être motivée, conformément à un arrêt de la Cour administrative du 12 janvier 2010 (n° 24959C du rôle), par référence au commencement des travaux.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen en soutenant qu’en application de l’article 66 (2) de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau, ci-

après désignée par « la loi du 19 décembre 2008 », des dépenses ne pourraient être engagées avant que le ministre n’ait donné son approbation. Or, par le fait de passer commande des travaux avant l’introduction de la demande en obtention des subsides, cette disposition n’aurait pas été respectée. Le délégué du gouvernement a encore précisé que les travaux préparatoires, tels que le débroussaillage, l’installation des clôtures, l’installation d’une piste de chantier, la mise en place des installations de chantier et le déplacement des arbres, auraient débuté le 27 février 2012 et que les travaux d’infrastructures, tels que les travaux de terrassements généraux, les travaux relatifs aux voiries et aux canalisations d’eaux pluviales et d’eaux usées, auraient débuté après le 15 mars 2012, tel que cela ressortirait d’une attestation de commencement des travaux délivrée par la société ….

Même si les parties demanderesses ne se sont pas expressément référées à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », il y a lieu d’admettre que le moyen ainsi présenté est en substance basé sur cette disposition, en vertu de laquelle « toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux » et « La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base » notamment lorsque, tel que cela est le cas en l’espèce, elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

A cet égard, il convient de préciser que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (Cour. adm. 8 juillet 1997, n° 9918 C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 74).

Tel que cela a été relevé à bon droit par le délégué du gouvernement, la décision litigieuse contient l’indication de sa base juridique, à savoir l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008. Le tribunal constate encore que le délégué du gouvernement a précisé que le ministre a estimé, tel que cela se dégage également de la décision du 26 avril 2012, que le fait de passer commande des travaux préalablement à l’introduction de la demande tendant à l’intervention du Fonds pour la gestion de l’eau ne respecterait pas cette disposition. Le délégué du gouvernement a encore souligné que les travaux préparatoires auraient débuté le 27 février 2012 et que les travaux d’infrastructure auraient commencé après le 15 mars 2012 et suivant le dernier état des conclusions de la partie étatique, celle-

ci estime que les aides ne pourraient être allouées que pour autant que le projet ait été préalablement approuvé par le ministre avant que la commande ne soit passée, respectivement avant que les travaux n’aient débuté.

Le tribunal est amené à retenir que les explications ainsi contenues dans la décision litigieuse, ensemble les explications fournies par le délégué du gouvernement au cours de la présente instance, sont suffisantes pour répondre aux exigences tenant à l’indication des motifs à la base de la décision, et ceci indépendamment de la question du bien-fondé de ces motifs, qui n’entre pas en ligne de compte au stade de l’examen du respect de l’obligation d’indication des motifs.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen fondé sur une indication insuffisante des motifs est à rejeter.

Les contestations soulevées par ailleurs par les parties demanderesses en relation avec le reproche fondé sur une motivation insuffisante sont en revanche à voir dans le contexte, non pas de l’indication des motifs, mais dans celui de l’existence des motifs, dont l’examen sera fait ci-après.

Les parties demanderesses reprochent ensuite au ministre une interprétation erronée de la loi du 19 décembre 2008 et de la notion d’« engagement d’une dépense » au sens de cette loi, dans la mesure où le ministre aurait interprété cette notion par référence à la comptabilité publique.

A cet égard, les demanderesses se réfèrent à l’arrêt précité de la Cour administrative du 12 janvier 2010 pour soutenir que le terme de « dépense » devrait recouvrir « les dépenses occasionnées par l’exécution des travaux », de sorte que la décision du ministre serait motivée par des considérations étrangères à l’interprétation jurisprudentielle de la notion « d’engagement d’une dépense ».

Les parties demanderesses donnent ensuite à considérer qu’à supposer que la décision de refus soit conforme à la jurisprudence en la matière, les motifs de la décision seraient néanmoins erronés puisque le contrat d’entreprise conclu le 2 février 2012 avec la société … n’aurait pas été passé avant l’introduction de la demande des subsides, de sorte que, contrairement à ce qui a été retenu par le ministre, aucune commande n’aurait été passée préalablement à l’introduction de la demande.

Le délégué du gouvernement pour sa part fait valoir que le contrat d’entreprise conclu entre la société … et la société … aurait été signé le 2 février 2012, alors que le comité de gestion du Fonds pour la gestion de l’eau se serait réuni le 30 mars 2012 et qu’à cette date, il serait apparu que lors d’un contrôle sur place, des agents de l’administration de la gestion de l’eau auraient constaté que les travaux avaient déjà été commencés. Par ailleurs, l’attestation de commencement des travaux délivrée par la société … indiquerait que les travaux préparatoires auraient déjà débuté le 27 février 2012 et que les travaux d’infrastructures auraient débuté après le 15 mars 2012, partant avant d’avoir obtenu l’approbation du ministre pour les subsides demandés.

Les parties demanderesses soutiennent encore que ni la loi du 19 décembre 2008, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire ne contiendrait une sanction expresse dans l’hypothèse où il ne serait pas satisfait à l’obligation d’obtenir une autorisation du ministre préalablement à l’exécution des travaux, de sorte que la loi aurait été interprétée au-delà des termes y employés.

Elles soutiennent que le fait de laisser au ministre la faculté de refuser des subsides quatre mois après l’introduction de la demande reviendrait à lui laisser la liberté d’appliquer de manière arbitraire une sanction qui ne serait pas prévue par la loi et qui ne serait justifiée par aucun critère objectif. En agissant de la sorte, le ministre n’aurait en outre pas agi dans l’intérêt général mais aurait commis un détournement de pouvoir.

A cet égard, le délégué du gouvernement, en se référant à l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008, donne à considérer que les travaux auraient débuté avant l’approbation du ministre pour les subsides demandés, de sorte que le moyen serait à rejeter.

Force est de constater que la décision du ministre est motivée par référence à l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008, et par le constat que la commande aurait été passée avant l’introduction de la demande en obtention des subsides. Suivant le dernier état des conclusions de la partie étatique, celle-ci estime que les aides ne pourraient être allouées que pour autant que le projet ait été préalablement approuvé par le ministre avant que la commande ne soit passée, respectivement avant que les travaux n’aient débuté.

Il convient de prime abord de relever que dans son avis du 23 mars 2012, l’administration de la gestion de l’eau s’est référée également à l’article 41, point 5 de la loi du 24 décembre 1999 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2000, ci-après désignée par « la loi du 24 décembre 1999 ». L’article 41 de la loi du 24 décembre 1999 ayant cependant été abrogé par la loi du 19 décembre 2008, entrée en vigueur le 3 janvier 2009, il y a lieu de se référer au seul article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008, ayant repris en substance les termes de l’article 41, point 5 de la loi du 24 décembre 1999.

En vertu de l’article 63 de la loi du 19 décembre 2008, le Fonds pour la gestion de l’eau « prend à charge, dans les limites prévues à l’article 65, les dépenses occasionnées pour la réalisation des études et l’exécution des travaux […] » visés par cette même loi.

L’article 65 de la même loi décrit les projets éligibles pour les aides financières ainsi allouées et fixe pareillement le taux d’intervention du Fonds pour la gestion de l’eau. Il se dégage encore du même article 65 que les bénéficiaires de l’intervention financière dudit Fond sont, à côté de l’Etat, les communes, les syndicats de communes, les établissements publics ainsi que les particuliers, qui peuvent bénéficier des prises en charge pour la réalisation de certains des travaux énumérés au paragraphe 1er de l’article 65. En ce qui concerne plus particulièrement les particuliers, tel que cela est le cas en l’espèce, ceux-ci peuvent bénéficier des prises en charge prévues aux lettres f), et k) à l) du paragraphe 1er de l’article 65 de la loi du 19 décembre 2008.

L’article 66 de la même loi, définissant les modalités spécifiques propres à l’intervention du Fonds pour la gestion de l’eau, dispose que « (1) La prise en charge des coûts résultant des projets visés à l’article 65, paragraphe 1er, points d) et i) à l) n’est applicable que dans les limites des ressources disponibles du fonds.

(2) L’engagement des dépenses est subordonné à l’approbation préalable des projets par le ministre, l’avis du comité du Fonds pour la gestion de l’eau demandé.

(3) Le paiement des dépenses est subordonné à la présentation des factures. […] (6) L’engagement devient caduc lorsque les travaux ou études n’ont pas débuté dans un délai de deux ans après réception de l’engagement financier. » Les parties étant en litige en ce qui concerne l’interprétation à donner à l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008, il convient dès lors d’examiner si, en application de l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008, les aides ne peuvent être allouées que pour autant que le projet ait été préalablement approuvé par le ministre avant que la commande ne soit passée, respectivement avant que les travaux n’aient débuté, tel que cela est soutenu par la partie étatique suivant le dernier état de ses conclusions, ou, si les aides financières peuvent également être accordées pour un projet dont les travaux ont d’ores et déjà débuté, mais qui est validé ex post par le ministre, tel que le soutiennent les parties demanderesses.

Dans l’arrêt du 12 janvier 2010, sur lequel les parties demanderesses fondent leur argumentation, la Cour administrative a retenu que la notion de « dépense » au sens de l’article 41, point 5 de la loi du 24 décembre 1999, disposition pertinente applicable à l’époque, « vise clairement les dépenses occasionnées par l’exécution du programme des travaux » et non pas les subventions ou subsides accordés par l’Etat, tout en soulignant que le ministre doit pouvoir approuver le projet avant la réalisation des travaux et non pas seulement avant l’engagement d’un subside, au risque de réduire à néant le droit de décision du ministre se dégageant du libellé de la loi. A partir de cette analyse, la Cour administrative a confirmé la position du ministre suivant laquelle l’octroi d’une participation financière de l’Etat est subordonné à l’autorisation préalable du projet par le ministre avant la réalisation des travaux. En l’occurrence, dans cette affaire le ministre avait reproché au syndicat intercommunal ayant introduit une demande en obtention des subsides d’avoir lancé le marché public relatif à la réalisation des travaux litigieux avant son approbation du projet.

Au regard du libellé identique de l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008 et de l’article 41, point 5 de la loi du 24 décembre 1999, la solution ainsi dégagée par la Cour administrative peut être transposée aux dispositions de l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008, applicables en l’espèce, de sorte que le tribunal est amené à retenir que ces dispositions sont à interpréter en ce sens qu’avant l’engagement des dépenses occasionnées par l’exécution des travaux par rapport auxquels le subside étatique est sollicité, soit avant la passation de la commande, le projet doit être approuvé par le ministre et que partant l’octroi d’un subside est subordonné à l’approbation préalable du projet par le ministre dans de telles conditions.

Il se dégage des pièces soumises à l’appréciation du tribunal que la demande en obtention des aides a été introduite le 3 janvier 2012 et qu’en date du 2 février 2012, la société … a conclu un contrat d’entreprise avec la société … en vue de la réalisation des travaux d’infrastructure pour le lotissement litigieux. Il se dégage encore du contrat d’entreprise, lu ensemble avec un courrier de la société … du 20 juillet 2012, que la date prévue du début des travaux était le 27 février 2012. Aux termes d’une attestation de commencement des travaux établie le 19 avril 2013 par la société …, les travaux préparatoires ont débuté le 27 février 2012 et les travaux d’infrastructures ont débuté après le 15 mars 2012. Enfin, il se dégage d’une facture de la société … établie le 9 mars 2012 qu’à cette date un acompte a été réclamé « suivant avancement des travaux », de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’avant cette date des travaux ont été réalisés. En revanche, la décision du ministre n’est intervenue que le 26 avril 2012.

Si les parties demanderesses ont raison pour soutenir que c’est à tort que le ministre leur a reproché d’avoir signé le contrat d’entreprise avant même l’introduction de leur demande en obtention des aides litigieuses, puisque ce reproche ne se trouve pas vérifié dans les faits, le contrat d’entreprise n’ayant pas été signé avant la demande des aides, cette conclusion n’implique cependant pas l’illégalité de la décision.

En effet, tel que cela a été retenu ci-avant, la partie étatique motive encore la décision de refus par le constat que la commande a été passée et les travaux ont été commencés avant l’approbation du ministre.

Or, dans la mesure où il se dégage des pièces du dossier que la commande des travaux a été passée et l’exécution des travaux a commencé avant que le ministre ait pris une décision suite à la demande introduite le 3 janvier 2012 et partant avant que le ministre ait approuvé le projet, tandis qu’en vertu de l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008, tel que cela a été retenu ci-avant, l’engagement des dépenses occasionnées par l’exécution des travaux pour lesquels le subside est sollicité requiert l’approbation préalable du projet par le ministre, le ministre a valablement pu refuser en l’espèce l’octroi des subsides réclamés.

S’il est exact, tel que les parties demanderesses le donnent à considérer, que la loi ne prévoit pas expressément une sanction dans l’hypothèse où les travaux sont commandés et exécutés avant l’approbation du projet par le ministre, cette sanction découle nécessairement du texte même de la loi en ce sens qu’il se dégage des dispositions de l’article 66 (1) et (2) de la loi du 19 décembre 2008 que l’octroi des subsides est subordonné, d’une part, à la condition de la disponibilité de ressources, du moins en ce qui concerne les projets visés aux points d) et i) à l) du paragraphe 1er de l’article 65 de la même loi, et, d’autre part, à l’approbation préalable du projet par le ministre.

Il s’ensuit que les moyens fondés sur une interprétation erronée de la loi du 19 décembre 2008 respectivement sur le reproche d’une interprétation dépassant les termes de la loi sont à rejeter comme étant non fondés.

Les parties demanderesses invoquent ensuite une violation par le ministre de son obligation de statuer dans un délai raisonnable, en se référant à cet égard à un arrêt de la Cour administrative du 12 mars 2009 (n° 25204C du rôle), tout en soulignant qu’elles-

mêmes auraient étroitement collaboré avec les autorités communales ainsi qu’avec les administrations dont le ministre a les attributions pour réaliser le projet. Elles soulignent que la demande avait été introduite le 3 janvier 2012, que l’exécution des travaux était prévue dans le contrat d’entreprise signé le 2 février 2012 pour le 27 février 2012, soit deux mois après l’introduction de la demande en obtention de subsides, que le 8 mars 2012 la commune de … aurait reçu la confirmation de la réception de la garantie bancaire, de sorte qu’à ce moment-là le dossier était complet et que les travaux de génie civil du lotissement pouvaient démarrer, que le 15 mars 2012 le premier paiement avait été effectué au bénéfice de la société … sous forme d’un acompte dans le but de mobiliser le chantier, mais que le ministre aurait pris sa décision seulement le 26 avril 2012, soit près de quatre mois après l’introduction de la demande. Le ministre aurait ainsi affiché un extrême retard, et il ne pourrait actuellement pas se prévaloir de la lenteur de ses propres services pour justifier le refus d’octroi des subsides au seul motif que les travaux avaient commencé avant son approbation. Les parties demanderesses donnent à considérer qu’à supposer que l’approbation préalable du ministre soit requise, cette formalité ne saurait avoir pour conséquence de paralyser durant plusieurs mois le commencement des travaux, tout en précisant que le dossier aurait été à la connaissance du ministre depuis la fin 2011. Les demanderesses font valoir qu’elles auraient été pénalisées dans la mesure où elles auraient, d’une part, eu la volonté de commencer les travaux dans le but de profiter des conditions climatiques favorables du printemps mais, d’autre part, auraient dû attendre une réponse du ministre. De la sorte, elles se trouveraient partagées entre deux contraintes, à savoir, d’une part, le respect de leurs propres engagements contractuels puisqu’en vertu de la convention qu’ils avaient signée les travaux auraient dû être terminés endéans les vingt-quatre mois sous peine de déchéance des autorisations y relatives, et, de l’autre côté, de ne pas profiter des subsides alloués par le ministre. En fin de compte, elles font valoir qu’elles subiraient les conséquences d’une lenteur administrative à laquelle elles seraient étrangères.

Le délégué du gouvernement souligne que l’octroi des subsides serait subordonné à l’approbation préalable du projet par le ministre avant l’exécution des travaux, tout en donnant à considérer que le comité de gestion du Fonds pour la gestion de l’eau traiterait près de deux cent demandes de prise en charge par an, de sorte qu’il serait compréhensible qu’un certain retard puisse s’accumuler malgré le bon vouloir des membres de ce comité de traiter les dossiers dans un délai le plus court possible.

Si les considérations de timing avancées par les parties demanderesses, qui de leur part sont contraintes à respecter des délais d’exécution des travaux dans le cadre de la convention conclue avec la commune de …, sont parfaitement compréhensibles et s’il est encore compréhensible que les parties demanderesses aient voulu profiter des conditions de temps favorables pour entamer les travaux qu’ils doivent eux-mêmes réaliser dans un certain délai, il n’en reste pas moins que ni la loi du 19 décembre 2008, ni une autre disposition légale n’impose au ministre de prendre dans la présente matière une décision endéans un délai déterminée, sous réserve des dispositions de l’article 4, paragraphe 1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif instaurant la présomption d’une décision de refus, susceptible de recours, dans l’hypothèse où endéans un délai de trois mois à partir de la demande aucune décision n’est intervenue.

D’autre part, il est encore vrai, tel que cela a été relevé par les parties demanderesses, même si aucun délai n’est formellement imposé par un texte, l’action de l’administration doit néanmoins rester prévisible, impliquant qu’elle est tenue, à peine d’illégalité, d’exercer ses compétences dans un délai raisonnable (cf Cour adm. 12 mars 2009, n° 25204C, cité par les parties demanderesses).

En l’espèce, force est de constater que le contrat d’entreprise a été signé le 2 février 2012, soit à peine un mois après l’introduction de la demande. Dans ces conditions, le reproche fait par les parties demanderesses au ministre revient en substance à celui de ne pas avoir pris une décision endéans ce mois, puisqu’une intervention du ministre antérieurement à la date du 26 avril 2012 n’aurait pu mener à une solution différente que si celui-ci avait statué dans moins d’un mois sur la demande. Or, le non-

respect d’un tel délai ne saurait être considéré comme excessif, compte tenu également des explications fournies par la partie étatique quant au nombre de dossiers traités et compte tenu du fait que l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008 requiert en outre l’avis préalable du comité du Fonds pour la gestion de l’eau avant que le ministre ne se prononce, et impliquant de la sorte nécessairement une prolongation de l’instruction du dossier.

D’autre part, même en prenant en considération le délai entre la demande du 3 janvier 2012 et la date de la prise de la décision, soit le 26 avril 2012, le tribunal est amené à retenir que malgré les considérations tout à fait compréhensibles avancées par les parties demanderesses, ce délai n’est pas à considérer comme un délai déraisonnablement long, compte tenu des nécessités d’instruction du dossier relevées ci-

avant.

A titre superfétatoire, il convient encore de préciser que s’il est exact que les parties demanderesses étaient liées par un délai de deux ans en vertu de la convention conclue avec l’administration communale de …, il n’en reste pas moins que ladite convention a été signée le 6 décembre 2011 et que le devis sur base duquel les subsides ont été demandés a été établi par le bureau … le 27 septembre 2011, de sorte que l’introduction de la demande en obtention des subsides à une date antérieure aurait également permis d’empêcher les contraintes de temps dans lesquels les parties demanderesses déclarent à l’heure actuelle s’être trouvées pour expliquer qu’elles ont commandé et commencé les travaux sans attendre la décision du ministre et pour reprocher au ministre d’avoir été pénalisées.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen fondé sur le non respect d’une obligation de statuer dans un délai raisonnable est à rejeter comme étant non fondé.

Les parties demanderesses invoquent ensuite une violation du principe de proportionnalité ancré dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». Elles soutiennent à cet égard qu’une interprétation trop rigoureuse de la loi se trouverait en disproportion par rapport à sa finalité, à savoir le développement des projets relatifs à la préservation des ressources en eau. Tout en admettant qu’une certaine rigueur administrative devrait régner dans l’intérêt d’un bon fonctionnement de l’Etat, il ne conviendrait pas de « fermer la porte » aux solutions dont l’utilité publique serait justifiée ex post. Le ministre devrait se réserver la possibilité d’apprécier le bien-fondé d’un tel projet sans devoir se heurter à une disposition inutilement stricte.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

En substance les parties demanderesses reprochent au ministre de ne pas avoir démontré une certaine latitude dans sa décision et de ne pas avoir apprécié ex post le bien-fondé d’un projet « sans se heurter à des dispositions inutilement strictes », soit en passant outre les dispositions légales.

Or, force est de constater qu’en l’espèce, le ministre ne dispose d’aucune marge d’appréciation en ce qui concerne les conditions d’octroi des subsides. Conformément aux dispositions de l’article 66 (1) et (2) de la loi du 19 décembre 2008, la prise en charge des coûts résultant des projets visés à l’article 65 (1) est subordonnée à la disponibilité de ressources du Fonds en ce qui concerne les points d) et i) à l), et de manière générale à l’approbation préalable du projet par le ministre. Le ministre ne dispose d’aucune marge d’appréciation en ce qui concerne plus particulièrement l’application de cette deuxième condition et n’est pas libre à apprécier l’opportunité ou l’utilité d’un projet sans avoir égard à la condition inscrite à l’article 66 (2), précité.

Dans ces conditions, c’est à tort que les parties demanderesses reprochent au ministre de ne pas avoir validé ex post un projet dont les travaux ont commencé en violation des dispositions de l’article 66 (2), précité, et partant une violation du principe de proportionnalité au ministre qui n’a fait qu’appliquer les dispositions de l’article 66 (2) de la loi du 18 décembre 2008.

Enfin, les parties demanderesses invoquent une violation du principe constitutionnel de l’égalité devant la loi. A cet égard, elles soutiennent en substance qu’elles suspecteraient que leur dossier n’aurait pas été traité comme ceux de leurs confrères, en se référant au nombre élevé des demandes par an mentionné par le délégué du gouvernement et le nombre peu élevé de recours en relation avec ces demandes de subsides.

Le délégué du gouvernement conteste un traitement inégalitaire dans l’appréciation des dossiers de demande de subsides.

Le principe d’égalité de traitement des citoyens devant la loi, tel que prévu par l’article 10bis de la Constitution, interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.

Or, force est de constater qu’en l’espèce, au regard des contestations de la partie étatique en ce qui concerne un traitement inégalitaire des différents demandeurs de subvention sur le fondement des articles 65 et suivants de la loi du 19 décembre 2008, le tribunal n’est pas saisi de suffisamment d’éléments permettant de retenir un traitement inégalitaire de ces différents demandeurs, la seule affirmation des parties demanderesses non autrement étayée étant insuffisante à cet égard. En toute hypothèse, une inégalité de traitement ne saurait être déduite ipso facto d’une comparaison du nombre des dossiers traités et du nombre de recours contentieux introduits contre les décisions du ministre.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter comme étant non fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours contentieux dirigé à l’encontre de la décision ministérielle du 26 avril 2012 est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, précitée, est à rejeter comme non fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare compétent pour connaître du recours principal en annulation ;

reçoit ledit recours en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation ;

rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 euros formulée par les parties demanderesses ;

condamne les parties demanderesses aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, premier juge, Hélène Steichen, attaché de justice, Daniel Weber, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 11 décembre 2013 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12.12.2013 Le Greffier du Tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 31991
Date de la décision : 11/12/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-12-11;31991 ?

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