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21/10/2013 | LUXEMBOURG | N°30936

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 octobre 2013, 30936


Tribunal administratif Numéro 30936 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2012 2e chambre Audience publique du 21 octobre 2013 Recours formé par Monsieur ….., …. (B) contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière d’agrément de coordinateur de sécurité et de santé

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30936 du rôle et déposée le 25 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Arsène K

ronshagen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Tribunal administratif Numéro 30936 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2012 2e chambre Audience publique du 21 octobre 2013 Recours formé par Monsieur ….., …. (B) contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière d’agrément de coordinateur de sécurité et de santé

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30936 du rôle et déposée le 25 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Arsène Kronshagen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., demeurant à …., tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 9 janvier 2012, confirmée par une décision du même ministre du 26 juin 2012, portant refus de lui délivrer un agrément de niveau B, respectivement de niveau C, limitatif aux travaux de puits, de terrassements souterrains, de tunnels et de reprise en sous-œuvre pour les activités de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement en date du 25 octobre 2012 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2012 par Maître Arsène Kronshagen au nom de Monsieur ….. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Cédric Hirtzberger en remplacement de Maître Arsène Kronshagen et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er juillet 2013.

Par arrêté du 9 janvier 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », refusa de délivrer à Monsieur …… l'agrément du niveau C limitatif aux travaux de puits, de terrassements souterrains, de tunnels et de reprise en sous-

œuvre, pour les activités de coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase élaboration du projet d'un ouvrage et pendant la phase réalisation d'un ouvrage, ainsi que l'agrément du niveau B pour les activités de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase élaboration du projet d'un ouvrage et pendant la phase réalisation d'un ouvrage.

Ladite décision est libellée comme suit :

« Vu la demande d'agrément du 7 mars 2005 du sieur ………., né le …… ;

Vu le courrier du 4 avril 2011 du Comité consultatif relatif aux formations et aux agréments des coordinateurs de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles invitant le sieur ………. à introduire une demande dûment motivée telle que prévue par les dispositions de l'article 8 quatrième tiret du règlement grand-ducal du 9 juin 2006 ;

Vu le courrier introduit à la date du 7 juin 2011 par le sieur ………. sollicitant la reconnaissance de sa formation professionnelle en vue de l'octroi d'un agrément niveau B respectivement du niveau C limitatif aux travaux de puits, de terrassements souterrains, de tunnels et de reprise en sous-œuvre pour les activités de coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles dans le domaine des travaux de puits, de terrassements souterrains, de tunnels et de reprises en sous-œuvre ;

Vu l'article L. 312-8 (6) du Code du Travail ;

Vu le règlement grand-ducal du 9 juin 2006 - concernant la formation appropriée par rapport aux activités de coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles ;

-déterminant les modalités d'octroi de l'agrément en matière de coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles ;

Considérant que le sieur ………. est détenteur d'un diplôme d'« ingénieur industriel » délivré par l'Institut Supérieur Industriel - Arlon;

Vu l'arrêté de Monsieur le Ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche du 18 mars 2005 portant inscription du grade d'ingénieur industriel du sieur ………. au registre des diplômes luxembourgeois ;

Considérant que le sieur ………. n'est pas porteur d'un des diplômes suivants ;

-diplôme d'architecte ou d'ingénieur en génie civil ;

-diplôme d'ingénieur industriel en génie civil ou d'ingénieur technicien en génie civil ;

-brevet de maîtrise dans un des métiers de la construction tels que prévus au point (1) du paragraphe (6) de l'article L. 312 (8) du Code du Travail ;

Vu l'avis du 16 juin 2011 du Comité consultatif relatif aux formations et aux agréments des coordinateurs de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles ;

Considérant que le Comité consultatif relatif aux formations et aux agréments des coordinateurs de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles est d'avis que la formation suivie par le sieur ………. et donnant droit au titre d' « ingénieur industriel » ne peut être considérée comme assimilable à la formation donnant droit au titre d'« ingénieur en génie civil» respectivement d' « architecte » en ce qui concerne les activités de coordination en matière de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles, et que partant un agrément du niveau C limitatif aux travaux de puits, de terrassements souterrains, de tunnels et de reprise en sous-œuvre ne peut être délivré au sieur ………. ;

Considérant que le Comité consultatif relatif aux formations et aux agréments des coordinateurs de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles est d'avis que la formation suivie par le sieur ………. et donnant droit au titre d' « ingénieur industriel » ne peut être considérée comme assimilable à la formation donnant droit au titre d'« ingénieur industriel en génie civil» respectivement d' « ingénieur technicien en génie civil » en ce qui concerne les activités de coordination en matière de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles, et que partant un agrément du niveau B ne peut être délivré au sieur ………. ;

Considérant que le sieur ………. a justifié d'une expérience professionnelle minimale telle que prévue à l'article 6 du règlement grand-ducal précité ;

Considérant que le sieur ………. a justifié d'une formation appropriée par rapport aux activités de coordination telle que prévue par le règlement grand-ducal du 9 juin 2006 ;

Considérant que les autres arguments soulevés dans le courrier introduit à la date du 7 juin 2011 par le sieur ………. n'ont pas trait, ni à la législation, ni à la réglementation en matière de l'agrément pour les activités de coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles ;

Considérant que partant le postulant ne remplit pas les conditions figurant au sous-

point 1 de l'article L. 312-8 (6) du Code du Travail et au quatrième tiret de l'article 5 du règlement grand-ducal du 9 juin 2006 précité (…) ».

Suite à l’introduction d’un recours gracieux par Monsieur….., le ministre confirma la décision précitée du 9 janvier 2012, par une décision du 26 juin 2012, libellée comme suit :

« Faisant suite à vos courriers des 7 mars et 12 juin 2012, je suis au regret de vous informer que je ne puis donner une suite favorable à votre recours gracieux contre mon arrêté du 4 avril 2011 (sic) pour les raisons développées ci-dessous.

Après réexamen de votre dossier et du programme de votre formation, le Comité consultatif confirme sa position du 11 juin 2011 et donne un avis défavorable quant à la demande d'un agrément niveau B respectivement niveau C limitatif pour les activités de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles de votre mandant étant donné que la spécialisation que Monsieur….. a poursuivie lors de ses études n'est pas équivalente à une spécialisation en génie civil en ce qui concerne les activités de coordination sur les chantiers temporaires ou mobiles.

En effet, dans le cadre du cycle des études suivi par Monsieur….. lui donnant droit de porter le titre d'ingénieur industriel section industrie, le programme de formation prévoit certains cours du domaine de la construction, mais il convient de souligner que ces modules entrent bien dans le cadre d'une formation pour un ingénieur industriel généraliste, tandis qu'un cycle d'études pour un ingénieur industriel en génie civil prépare le postulant pour ce domaine spécifique.

Le cycle de formation suivi par Monsieur….. lui donnant droit de porter le titre d'ingénieur industriel section industrie n'est donc pas équivalent à un cycle d'études spécialisé dans le génie civil du point de vue de la coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles.

Il reste à souligner qu'un cycle de formation donnant droit au diplôme d'ingénieur industriel ne peut être comparé à un cycle d'études donnant droit au titre d'ingénieur (pré requis de qualification pour le niveau C) en ce qui concerne le niveau des matières enseignées.

D'ailleurs, même l'Ordre des Architectes et des Ingénieurs conseils fait bien une différence à ce niveau.

Un ingénieur industriel fait des études plus techniques, il aborde des problèmes plus pratiques, plus concrets; tandis que les études d'ingénieur (civil) sont aussi du domaine technique, mais d'un type scientifique, et fondamental, donc du genre technico-scientifique.

L'ingénieur (civil) a ainsi une meilleure vue d'ensemble de la problématique en face de lui.

A souligner que l'application lors de la délivrance des agréments du terme « équivalent » ne se borne pas à un niveau académique respectivement à la durée d'études mais se limite exclusivement à rechercher une compétence équivalente obtenue par un niveau de formation équivalent, afin de permettre aux postulants coordinateurs de sécurité et santé sur les chantiers temporaires ou mobiles, devant avoir des connaissances selon les types de chantiers de plus en plus approfondies (durée, complexité technique, complexité organisatrice, etc.) dans le domaine de la construction, du parachèvement respectivement du second œuvre, de pouvoir coordonner efficacement les activités de prévention sur les chantiers temporaires ou mobiles.

Il est à souligner que suivant le processus de Bologne, les étudiants doivent obtenir en moyenne un crédit d'une valeur de 240 points ECTS pour pouvoir obtenir un diplôme d'ingénieur industriel tandis qu'en moyenne un crédit de 300 points ETCS est requis pour pouvoir obtenir un diplôme d'ingénieur (civil).

En final il est à remarquer que les postulants à un agrément de coordinateur de sécurité et de santé qui ne remplissent pas la condition figurant au point 1 du 2e alinéa de l'article L. 312-8 (6) (pré requis diplôme) de la section 7 – Formation des salariés du Livre III du Code du Travail, mais disposant d'une expérience professionnelle certaine dans le domaine de la construction ont la possibilité d'entamer une procédure en vue d'une Validation des Acquis d'Expérience (VAE).

D'ailleurs, plusieurs postulants à un agrément de coordinateur de sécurité et de santé ont déjà suivi cette procédure avec succès (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2012, Monsieur …… a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 26 juin 2012, confirmant la décision du même ministre du 9 janvier 2012.

Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure de recours en réformation en matière de refus d’agrément comme coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase d’élaboration du projet d’un ouvrage et pendant la phase de réalisation d’un ouvrage, le demandeur a valablement pu introduire un recours en annulation qui est, par ailleurs recevable, pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur….. conteste la décision ministérielle lui ayant refusé la délivrance d’un agrément comme coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase d’élaboration du projet d’un ouvrage et pendant la phase de réalisation d’un ouvrage, au motif que le ministre aurait retenu à tort que sa formation, ayant abouti à la délivrance le 18 septembre 1981 du diplôme d’ingénieur industriel par l’Institut Supérieur Industriel de l’Etat, situé à Arlon en Belgique, ne correspondrait pas à celle exigée aux termes de l’article L-312-8 (6) du Code du travail et de l’article 5 du règlement grand-ducal du 9 juin 2006 concernant la formation appropriée par rapport aux activités de coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles et déterminant les modalités d’octroi de l’agrément en matière de coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 9 juin 2006 ».

Le demandeur précise à cet égard qu’il serait détenteur d’un diplôme d’ingénieur industriel, obtenu à l’issue de quatre années d’étude au cours desquelles il aurait suivi de nombreux enseignements et notamment un cours en matière de génie civil, ainsi que des cours dans certaines autres matières se rapportant directement au domaine de la construction. Il affirme encore que le diplôme lui délivré en 1981 correspondrait au diplôme actuel de Master en sciences de l’ingénieur industriel, finalité industrie, conformément à l’arrêté du gouvernement de la communauté française de Belgique du 6 juillet 2007 fixant la liste de correspondance entre les anciens grades et les nouveaux grades académiques délivrés par les établissements d’enseignement supérieur de plein exercice, à l’exception des universités.

Le demandeur précise avoir obtenu en date du 3 juillet 2002 le certificat attestant la réussite du cycle de formation pour coordinateurs de sécurité et de santé des projets de construction organisé par la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg en partenariat avec l’Inspection du Travail et des Mines.

Le demandeur fait encore valoir que son diplôme serait inscrit depuis le 2 novembre 2010 au registre des titres d’enseignement supérieur déposé au ministère de l’Enseignement et de la Recherche.

Enfin, le demandeur explique justifier d’une expérience de vingt-cinq années dans le domaine de la construction, ainsi que de dix années comme coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles. A ce titre, il argumente encore avoir suivi plusieurs chantiers en qualité de coordinateur en étroite collaboration avec les services de l’Inspection du Travail et des Mines, qui n’auraient, à aucun moment, contesté ses qualités.

Le délégué du gouvernement fait valoir en substance que selon les dispositions de l’article 312-8 du code du travail et du règlement grand-ducal du 9 juin 2006, la délivrance de l’agrément de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers pendant la phase de l’élaboration du projet d’un ouvrage, respectivement pendant la phase de réalisation d’un ouvrage, serait subordonnée à trois conditions devant être remplies cumulativement, à savoir une condition de diplôme, une condition d’expérience professionnelle et une condition de formation pour coordinateurs. Il soutient quant à la condition de diplôme, que la formation suivie par Monsieur ….., ne correspondrait pas à un cycle d’étude spécialisé en matière de génie civil, de sorte qu’il ne remplirait pas la première des conditions énumérées par les dispositions de l’article 312-8 du code du travail et du règlement grand-ducal du 9 juin 2006.

Il admet toutefois que Monsieur ….. remplirait les conditions relatives à l’expérience professionnelle et celles relatives à l’accomplissement d’une formation spécifique.

L’article L. 311-2. du Code du travail définit, dans son paragraphe (7), la fonction de « coordinateur en matière de sécurité et de santé pendant l’élaboration du projet de l’ouvrage » comme étant « toute personne physique chargée par le maître d’ouvrage d’exécuter, pendant l’élaboration du projet de l’ouvrage, les tâches à préciser par un règlement grand-ducal concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles » et, dans son paragraphe (8), la fonction de « coordinateur en matière de sécurité et de santé pendant la réalisation de l’ouvrage », comme étant « toute personne physique chargée par le maître d’ouvrage d’exécuter, pendant la réalisation de l’ouvrage, les tâches à préciser par un règlement grand-

ducal concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles ».

En vertu de l’article L. 312-8 (6) du Code du travail, « Les coordinateurs en matière de sécurité et de santé, tels que définis à l’article L. 311-2, points 7 et 8, doivent être détenteurs d’un agrément délivré par le ministre ayant le Travail dans ses attributions et spécifiant les activités de coordination qu’ils peuvent exercer.

L’agrément est délivré aux postulants 1. porteurs d’un des diplômes suivants:

diplôme d’architecte ou d’ingénieur en génie civil, diplôme d’ingénieur industriel en génie civil ou d’ingénieur technicien en génie civil, brevet de maîtrise dans un des métiers de la construction, ou encore ayant accompli une formation équivalente;

2. justifiant qu’ils ont une expérience professionnelle dans le domaine de la construction d’une durée minimale de cinq, respectivement de trois ans, suivant l’activité de coordination que les candidats entendent exercer; et 3. ayant suivi une formation appropriée par rapport aux activités de coordination qu’ils entendent exercer, formation à définir par règlement grand-ducal. » Il échet de constater que l’article L. 312-8 (6) du Code du travail impose comme modalités d’octroi de l’agrément de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase d’élaboration du projet d’un ouvrage et pendant la phase de réalisation d’un ouvrage, trois types de conditions à remplir cumulativement liées, premièrement, à des exigences de diplôme, deuxièmement, à des exigences d’expérience professionnelle, et, troisièmement, à des exigences de formation pour coordinateurs de sécurité et de santé, étant précisé que le règlement grand-ducal du 9 juin 2006 ne concerne que les deux dernières conditions, ainsi que les modalités d’octroi de l’agrément.

Il y a encore lieu de relever que le régime légal d’agrément en matière de coordination de sécurité et de santé, tel qu’il ressort actuellement de l’article L.312-8 (6) du Code du travail, a été instauré par la loi du 13 janvier 2002 modifiant la loi du 17 juin 1994 concernant la sécurité et la santé des travailleurs au travail, ci-après désignée par la « loi du 13 janvier 2002 », étant précisé qu’avant l’adoption de la loi du 13 janvier 2002, l’activité de coordinateur de sécurité et de santé n’était pas réglementée en droit luxembourgeois.

L’article 1er du règlement grand-ducal du 9 juin 2006 instaure une distinction entre trois types de chantiers, intitulés « chantier Niveau A », « chantier Niveau B » et « chantier Niveau C » en disposant que :

« a) «chantier»: tout chantier tombant sous les dispositions du règlement grand-ducal du 29 octobre 2004 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en oeuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles;

b) «chantier Niveau A»: tout chantier ayant un volume de travail inférieur à 500 hommes – jours et comportant tout au plus des risques particuliers figurant aux points 1, 2 et 4 de l’annexe Il du règlement grand-ducal du 29 octobre 2004 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en oeuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles;

c) «chantier Niveau B»: tout chantier ayant un volume de travail inférieur à 10.000 hommes – jours et comportant tout au plus des risques particuliers figurant aux points 1, 2 et 4 de l’annexe II du règlement grand-ducal du 29 octobre 2004 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en oeuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles, ainsi que tout chantier ayant un volume de travail inférieur à 500 hommes – jours et comportant en plus des risques particuliers figurant aux points 5, 9, 10, 11 et 12 de l’annexe II du règlement grand-ducal du 29 octobre 2004 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en oeuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles;

d) «chantier Niveau C»: tout chantier tel que défini sub a) ci-dessus; (…) ».

L’article 5 du même règlement grand-ducal indique les conditions respectives à remplir pour obtenir un agrément et pouvoir exercer la fonction de coordinateur en matière de sécurité et santé soit sur un chantier niveau A, soit sur un chantier niveau B ou enfin sur un chantier niveau C. Ainsi, aux termes dudit article l’agrément est délivré aux personnes briguant la fonction de coordinateur en matière de sécurité et santé sur les chantiers temporaires ou mobiles en suivant les conditions ci-après:

« – Peuvent être agréées comme coordinateur en matière de sécurité et de santé pendant la phase élaboration du projet d’un ouvrage respectivement pendant la phase réalisation d’un ouvrage pour les chantiers du niveau A, les personnes détentrices d’un brevet de maîtrise dans un des métiers de la construction pouvant apporter la preuve d’une expérience professionnelle telle que définie à l’article 6 paragraphes 1 et 2 ci-dessous et ayant suivi avec succès un cycle de formation pour les chantiers du niveau A tel que défini à l’article 2 premier tiret ci-dessus.

– Peuvent être agréées comme coordinateur en matière de sécurité et de santé pendant la phase élaboration du projet d’un ouvrage respectivement pendant la phase réalisation d’un ouvrage pour les chantiers du niveau B, les personnes visées à l’article 9 paragraphe 6 point 1 deuxième tiret de la loi modifiée du 17 juin 1994 pouvant et ayant suivi avec succès un cycle de formation pour les chantiers du niveau B tel que défini à l’article 2 deuxième tiret ci-

dessus.

– Peuvent être agréées comme coordinateur en matière de sécurité et de santé pendant la phase élaboration du projet d’un ouvrage et pendant la phase réalisation d’un ouvrage pour les chantiers du niveau C, les personnes visées à l’article 9 paragraphe 6 point 1 premier tiret de la loi modifiée du 17 juin 1994 pouvant apporter la preuve d’une expérience professionnelle telle que définie à l’article 6 paragraphes 5 et 6 ci-dessous et ayant suivi avec succès un cycle de formation pour les chantiers du niveau C tel que défini à l’article 2 troisième tiret ci-dessus. (…) ».

Il est constant en cause, et le délégué du gouvernement a d’ailleurs confirmé expressément dans le cadre de son mémoire en réponse, que le demandeur remplit deux des trois conditions prévues à l’article L-312-8 (6) du Code du travail, à savoir, la deuxième condition relative aux exigences d’expérience professionnelle, ainsi que la troisième condition relative aux exigences de formation pour coordinateurs de sécurité et de santé.

Néanmoins, le demandeur a invoqué des moyens visant à établir qu’il remplit les conditions relatives aux exigences d’expérience professionnelle ainsi qu’aux exigences de formation pour coordinateurs de sécurité et de santé. Ces moyens sont partant à rejeter pour être dépourvus de toute pertinence en l’espèce.

Ainsi, le moyen du demandeur selon lequel il aurait obtenu en date du 3 juillet 2002 le certificat attestant la réussite du cycle de formation pour coordinateurs de sécurité et de santé des projets de construction organisé par la Chambre de commerce du Grand-Duché de Luxembourg en partenariat avec l’Inspection du Travail et des Mines, n’est d’aucune pertinence en l’espèce, étant donné qu’il n’est pas contesté qu’il remplit la condition relative aux exigences de formation pour coordinateurs de sécurité et de santé. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Si le demandeur, se réfère encore à son expérience professionnelle, en affirmant avoir suivi divers chantiers en qualité de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase d’élaboration du projet d’un ouvrage et pendant la phase de réalisation d’un ouvrage, en collaboration étroite des services de l’Inspection du Travail et des Mines, force est de constater qu’en l’espèce, malgré le fait que le demandeur ait pu avoir exercé, pendant plusieurs décennies et sur des chantiers d’une importance certaine, la fonction de coordinateur de sécurité et de santé, le tribunal ne s’est pas vu soumettre par ce dernier des éléments probants desquels il ressortirait que le ministre lui aurait reconnu le droit d’exercer, à partir du changement législatif opéré par la loi du 13 janvier 2002, la fonction de coordinateur de sécurité et de santé. En effet la liste des expériences professionnelles du demandeur, tant dans le secteur public, que dans le secteur privé, n’établit pas que le ministre lui aurait, après le changement législatif opéré par la loi du 13 janvier 2002, reconnu les qualifications nécessaires pour exercer la fonction de coordinateur de sécurité et de santé, étant encore précisé qu’il s’agit d’une liste dressée par le demandeur lui-même. Ce moyen du demandeur est partant à rejeter pour défaut de fondement.

Enfin, si le demandeur fait encore valoir dans le contexte des conditions relatives aux exigences d’expérience professionnelle, et aux exigences de formation pour coordinateurs de sécurité et de santé, que son diplôme d’ingénieur industriel aurait été inscrit le 2 novembre 2010 au registre des titres d’enseignement supérieur déposé au ministère de l’Enseignement et de la Recherche, force est de constater qu’une telle inscription ne vaut que reconnaissance par l’Etat luxembourgeois de l’obtention d’un diplôme à l’étranger mais non point équivalence ou homologation dudit diplôme ni d’ailleurs reconnaissance des qualifications nécessaires pour exercer la fonction de coordinateur de sécurité et de santé. Le moyen afférent du demandeur est partant à son tour à rejeter pour ne pas être fondé.

Si les parties en cause s’accordent donc pour dire que le demandeur remplit les conditions relatives aux exigences d’expérience professionnelle, ainsi que de formation pour coordinateurs de sécurité et de santé, elles sont en revanche, en désaccord sur la question de savoir si le demandeur remplit la condition relative aux exigences de diplôme pour pouvoir obtenir un agrément du niveau C limitatif aux travaux de puits, de terrassements souterrains, de tunnels et de reprise en sous-œuvre pour les activités de coordination de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase élaboration du projet d'un ouvrage et pendant la phase réalisation d'un ouvrage, ainsi que l'agrément du niveau B pour les activités de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase élaboration du projet d'un ouvrage et pendant la phase réalisation d'un ouvrage, conformément aux articles L-312-8 (6) du code du travail et 5 du règlement grand-

ducal du 9 juin 2006.

Ainsi, le demandeur estime que son diplôme serait à considérer, comme équivalent, d’une part, à celui d’ingénieur en génie civil au sens de l’article L-312-8 (6) 1. du code du travail, lui permettant ainsi d’exercer la fonction de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers de niveau C, conformément à l’article 5, tiret 3 du règlement grand-ducal du 9 juin 2006, sinon, d’autre part, à celui d’ingénieur industriel en génie civil ou d’ingénieur technicien en génie civil au sens de l’article L-312-8 (6) 1. du code du travail, lui permettant ainsi d’exercer la fonction de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers de niveau B, conformément à l’article 5, tiret 2 du règlement grand-ducal du 9 juin 2006.

A titre liminaire, le tribunal est amené à retenir qu’il est constant en cause que le demandeur ne dispose ni d’un diplôme d’ingénieur en génie civil, ni d’un diplôme d’ingénieur industriel en génie civil ou d’ingénieur technicien en génie civil, mais d’un diplôme d’ingénieur industriel, de sorte qu’il y a lieu de vérifier si ledit diplôme détenu par le demandeur est à considérer comme « formation équivalente » au sens de l’article L-312-8 (6) 1. quatrième tiret du code du travail.

En ce qui concerne tout d’abord la question de savoir si le diplôme du demandeur équivaut au diplôme d’ingénieur en génie civil, force est de constater que le diplôme du demandeur est un diplôme d’ingénieur industriel ne correspondant partant a priori pas au diplôme d’ingénieur en génie civil. A cet égard, la décision déférée du 26 juin 2012, non utilement énervée sur ce point, renseigne qu’un cycle de formation donnant droit au diplôme d'ingénieur industriel ne peut être comparé à un cycle d'études donnant droit au titre d'ingénieur en génie civil, en ce qui concerne le niveau des matières enseignées, dans la mesure où un ingénieur industriel fait des études plus techniques et aborde des problèmes plus pratiques, plus concrets; tandis que les études d'ingénieur sont aussi du domaine technique, mais d'un type scientifique, et fondamental, donc du genre technico-scientifique.

Par ailleurs, aux termes de l’article 16 de la loi du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, désignée ci-après par « la loi du 2 septembre 2011 » : « La qualification professionnelle requise pour accéder à la profession d’ingénieur-conseil du secteur de la construction résulte: 1. de la possession d’un grade ou diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un master en ingénierie de la construction ou de son équivalent (…) ». La même loi précise en son article 20 que : « La qualification professionnelle requise pour accéder à la profession d’ingénieur indépendant résulte de la possession d’un grade ou diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un master en ingénierie dans la branche ou de son équivalent. (…) ». La qualification d’ingénieur présuppose donc l’accomplissement avec succès d’un master en ingénierie. Or, en l’espèce, le diplôme dont le demandeur est titulaire n’est pas un diplôme de master en ingénierie, mais un diplôme d’ingénierie industrielle. Si le demandeur verse encore en cause une attestation de la Haute Ecole Robert Schuman à Arlon, attestant que son diplôme obtenu en juin 1981 correspond actuellement au grade de « master en sciences de l’ingénieur industriel (finalité industrie) », force est toujours de constater que le diplôme du demandeur est un diplôme d’ingénieur industriel et non pas d’ingénieur.

A défaut d’autres éléments invoqués par le demandeur le ministre a partant valablement pu constater que le diplôme du demandeur ne constituait pas une formation équivalente à celle aboutissant à la délivrance du diplôme d’ingénieur en génie civil au sens de l’article L-312-8 (6) 1. du code du travail, et il a pu lui refuser l’agrément pour exercer la fonction de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers de niveau C, conformément à l’article 5, tiret 3 du règlement grand-ducal du 9 juin 2006.

En ce qui concerne ensuite la question de savoir si la formation du demandeur est à considérer comme équivalente à celle donnant droit à la délivrance du diplôme d’ingénieur industriel en génie civil ou d’ingénieur technicien en génie civil, il échet d’abord de préciser que le diplôme détenu par le demandeur est un diplôme d’ingénieur industriel délivré par l’Institut supérieur industriel de l’Etat belge concernant l’enseignement supérieur technique de plein exercice, de type long et de niveau universitaire attestant l’accomplissement des matières suivantes sur une période de quatre années : mathématiques, statistiques, informatique, physique, chimie, électricité, mécanique, dessin technique et techniques graphiques, thermodynamique, mécanique des fluides, socio-économie, biologie, étude des matériaux métalliques et non métalliques, sciences humaines et gestion sociale de l’entreprise, aspectes écologiques et techniques de production, thermodynamique appliquée, génie civil, résistance des matériaux et stabilité, automatique, construction des machines, métallurgie, mécanique appliquée, machines électriques, électronique, électronique générale et appliquée, techniques digitales, chimie industrielle.

Dès lors, le demandeur est détenteur d’un diplôme d’ingénieur industriel. En ce qui concerne plus particulièrement la spécification des études du demandeur, il échet de constater que si le ministre a affirmé à juste titre que la formation suivie par le demandeur est une formation d’un ingénieur industriel généraliste, il n’en demeure pas moins que parmi les matières étudiées par le demandeur, plusieurs d’entre elles relèvent du domaine du génie civil.

Ainsi, le demandeur a suivi des cours en mathématiques, physique, dessin technique et techniques graphiques, thermodynamique et thermodynamique appliquée, étude des matériaux métalliques et non métalliques, génie civil, résistance des matériaux et stabilité. Or, ni le ministre dans le cadre des décisions déférées, ni le délégué du gouvernement, dans le cadre de son mémoire en réponse, n’ont concrètement détaillé les matières spécifiques à étudier et donnant droit à la délivrance d’un diplôme d’ingénieur industriel en génie civil. Le ministre et le délégué du gouvernement se sont bornés à affirmer de manière générale et abstraite que la formation du demandeur était une formation générale, sans indiquer concrètement quelles matières spécifiques auraient fait défaut dans le cadre de sa formation.

Dans la mesure où il ressort toutefois du diplôme du demandeur qu’il a suivi des cours dans diverses matières relevant du domaine du génie civil, et à défaut de précisions concrètes relatives à la formation spécifique requise, le tribunal est amené à conclure que le ministre n’a pas valablement pu retenir que la formation du demandeur n’était pas à considérer comme formation équivalente à celle donnant droit au diplôme d’ingénieur industriel en génie civil ou d’ingénieur technicien en génie civil au sens de l’article L-312-8 (6) 1. quatrième tiret.

Par conséquent, le ministre n’a pas valablement pu refuser au demandeur la délivrance d’un agrément pour exercer la fonction de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers de niveau B, conformément à l’article 5, tiret 3 du règlement grand-ducal du 9 juin 2006, de sorte que les décisions déférées encourent l’annulation, pour erreur manifeste d’appréciation, en ce qui concerne le volet du refus de la délivrance d’un agrément du niveau B pour les activités de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles pendant la phase élaboration du projet d'un ouvrage et pendant la phase réalisation d'un ouvrage au sens des articles L-311-2, 7. et 8. du code du travail et 5, deuxième tiret du règlement grand-ducal du 9 juin 2006.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare partiellement justifié, partant annule les décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 9 janvier 2012 et du 26 juin 2012 en ce qu’elles ont refusé à Monsieur ….. la délivrance d’un agrément pour les activités de coordinateur de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires ou mobiles de niveau B pendant la phase élaboration du projet d'un ouvrage et pendant la phase réalisation d'un ouvrage ;

renvoie l’affaire en prosécution de cause au ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 21 octobre 2013 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 octobre 2013 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 30936
Date de la décision : 21/10/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-10-21;30936 ?

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