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14/10/2013 | LUXEMBOURG | N°31269

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2013, 31269


Tribunal administratif N° 31269 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 août 2012 1re chambre Audience publique du 14 octobre 2013 Recours formé par la société à responsabilité limitée … S.àr.l., … contre des décisions de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 31269 du rôle, déposée le 10 août 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KLEYR, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … S.àr...

Tribunal administratif N° 31269 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 août 2012 1re chambre Audience publique du 14 octobre 2013 Recours formé par la société à responsabilité limitée … S.àr.l., … contre des décisions de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 31269 du rôle, déposée le 10 août 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KLEYR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … S.àr.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonction, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation, d’une part, du bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue émis le 21 décembre 2011 par l’administration des Contributions directes, section des impôts sur salaires, Bureau d’imposition RTS-Luxembourg 1, et, d’autre part, de la décision de rejet de réclamation du directeur de l’administration des Contributions directes du 31 mai 2012, émise comme suite à une réclamation introduite en date du 15 mars 2012 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2012 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2012 par Maître Marc KLEYR au nom de la société à responsabilité limitée … S.àr.l. ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc KLEYR et Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT en leurs plaidoiries à l’audience publique du 30 septembre 2013.

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Le bureau d’imposition RTS-Luxembourg 1 de la section des impôts sur salaires de l’administration des Contributions directes procéda en date du 16 décembre 2011, en application des dispositions de l’article 136 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci après « L.I.R. » et du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions, tel que modifié, à une révision des retenues d’impôt à opérer par la société à responsabilité limitée … S.àr.l., ci-après « … », à déclarer par elle et à verser par ses soins à l’administration des Contributions directes du chef des rémunérations allouées à son personnel salarié et retraité.

Le bureau d’imposition RTS-Luxembourg 1 émit le 21 décembre 2011 à l’encontre d’… un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue qui a opéré des redressements d’un montant de 186 euros pour l’année fiscale 2008 et de 31.379,41 euros pour l’année fiscale 2009.

… introduisit par courrier du 15 mars 2012 une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après « le directeur », à l’encontre dudit bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue, par laquelle, en substance, elle contesta l’imposition des rachats de voitures de service de ses employés effectués par ceux-ci en exécution d’options d’achat prévues dans les contrats leasing de voitures au profit de certains salariés.

Par décision du 31 mai 2012, le directeur confirma intégralement le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue et rejeta en conséquence la réclamation comme étant non fondée pour les motifs suivants :

« Vu la requête introduite le 14 mars 2012 par les sieurs … , au nom de la société à responsabilité limitée …, avec siège à L-…, pour réclamer contre le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2008 et 2009, émis le 21 décembre 2011 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit, dans les forme et délai de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition de la retenue sur traitements et salaires (R.T.S.) d’avoir imposé, à titre de l’année 2009, l’avantage en nature découlant de la cession d’options d’achat prévues dans les contrats leasing de voitures au profit de certains salariés ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, la loi d’impôt étant d’ordre public, qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe que l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que la requête tend à confondre une circulaire administrative, notamment la circulaire L.I.R. 104/1, avec une base légale, alors que les circulaires et notes de service du directeur des contributions s’analysent en de simples instructions internes à l’adresse de ses fonctionnaires qui partant sont seuls à être liés ;

Considérant, quant aux bases légales, que l’article 95 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (en abrégé L.I.R.) définit comme revenus d’une occupation salariée les émoluments et avantages obtenus en vertu d’une occupation dépendante ;

que la notion d’avantages vise au-delà de toutes recettes en espèces aussi tous les biens, ne consistant pas en espèces, mais appréciables en argent (cf : doc. parl. 5714, p. 210);

Considérant qu’aux termes de l’alinéa 1er de l’article 104 L.I.R., sont considérés comme recettes tous les biens et avantages, tant en espèces qu’en nature, mis à la disposition du salarié dans le cadre de l’une des catégories de revenus nets mentionnés aux numéros 4 à 8 de l’article 10 L.I.R., comprenant donc, notamment par le prédit numéro 4, les revenus nets provenant d’une occupation salariée ;

qu’aux termes de l’alinéa 2 dudit article 104 L.I.R., les biens et avantages ne consistant pas en espèces (…) sont estimés aux prix moyens usuels du lieu de consommation ou d’usage et de l’époque de la mise à disposition ;

Considérant donc que les recettes ne consistant pas en espèces sont à évaluer aux prix moyens usuels du lieu de consommation ou d’usage et de l’époque de la mise à disposition ;

que le prix moyen usuel est représenté par le prix que le contribuable (et non pas le débiteur) aurait dû débourser pour se procurer les biens ou les avantages en question ;

qu’il est donc possible que la valeur du bien ou de l’avantage, telle qu’elle est évaluée pour l’imposition du bénéficiaire, ne concorde pas avec ce que le débiteur a dû dépenser pour ce bien ou avantage et, le cas échéant, avec le montant que le débiteur est en droit de porter en déduction à titre de dépenses d’exploitation (doc. pari cit. p. 211) ;

Considérant que la requête tend encore à faire l’amalgame entre l’utilisation d’une voiture mise à la disposition d’un salarié et l’acquisition à titre personnel de cette voiture à un prix de faveur ;

qu’il n’est cependant pas licite de cumuler d’une part l’avantage fiscal imposable, résultant de l’utilisation et celui résultant d’un prix d’achat réduit d’une voiture afin d’en construire un prix fictif total de ladite voiture ;

Considérant qu’en vertu de l’article 136, alinéa 1er L.I.R. les rémunérations d’une occupation salariée au sens de l’article 95 L.I.R. sont passibles de la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu ;

que, d’ailleurs, aux termes de l’article 136, alinéa 4 L.I.R., l’employeur est personnellement responsable de l’impôt retenu ainsi que de l’impôt qu’il aurait dû retenir ;

qu’enfin, au cas où l’employeur défaillit, c’est à bon droit que le bureau RTS régularise la retenue en conformité avec la loi (cf. : Trib. adm., 15 juillet 2009, n° 24950 du rôle) ;

Considérant en outre qu’en cas de détermination inexacte, comme en l’espèce, l’impôt peut être fixé par l’administration conformément à l’article 136, alinéa 7 L.I.R. ;

Considérant qu’il convient encore de relever que c’est à tort que la requête introductive soutient qu’une acceptation, dans le passé, de certaines pratiques comptables, respectivement d’avantages non-déclarés, impliquerait une obligation à charge du bureau d’imposition de les accepter également pour les années litigieuses; qu’en effet, en vertu du principe de l’annualité de l’impôt, consacré notamment à l’article 1er L.I.R., la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d’imposition suivant des données et caractéristiques propres, établies du moment ;

Considérant particulièrement à ce titre que le règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et pensions (en tant que disposition d’exécution de l’article 136 L.I.R.) prévoit le contrôle rétroactif et ex post en son article 16, alinéa 1er : « Le bureau R.T.S. contrôle la régularité des opérations relatives à la retenue sur les salaires et pensions et à la bonification de crédits d’impôt, ainsi qu’à la déclaration de retenues et des crédits d’impôt bonifiés, en procédant à des révisions périodiques des pièces comptables documentant les opérations précitées accomplies par les établissements situés dans son rayon de compétence. La cadence des révisions devrait être au moins trisannuelle sans préjudice de révisions extraordinaires, notamment en cas d’irrégularités de la déclaration et du versement de la retenue d’impôt » ;

Considérant qu’il ressort à suffisance de preuve que les prix fixés en l’occurrence par l’employeur et payés par les salariés concernés n’ont plus le moindre rapport avec la réalité du marché des voitures d’occasion ;

Considérant à cet égard que la méthode d’évaluation simple du bureau R.T.S. se trouve justifiée par son applicabilité claire tout comme par son approche au plus près de la réalité économique (dévaluation du prix d’achat de 35 % la première année, 10 % chaque année subséquente) ;

que d’ailleurs le bureau d’imposition a, en raison et équité, admis tous les prix de rachat un tant soit peu proches de la réalité économique ;

Considérant que pour le surplus, l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’est d’ailleurs pas autrement contestée ; (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2012, … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, du bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue précité, tel qu’émis le 21 décembre 2011 par le Bureau d’imposition RTS-Luxembourg 1, et, d’autre part, de la décision de rejet du directeur précitée du 31 mai 2012.

A l’audience publique du 30 septembre 2013, le tribunal administratif a soulevé d’office la question de la recevabilité du recours dans la mesure où il tend tant à la réformation sinon à l’annulation d’un bulletin d’imposition qu’à la décision directoriale prise suite à une réclamation introduite à l’encontre de ce bulletin.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.

En vertu de l’article 8 (3) 3. de la loi précitée du 7 novembre 1996, un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre ledit bulletin1.

Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a pris position suite à la réclamation introduite en date du 15 mars 2012, il y a lieu de retenir à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé directement contre le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue déféré.

Le tribunal est en revanche comme retenu ci-dessus compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, … attaque la décision directoriale déférée pour divers motifs développés successivement par ordre de subsidiarité relevant du fondement propre à la décision, motifs qui en substance peuvent être énumérés comme suit :

-

l’imposition des rachats de voitures de service par les employés manquerait, de base légale, … faisant plaider que ni les articles 95 et 104 LIR, ni aucun règlement grand-ducal ne viseraient le traitement fiscal de l’avantage pouvant résulter de la possibilité de racheter à sa valeur résiduelle la voiture de service par l’employé ;

-

la méthode forfaitaire d’évaluation manquerait de base légale, alors que pour imposer le rachat par le salarié d’une voiture de service, l’administration fiscale se réfèrerait à une grille fixant la valeur de marché en fonction de l’âge du véhicule, grille qui ne serait toutefois prévue par aucun règlement grand-ducal permettant une telle évaluation ;

-

l’imposition des rachats de voitures conduirait à taxer plus de 100% de la valeur des véhicules, résultat de la combinaison de l’avantage mis en compte pour la durée d’utilisation du véhicule, évalué forfaitairement à 1,5% par mois, et de l’avantage en nature résultant d’après l’administration fiscale du rachat du véhicule, ce qui aboutirait à une imposition sur base d’une estimation au-dessus du prix moyen usuel, ce qui serait contraire à l’article 104(2) LIR ;

-

enfin, l’imposition litigieuse résultant d’un brusque revirement de position adopté par l’administration fiscale violerait le principe de non-rétroactivité, respectivement celui de bonne foi sinon celui de confiance légitime, et ce au motif que jusqu’en 2011, la pratique constante de l’administration fiscale aurait consisté à imposer selon l’évaluation forfaitaire à une valeur mensuelle de 1,5% de la valeur du véhicule à l’état neuf, y compris options et TVA, diminuée le cas échéant de la remise accordée à l’acquéreur, ce qui aurait été de nature à couvrir la totalité de l’avantage que pouvait accorder l’employeur à son salarié, sans procéder à une imposition séparée ou complémentaire de l’exercice de l’option d’achat en fin de contrat de leasing ou de location par le salarié 1.

En ce qui concerne son premier moyen, … précise que par application de l’article 3.2.2. de la circulaire LIR no 104/1 du 18 février 2009, l’avantage résultant de la mise à 1 cf. trib. adm. 6 janvier 1999, n° 10357 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 727 et autres références y citées.

disposition d’une voiture ferait l’objet d’une évaluation forfaitaire basée sur le prix global d’acquisition du véhicule à l’état neuf, y compris options et TVA, diminué, le cas échéant, de la remise accordée, et que cette évaluation forfaitaire comprendrait déjà le rachat de la voiture de service à la fin du contrat de leasing ou de location. Aussi, comme la réglementation en vigueur, ensemble avec la circulaire précitée reposerait déjà sur une évaluation forfaitaire pour l’imposition de l’avantage que constitue la mise à disposition d’un véhicule de service, en ce compris le droit de racheter le véhicule, aucune imposition séparée ou supplémentaire ne serait à opérer au moment du rachat du véhicule par le salarié.

Aux termes de l’article 104 (1) LIR « Sont considérés comme recettes tous les biens et avantages, tant en espèces qu’en nature, mis à la disposition du contribuable dans le cadre de l’une des catégories de revenus nets mentionnées aux numéros 4 à 8 de l’article 10 », tandis qu’aux termes de l’article 95 (1) LIR, « 1) Sont considérés comme revenus d’une occupation salariée : 1. les émoluments et avantages obtenus en vertu d’une occupation dépendante et les pensions allouées par l’employeur, avant la cessation définitive de cette occupation ».

Si les parties s’accordent à considérer l’utilisation d’un véhicule de service à des fins privées par un salarié, véhicule mis gratuitement à sa disposition par l’employeur, comme constituant un avantage en nature au sens des articles 95 (1) et 104 (1) LIR, elles divergent toutefois en ce qui concerne la qualification du fait qu’un salarié ait pu acquérir une voiture à un prix de faveur par rapport à sa valeur réelle au terme d’un contrat de leasing.

D’une manière générale et en application des dispositions citées ci-dessus, toute rémunération en nature ou en espèces attribuée par l’employeur relève du revenu provenant d’une occupation salariée et est par conséquent imposable ; plus particulièrement, les avantages en nature font partie intégrante du revenu salarial dès qu’ils sont mis à disposition du salarié.

En l’espèce, le tribunal constate, d’une part, que la société demanderesse a conclu avec une société de leasing un contrat de leasing prévoyant une clause de rachat par laquelle … en tant que souscripteur pourra acheter la voiture à la fin du contrat de leasing pour un prix déterminé. D’autre part, il résulte du contrat de travail conclu par … avec certains de ses salariés, respectivement d’un avenant afférent relatif à la mise à disposition d’un véhicule qu’… s’engage, sur première demande, à céder l’option d’achat relatif au véhicule donné en leasing à son salarié qui pourra alors acquérir la voiture à une valeur résiduelle déterminée.

Aussi, si l’attribution d’un véhicule par l’employeur au salarié dans le cadre de leur relation de travail constitue un avantage en nature persistant sinon récurrent, la possibilité offerte au salarié, possibilité trouvant son origine dans la seule relation de travail intuitu personae conclue avec l’employeur, d’acquérir le droit d’option du souscripteur, et partant, d’acquérir la voiture à un prix abordable, voire de faveur, constitue également, du moins économiquement, un avantage en nature.

Le tribunal retient encore que cet avantage en nature est distinct de celui résultant de la seule mise à disposition d’une voiture par l’employeur : d’une part il s’agit en effet d’un avantage temporellement et matériellement distinct, le moment où le salarié peut profiter de cet avantage, à savoir celui de devenir propriétaire d’une voiture à un prix de faveur, étant nécessairement postérieure à l’époque durant laquelle il a pu profiter de la voiture de service pour ses besoins privés, et d’autre part, il s’agit d’un avantage encore dissociable de la seule mise à disposition de la voiture de service, puisqu’il s’agit d’une option, venant en sus - ou plutôt au terme de cette mise à disposition - que le salarié peut lever : ainsi, tout contrat de leasing profitant à un salarié n’aboutit pas nécessairement au rachat par celui-ci de la voiture en question : il y a bien deux faits générateurs de l’impôt temporellement et matériellement distincts.

Dès lors, le tribunal, à l’instar de la partie étatique, retient que le rachat du véhicule par le salarié à un prix inférieur à sa valeur sur le marché constitue un avantage en nature imposable dans le chef de ce dernier en application de l’article 104 (1) LIR. Par voie de conséquence, la critique d’… tirée d’une absence de base légale est à rejeter pour ne pas être fondée, l’imposition litigieuse, comme retenu ci-dessus, reposant à bon droit sur les articles 95 (1) et 104 (1) LIR.

A titre superfétatoire, le tribunal relève encore que la demanderesse ne saurait en tout état de cause pas inférer une absence de base légale du fait qu’une circulaire - en l’occurrence la circulaire LIR n° 104/1 du 18 février 2009 - ne viserait pas expressément le traitement fiscal de l’avantage pouvant résulter de la possibilité de racheter à un prix de faveur la voiture de service par le salarié, mais prévoirait au contraire prétendument que l’avantage résultant de la mise à disposition d’une voiture de service devrait faire l’objet d’une évaluation forfaitaire basée sur le prix global d’acquisition du véhicule, évaluation forfaitaire qui, de l’avis de la demanderesse, devrait nécessairement déjà comprendre le droit de racheter le véhicule.

En effet, outre, comme retenu ci-dessus, que l’imposition critiquée tire sa base légale des articles 95 (1) et 104 (1) LIR - étant souligné qu’en tout état de cause une circulaire, compte tenu du principe de la légalité de l’impôt inscrit à l’article 99 de la Constitution, ne saurait servir de base légale, alors qu’une telle doit se borner à interpréter les textes de loi en vigueur, sans pouvoir fixer des règles nouvelles2, de sorte que l’absence d’indication ou de mention dans une circulaire d’un cas d’imposition ne permet pas non plus de conclure à l’absence de base légale - il échet de constater que ladite circulaire, intitulée « Évaluation de certains avantages accordés par l’employeur à ses salariés a) Mise à la disposition à titre gratuit ou à loyer réduit d’une habitation, b) mise à la disposition à titre gratuit ou à prix réduit d’une voiture de service que le salarié peut utiliser pour ses besoins privés », n’a en tout état de cause pas vocation à être exhaustive, mais seulement à préciser l’évaluation de « certains » avantages accordés par l’employeur à ses salariés. Dès lors, le fait que ladite circulaire ne concerne que la question de la mise à la disposition à titre gratuit ou à prix réduit d’une voiture de service que le salarié peut utiliser pour ses besoins privés, comprise comme la seule utilisation par le salarié à des fins privées d’une voiture appartenant à l’employeur ou prise en leasing ou en location par ce dernier3 - à l’exclusion de l’hypothèse distincte du rachat ultérieur par le salarié de la voiture par le biais de la cession de l’option à son profit -

ne saurait, d’une part, exclure la possibilité pour l’administration des Contributions directes d’imposer également l’avantage tiré d’un rachat de la voiture de service par le salarié à un prix de faveur ni, d’autre part, induire une quelconque absence de base légale.

Le moyen afférent d’… est par conséquent à rejeter pour ne pas être fondé.

2 Trib. adm. 8 avril 2002, n° 13875, Pas. adm. 2012, V° Actes réglementaires, n° 3.

3 Voir point 3.1. « Champ d’application » de la circulaire.

2.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne le second moyen d’…, avancé en ordre de subsidiarité, et selon lequel la méthode forfaitaire d’évaluation manquerait de base légale.

En effet, si … fait plaider que l’article 104 (2) LIR ne contiendrait pas de règle d’évaluation et ne permettrait pas à l’administration des Contributions directes de procéder par une grille d’évaluation forfaitaire, alors qu’une telle grille devrait nécessairement être prévue par un règlement grand-ducal pris sur base de l’article 104 (3) LIR, le tribunal relève toutefois que l’article 104 (2) LIR énonce le principe en matière d’évaluation des avantages en nature, à savoir que « Les biens et avantages ne consistant pas en espèces, tels que le logement, le chauffage, la nourriture, les marchandises et autres prestations, sont estimés aux prix moyens usuels du lieu de consommation ou d’usage et de l’époque de la mise à disposition », ce principe ayant été précisé, pour certains avantages en nature, par la circulaire LIR n° 104/1 du 18 février 2009.

S’il est vrai, tel que retenu ci-dessus, que ladite circulaire ne s’applique pas explicitement à l’avantage résultant du rachat du véhicule par le salarié à un prix inférieur à sa valeur sur le marché - ladite circulaire spécifiant d’ailleurs n’établir des règles d’évaluation forfaitaire que pour certains avantages en nature, ces règles étant par ailleurs spécifiées comme n’ayant qu’un caractère subsidiaire par rapport aux règles d’évaluation de l’article 104 (2) LIR4, ce constat, comme retenu ci-avant, n’implique pas pour les mêmes motifs que la méthode d’évaluation retenue en l’espèce serait dépourvue de base légale.

Il convient d’ailleurs de souligner que la circulaire elle-même spécifie qu’« en cas de conflit entre l’application des mesures d’évaluation forfaitaire de la présente circulaire et les règles d’évaluation de l’article 104, alinéa 2 LIR ou encore, pour le cas où les mesures d’évaluation forfaitaire conduisent à un résultat manifestement contraire à la réalité, l’évaluation des avantages en nature visés doit se faire conformément aux dispositions de l’article 104, alinéa 2 LIR » : a fortiori, en cas d’absence de règles d’évaluation spécifiques, les règles générales d’évaluation de l’article 104 (2) LIR sont à appliquer.

Quant au fait que l’article 104 (3) LIR dispose qu’« un règlement grand-ducal pourra réglementer l’évaluation forfaitaire de certaines recettes en espèces et en nature », règlement grand-ducal dont le défaut est mis en exergue par …, celui-ci ne saurait être invoqué par la demanderesse en appui de son argumentation, alors que ladite disposition légale n’impose pas obligatoirement au pouvoir exécutif la prise d’un règlement afférent, mais n’émet qu’une faculté dans le chef de ce dernier : il s’agit ce faisant d’une disposition superfétatoire, alors que du moment que la matière est fixée par la loi, le Grand-Duc peut prendre de manière spontanée des règlements, sans qu’il y soit expressément habilité par la loi5, et ce contrairement à la situation où le législateur a subordonné de manière expresse l’application d’une loi à un ou plusieurs règlements, hypothèse dans laquelle le pouvoir réglementaire se voit charger d’une véritable obligation de prendre le ou les règlements nécessaires à l’application de la loi6.

Enfin, le tribunal relève, à l’instar de la partie étatique, que le présent litige s’insère dans le cadre particulier de l’article 136 (4) LIR aux termes duquel l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel, la partie 4 Voir point 1.2. « Mesures d’évaluation forfaitaires » de la circulaire.

5 Trib. adm. 15 octobre 2007, n° 23503, Pas. adm. 2012, V° Lois et règlements, n° 54.

6 Voir Cour adm. 17 avril 2008, n° 23755C, Pas. adm. 2012, V° Lois et règlements, n° 53.

étatique reprochant en particulier à … de ne pas avoir en tant qu’employeur retenu l’impôt relatif à l’avantage en nature résultant de l’acquisition personnelle par le salarié d’une voiture de service à un prix d’achat réduit. Or, aux termes de l’article 136 (7) LIR, « à défaut de déclaration ou en cas de détermination inexacte, l’impôt peut être fixé par l’administration », le terme « fixé » renvoyant à la procédure de fixation de l’impôt telle que régie par les paragraphes 204 à 227 AO, laquelle prévoit notamment, sous le paragraphe 217 AO, le procédé de la taxation (« Schätzung ») permettant aux instances d’imposition qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt à laquelle elles ne peuvent guère se soustraire. Or, la taxation consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible. La taxation procède en règle générale par voie de généralisation à partir de données constantes, ses calculs reposant sur des présomptions de probabilité, de sorte que ce procédé, par définition, comporte une certaine marge d’incertitude et d’inexactitude, cette marge étant d’autant plus grande que la collaboration du contribuable est plus faible.

Il s’ensuit que contrairement aux affirmations de la société demanderesse, la méthode d’évaluation forfaitaire appliquée en l’espèce à la demanderesse dispose bien d’une base légale.

3.

Cette méthode d’évaluation forfaitaire n’est, au-delà de la question de principe de sa base légale, respectivement du défaut de base légale, pas autrement critiquée par la demanderesse, laquelle notamment n’a pas critiqué concrètement la valeur forfaitaire présumée par l’administration des Contributions directes, basée sur un pourcentage déterminé du prix d’achat du véhicule, variant en fonction de la durée du leasing, si ce n’est qu’… critique le fait allégué que l’imposition des rachats de voitures, ensemble celle de l’avantage mis en compte pour la durée d’utilisation du véhicule, conduirait à taxer plus de 100% de la valeur des véhicules, ce qui aboutirait à une imposition sur base d’une estimation au-dessus du prix moyen usuel, violant l’article 104 (2) LIR.

A cet égard, … fait plaider que la méthode d’évaluation forfaitaire retenue par l’administration des Contributions directes aurait comme conséquence qu’à partir du 38ème mois de mise à disposition d’un véhicule, la combinaison de l’avantage mis en compte pour la durée d’utilisation du véhicule, évalué forfaitairement à 1,5% par mois, et de l’avantage en nature résultant d’après l’administration fiscale du rachat du véhicule, conduirait à taxer plus de 100% de la valeur du véhicule, ce qui aboutirait à une imposition sur base d’une estimation qui est au-dessus du prix moyen usuel au sens de l’article 104 (2) LIR, c’est-à-dire au-dessus du prix que le bénéficiaire aurait normalement dû débourser pour se procurer lui-

même, sans son employeur, ledit avantage, en l’espèce la voiture qu’il vient de racheter. Or, … considère que l’imposition de cet avantage, ainsi que l’obligation de l’employeur de procéder par retenue à la source, devraient cesser lorsque globalement, l’avantage en nature que constitue la mise à disposition d’un véhicule, le cas échéant ensemble avec le droit de racheter ce véhicule au prix de sa valeur résiduelle du leasing, aurait fait l’objet d’une imposition sur sa totalité, donc sur 100% de la valeur du véhicule.

Le tribunal constate de prime abord que le moyen ainsi présenté par la demanderesse demeure essentiellement théorique, en ce qu’elle n’établit pas, ni d’ailleurs n’affirme que l’imposition litigieuse trouverait concrètement et précisément son origine dans la situation critiquée, résultant de l’imposition du rachat d’une voiture ayant antérieurement été mise à disposition d’un salarié pour une durée supérieure à 38 mois.

Le tribunal relève ensuite que l’argumentation a quo de la demanderesse repose sur une interprétation erronée de l’article 104 (2) LIR, en ce sens qu’elle considère que cet article consacrerait le fait que l’avantage tiré de la mise à disposition d’une voiture de service doive être évalué globalement, c’est-à-dire en combinant l’avantage mis en compte pour la durée d’utilisation du véhicule et l’avantage résultant du rachat du véhicule à un prix de faveur.

Or, comme retenu ci-avant par le tribunal, il s’agit de deux avantages distincts et dissociés, et ce tant matériellement que temporellement, qui doivent également être évalués distinctement. A cet égard, comme relevé ci-dessus, l’article 104 (2) LIR énonce qu’un avantage en nature est estimé aux prix moyens usuels du lieu de consommation ou d’usage et de l’époque de la mise à la disposition, l’explication annotée de l’expression « prix moyens usuels » telle qu’elle ressort du commentaire des articles afférent ayant la teneur suivante :

« Le prix moyen usuel est représenté par le prix que le contribuable (et non le débiteur) aurait dû débourser pour se procurer les biens et avantages en question (commentaire des articles, 571-4, p. 211) ».

Aussi, en ce qui concerne la mise à disposition d’une voiture au contribuable par le biais du transfert de l’option d’achat de l’employeur vers le salarié et de la levée consécutive de cette option d’achat par ce dernier, le prix moyen usuel correspond au prix que le contribuable aurait dû débourser pour se procurer une voiture identique du même âge, c’est-à-

dire comme souligné par la partie étatique, à la valeur économique réelle d’un tel véhicule au moment précis où le salarié devient propriétaire de ce véhicule, et ce indépendamment du fait que le véhicule ait éventuellement fait antérieurement l’objet d’une utilisation à titre privée par le même salarié : c’est en effet à travers le rachat que le contribuable devient propriétaire du véhicule en l’acquérant, et ce avec tous les attributs du droit de propriété et notamment le droit de céder à son tour le véhicule au prix de marché. Il convient d’ailleurs de souligner à cet égard que les dispositions contractuelles liant à ce sujet l’employeur et le salarié disposent explicitement que le salarié n’est pas le propriétaire du véhicule tant qu’il n’a pas demandé la cession de l’option d’achat.

C’est par conséquent à bon droit que l’administration des Contributions directes a basé l’évaluation de l’avantage sur la différence entre le prix de marché de la voiture au moment de son rachat que le salarié aurait dû normalement payer pour acquérir le véhicule en question, et le prix d’achat payé concrètement en ce moment par le salarié.

Le tribunal note qu’… semble toutefois contester que le prix de rachat ait été un prix dérisoire par rapport à la valeur réelle du véhicule ; or, outre que la demanderesse ne saurait se limiter à telles contestations théoriques et non circonstanciées pour prospérer dans son action, alors que conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable », il y a lieu de souligner que même à supposer que le prix de rachat ait correspondu au prix du marché, un tel constat resterait sans incidence sur la question de la légalité de la méthode d’évaluation forfaitaire appliquée, seule question déférée à cet égard au tribunal ; si un tel constat peut en revanche certes avoir une incidence sur l’évaluation concrète de l’avantage en nature, cette question n’a toutefois pas été déférée au tribunal, le débat mené par la demanderesse se limitant en effet à des questions de principe, sans aborder concrètement la question des taux de dévaluation appliqués et des montants concrets retenus par l’administration des Contributions directes.

A titre superfétatoire et exemplatif, le tribunal relève encore au vu des documents lui soumis encore que la valeur résiduelle contractuelle d’une voiture haut de gamme, d’un prix d’acquisition total de 42.730,21 euros, fixée aux termes de 30 mois à 3.895,66 euros, ne saurait être considérée comme correspondant effectivement à la valeur réelle actualisée du véhicule.

Le moyen d’… tiré d’une violation de l’article 104 (2) LIR par la méthode d’évaluation forfaitaire appliquée par l’administration des Contributions directes à l’avantage en nature résultant du rachat par le salarié d’une voiture de service à un prix sis en-dessous du prix réel du marché est partant à rejeter.

4.

En ordre de dernière subsidiarité, … fait plaider que comme dans le passé la pratique de l’administration des Contributions directes aurait été celle de ne pas imposer séparément l’exercice de l’option d’achat en fin de contrat de leasing ou de location par le salarié, et ce quelque soit la valeur réelle du marché comparée au prix de rachat, la pratique actuelle, issue d’un brusque revirement de position, violerait le principe de non-rétroactivité, consacré par le paragraphe 3 du la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », en ce que ce revirement, adopté en 2011, s’appliquerait à des exercices sociaux écoulés des années fiscales précédentes. Ce changement d’attitude constituerait encore une violation du principe de bonne foi, respectivement du principe de confiance légitime en ce qu’il n’aurait pas pu être ni anticipé ni prévu par elle, avec comme conséquence une impossibilité dans son chef de prévoir sa situation fiscale, ce qui porterait atteinte à la sécurité juridique.

Il convient de prime abord de souligner que si le paragraphe 3 du StAnpG dispose que la loi fiscale applicable à une imposition est nécessairement celle en vigueur à l’époque où le fait générateur de l’impôt s’est produit7 et que l’article 2 du code civil, en ce qu’il dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif », met l’accent sur le principe de non-rétroactivité pour l’application des règles juridiques, en vertu duquel aucune autorité administrative ne peut légalement, sauf habilitation légale, fixer l’entrée en vigueur d’une décision, réglementaire ou individuelle, à une date antérieure à celle respectivement de sa publication ou de sa notification8, la question en l’espèce n’est pas celle de l’application de la loi fiscale dans le temps - l’article 104 (2) LIR, disposition au centre des débats, n’ayant pas été modifié - mais celle d’une nouvelle interprétation respectivement application de cet article par l’administration des Contributions directes.

Il ne s’agit dès lors pas d’une question de « rétroactivité », mais d’une question du respect ou non du principe du « Treu und Glauben », à savoir le principe de la protection de la bonne foi du contribuable et de la protection de celui-ci contre des changements de la doctrine administrative.

L’application de ce principe est toutefois soumise à des conditions restrictives, alors qu’il ne saurait être possible de revenir sur les principes de légalité et d’égalité sous le manteau de la protection de la bonne foi et de l’apparence : en particulier, ce principe ne saurait interdire à l’administration des Contributions directes de revenir sur un système de taxation admis pendant un certain temps. Si à la suite d’un réexamen des dispositions légales 7 Cf. CE 13 décembre 1973, n° 6328.

8 Trib. adm. 29 octobre 1998, n° 10684, confirmé par arrêt du 25 février 1999, n° 11015C, Pas. adm. 2012, V° Actes administratifs, n° 130.

elle a acquis la conviction qu’elle doit procéder à une application différente des textes : aussi, un revirement de pratique fiscale ne peut a priori être considéré comme contraire à la bonne foi devant régir les relations entre parties9.

En effet, d’une manière générale, un administré ne peut prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef. Ce n’est qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines10.

C’est ainsi que lorsqu’un particulier diligent est surpris du fait qu’il s’est raisonnablement fié au « pré-comportement » objectif de la personne publique, et n’est dès lors pas en mesure de prévoir l’adoption - ou la modification - soudaine d’une disposition de nature à affecter ses intérêts, la « légitimité » de sa confiance subjective peut être présumée, et ce avec d’autant plus de force lorsque existent des dispositions concrètes et objectives indéniablement prises dans la confiance11. Cette dernière condition en particulier - l’existence de dispositions concrètes et objectives prises dans la confiance - présuppose plus précisément l’existence d’une relation étroitement personnelle entre le contribuable et l’administration :

une telle relation existera normalement à l’occasion d’une demande en renseignements individuelle12. En effet, pour des raisons tenant au respect du principe de sécurité juridique, il faut que les autorités fiscales qui ont donné des assurances ou fait une promesse soient tenues d’honorer les expectatives ainsi créées. Dans cette hypothèse, la réponse personnelle que l’administration fiscale aura donnée le cas échéant au contribuable liera celle-ci à ce dernier13 si des conditions déterminées sont réunies14.

Force est toutefois de constater qu’en l’espèce l’administration des Contributions directes, au-delà de la poursuite dans le passé d’une certaine pratique, n’a pas jamais donné de quelconques assurances au contribuable quant au maintien de cette pratique, laquelle d’ailleurs n’a pas fait l’objet d’une publicité particulière.

Il s’ensuit qu’à défaut d’informations, d’incitations ou d’assurances données par l’administration des Contributions directes à … quant au maintien de la pratique fiscale antérieure et quant à la non-imposition de l’avantage résultant du rachat par le salarié du véhicule à un prix de faveur, la demanderesse ne saurait se prévaloir d’une violation du principe de la bonne foi ou de la légitime confiance.

9 CE 8 juillet 1959, n° 5518.

10 Voir par analogie pour des applications de ce principe : trib.adm 25 janvier 2010, n° 25548, confirmé sur ce point par arrêt du 18 mai 2010, 26683C, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 254, ou encore trib. adm. 12 décembre 2011, n° 27543 et trib. adm. 12 mars 2012, n° 28296, et plus particulièrement en matière fiscale : trib.

adm. 17 octobre 28948, confirmé par arrêt du 4 juillet 2013, n° 31723C.

11 Sylvia CALMES, Du principe de protection de la confiance légitime en droits allemand, communautaire et français, Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, n° 214, p. 405, cité dans Cour adm. 11 février 2010, n° 25840C.

12 Alain Steichen, Manuel de Droit Fiscal, Tome 1, Droit fiscal général, 2006, n° 543, p. 553.

13 Voir réponse du ministre des Finances Luc Frieden à la question parlementaire n° 354 du 7 janvier 2010 de Monsieur François Bausch.

14 André Elvinger, Jean Hoss, Congrès IFA 1976, Rapport Luxembourgeois : La protection juridique du contribuable (Contacts avec l’administration et sécurité juridique), pp.4-5, et Alain Steichen, op.cit., n° 542, p.552.

Le moyen afférent est partant à écarter pour ne pas être fondé.

Il se dégage dès lors des développements qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé, aucun autre moyen n’ayant été valablement soulevé par … à l’encontre de la décision directoriale déférée.

Le tribunal relève à cet égard que si … affirme dans son mémoire en réplique que les éléments repris dans le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue sembleraient d’une part incomplets et d’autre part pour partie incorrecte, et que les suppléments sembleraient avoir été fixés de manière arbitraire en ce qui concerne les rachats effectués par certains salariés et non pas par d’autres, tandis que les avantages déterminés par l’administration des Contributions directes sembleraient dans un certain nombre de cas incorrects compte tenu des éléments communiqués par elle, ce qui apparaîtrait comme contraire au principe de légalité de l’impôt et au principe d’égalité devant l’impôt, il convient de rappeler que le tribunal n’est en l’espèce que valablement saisi de la décision du directeur, lequel ne fut pas saisi, à travers de la réclamation lui adressée, d’un tel moyen, de sorte que celui-ci doit en tout état de cause être rejeté au vu de l’interdiction figurant à l’article 58 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, (« les demandes nouvelles n’ayant pas figuré dans la réclamation sont prohibées […] en revanche, les moyens nouveaux sont admis ») faite au contribuable de formuler au stade contentieux d’autres demandes que celles formulées au stade pré-contentieux, à savoir devant le directeur.

Il convient par ailleurs de relever que le justiciable ne saurait se limiter à énoncer de vagues supputations (« il semble que… ») en affirmant de manière péremptoire l’éventualité d’une violation de divers principes, alors que l’exposé d’un moyen de droit requiert non seulement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué : de tels moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

En ce qui concerne la demande tendant à voir enjoindre au bureau d’imposition compétent d’émettre un nouveau bulletin redressant celui du 21 décembre 2011 dans un délai de 2 mois à partir du jugement à intervenir, sous peine d’une astreinte de 150 EUR par jour de retard, il convient de souligner, outre que le tribunal n’est pas valablement saisi en l’espèce du bulletin d’imposition, que les juridictions administratives, d’une part, ne sauraient à défaut de base légale ordonner de telles injonctions à l’encontre de l’administration et, d’autre part, qu’elles ne sauraient - hormis le cas des dépens et des indemnités de procédure régis respectivement par l’article 32 et par l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée - prononcer de condamnation à l’encontre d’une partie, serait-ce au titre d’astreintes comminatoires.

Quant à la demande tendant voire dire que le trop perçu d’impôts serait à rembourser dans un délai de 2 mois à partir du jugement à intervenir, à augmenter des intérêts compensatoires au taux légal depuis le jour de l’encaissement jusqu’à celui du remboursement, le tribunal, outre son incompétence relevée ci-dessus, tient à relever qu’ une telle demande se heurterait en tout état de cause aux dispositions du § 20 (3) StAnpG, qui prévoit que le contribuable n’est pas en droit de réclamer à l’Etat des intérêts sur le trop-perçu d’impôts15.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue émis le 21 décembre 2011 par l’administration des Contributions directes, section des impôts sur salaires, Bureau d’imposition RTS-Luxembourg 1 ;

reçoit le recours en réformation en la forme dans la mesure où il est dirigé à l’encontre de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 31 mai 2012, répertoriée sous le numéro C17466 du rôle ;

le déclare cependant non fondé et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

déclare irrecevable les demandes d’injonction, complétées par des demandes en condamnation de l’administration des Contributions directes à une peine d’astreinte ainsi que d’allocation d’intérêts compensatoires ;

met les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 octobre 2013 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Sünnen 15 Voir trib. adm. 17 mai 1999, n° 10918, confirmé sur ce point par arrêt du 23 décembre 1999, n° 11352C, Pas.

adm. 2012, V° Impôts, n° 329.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 31269
Date de la décision : 14/10/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-10-14;31269 ?

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