Tribunal administratif N° 30563 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mai 2012 2e chambre Audience publique du 14 octobre 2013 Recours formé par Monsieur …., ….. (Belgique) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 30563 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2012 par Maître Eric Fort, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …., demeurant à .… tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 13 février 2012 ayant rejeté comme non fondée sa réclamation du 3 janvier 2012 dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2010 émis le 26 octobre 2011;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2012 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2012 par Maître Eric Fort au nom du demandeur ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2012 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Eric Fort et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 avril 2013.
En vertu d’une transaction extrajudiciaire signée en date du 19 novembre 2010 entre Monsieur …. et son ancien employeur, la société anonyme …., ci-après désignée par « la société …. », suite au licenciement de Monsieur …. par courrier remis en mains propres du 18 novembre 2010, ce dernier se vit accorder, entre autres, la somme de … euros brut au titre d’« indemnité forfaitaire pour résiliation du contrat de travail », tel que stipulé à l’article 5 de ladite transaction extrajudiciaire.
Suivant une décision du préposé du bureau RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes du 28 décembre 2010, un montant de …. euros fut déclaré exempt d’impôts sur le fondement de l’article 115, alinéa 9 de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR ».
Dans le cadre de sa déclaration de l’impôt sur le revenu visant l’année 2010, Monsieur ….
considéra l’indemnité transactionnelle de … euros comme des revenus extraordinaires et demanda, par courrier annexé à sa déclaration d’impôt du 16 août 2011, l’application des taux d’imposition prévus à l’article 131 (1), litt. b) LIR à titre de revenus extraordinaires.
En date du 26 octobre 2010, le bureau d’imposition Luxembourg X, section des personnes physiques, de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur …. un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2010, ci-après désigné par « le bulletin », en imposant l’ensemble des revenus net d’une occupation salariée touchés par le demandeur suivant le taux global prévu à l’article 134 LIR et partant sans faire droit à la demande de Monsieur …. tendant à l’application des taux d’imposition prévus à l’article 131 LIR à titre de revenus extraordinaires.
Contre ce bulletin, Monsieur …. introduisit par un courrier du 3 janvier 2012 une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur ».
Par une décision datée du 13 février 2012, référencée sous le n° …., le directeur rejeta cette réclamation comme non fondée. Ladite décision est libellée comme suit :
« Vu la requête introduite le 6 janvier 2012 par le sieur …., demeurant à …., ayant élu domicile au Luxembourg, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de l'année 2010, émis le 26 octobre 2010 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit, dans les formes et délais de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir reconnu, pour l'année 2010, son indemnité de licenciement comme rémunération extraordinaire ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public, qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé, qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu'en l'année 2010 a été mise à la disposition du contribuable une indemnité transactionnelle de l'ordre de …. € ;
que le bureau RTS y compétent a scindé l'indemnité brute totale en le montant exempt, en vertu de l’article 115, alinéa 9 L.I.R., à concurrence de …. €, conformément aux dispositions légales telles qu'en vigueur en l'année 2010, le surplus de l'ordre de …. € restant imposable ;
qu'il résulte donc que ce sont ces …. € que la requête introductive entend par revenus extraordinaires, pour être censés se rapporter à plus d'une année, au sens de l'article 132 (1) 2.
a) L.I.R., à imposer selon les taux de l'article 131 (1) litt. b) L.I.R. ;
Considérant que l'article 132 (1) 2. litt. a) L.I.R. qualifie de revenus extraordinaires imposables par application de l'article 131 (1) litt. b) L.I.R. « les revenus extraordinaires provenant de l'exercice d'une occupation salariée au sens du numéro 4 de l'article 10 qui se rattachent du point de vue économique à une période de plus d'une année et qui, pour des raisons indépendantes de la volonté du bénéficiaire et de celle du débiteur des revenus, deviennent imposables au titre d'une seule année d'imposition » ;
Considérant que le premier problème dans l'application de cette disposition consiste ainsi dans l'étendue de la condition que l'imposabilité au cours d'une seule année d'imposition soit indépendante des volontés du débiteur et du bénéficiaire des revenus ;
Considérant que les travaux parlementaires justifient cette exigence du fait que « cette disposition a pour but d'empêcher qu'il ne soit fait un usage abusif de la faveur de l'article 157 (correspondant à l'article 131 du texte promulgué) » et que « d'une façon générale les payements de suppléments de salaires et de traitements pour le passé ne sont pas à considérer comme indépendants de la volonté de l'employeur toutes les fois que ces paiements ne sont pas imposés par une décision judiciaire ou une disposition légale ou réglementaire » (doc. part. 5714, ad art.
158, p. 276; cf. également trib. adm. 22 juillet 1998, n° 10486 du rôle). ;
Considérant que le but affiché du législateur est ainsi de limiter strictement la notion des raisons indépendantes de la volonté du débiteur des revenus à celles qui sont étrangères à la propre sphère d'action et de décision de celui-ci ;
Considérant qu'en l'espèce, l'indemnité transactionnelle a été contractée par les parties, de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'indépendante de la volonté des débiteur et bénéficiaire (cit. : « les parties au contrat de travail ont de commun accord décidé d’ouvrir la voie à un arrangement amiable ») ;
qu'il s'ensuit que l'indemnité, sans préjudice des exemptions accordées en vertu de l'article 115 (9) L.I.R., ne saurait être qualifiée de revenu extraordinaire au sens de l'article 132 (1) 2. a) L.I.R. ;
Considérant d'ailleurs que le fait qu'un licenciement soit abusif ou non reste sans incidence sur la qualification des revenus en tant qu'extraordinaires, sauf qu'il ne découle aucunement des circonstances de l'affaire que le salarié ait prétendu à obtenir une indemnité pour licenciement abusif, alors que la convention fixant l'indemnité coïncidant avec la résiliation du contrat de travail, hypothèse qui ne peut pas être assimilée à un licenciement abusif ;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contestée ;
Par ces motifs Reçoit la réclamation en la forme ;
La rejette comme non fondée. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2012, Monsieur …. a introduit un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 13 février 2012.
Quant à la compétence d’attribution du tribunal administratif pour statuer sur le présent recours, il résulte d’une lecture combinée des dispositions du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif que le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre des bulletins de l’impôt sur le revenu. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision directoriale du 13 février 2012.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
L’examen de la légalité externe d’une décision déférée au tribunal précédant celui de sa légalité interne, le tribunal est tout d’abord amené à examiner les moyens relatifs au défaut de motivation de la décision directoriale du 13 février 2012, respectivement à la violation du principe du contradictoire, ainsi que des droits de la défense du demandeur qui n’aurait pas été entendu préalablement à l’émission du bulletin d’impôt litigieux.
Ainsi le demandeur reproche d’abord au directeur un défaut de motivation de la décision déférée pour, premièrement, ne pas avoir expliqué les raisons l’ayant amené à appliquer une base légale distincte de celle invoquée par le demandeur dans sa réclamation, deuxièmement, pour n’avoir pris position que sur le défaut d’application au cas de l’espèce de l’article 132 (1) 2. a) LIR, et, troisièmement, dès lors ne pas avoir justifié le refus d’appliquer l’article 132 (1), alinéa 4 LIR.
Le délégué du gouvernement ne prend pas expressément position par rapport au moyen tiré de la légalité externe de la décision déférée du 13 février 2012, mais conclut, quant au fond, que le demandeur, sur qui pèserait la charge de la preuve en vertu de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, invoquerait à tort les dispositions de l’article 132 (1) alinéa 4 LIR.
Force est au tribunal de relever qu’en vertu du paragraphe 204 AO, le « Finanzamt », c’est-à-dire le bureau d’imposition, est tenu d’instruire tant en faveur et qu’en défaveur du contribuable. Quant aux pouvoirs et obligations du directeur saisi d’une réclamation, celui-ci est tenu en vertu du paragraphe 243 (1) AO en sa qualité de « Rechtsmittelbehörde », de procéder d’office à l’examen de la situation de fait et de droit à la base de la réclamation. En d’autres termes, le directeur saisi d’une réclamation doit d’office procéder à un réexamen intégral de la situation du contribuable et à l’établissement de l’impôt en lieu et place du bureau d’imposition.
A cette fin, le paragraphe 244 AO lui confère les mêmes prérogatives que celles revenant au bureau d’imposition dans le cadre de la procédure d’imposition.
En l’espèce, si conformément aux dispositions précitées, le directeur était tenu de procéder d’office à un réexamen intégral de la situation du demandeur afin d’établir une imposition objective, impliquant aussi l’examen de l’applicabilité éventuelle d’autres dispositions que de l’article 132 LIR, force est cependant de constater qu’en l’espèce, il ne se dégage pas des éléments du dossier que le directeur n’ait pas procédé à un tel réexamen, étant relevé que le directeur a dans sa décision expressément fait référence au paragraphe 243 AO. Par ailleurs, en ce qui concerne la motivation en droit, une décision du directeur est en principe valablement motivée su elle indique les dispositions légales sur lesquelles elle se fonde, sans que le directeur ne soit obligé de prendre position par rapport à toutes les dispositions dont il n’a pas été fait application. Il convient encore d’ajouter que dans la mesure où au regard de la position défendue par le délégué du gouvernement, la partie étatique estime que l’article 132 (1), alinéa 4 LIR ne trouve manifestement pas application en l’espèce, le directeur n’était pas obligé de prendre position dans sa décision par rapport à une disposition qu’il estime ne pas être applicable.
Il s’ensuit que le reproche tiré d’une insuffisance de l’indication de la motivation de la décision déférée invoqué par le demandeur n’est pas de nature à mettre en cause la légalité externe de la décision directoriale déférée du 13 février 2011.
Le demandeur soutient encore, quant à la légalité externe de la décision déférée, que le respect du principe du contradictoire, ainsi que celui du respect de ses droits de la défense auraient été violés dans la mesure où le bureau d’imposition ne lui aurait pas permis de prendre position sur les éléments au sujet desquels il entendait ne pas se tenir à sa déclaration d’impôt, au mépris des dispositions du paragraphe 205 (3) AO et du paragraphe 204 (1) AO.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen, étant donné que le demandeur aurait, dans le cadre de sa déclaration d’impôt, qualifié le montant correspondant à l’indemnité transactionnelle litigieuse de revenu extraordinaire au sens de l’article 132 (1) alinéa 2 a) LIR.
En vertu du paragraphe 204 (1) AO « das Finanzamt hat die steuerpflichtigen Fälle zu erforschen und von Amts wegen die tatsächlichen und rechtlichen Verhältnisse zu ermitteln, die für die Steuerpflicht und die Bemessung der Steuer wesentlich sind. Es hat Angaben der Steuerpflichtigen auch zugunsten der Steuerpflichtigen zu prüfen ».
Le paragraphe 205 (3) AO dispose que : « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».
Le paragraphe 205 (3) AO met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.
Cette disposition constitue ainsi une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (« Anspruch auf Gehör »), tel qu’il résulte du paragraphe 204 (1) AO. L’application de ce principe général a pour conséquence qu’en l’absence d’une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale.
A cet effet, le contribuable est appelé d’abord à indiquer les éléments et données qui lui sont demandés dans le cadre de la déclaration d’impôt, ainsi que, par ailleurs, dans le cadre de son devoir de collaboration, tel que défini au paragraphe 171 AO, les informations lui réclamées, le cas échéant, en vue d’établir les bases d’imposition.
Cette obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette « wesentliche Abweichung » en sa défaveur provient d’une divergence par rapport aux informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition. Ce droit du contribuable d’être entendu ne s’étend cependant pas à l’hypothèse où la divergence de vue mise en avant par le contribuable se réduit en substance à une question d’application de la loi qui relève de la seule compétence du bureau d’imposition1.
En l’espèce, la question soulevée par le demandeur a trait à la qualification fiscale de l’indemnité transactionnelle payée suite à la rupture de son contrat de travail en tant que revenu extraordinaire au sens des articles 132 (1) alinéa 2. a), respectivement 132 (1), alinéa 4 LIR, et partant constitue une simple question d’application de la loi, de sorte qu’une violation des paragraphes 204 (1) et 205 (3) AO ne saurait être utilement invoquée dans ce contexte.
Il s’ensuit que le moyen du demandeur tiré d’une violation des paragraphes 204 (1) et 205 (3) AO laisse d’être fondé.
Quant au fond, le demandeur soutient que l’indemnité conventionnelle dont il a bénéficié, aurait été erronément qualifiée de revenus extraordinaires ne remplissant pas les conditions d’application de l’article 132 (1) alinéa 2. a) LIR. Le montant litigieux correspondrait cependant à une indemnité accordée pour perte ou en lieu et place de recettes, respectivement un dédit alloué pour l’abandon ou le non-exercice d’une activité au sens de l’article 11 (1), respectivement (2) LIR, entrant dans le champ d’application de l’article 132 (1), alinéa 4 LIR et devant partant bénéficier du traitement fiscal y correspondant, prévu à l’article 131 (1) litt. b) LIR.
Quant aux conditions d’application du régime fiscal résultant de l’économie des alinéas 1er et 2 de l’article 11 LIR, et de l’article 132 (1), alinéa 4 LIR, le demandeur soutient que tant l’indemnité que le dédit constitueraient des recettes de substitution versées en remplacement 1 trib. adm. 19 juillet 2000, n°11009 du rôle, Pas. adm. 2012, v° Impôts, n°496 et les autres références y citées.
d’autres recettes. L’indemnité conventionnelle de licenciement lui accordée suite à son licenciement aurait, en effet, été destinée à compenser la perte de salaires futurs qu’il aurait perçus si la relation de travail aurait continuée, salaires qui auraient constitué une recette passible de l’impôt. D’autre part, l’article 132 (1), alinéa 4 LIR ne viserait que les indemnités pour autant qu’elles remplacent des revenus qui se rapportent à une période autre que l’année d’imposition, ce qui serait le cas également en l’espèce puisque l’indemnité conventionnelle, ayant pour but de compenser une perte de revenus futurs, se rapporterait à une période autre que l’année d’imposition. Le demandeur se réfère finalement à des dispositions légales et des jurisprudences allemandes, les textes légaux étant, selon le demandeur, similaires, voire identiques aux dispositions légales luxembourgeoises, ainsi qu’à la doctrine luxembourgeoise afin de définir les notions d’indemnité, respectivement de dédit visées aux alinéas 1er et 2 de l’article 11 LIR. Les conditions de l’article 132 (1), alinéa 4 LIR étant remplies en l’espèce, l’indemnité conventionnelle aurait dû être imposée conformément à l’article 131 (1) b LIR, c'est-à-dire suivant le principe de l’étalement forfaitaire et non pas comme revenu ordinaire.
Le délégué du gouvernement conclut à l’inapplicabilité de l’article 132 (1) alinéa 2. a) LIR, au motif que l’indemnité litigieuse allouée au demandeur aurait été fixée par les deux parties à l’article 15 de son contrat de travail du 26 octobre 2007, l’indemnité étant payable « en cas de résiliation du contrat de travail par l’employeur, pour tout autre motif qu’un motif grave (…) » et ne saurait partant pas être qualifiée d’indépendante de la volonté des débiteur et bénéficiaire du paiement.
Il conclut encore à l’inapplicabilité de l’article 132 (1), alinéa 4 LIR. En l’occurrence, il conteste que l’indemnité litigieuse constitue une recette de substitution, en s’emparant des articles 95 et 132 LIR, et en soulignant que l’article 95 (1) LIR viserait parmi les revenus d’une occupation salariée, d’un côté, les émoluments et avantages obtenus avant la cessation de l’occupation, et, de l’autre côté, les allocations obtenues après ladite cessation par rappel d’appointements ou de salaires ou à titre d’indemnités de congédiement. Il souligne que les émoluments et avantages pourraient être contractuels ou bénévoles, périodiques ou non périodiques en vertu de l’article 95 (4) LIR, qu’ils pourraient constituer des traitements, salaires, gratifications et tantièmes en vertu de l’article 95 (5) LIR. En l’espèce, l’employeur aurait procédé au licenciement du demandeur par courrier remis en mains propres du 18 novembre 2010 et l’arrangement transactionnel retiendrait en son article 5 le versement d’une indemnité forfaitaire pour résiliation du contrat de travail à payer dans la quinzaine de la signature de la transaction. Le délégué du gouvernement soutient que vu les circonstances de l’espèce et, plus particulièrement, vu le montant considérable de l’indemnité, on pourrait valablement admettre qu’il s’agit d’une prime ou d’un avantage convenu dans le contrat de travail pour l’hypothèse de sa résiliation, cet avantage ayant été attribué par un versement unique en plus de l’indemnité légale de départ.
En vertu de l’article 95 (1) LIR visant toute rémunération provenant d’une occupation salariée et notamment tout avantage accordé dans ce contexte, l’indemnité transactionnelle litigieuse constituerait ainsi une rémunération provenant directement d’une occupation salariée au sens de l’article 95 LIR et serait partant imposable comme revenu salarial au sens de cette disposition, et ne constituerait pas une recette de substitution au sens de l’article 11 LIR. Le délégué du gouvernement souligne encore que l’article 95 (l) 2 LIR viserait plus précisément les indemnités de congédiement.
La partie étatique conteste encore que la somme en question viserait à compenser une perte de salaire se rapportant à une période de travail de trois années consécutives au licenciement, mais correspondrait à un avantage payé à travers une somme unique fixée contractuellement.
Dans la mesure où l’indemnité aurait été payée par un versement unique au titre de l’année 2010, il concernerait uniquement cette année d’imposition et ne remplirait partant pas non plus la condition de l’article 132 (1), alinéa 4 LIR suivant laquelle les paiements y visés doivent remplacer des revenus se rapportant à une période autre que l’année d’imposition.
Enfin, le délégué du gouvernement soutient que si, par impossible, l’article 11 LIR serait applicable, l’indemnité transactionnelle pourrait uniquement être considérée comme un avantage au sens de l’article 11, alinéa 1er LIR, puisqu’une indemnité transactionnelle retenue au moment de la résiliation du contrat et correspondant à une somme unique déterminée d’après un certain nombre d’années de rémunération ne constituerait pas une recette de substitution, tandis que l’article 132 (1), alinéa 4 LIR ne viserait pas les avantages, ceux-ci n’étant ainsi pas imposables comme revenu extraordinaire. Quant aux renvois du demandeur à la législation fiscale, ainsi qu’à la jurisprudence allemande, le délégué du gouvernement en demande le rejet au motif qu’ils ne seraient pas pertinents et que les différences avec les dispositions fiscales luxembourgeoises seraient trop significatives Il se dégage des explications fournies par le demandeur au cours de la procédure contentieuse que la demande tendant à voir imposer l’indemnité transactionnelle payée en l’espèce à titre de revenu extraordinaire est fondée sur l’article 132 (1), alinéa 4 LIR, sans que le demandeur n’ait soulevé des contestations quant à la solution retenue par le directeur quant à l’inapplicabilité de l’article 132 (1) 2. a) LIR, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que les parties sont d’accord pour retenir que cette disposition ne trouve pas application.
Quant au fond, les parties sont, par ailleurs, en désaccord sur la qualification à donner à l’indemnité transactionnelle touchée par le demandeur en vertu de l’article 15 de son contrat de travail du 26 octobre 2007 et de l’article 5 de la transaction signée le 19 novembre 2010 avec son ancien employeur.
Tel que cela a été retenu ci-avant, le demandeur fonde sa demande à voir qualifier l’indemnité litigieuse de revenu extraordinaire exclusivement sur l’article 132 (1), alinéa 4 LIR, de sorte que l’examen du tribunal est circonscrit à l’application de ce seul article, sans qu’il ne soit saisi de l’examen des développements de la partie étatique fondées sur la question de l’applicabilité des dispositions de l’article 132 (1) 2. a) LIR.
L’article 132 (1), alinéa 4 LIR qualifie de revenus extraordinaires imposables par application de l’article 131 (1) b) LIR « les indemnités et dédits visés respectivement aux numéros 1 et 2 de l’article 11 dans la mesure où ils remplacent des revenus se rapportant à une période autre que l’année d’imposition ».
Les alinéas 1 et 2 de l’article 11 LIR, auxquels renvoie l’article 132 (1), alinéa 4 LIR, envisagent « 1. les indemnités et avantages accordés pour perte ou en lieu et place de recettes, à condition qu’il s’agisse de recettes qui, en cas de réalisation, auraient fait partie d’un revenu net passible de l’impôt (…) 2. le dédit alloué pour l’abandon ou le non-exercice d’une activité, ainsi que pour l’abandon d’une participation au bénéfice ou de la perspective de pareille participation, à condition qu’en cas de réalisation les recettes provenant de l’activité ou de la participation eussent fait partie d’un revenu net passible de l’impôt ».
Il ressort de l’économie des articles 11, alinéas 1 et 2, et 132 (1) 4 LIR que tant l’indemnité au sens de l’article 11, alinéa 1 LIR que le dédit au sens de l’article 11, 2 LIR constituent une recette de substitution versée en remplacement d’autres recettes.
Cette exigence du caractère substitutif est par ailleurs posée d’une manière analogue en droit allemand sur base de la disposition correspondante du paragraphe 24, 1. de la loi sur l'impôt sur le revenu allemande, ayant conservé une teneur identique à celle de l’article 11, 1 et 2 LIR (cf. Blümich, EStG-Kommentar, § 24, n° 6-s; Herrmann-Heuer-Raupach, EStGKommentar, § 24, Anm. 21-s; Schmidt, EStG-Kommentar, 17e édit., § 24, n° 5-s).
Plus spécifiquement quant aux recettes que le dédit au sens de l’alinéa 2 de l’article 11 LIR est destiné à remplacer, il se dégage des documents parlementaires à la base de la LIR et plus particulièrement du commentaire de l’article 158, devenu par après l’article 132 LIR, qu’il faut « que les contribuables aient eu la perspective bien fondée d’entrer en possession des revenus remplacés par l’indemnité ». La qualification de revenu extraordinaire au sens de l’article 132 (1) 4 LIR est dès lors soumise à la condition de l’existence d’une perspective raisonnable de toucher les recettes provenant de l’activité à laquelle il a été renoncée ou qui n’est pas exercée pour que le paiement d’une somme à titre de dédit puisse être mis en relation avec l’abandon ou le non-
exercice d’une activité, la preuve afférente incombant au contribuable en ce qui concerne tant le principe du paiement d’un dédit que la relation économique réelle entre le montant alloué à titre de dédit et le quantum des recettes que le dédit est censé remplacer.
En ce qui concerne l’alinéa 1er de l’article 11 LIR, il convient de relever que l’article 132 (1) 4 LIR renvoie uniquement aux indemnités y visées et non pas aux avantages.
Force est tout d’abord de constater que la somme litigieuse a été payée au demandeur en vertu du contrat de travail signé entre parties le 26 octobre 2007, la transaction n’en fixant que le montant, ainsi que la date de son paiement. L’article 15 du contrat de travail du 26 octobre 2007 prévoit que:
« (…) En cas de rupture du contrat de travail par l’employeur, pour tout autre motif qu’un motif grave, l’employeur paiera une indemnité de préavis brute égale à 3 fois la somme de rémunération annuelle globale composée de la rémunération annuelle fixe, la rémunération annuelle variable « on target », la prime annuelle payée par l’employeur dans le cadre de l’assurance-groupe et la prime annuelle de pension exceptionnelle.
La rémunération annuelle fixe à prendre en considération sera égale à 13,75 fois le salaire fixe brut mensuel, comme déterminée (…) à l’article 6.1 du présent contrat, du mois qui précède la fin de ce contrat.
La rémunération annuelle variable « on target » à prendre en considération sera égale au « Target Annual Incentive », comme déterminée (…) à l’article 6.2 du présent contrat, relatif à l’année au cours de laquelle il est mis fin au contrat.
La prime annuelle payée par l’employeur dans le cadre de l’assurance-groupe à prendre en considération sera égale à 12 fois la prime du mois qui précède la fin de ce contrat.
La prime annuelle de pension exceptionnelle à prendre en considération sera égale à 12 fois la prime déterminée à l’article 2 de l’avenant à ce contrat, en vigueur le mois qui précède la fin de ce contrat ».
En vertu de l’article 5 de la transaction signée entre parties le 19 novembre 2010, « En sus des paiements prévus sub 4 l’Employeur payera au Salarié pour solde de tous comptes entre parties et comme indemnité forfaitaire pour résiliation du contrat de travail le montant de 746.436,23 € brut.
Le paiement de ce montant se fera, sous déduction des charges prévues par la loi, dans la quinzaine de la signature de la présente transaction (…) ».
En vertu des dispositions de l’article 13 de la transaction, le demandeur a reconnu « ne plus avoir aucun droit, dû, moyen ou action de quelque nature que ce soit et pour quelque cause que ce soit à l’égard de l’Employeur et il renonce plus particulièrement à tous droits qui lui incomberaient sur base du contrat de travail ayant existé entre parties (…) ou de sa résiliation (…) ».
Au regard des dispositions précitées de la transaction, le tribunal est amené à retenir que, contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, l’indemnité litigieuse n’est pas à considérer comme un dédit alloué pour l’abandon ou le non-exercice par le demandeur d’une activité au sens de l’alinéa 2 de l’article 11 LIR. En effet, il se dégage du libellé de la transaction que les parties ont expressément convenu le paiement d’une « indemnité forfaitaire » « pour solde de tous comptes » et « pour résiliation du contrat de travail », sans que la transaction ne spécifie que la somme en question se rapporte en réalité à une période postérieure à la fin du préavis et soit destinée à compenser l’abandon ou le non-exercice de son activité consenti par le demandeur. Au contraire, la somme litigieuse a été accordée à titre d’indemnité pour licenciement litigieux, en contrepartie de la renonciation par le demandeur à son droit de contester en justice la régularité ou le bien-fondé du licenciement. L’objectif du paiement de l’indemnité litigieuse n’est dès lors pas celui de compenser l’abandon ou le non-exercice de son activité par le demandeur, étant relevé que la relation de travail a été définitivement rompue à l’initiative de l’employeur à travers le licenciement, ni d’ailleurs de compenser la renonciation à l’exercice d’une activité auprès d’un autre employeur, mais a pour objet de prévenir une contestation judiciaire de la régularité et du bien-fondé du licenciement du demandeur. Dans ces conditions la qualification de dédit au sens de l’article 11, alinéa 2 LIR ne saurait être retenue. S’il est vrai que le commentaire de l’article 14 LIR (actuel article 11 LIR) cité par le demandeur mentionne à titre d’exemple d’indemnités visées à l’alinéa 2 de ladite disposition « le dédit alloué au salarié quittant son emploi », tel n’est pas l’hypothèse de l’espèce, le demandeur n’ayant pas quitté volontairement son emploi.
L’article 95 (1) LIR, en vertu duquel « Sont considérés comme revenus d’une occupation salariée : 1. les émoluments et avantages obtenus en vertu d’une occupation dépendante (…) avant la cessation définitive de cette occupation ; 2. les allocations obtenues après ladite cessation par rappel d’appointements ou de salaires ou à titre d’indemnités de congédiement », mentionne expressément les indemnités de congédiement parmi les revenus d’une occupation salariée. D’autre part, l’article 115, n° 9 LIR prévoit que sont exempts de l’impôt sur le revenu jusqu’à concurrence d’un plafond notamment l’« indemnité pour résiliation abusive du contrat de travail fixée par une transaction ». A cet égard, il convient de relever qu’il se dégage d’une décision du 28 décembre 2010 du bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 figurant au dossier administratif qu’en l’espèce, du montant total de l’indemnité transactionnelle de … euros brut, la somme de … euros a été déclarée exempte d’impôts sur le fondement de l’article 115, n° 9 LIR et que le surplus est considéré comme imposable suivant le barème de la retenue d’impôt sur les rémunérations non-périodiques.
Dans la mesure où, tel que cela a été retenu ci-avant, l’indemnité litigieuse a été accordée à titre de paiement unique forfaitaire, en contrepartie de la renonciation par le demandeur à son droit de contester le bien-fondé ou la régularité du licenciement, sans qu’il ne ressort d’un quelconque élément au dossier que le forfait est destiné à compenser des pertes de salaire pendant une période bien déterminée ultérieure au licenciement, la somme litigieuse constitue une indemnité de congédiement sans pouvoir être qualifiée d’indemnité pour perte ou en lieu et place de recettes au sens de l’alinéa 1er de l’article 11 LIR et partant de revenu extraordinaire. Dès lors, le paiement litigieux n’est pas destiné à remplacer des salaires que le demandeur aurait pu toucher en cas de poursuite du contrat de travail et ainsi compenser la perte de salaires engendrée par le licenciement tel que le soutient le demandeur.
L’indemnité transactionnelle n’étant à qualifier ni d’indemnité accordée pour perte ou en lieu et place de recettes au sens de l’article 11, alinéa 1er LIR, ni de dédit au sens de l’article 11, alinéa 2 LIR, l’article 132 (1), alinéa 4 LIR n’est pas applicable en l’espèce et il devient surabondant d’examiner les moyens du demandeur basés sur les conditions additionnelles posées par l’article 132 (1), alinéa 4 LIR, et tenant plus particulièrement à la période à laquelle se rapportent les revenus remplacés par l’indemnité ou le dédit.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas établi que la somme touchée par lui en vertu de l’article 5 de la convention transactionnelle rentre dans la catégorie des dédit, respectivement indemnité visés à l’article 11, alinéa 1 et 2 LIR auquel renvoie l’article 132 (4) LIR, de sorte qu’à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter comme non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros formulée par le demandeur est à rejeter comme non fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique 14 octobre 2013 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 octobre 2013 Le greffier du tribunal administratif 12