Tribunal administratif Numéro 31750 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 novembre 2012 1re chambre Audience publique du 2 octobre 2013 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19 L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31750 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2012 par Maître Joram MOYAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, à …(Bosnie-Herzégovine), de nationalité bosnienne, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 30 octobre 2012 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mylène CARBIENER en remplacement de Maître Joram MOYAL et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 septembre 2013.
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Le 31 mai 2012, Madame …, accompagnée de son fils mineur …, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».
En date du même jour, elle fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Elle fut également entendue le 20 juillet 2012 et le 25 octobre 2012 par un agent du ministère des Affaires étrangères sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 30 octobre 2012, notifiée en mains propres le 2 novembre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa Madame … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
«J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 31 mai 2012.
En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 6 juin 2012 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 20 juillet et 25 octobre 2012.
Madame, il résulte de vos déclarations que le 2 janvier 2012, vous auriez été en France pendant dix jours pour visiter votre frère.
Vous faites état d'événements qui auraient eu lieu en 1992, 1993, 1997 et 1999. Vous déclarez que vous seriez toujours traumatisée par le conflit de 1992.
Vous faites état de problèmes que vous auriez connus avec votre ex-mari. A plusieurs reprises, il aurait tenté « d'enlever » votre fils.
En 2011, vous auriez été insultée par votre ex-mari. Vous n'auriez cependant pas déposé de plainte auprès de la police.
En outre, vous affirmez qu'actuellement vous ne seriez pas en sécurité en Bosnie-
Herzégovine parce qu'il y aurait toujours des tensions. Selon vous, l'Etat bosnien serait corrompu.
Vous évoquez aussi votre situation économique et matérielle difficile. Ainsi, vous auriez dû tricoter des habits pour des associations afin de subvenir aux besoins de votre fils.
De plus, vous n'auriez pas réussi à récupérer la maison détruite de vos parents malgré les démarches administratives que vous auriez entreprises.
Par ailleurs, vous n'auriez pas bénéficié de la sécurité sociale. Vous précisez cependant que des organisations humanitaires auraient payé votre loyer et votre assurance sociale.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutée dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, votre demande de protection internationale n'est basée sur aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.
Madame, soulignons que les incidents qui dateraient de 1992, 1993, 1997 et 1999 sont trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans l'examen de votre demande de protection internationale déposée en mai 2012. D'autant plus que vous affirmez à deux reprises que la police serait intervenue pour vous assister (p. 5/9 et 6/9).
En ce qui concerne les harcèlements que vous auriez subis de la part de votre ex-mari, notons qu'en 2005, la Bosnie-Herzégovine a adopté une Loi relative à la protection contre la violence domestique, qui stipule entre autres que les agissements suivants sont punissables en vertu de la législation bosnienne : « Intimidation, threats, or the violation of the dignity of a family member by blackmail or another form of coercion ». Ainsi, vous auriez pu vous adresser à une autorité nationale pour dénoncer le comportement indécent de votre ex-mari.
Vous indiquez d'une manière générale que la corruption régnerait en Bosnie-
Herzégovine. Soulignons à cet égard les progrès et actions mis en oeuvre par les autorités bosniennes [en vue de] contrer la corruption: « Conference was organized by the Association "Center for Media Development and Analysis" (CRMA) and the Association Infohouse, and objective of the ACCOUNT BiH is to unite all institutions, organizations and individuals who fight against corruption in order to jointly make this struggie systematic, sustainable and with lasting results. ACCOUNT will advocate the use or improvement of existing legislation to combat corruption and will implement a public campaign to raise awareness about the importance of combating corruption. According to Komsic, an irreplaceable role in the fight against corruption lies with state institutions, which must have mechanisms to prevent, detect and sanction corruption ».
De même, déjà en 2009, le « Groupe d'Etats contre la corruption » (GRECO) se félicite des progrès réalisés par la Bosnie-Herzégovine en termes de corruption : « With respect to the first part of the recommendation, GRECO welcomes the steps undertaken by certain institutions, such as the Indirect Taxation Authority (ITA) and the State Investigation and Protection Agency (SIPA), to improve their cooperation during criminal investigations, including by facilitating the exchange of information, at early stages of the proceedings, with the prosecution services. The ongoing implementation of a specific project to build up cooperation mechanisms between the police and prosecutor's office is a positive development». Bien que des progrès doivent encore être réalisés, le gouvernement bosnien est déterminé à rayer ces pratiques.
En ce qui concerne la situation générale en Bosnie-Herzégovine, notons qu'elle s'est nettement améliorée depuis la fin du conflit : « Bosnia and Herzegovina is a potential candidate for EU membership. (…) Development of civil society in Bosnia and Herzegovina continues to be supported under the Civil Society Facility, with the emphasis on building the capacity of government institutions and civil society to engage in a dialogue, reinforcement of local democracy, environment and climate change. (…) Overall, the administrative resources for the Parliamentary Assembly of Bosnia and Herzegovina, the Federation Parliament and the Republika Srpska National Assembly have improved. (…) The political authorities of Bosnia and Herzegovina, as well as representatives from judicial institutions at the various levels, have engaged in a Structured Dialogue on Justice with the EU. This dialogue was launched in June 2011, within the framework of the Stabilisation and Association Process, to facilitate the revision of legislation and functioning of institutions in line with relevant European standards and aiming at ensuring an independent, effective, impartial and accountable judicial system ».
Rappelons également que d'incontestables progrès ont été observés depuis la fin des conflits et la signature des accords de Dayton du 21 novembre 1995 en Bosnie-Herzégovine.
Depuis le 24 avril 2002, la Bosnie-Herzégovine est membre du Conseil de l'Europe et dans ce contexte fait l'objet d'un suivi rigoureux du respect de ses engagements en matière de droit et en matière de droits de l'homme. Les nombreuses activités d'assistance mises en place par le Conseil de l'Europe ont par ailleurs été définies sur base de la mise en œuvre des obligations et engagements contractés par la Bosnie-Herzégovine, il en résulte qu'elle demeure l'un des principaux bénéficiaires de l'aide du Conseil de l'Europe et constitue une forte priorité de l'action de cette organisation en Europe. La Bosnie-Herzégovine est en outre candidat potentiel à l'adhésion de l'Union européenne après le Conseil européen de Thessalonique de juin 2003. C'est le 16 juin 2008 que l'UE et la Bosnie-Herzégovine ont signé un accord de stabilisation et d'association. L'UE continue en outre à être présente en Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). A cet effet, elle continue de déployer des ressources considérables. La mission de police en Bosnie se recentre depuis 2010 sur la lutte contre le crime organisé et la corruption.
Madame, vous soutenez que vous auriez été insultée par votre ex-mari en 2011. Vous n'auriez cependant pas porté plainte à la suite de cet incident. Ainsi, il n'est pas établi que la police ne peut ou ne veut pas vous offrir une protection à l'encontre de votre ex-mari. En effet, la police a fait des progrès institutionnels : « Some progress was made in police matters.
Implementation of the police reform laws is slowly advancing. Police reform agencies and boards started to be operational. During the reporting period, the Directorate for coordination of police bodies (DPC) was regularly reinforced. Amendments to the State-level Law on police officials were adopted, including extension of the transitional provisions for recruitment of active police officers to State-level police bodies. This allows the DPC to recruit high-ranking police officers from other police agencies. The DPC incorporated the Office for Cooperation with Interpol and took over the Department for protection of people and buildings, which was previously under the State Protection and Investigation Agency (SIPA)»5. Bien que des progrès restent à être effectués, il ne ressort pas de nos recherches que la police ne veut ou ne peut pas vous offrir une protection.
Madame, vous indiquez d'abord que vous n'auriez pas bénéficié de la sécurité sociale (p. 6/9). Peu après, vous admettez cependant : « J'ai quand-même bénéficié de la sécurité sociale grâce aux organisations pour les réfugiés. Ils ont aussi réglé mon logement » (p. 6/9).
Par ailleurs, il n'est pas exclu que des raisons matérielles sous-tendent votre demande de protection internationale. Or, des raisons économiques ne sauraient davantage justifier une demande d'asile politique.
Ainsi, indépendamment de l'absence d'un quelconque élément de preuve de vos déclarations, les craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité, plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Or, de simples craintes hypothétiques qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable ne sauraient davantage fonder une demande de protection internationale.
Notons également que vous possédez la nationalité bosnienne et que selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, la Bosnie-Herzégovine doit être considérée comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l'article 20§1 étant donc également remplies. Un pays est considéré comme sûr s'il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'analyse individuelle de votre demande ne permet pas d'ébranler ce constat.
Madame, vous admettez également qu'en janvier 2012, vous auriez été en France pendant dix jours (p. 2/9). Or, vous n'y auriez pas déposé une demande de protection internationale. Cependant, il est surprenant que vous n'y ayez pas déposé une telle demande en présence de graves problèmes tombant dans le champ d'application de la Convention de Genève.
En ce qui concerne les pièces versées à l'appui de votre demande, notons qu'elles ne sont pas pertinentes dans l'analyse de votre dossier. En effet, le certificat de décès de votre père date de 2005 et est donc trop ancien pour être pris en compte dans l'analyse de votre dossier. Il en est de même pour tous les autres documents. Quoi qu'il en soit, ces pièces ne permettent nullement d'établir de façon probante que vous ayez été victime d'un acte de persécution ou d'une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.
Par conséquent, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admis comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.
En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. Par conséquent, les faits que vous alléguez ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Bosnie-Herzégovine, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2012, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 30 octobre 2012, par laquelle elle s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à son égard ordre de quitter le territoire.
1. Quant au recours visant la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être introduite contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, la demanderesse soutient, par l’intermédiaire de son litismandataire, que le ministre aurait fait une interprétation inexacte des faits de l’espèce.
Elle estime en effet que ce serait à tort que le ministre n’aurait pas admis que les faits allégués seraient de nature à établir dans son chef une crainte fondée de persécutions en raison de sa religion. En effet, les menaces et harcèlements systématiques dont serait victime la demanderesse suffiraient à établir une crainte de persécution, étant entendu qu’un appel à la police aurait été superfétatoire, la demanderesse étant convaincue de son inutilité.
Le délégué du gouvernement soutient pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et conclut au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est quant à elle définie par l’article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves, cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine. Une crainte de persécution au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer quant à elle nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.
En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’il apparaît qu’elle ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
En ce qui concerne la situation générale en Bosnie-Herzégovine, force est au tribunal de constater que la requête introductive d’instance est principalement composée d’affirmations péremptoires et d’arguments de principe ne reposant sur aucune démonstration ou développement qui aurait pu, le cas échéant, emporter la conviction du tribunal, de sorte qu’il est impossible à ce dernier de se prononcer sur le bien-fondé de la plupart des allégations présentes dans la requête. Le tribunal se voit dès lors contraint, en tant que juge de la réformation et dans le cadre des moyens invoqués, de se fonder principalement sur l’audition de la demanderesse ainsi que sur le dossier administratif pour étayer son argumentation et motiver sa décision.
A cet égard, le tribunal relève tout d’abord que la demanderesse conteste dans sa requête introductive d’instance l’affirmation du ministre selon laquelle elle proviendrait d’un pays sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006. Force est néanmoins de constater, d’une part, que ce dernier, en son paragraphe 4, prévoit la possibilité d’établir une liste de ces pays par règlement grand-ducal et, d’autre part, que la République de Bosnie-Herzégovine est comprise dans la liste des pays d’origine sûrs établie par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Sauf pour la demanderesse à prétendre et démontrer - ce qu’elle ne fait pas - que le ministre n’a pas procédé à l’examen individuel de sa situation prévu par le deuxième paragraphe du même article, le tribunal ne peut dès lors que réfuter sa contestation à cet égard.
Ensuite, le tribunal rappelle qu’une situation générale d’après-guerre ne caractérise pas en elle-même à suffisance une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève1. A cet égard, il se dégage par ailleurs des explications fournies par le ministre dans la décision attaquée, confirmées par les sources internationales dont il fait état, que la situation générale s’est améliorée en Bosnie-Herzégovine et que l’Union européenne y déploie des moyens considérables2, de sorte que les éléments d’appréciation à la disposition du tribunal ne lui permettent pas de considérer que la situation en Bosnie-Herzégovine est telle que toute personne y résidant a des raisons de craindre des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006.
Il convient dès lors à présent pour le tribunal d’examiner si, en l’espèce, compte tenu de la situation particulière et concrète de Madame …, les événements dont elle fait état sont susceptibles de justifier dans son chef une crainte de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, étant rappelé qu’une crainte de persécution au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
En l’espèce, la demanderesse fait état de persécutions subies en Bosnie-Herzégovine qui, selon elle, justifieraient l’octroi de la protection internationale.
1 Trib. adm. 3 juillet 2006, n°18103, Pas. adm. 2012, v° Etrangers, n°122, p. 406.
2 Voir European Commission, Commission staff working paper – Bosnia and Herzegovina 2011 Progress Report, SEC(2011) 1206 final, 12 octobre 2011, http://www.ecoi.net/file_upload/1788_1318854424_ba-rapport-
2011-en.pdf.
Le tribunal relève en premier lieu que la plupart des faits rapportés par la demanderesse sont trop éloignés dans le temps et dès lors exclus des éléments pris en considération par le ministre pour se prononcer sur la demande de protection internationale, ou par le tribunal pour se positionner sur le recours en réformation dont il est saisi3. Ainsi, les violences qu’a subies le père de la demanderesse, aussi tragiques soient-elles, remontent au début des années quatre-
vingt-dix lors de la guerre de 1992. Il en est de même des actes reprochés par la demanderesse à ses anciens voisins et de l’incendie de sa maison natale, qui s’inscrivent dans le même contexte et se sont déroulés à la même période. Quant aux altercations entre la demanderesse et son ex-époux, il ressort du procès-verbal d’audition que la plupart d’entre elles se seraient également produites il y a de nombreuses années : l’enlèvement du fils de la demanderesse par son ex-époux aurait eu lieu en 1999, tandis qu’il l’aurait agressée brutalement lorsque son fils, âgé de 15 ans aujourd’hui, aurait eu 17 mois, c’est-à-dire plus ou moins à la même période. Finalement, les tirs entendus par la demanderesse lorsqu’elle s’est rendue sur la tombe de sa mère dataient déjà de quatre ans au moment de son audition du mois de juillet 2012. Les seuls éléments récents du récit de la demanderesse se rapportent aux injures que lui aurait adressées son ex-époux en 2011, lorsqu’elle l’aurait croisé dans la rue4, ainsi qu’au blocage dans le processus de récupération de sa maison, ou aux autres difficultés financières qu’elle aurait rencontrées.
Or, il est permis de douter, en l’absence de tout élément contraire et, s’agissant des insultes, également au regard de leur contenu, que ces insultes, blocage et difficultés financières auraient été liées à la race, à la religion, à la nationalité, aux opinions politiques ou à l’appartenance de la demanderesse à un certain groupe social. De surcroît, les déclarations de la demanderesse ne font ni explicitement ni implicitement référence à l’une des motivations reprise à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, tandis que la seule allusion à un quelconque critère de rattachement dans la requête mentionne une « crainte réelle de persécution de la requérante en raison de sa religion ». Toutefois, force est au tribunal de constater que la requête lie cette crainte aux déclarations de la demanderesse relatives aux tirs qui auraient eu lieu autour de la maison dont elle aurait hérité, évènement trop ancien pour fonder la reconnaissance d’un statut de protection internationale comme l’a relevé précédemment le tribunal. En outre, aucune explication n’est développée dans la requête quant au fait que la requérante aurait été victime de persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006 qui auraient été motivées par des considérations religieuses. Eu égard aux éléments dont il dispose, le tribunal ne peut que conclure au manque de fondement de cette allégation et, dès lors, que les évènements décrits par la demanderesse n’ont pas trouvé leur origine dans un des critères fixés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006.
De surcroît, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention de européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) » 3 Trib. adm. 11 octobre 2010, n°27160, Pas. adm. 2012, v° Etrangers, n°123, p. 406.
4 P. 3/9 du procès-verbal de l’audition du 20 juillet 2012.
Il s’ensuit qu’aux termes de cette disposition, un acte doit présenter un degré de gravité certain pour pouvoir être considéré comme une persécution au sens de la Convention de Genève, c’est-à-dire qu’il doit constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Or, le tribunal constate que même à supposer que les évènements décrits par la demanderesse aient trouvé leur origine dans des considérations d’ordre religieux, force est de constater qu’il s’agit d’incidents isolés, et que Madame … n’a pas apporté d’éléments qui permettraient de retenir que ces évènements tant pris isolément que par leur effet cumulé aient pu atteindre le niveau de gravité prévu par l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 rendant sa vie intolérable en Bosnie-Herzégovine, les faits décrits, même pris en leur globalité, ne constituant en particulier pas une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme. En effet, ces incidents, qui sont pour certains certes condamnables, ne sont pas d’une gravité telle permettant de retenir que de tels agissements aient atteint le niveau de persécutions au sens de l’article 31(1) de la loi du 5 mai 2006. A cet égard le tribunal constate que les craintes de la demanderesse proviennent d’un sentiment général d’insécurité qui, à lui seul ne constitue toutefois pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève5. De même, des considérations d’ordre matériel et économique, telles l’impossibilité d’occuper son ancien logement et la crainte de difficultés financières, ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié6.
Par ailleurs, s’agissant à tout le moins des insultes émises par l’ex-époux de la demanderesse, ainsi que, le cas échéant, des tirs près de sa maison natale, outre les questions précédemment abordées et les conclusions déjà établies, compte tenu du fait que leur auteur serait une personne privée, sans lien avec l’Etat, la demanderesse ne saurait de toute façon faire valoir un risque réel de subir des persécutions que si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas leur fournir une protection effective contre ces persécutions ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection.
L’essentiel est en effet d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. En cas de persécutions par des entités non étatiques, la crainte d’être persécuté est considérée comme fondée si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 reconnaît la possibilité pour des personnes persécutées par des acteurs non étatiques d’obtenir une protection internationale si l’Etat ne veut ou ne peut lui accorder une protection, tandis que l’article 29 (2) définit la protection comme suit : « La protection contre les persécutions et atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. ». Cela inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, d’identifier, de poursuivre et de punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou des atteintes graves sans cependant que 5 Trib. adm. 7 octobre 1998, n° 10719, Pas. adm. 2012, v° Etrangers, n° 119, p. 406.
6 Trib. adm., 14 avril 2010, n° 26600, Pas. adm. 2012, v° Etrangers, n° 161, p. 411.
cette exigence n’impose pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100%, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policières et judiciaires les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. A cet égard, le tribunal rappelle également que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.
Or, en l’espèce, il ne ressort aucunement de l’audition de la demanderesse, ni des pièces du dossier, que les autorités bosniennes compétentes auraient refusé ou auraient été dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque contre les agissements dont elle prétend avoir été victime. Le tribunal relève au contraire qu’il résulte des déclarations de la demanderesse que la police s’est montrée empressée de l’aider à retrouver son fils lors de son enlèvement, d’ailleurs avec succès, tandis qu’à l’inverse, ne ressortent de son récit ni qu’elle aurait porté plainte à la police contre le comportement prétendument injurieux de son ex-
époux, alors que, pourtant, une loi existe qui pénalise la violence domestique7, ni les raisons qui auraient pu, le cas échéant, justifier ce manquement. Madame … ne mentionne pas plus avoir été porter plainte à la police suite aux bruits de tirs dans son village natal. Elle est donc mal fondée à se plaindre de la prétendue incapacité de la police bosnienne à l’aider. Le tribunal constate également à cet égard, sur base des rapports internationaux cités par la partie étatique, que les forces de police bosniennes font l’objet de réformes visant à accroître leur efficacité8, tout comme de nombreuses actions sont mises en place pour lutter contre la corruption9.
Au vu de ce qui précède, il n’est dès lors pas démontré que les autorités bosniennes seraient dans l’incapacité de fournir à Madame … une protection au sens de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble de ces considérations que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par la demanderesse comme étant non fondée. Le recours de la demanderesse est par conséquent à déclarer comme non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre à lui accorder le statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder à la demanderesse le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil 7 L’article 5, (4) de la loi du 29 mars 2005 sur la protection contre la violence domestique intègre les ex-époux dans le champ d’application de la loi en les incluant dans la notion de famille au sens de l’article 1er de la même loi, www.hsph.harvard.edu/population/domesticviolence/bosnia.domesticviol.05.pdf.
8 European Commission, Commission staff working paper – Bosnia and Herzegovina 2011 Progress Report, SEC(2011) 1206 final, 12 octobre 2011, pp. 56 et 57, http://www.ecoi.net/file_upload/1788_1318854424_ba-
rapport-2011-en.pdf.
9 GRECO, Compliance Report on Bosnia and Herzegovina, Second Evaluation Round, 19 février 2009, Greco RC-II (2008) 7, p. 4, pt 18.
en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
Le tribunal constate que la demanderesse ne sollicite pas distinctement la protection subsidiaire dans les développements qui composent le corps de la requête et considère dès lors, en présence d’un dispositif comprenant pourtant une telle demande à titre subsidiaire, qu’elle invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater que les risques invoqués par la demanderesse en cas de retour en Bosnie-Herzégovine sont trop éloignés dans le temps ou manquent de gravité et ne sauraient justifier l’octroi du statut de protection subsidiaire, et ce d’autant plus qu’il a été retenu ci-avant qu’il ne serait pas démontré que les autorités bosniennes seraient dans l’incapacité de fournir à la demanderesse une protection adéquate au sens de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006 : en effet, tout comme la notion de « réfugié », celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » implique, outre nécessairement des atteintes graves, ou à tout le moins le risque d’atteintes graves, une absence de protection dans le pays d’origine, de sorte que la demanderesse ne saurait faire valoir un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 précité.
Au vu de ce qui précède, le tribunal est dès lors amené à constater qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur base des mêmes évènements ou arguments que ceux invoqués dans le cadre de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que la demanderesse encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, la demanderesse reste en défaut d’établir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, elle risquerait la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que la demanderesse n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’elle courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2.
Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
La demanderesse est à cet égard d’avis que dans la mesure où elle courrait un risque réel de subir les atteintes graves à sa vie au sens de la loi du 5 mai 2006 et de la Convention de Genève, il faudrait annuler l’ordre de quitter le territoire pour violation de la loi.
Il résulte toutefois des conclusions retenues ci-avant que le ministre a en l’espèce valablement pu lui opposer un refus à sa demande en obtention du statut de réfugié ainsi qu’en obtention de la protection subsidiaire, de sorte qu’il a a priori également valablement pu lui opposer l’ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 30 octobre 2012 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision déférée du 30 octobre 2012 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 octobre 2013 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Hoffmann s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 octobre 2013 Le Greffier du Tribunal administratif 12