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30/09/2013 | LUXEMBOURG | N°30838

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 septembre 2013, 30838


Tribunal administratif Numéro 30838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juillet 2012 2e chambre Audience publique du 30 septembre 2013 Recours formé par le Monsieur ….., et Madame …..,, contre deux décisions du conseil communal de ….. et une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, en présence de la société anonyme ……, en matière de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30838 du rôle et déposée en date du 11 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Serge M

arx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif Numéro 30838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juillet 2012 2e chambre Audience publique du 30 septembre 2013 Recours formé par le Monsieur ….., et Madame …..,, contre deux décisions du conseil communal de ….. et une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, en présence de la société anonyme ……, en matière de plan d’aménagement particulier

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30838 du rôle et déposée en date du 11 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., demeurant à …… et de Madame ….., demeurant à ……., tendant à l'annulation 1.

d’une délibération du conseil communal de ….. du 14 novembre 2011 portant approbation provisoire d’un plan d’aménagement particulier concernant des fonds sis à ….., au lieu-dit « ….. » ainsi que 2.

d’une délibération du conseil communal de ….. du 6 février 2012 portant approbation définitive d’un plan d’aménagement particulier concernant des fonds sis à ….., au lieu-dit « ….. » et 3.

d’une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région du 28 mars 2012 portant approbation de la délibération du conseil communal de ….. du 6 février 2012 précitée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick Muller, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 17 juillet 2012 portant signification de la requête à la société anonyme ……, établie et ayant son siège social à ……, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro ….., représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ainsi qu’à l’administration communale de ….., représentée par son collège des bourgmestre et échevins, ayant sa maison communale à …… ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2012 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …… ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2012 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de ….. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 novembre 2012 par Maître Georges Krieger, pour compte de la société anonyme ……, lequel mémoire fut notifié en date du même jour au mandataire de Monsieur ….. et de Madame ….., ainsi que le 23 novembre 2012 au mandataire de l’administration communale de ….. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 novembre 2012 par Maître Albert Rodesch, pour compte de l’administration communale de ….., lequel mémoire fut notifié en date du même jour au mandataire de Monsieur ….. et de Madame ….. ainsi qu’au mandataire de la société anonyme …… ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 décembre 2012 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2012 par Maître Serge Marx, au nom de Monsieur ….. et de Madame ….., lequel mémoire fut notifié en date du même jour aux mandataires de la société anonyme …… et de l’administration communale de ….. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 janvier 2013 par Maître Georges Krieger, pour compte de la société anonyme ……, lequel mémoire fut notifié en date du 18 janvier 2013 au mandataire de Monsieur ….. et de Madame ….. ainsi qu’au mandataire de l’administration communale de ….. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 janvier 2013 par Maître Albert Rodesch, pour compte de l’administration communale de ….., lequel mémoire fut notifié en date du même jour au mandataire de Monsieur ….. et de Madame ….. ainsi qu’au mandataire de la société anonyme …… ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Serge Marx, Maître Agnes Durdu, en remplacement de Maître Albert Rodesch, Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 juin 2013.

La société anonyme ……, désignée ci-après par « la société ….. », propriétaire de deux immeubles situés sur des parcelles sises à ….., inscrites au cadastre de la commune de ….. sous les numéros …. et …. élabora un plan d’aménagement particulier couvrant lesdites parcelles. Ledit plan d’aménagement particulier fut approuvé définitivement par le conseil communal de ….. lors de sa délibération du 12 janvier 2010. Par décision du 21 avril 2010, le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, refusa d’approuver la délibération précitée du conseil communal du 12 janvier 2010.

Par jugement du 13 février 2012, inscrit sous le numéro … du rôle, le tribunal administratif déclara recevable et partiellement fondé le recours en annulation introduit par la société ….. à l’encontre de la décision de refus précitée du 21 avril 2010, du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire. Ainsi, le tribunal annula le volet de la décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire portant refus d’approbation de la délibération du 12 janvier 2010 du conseil communal de …..

portant adoption définitive du plan d’aménagement particulier concernant des fonds sis à ….., au lieu-dit « ….. », présenté par la société ….. en ce qu’elle conclut que le projet n’est pas conforme aux dispositions de l’article B.3.1. de la partie écrite du plan d’aménagement général. Le tribunal rejeta le recours pour le surplus.

Par courrier du 14 juin 2011, la société ….. présenta un nouveau projet d’aménagement particulier, désigné ci-après par « le PAP », portant sur les parcelles lui appartenant à ….. et inscrites au cadastre de la commune de ….. sous les numéros …. et …. . Le 21 octobre 2011, le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, ci-après désigné par « le ministre », avisa ledit projet.

Lors de sa délibération du 14 novembre 2011, le conseil communal de …..

approuva provisoirement le PAP Monsieur ….. et Madame ….. introduisirent par courrier du 17 décembre 2011 une réclamation contre la délibération du conseil communal du 14 novembre 2011. Le 30 janvier 2012, les consorts ….. furent entendus par le collège des bourgmestre et échevins en vue de l’applanissement des difficultés.

Lors de sa délibération du 6 février 2012, le conseil communal de ….. approuva définitivement le PAP.

Par courrier du 2 mars 2012, le consorts ….. firent introduire auprès du ministre une réclamation contre l’approbation définitive du PAP par le conseil communal de …… Par décision du 28 mars 2012, le ministre approuva la délibération du conseil communal du 6 février 2012 portant adoption du PAP. La décision ministérielle est libellée comme suit :

« (…) j'approuve, sur la base de l'article 108 ter de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain renvoyant aux dispositions du titre 4 de la présente loi qui étaient en vigueur jusqu'au 1er août 2011 notamment aux articles 18 et 30, la délibération du Conseil Communal du 6 février 2012 portant adoption du projet d'aménagement particulier concernant des fonds sis à ….., Commune de ….., au lieu-dit «…..», présenté par le Collège des Bourgmestre et Echevins de la Commune de ….. pour le compte de la société . ….. S.A. (…) ».

Par courriers séparés du 16 avril 2012, le ministre informa les consorts ….. de sa décision dans les termes suivants :

« Je reviens vers vous dans le cadre du dossier mentionné sous marge suite au courrier que vous m'avez adressé en date du 2 mars 2012.

Le prédit courrier constitue une réclamation contre la délibération du 6 février 2012, portant adoption définitive du projet d'aménagement particulier, et a été introduit dans le cadre de la procédure d'adoption du projet d'aménagement particulier, conformément aux articles 18 et 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain.

Je vous transmets en annexe une copie de ma décision concernant le prédit projet datant du 28 mars 2012.

Je tiens également à porter à votre connaissance que suivant l'article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, un recours en annulation peut être intenté contre ma décision, endéans un délai de trois mois dès réception de la présente, devant les juridictions de l'ordre administratif. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 juillet 2012, les consorts ….. ont fait introduire un recours tendant à l’annulation, d’une part, de la délibération du conseil communal de ….. du 14 novembre 2011 portant approbation provisoire du PAP, d’autre part, de la délibération du conseil communal de ….. du 6 février 2012 portant approbation définitive du PAP et, de troisième part, de la décision du ministre du 28 mars 2012 portant approbation de la délibération du conseil communal de ….. du 6 février 2012 précitée.

A titre liminaire le tribunal est amené à préciser que la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-

après par « la loi du 19 juillet 2004 », a été modifiée par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45 en date du 1er août 2011, soit à une date où la procédure d’adoption du PAP était en cours. Les dispositions transitoires figurant à la loi du 19 juillet 2004, telle que modifiée par la loi du 28 juillet 2011, prévoient toutefois à l’article 108ter (1), alinéa 2, que : « La procédure d’adoption des projets d’aménagement particulier, qui a été entamée avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 4 de la présente loi qui étaient en vigueur avant le 1er août 2011. ». L’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, dans sa version antérieure à la modification par la loi du 28 juillet 2011, concernant la procédure d’adoption du plan d’aménagement particulier prévoit comme première étape dans l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier la transmission par le collège des bourgmestre et échevins du projet d’aménagement particulier avec le rapport justifiant l’initiative et les orientations fondamentales retenues, pour avis au ministre.

En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause que le collège des bourgmestre et échevins de ….. a transmis par courrier du 5 juillet 2011 le projet remanié du PAP au ministre, afin « d’engager la procédure d’adoption (…) ».

Il s’ensuit qu’en l’espèce, la procédure d’adoption des projets d’aménagement particulier, a été entamée avant le 1er août 2011, de sorte que la loi du 19 juillet 2004 dans sa version antérieure à la modification par la loi du 28 juillet 2011 est applicable au recours sous examen.

Quant à la compétence du tribunal administratif et à la recevabilité du recours Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, question que le tribunal est de prime abord appelé à examiner, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet des décisions litigieuses ayant trait au rejet de la réclamation introduite par les consorts ….., intervenue dans le processus général de l’élaboration des actes approuvés.

Il s’ensuit qu’en application de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation a valablement pu être introduit à l’encontre des décisions déférées.

Tant la société ….., que l’administration communale de ….., que le délégué du gouvernement contestent l’intérêt à agir des consorts …… Ainsi, la société ….. fait valoir que selon la jurisprudence des juridictions administratives en matière d’urbanisme, les voisins devraient démontrer une aggravation concrète de leur situation, afin de justifier d’un intérêt à agir. En effet, l'intérêt à agir s'apprécierait in concreto et la qualité de propriétaire ne suffirait pas pour fonder un intérêt à agir. La société ….. conteste encore que les consorts ….. puissent être considérés comme voisins des parcelles concernées par le PAP. Elle soutient que bien que Monsieur ….. soit propriétaire d'une maison sise à ….., « ….. », sur la parcelle inscrit au cadastre de la commune de ….. sous le numéro ….., son domicile légal se trouverait à ……., où il résiderait habituellement. La société ….. conclut que Monsieur ….. ne subirait aucune aggravation de sa situation concrète de voisin, qui ne pourrait d'ailleurs être affectée de manière constante et inévitable par les constructions projetées alors qu'il ne réside pas dans les environs du projet.

1 cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes réglementaires, n° 42 et autres références y citées.

En ce qui concerne Madame ….., la société ….. affirme qu’elle aurait son domicile légal et résiderait à …… Elle estime encore que le droit d’habitation sur les immeubles, appartenant à Monsieur ….., dont Madame ….. déclare bénéficier ne deviendrait effectif qu’au décès de Monsieur ….., de sorte qu’actuellement, Madame ….. ne bénéficierait pas d'un droit d'habitation.

La société ….. ajoute qu'après renseignement pris auprès du service de la population de la commune de ….., il se serait avéré que l'immeuble sis au …., « ….. » serait actuellement inhabité. Elle conclut que Madame ….. ne subirait aucune aggravation de sa situation concrète de voisin ou à tout le moins, qu’elle resterait en défaut de le démontrer à ce stade de la procédure.

De manière générale, la société ….. fait valoir que les consorts ….., à supposer même qu'ils habitent les immeubles précités, n'auraient pas une vue directe sur les parcelles concernées par le PAP, de sorte qu’aucune aggravation de leur situation de voisin ne serait concevable. De plus, les développements des demandeurs relatifs à la prétendue l’«envergure considérable du projet litigieux» resteraient vagues.

L’administration communale de ….. conteste également l’intérêt à agir des consorts ….., en faisant valoir que ni l'un ni l'autre n'habiterait à ….., ni n'y exercerait sa profession. Elle ajoute que l'intérêt à agir de Madame ….. serait d'autant plus contesté que la déclaration de Monsieur ….., conférant un droit d’habitation à Madame ….., ne serait pas opposable à des tiers, puisqu’il n’aurait pas été enregistré. L’administration communale estime encore que l’immeuble des consorts ….. ne serait pas sis en face du projet critiqué, de sorte que la construction de ce dernier n'empêcherait pas l'habitation paisible de leur immeuble.

Le délégué du gouvernement conteste à son tour l’intérêt à agir des consorts ….. et fait valoir à ce titre en substance que ce ne serait qu’en qualité de voisins indirects n'ayant pas de vue directe à partir de leur maison d'habitation qu’ils pourraient, le cas échéant, avoir qualité à agir. Or, dans cette hypothèse, ils auraient l'obligation de justifier, plus particulièrement encore, d'un intérêt personnel et direct suffisamment caractérisé, leur simple qualité de voisins indirects ne leur procurant pas un tel intérêt personnel et direct suffisant, ce qu’ils resteraient pourtant en défaut de rapporter en l’espèce.

Les demandeurs répliquent qu’il serait vrai qu’ils n'ont pas leur domicile à …… Ils estiment cependant que ce seul fait ne suffirait pas pour leur méconnaître un intérêt à agir. Ils exposent que la propriété située à ….., « ….. », sise sur les parcelles comportant les numéros cadastraux …, … et …. constituerait leur maison natale et ferait partie de la propriété familiale depuis plusieurs générations. Ils argumentent que la propriété aurait été donnée par acte de donation du 24 avril 1996 à Monsieur …… Ce dernier aurait accordé un droit d'habitation à sa sœur qui y résiderait de façon régulière, fait dont la commune serait parfaitement au courant. Ainsi, il résulterait des attestations testimoniales versées en cause que Madame ….. séjournerait régulièrement à …… Elle s'acquitterait des taxes communales et des frais courants de chauffage et d'entretien de la maison. La commune lui aurait même décerné en 2009 un prix pour « village fleuri » de sorte qu’elle ne pourrait pas raisonnablement prétendre que Madame ….. n'habiterait pas la maison sise à « ….. ».

Les demandeurs se réfèrent encore à un arrêt de la Cour administrative du 13 janvier 2009 inscrit sous le numéro 24510C du rôle, dans lequel la Cour administrative aurait reconnu un intérêt à agir à des demandeurs ayant leur domicile à plus de 30 kilomètres de l'installation soumise à l’autorisation litigieuse mais qui auraient disposé d'un petit chalet de week-end se trouvant à quelques 810 mètres de la même installation.

Ils font valoir que cette décision serait à plus forte raison transposable à la présente affaire dans la mesure où il ne s'agirait pas simplement d'un petit chalet de week-end, mais de la maison familiale des demandeurs qui la maintiendraient dans un parfait état d'entretien.

Enfin, ils soutiennent que leur intérêt à agir serait justifié par l'envergure du projet litigieux. Les décisions entreprises auraient comme objet d'autoriser un projet comportant 75 unités de logement par hectare brut. L'implantation d'un tel mastodonte non seulement en plein milieu rural, mais de surcroît en zone « gabarits à sauvegarder » entraînerait une destruction des structures typiquement rurales et ainsi une aggravation de leur situation, d'autant plus que leur propriété, d’une part, ne se trouverait pas seulement du même côté de la rue que le projet litigieux, mais également en face de celui-ci, de sorte qu'ils auraient une vue directe sur ledit projet s'il devait se réaliser et, d’autre part, serait inscrite à l'inventaire supplémentaire des sites et Monuments suivant arrêté ministériel du 2 mars 2007, publié au Mémorial B n° 35 du 19 mai 2009.

Il n’est pas contesté en cause que Monsieur ….. est propriétaire des parcelles inscrites au cadastre de la commune de ….. sous les numéros …, … et …, sur lesquelles se situe sa maison natale. Par ailleurs, indépendamment de la question de savoir si Madame ….. bénéficie d’un droit d’habitation sur la maison natale des consorts ….. et de la qualification éventuelle de ce droit, il ressort à suffisance de droit des pièces versées en cause et notamment de diverses attestations testimoniales que Madame ….. réside de façon habituelle dans la maison natale des consorts ….. à ….. et qu’elle y a sa résidence secondaire.

Il ressort encore des pièces versées en cause et notamment des extraits de la partie graphique du plan d’aménagement général, ainsi que des extraits cadastraux que la maison natale des consorts ….. ainsi que les parcelles sur lesquelles porte le PAP se trouvent dans la même rue à ….., à savoir, la ….. Il s’y ajoute que la maison natale des consorts ….. ainsi que ses dépendances se situent des deux côtés de la ….., à une distance d’une dizaine de mètres seulement des parcelles concernées par le PAP.

Eu égard aux considérations qui précèdent, force est au tribunal de constater que les consorts ….., en tant que propriétaire, voire résidant d’un immeuble situé à proximité immédiate des parcelles concernées par le PAP, sont à considérer comme voisins desdites parcelles, alors même que leurs domiciles principaux sont situés ailleurs.

Il ressort, par ailleurs, des pièces versées en cause et plus précisément des différents plans et extraits cadastraux qu’à partir de leur maison natale, les consorts …..

disposent d’une vue directe sur les parcelles concernées par le PAP.

Or, des voisins disposant d’une vue directe sur les parcelles concernées par un PAP, autorisant la réalisation dans un village à caractère essentiellement rural d’un projet de lotissement, d’une envergure certaine, en ce qu’il prévoit 75 unités de logements par hectare, se prévalent d'un intérêt suffisant à agir, étant donné que cette évolution est susceptible d’influencer sur leur situation de voisins. En effet, lesdits voisins ont intérêt à faire vérifier par un tribunal la régularité ainsi que la légalité de la procédure d’élaboration et d’adoption du PAP.

Il suit des considérations qui précèdent que les consorts ….. justifient d’un intérêt à agir et que le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société ….., l’administration communale de ….. et le délégué du gouvernement est à rejeter pour ne pas être fondé.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond En ordre principal, les demandeurs sollicitent l’annulation des décisions entreprises pour irrégularité de la procédure d'adoption du PAP au motif que le ministre aurait omis de se prononcer sur leur réclamation introduite en date du 2 mars 2012 et ceci, en violation de l'article 18 de la loi du 19 juillet 2004. Ainsi, suivant ledit article 18 le ministre aurait une double compétence, celle de statuer sur les réclamations et celle de décider de l'approbation définitive du projet d'aménagement particulier. Il serait d'ailleurs de jurisprudence constante que la compétence du ministre pour vider les réclamations serait distincte de celle conférée d'une manière générale au même ministre pour statuer, par approbation ou refus pur et simple, sur les dispositions de la délibération communale qui n'ont fait l'objet ni d'objections ni encore de réclamations.

Or, en l'espèce, le ministre se serait borné à approuver purement et simplement la délibération du conseil communal du 6 février 2012, en omettant de statuer sur la réclamation, de sorte que la procédure serait viciée et que les décisions déférées seraient à annuler pour irrégularité formelle.

La société ….. répond que les demandeurs auraient procédé à une mauvaise interprétation de la décision prise par le ministre. Ainsi, même s’il apparaissait que le ministre aurait omis de statuer sur les réclamations, ce ne serait en réalité pas le cas. Le ministre aurait statué sur les réclamations et sur les griefs reprochés au projet avant de prendre sa décision d'approbation. En revanche, il serait vrai que la décision ne préciserait pas les motifs pour lesquels le ministre n'aurait pas jugé nécessaire de faire droit à la réclamation des demandeurs. La société ….. en déduit qu’il s’agirait d'un problème de motivation de la décision, et non point d'un problème de procédure. Dans ce contexte, la société ….. fait valoir que la jurisprudence constante et unanime des juridictions administratives considérerait que les autorités administratives seraient recevables à compléter la motivation de la décision critiquée en cours d'instance. En effet, si le ministre ne pouvait pas motiver la décision en cours d’instance, il serait amené à prendre une nouvelle décision, qui cette fois indiquerait les motifs de rejet de la réclamation, tout en approuvant le PAP. La société ….. conclut que les demandeurs n’auraient aucun intérêt à soulever un tel prétendu vice de procédure alors que celui-ci serait redressé par le ministre par la prise d'une nouvelle décision, identique à celle dont l'annulation est poursuivie.

A titre subsidiaire, la société ….. soutient que si les demandeurs avaient un intérêt au moyen, les motifs qu’ils auraient invoqués dans le cadre de leur réclamation n’auraient pas été de nature à influer sur la décision du ministre dans un sens leur étant favorable.

Ainsi, les arguments développés par les demandeurs dans leur réclamation auprès du ministre concerneraient l'envergure du projet et une prétendue violation de l'article B.3.2 du règlement sur les bâtisses de la commune de …… Or, la question du « gabarit à sauvegarder » aurait fait l'objet d'un examen minutieux par le ministre, de sorte que la réclamation des demandeurs n'aurait pu influer en aucune manière sur la décision du ministre.

L’administration communale de ….. estime que le ministre se serait conformé aux obligations pesant sur lui, à savoir de statuer sur les réclamations et d’approuver le PAP.

En effet, le terme « statuer » signifierait selon la définition du lexique Le Petit Robert « décider ou ordonner avec l'autorité que confère la loi ou la coutume » ou encore dans le sens « décider sur ». En l'occurrence, le ministre aurait dit qu’il approuverait la délibération du conseil communal de …… Ainsi, il aurait décrit en une phrase la démarche qu'il a effectuée à savoir approuver la décision communale, et ce faisant, rejeter comme non fondées les réclamations des consorts …… La loi n'imposerait pas au ministre de répondre dans un exposé aux réclamations introduites par les demandeurs. Bien au contraire, l'article 30, alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004 délimiterait clairement les compétences du ministre, en ce qu'il lui impose de vérifier la conformité et la compatibilité du PAP avec les dispositions de la loi, et notamment avec les objectifs de l'article 2, ses règlements d'exécution ainsi qu'avec le plan d'aménagement général.

L’administration communale de ….. estime qu’il n'appartiendrait dès lors pas au ministre de répondre par un argumentaire aux motifs des demandeurs. Le ministre se serait ainsi conformé aux obligations légales en approuvant la délibération du conseil communal alors que, agissant de la sorte, il aurait dit indirectement, mais sûrement désapprouver les réclamations des consorts …… Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport au moyen afférent dans son mémoire en réponse.

Les demandeurs répliquent qu’il serait évident que le ministre n’aurait pas pris position par rapport à la réclamation lui adressée. Ils affirment que contrairement aux affirmations de la société ….. ils auraient intérêt à soulever ce moyen et ils contestent que le ministre pourrait compléter la motivation en cours d’instance pour différentes raisons.

Ainsi, ils estiment en premier lieu que l'avis du ministre au sens de l'article 30, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 ne serait pas à confondre avec les compétences du ministre résultant de l'article 18 de cette même loi. Il s'agirait de deux étapes procédurales distinctes. Sur base de l'article 30, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004, le ministre ne ferait que donner un avis préalablement au vote provisoire du conseil communal, tandis que l'article 18 lui conférerait des pouvoirs de décision en fin de procédure. Par ailleurs, la décision entreprise du ministre ne comprendrait pas les éléments décisionnels - à savoir l'approbation définitive et la prise de position par rapport aux réclamations introduites -

expressément exigés par l'article 18 précité. Enfin, s’il était vrai qu'une administration serait admise à compléter les motifs au cours de l'instance, il n'en demeurerait pas moins que la possibilité de fournir des motifs complémentaires en phase contentieuse devant les juridictions de l'ordre administratif serait à appliquer de façon stricte, étant essentiellement basée sur des considérations d'utilité, voire de pragmatisme, lesquelles auraient comme contrepartie de tenir en échec les principes fondamentaux tenant à l'équilibre des droits et obligations respectifs entre l'administration et l'administré. Or, il existerait une série d'arguments qui permettraient de conclure qu'une motivation au cours d'instance ne serait pas admissible en l'espèce. En effet, l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 énoncerait expressément un double pouvoir de décision dans le chef du ministre. En omettant de statuer sur les réclamations des requérants il aurait transgressé un de ces deux pouvoirs et il ne pourrait pas être remédié à cette violation par une motivation produite en cours d'instance. De plus, les demandeurs ne bénéficieraient en l'espèce d'aucune garantie à un équilibre des droits et obligations respectifs entre l'administration et l'administré dans la mesure où les règles de la procédure administrative non contentieuse, qui leur auraient conféré cette garantie, ne seraient pas applicables en matière réglementaire.

Finalement, une motivation en cours d'instance ne serait pas admissible alors qu’elle priverait les demandeurs d'un des deux mémoires leur réservés par la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

La société ….. duplique que le ministre aurait, à travers l’approbation de la décision du conseil communal de ….., nécessairement statué sur les réclamations des demandeurs. Seul un défaut de motivation de la décision de rejeter les réclamations pourrait partant lui être reproché. Or, un défaut de motivation ne pourrait pas conduire à l’annulation des décisions déférées.

L’administration communale de ….. maintient son argumentation dans son mémoire en duplique, en ne s’opposant toutefois pas à ce que le ministre réponde en cours d’instance aux réclamations des demandeurs et à ce que ces derniers puissent, le cas échéant, prendre positions par rapport à la réponse du ministre dans le cadre d’un mémoire supplémentaire.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement affirme que l'article 6, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes énoncerait une liste limitative de décisions qui doivent formellement préciser les motifs sur lesquels elles sont basées. Il estime encore que même si l'exposé des motifs relatif au règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 a souligné la nécessité de motiver les décisions ainsi énumérées, la jurisprudence admettrait que le rejet des réclamations de tiers ne devrait pas être motivé.

Dès lors, les demandeurs ne pourraient pas faire valoir que le ministre aurait été tenu de motiver de manière exhaustive les observations formulées dans leur réclamation. Le délégué du gouvernement soutient enfin que cet acte réglementaire, en l'occurrence la décision d'approbation ministérielle, n'aurait pas à être motivée de manière exhaustive car elle ne tomberait pas sous le champ d'application du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 et que dès lors la décision d'approbation, respectivement de refus, participerait selon une jurisprudence constante au caractère réglementaire de l'acte approuvé.

Il échet tout d’abord de relever qu’en la présente matière le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes n’est pas applicable, étant donné que conformément à l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ledit règlement grand-ducal ne s’applique qu’aux « décisions administratives individuelles » et non pas à des actes administratifs à caractère réglementaire, tels que ceux examinés dans le cadre de la présente instance.

Quant à la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, dans sa version antérieure à la loi modificative du 28 juillet 2011, renvoie aux dispositions de la même loi relative à la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement général, en disposant que : « A l’exception des dispositions ci-après, la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier est la même que celle définie par les articles 11 à 18 pour les plans d’aménagement général. ».

Aux termes de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, dans sa version antérieure à la loi modificative du 28 juillet 2011 : « Le ministre statue dans les trois mois suivant la réception de l’avis du conseil communal prévu à l’article qui précède sur les réclamations en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, qui prend dès lors la désignation de « plan d’aménagement général ».

Dès lors, l'autorité communale exerce ses compétences en matière d’élaboration du plan d’aménagement particulier sous l'approbation du ministre. Le ministre quant à lui dispose d’une double compétence, dans la mesure où il lui appartient, d’une part d’approuver ou de ne pas approuver le projet d’aménagement particulier et, d’autre part, de prendre position par rapport aux réclamations lui adressées contre la délibération définitive du conseil communal sur le projet d’aménagement particulier.

En l’espèce, force est de constater que dans sa décision du 28 mars 2012, le ministre s’est limité à approuver la décision du conseil communal de ….. du 6 février 2012, sans se référer explicitement aux réclamations introduites par les consorts …… Toutefois, en prenant soin de notifier la décision du 28 mars 2012 par courriers séparés du 16 avril 2012 aux consorts ….., tout en se référant dans lesdits courriers à la réclamation introduite par ces derniers, le tribunal est amené à retenir que par sa décision du 28 mars 2012, le ministre a implicitement mais nécessairement rejeté les réclamations des consorts …… Ainsi, il ne saurait être reproché en l’espèce au ministre de ne pas avoir épuisé sa double compétence au sens de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004.

Il est dès lors certes vrai que la décision portant rejet de la réclamation des consorts ….. n’a pas été motivée, toutefois, selon la jurisprudence de la Cour administrative2, il est loisible à l’administration de produire ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois à la phase contentieuse.

En l’espèce, force est de constater qu’au cours de la procédure contentieuse, le délégué du gouvernement a dans le cadre de son mémoire en réponse pris position quant à la réclamation introduite par les demandeurs, en contestant, notamment, toute violation de l’article 3.2.a) de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de ….. et en réfutant le reproche des densités inadaptées projetées par le PAP. Ainsi, le délégué du gouvernement a fourni au cours de l’instance contentieuse la motivation à la base de la décision ministérielle déférée. Il s’ensuit que le moyen des demandeurs tiré d’une irrégularité de la procédure d’adoption du PAP est à rejeter pour ne pas être fondé.

Les demandeurs reprochent ensuite au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation. Ainsi, le ministre aurait estimé dans son avis concernant le projet d’aménagement particulier du 21 octobre 2011 que « la conception et la qualité du projet ont fait l'objet d'améliorations signifiantes » par rapport au premier projet. Il n’aurait cependant pas expliqué en quoi ces améliorations signifiantes consisteraient et il aurait commis une erreur manifeste d’appréciation pour trois raisons.

Premièrement, les emprises au sol n’auraient pas fondamentalement changé. S'il était vrai que le deuxième projet aurait été légèrement remanié par rapport au premier, il y aurait toutefois lieu de constater que ce remaniement ne correspondrait nullement à une amélioration signifiante. Ceci serait d'autant plus vrai que la hauteur de la construction projetée continuerait à dépasser – tout comme le premier projet - de façon importante les constructions existantes.

Deuxièmement, les densités projetées seraient toujours inadaptées par rapport à une structure rurale, alors même qu’elles auraient été légèrement revues à la baisse par rapport au premier projet (réduction de 96 unités de logement à 75 unités par hectare brut).

Troisièmement, les documents se trouvant à la base du PAP seraient insuffisants.

Ainsi, tandis que le premier projet aurait comporté une partie écrite très détaillée, le deuxième projet se contenterait du strict minimum et la partie écrite aurait été réduite au quart de la partie écrite du premier projet.

En guise de conclusion, les demandeurs font valoir que bien qu'il n'y aurait pas de remaniement significatif entre le 1er et le 2ème projet, le ministre aurait approuvé le deuxième projet. En toute logique, compte de tenu des modifications mineures, de nature plutôt cosmétique, entre le premier et le deuxième projet, le ministre aurait dû, sur base des mêmes arguments que ceux invoqués dans son avis du 31 juillet 2009, refuser son approbation. En tout état de cause, le fait d'estimer que le deuxième projet aurait fait l'objet d'« améliorations signifiantes » constituerait une erreur d'appréciation qui devrait mener à l’annulation des décisions déférées.

2 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738 du rôle, Pas. adm. 2012. V° Procédure administrative non contentieuse, n°76 et autres références y citées.

Les parties défenderesses et tierce intéressée contestent le moyen afférent tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.

De prime abord le tribunal est amené à constater que les demandeurs ont développé le moyen relatif à une densité trop élevée prévue par la PAP de manière plus détaillée dans le cadre d’une autre partie de leur recours, de sorte que l’analyse dudit moyen se fera à cet endroit.

Par ailleurs, force est au tribunal de constater que les simples reproches selon lesquels, d’une part, le ministre n’aurait pas pu qualifier le deuxième projet de plan d’aménagement particulier comme ayant fait l’objet d’améliorations signifiantes et, d’autre part, le deuxième projet serait documenté par le strict minimum de pièces, ne sont ni de nature à constituer une erreur manifeste d’appréciation de la part du ministre, ni de nature à affecter la légalité des décisions déférées, de sorte que lesdits moyen sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En second lieu, les consorts ….. invoquent une violation de l’article B.3.2.a) de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de ….., désigné ci-après par le « PAG », selon lequel une construction nouvelle érigée en remplacement d'une construction ancienne désignée comme « gabarit à sauvegarder », devrait s'orienter dans son ensemble sur les gabarits, volumes et agencement des ouvertures de la construction à laquelle elle se substitue. En l’espèce, les parcelles concernées par le PAP seraient classées par le PAG en secteur « gabarit à sauvegarder ».

L'objectif de l’article B.3.2.a) de la partie écrite du PAG serait d’éviter dans des parties bien précises du village présentant des caractères ruraux particulièrement prononcés, des monstruosités constructives dépassant de façon importante le bâti existant et détruisant définitivement des structures rurales intactes préservées jusqu'à présent.

Selon les demandeurs, le gabarit devrait incontestablement inclure la hauteur des constructions. Lors de l’élaboration du premier projet de plan d’aménagement particulier, le ministre aurait refusé son approbation en raison, plus particulièrement, de la violation par le projet de l'article B.3.2.a) précité, dans la mesure où notamment la hauteur des nouvelles constructions aurait dépassé de quelque trois mètres les anciennes constructions et ce refus aurait été confirmé par le tribunal administratif dans son jugement précité du 13 février 2012. Or, cette situation n'aurait absolument pas changé entre le premier et le deuxième projet.

D’ailleurs, le ministre aurait à tort, dans son avis du 21 octobre 2011, renvoyé à la dérogation figurant à l'article 108bis de la loi du 19 juillet 2004 pour admettre le gabarit du projet litigieux. Ainsi, selon l'article 108bis (2), dernier alinéa de la loi du 19 juillet 2004, dans sa version antérieure à la loi du 28 juillet 2011, cette dérogation ne pourrait être accordée que sous condition qu'une telle modification ponctuelle s'avérerait indispensable pour améliorer la qualité urbanistique du plan d'aménagement particulier et que dans son avis le ministre y aurait marqué son accord. Or, en l’espèce, la dérogation accordée par le ministre ne viserait pas à améliorer la qualité urbanistique du PAP mais plutôt à détruire le caractère rural de la …… La dérogation n'aurait dès lors pas dû être accordée par le ministre.

Les demandeurs concluent que si l'article B.3.2.a) de la partie écrite du PAG ne trouvait pas application en l'espèce, la question devrait se poser de savoir pour quelles raisons il figurerait dans la partie écrite du PAG de la commune de ….. et pour quelles situations il trouverait application. En effet, il serait un fait que le gabarit du deuxième projet présenterait une importance similaire au premier et que la ratio legis de l'article B.3.2 de la partie écrite du PAG serait violée. Il y aurait dès lors lieu d'annuler les décisions entreprises pour violation de l'article B.3.2.

Les parties défenderesses et tierce intéressée concluent au rejet du moyen tiré d’une violation de l’article B.3.2.a) de la partie écrite du PAG, en argumentant en substance, d’une part que la nouvelle construction pourrait différer de la construction existante, sous condition qu’elle s’orienterait dans son ensemble sur les gabarits, volumes et agencements des ouvertures de la construction existante et qu’en l’espèce, le bâtiment nouveau s’étendrait exactement sur la même longueur que la construction existante et que, par ailleurs, la construction nouvelle n’aurait qu’une emprise au sol de 780m2 tandis que la construction existante aurait une emprise de 836 m2. De plus, la profondeur de la nouvelle construction serait identique à celle des bâtiments voisins. Les parties défenderesses et tierces intéressées estiment encore que le ministre aurait donné dans son avis du 21 octobre 2011 son autorisation conformément à l’article 108bis de la loi du 19 juillet 2004 à ce que le plan d’aménagement particulier puisse partiellement modifier le plan d’aménagement général.

Les demandeurs réfutent les arguments de la partie étatique, de l’administration communale de ….. et de la société ….. en insistant sur le fait qu’en l’espèce, l’article B.3.2.a) de la partie écrite du PAG aurait été violé dans la mesure où le « gabarit à sauvegarder » n’aurait pas été respecté.

Aux termes de l’article B.3.2.a) de la partie écrite du PAG :« a) Une construction nouvelle érigée en remplacement d'une construction ancienne désignée comme « gabarit à sauvegarder », doit s'orienter dans son ensemble sur les gabarits, volumes et agencement des ouvertures de la construction à laquelle elle se substitue (…) ».

A défaut, tant par la loi du 19 juillet 2004, et le règlement grand ducal du 25 octobre 2004 concernant le contenu du plan d'aménagement particulier portant exécution du plan d'aménagement général d'une commune, que par le PAG de définir la notion de « gabarit », le tribunal dans son jugement précité du 13 février 2012 a retenu que selon la définition du dictionnaire Petit Robert, le gabarit s’entend d’une dimension, forme déterminée ou imposée d'avance. Par ailleurs, le tribunal avait retenu que selon l’acceptation communément admise, la dimension d’une chose s’entend de sa grandeur mesurable et la forme d’une chose s’entend de son apparence ou de son aspect visible.

Partant, la définition de gabarit est intrinsèquement liée à la notion de visibilité et doit s’entendre comme une dimension, une forme déterminée ou imposée d’avance qui est visible, et ce, à l’œil nu.

Force est partant au tribunal de retenir que le terme gabarit à sauvegarder au sens de l’article B.3.2.a) ne peut s’entendre que comme visant la dimension ou la forme prédéterminée et visible, d’un bâtiment, de sorte que la partie souterraine d’un bâtiment à ériger, non décelable à l’œil nu, par un regard qui se pose à l’extérieur dudit bâtiment ne saurait être visée par ladite définition.

Quant à la définition plus précise du gabarit à conserver au sens de l’article B.3.2.

a) de la partie écrite du PAG, il échet de relever que ce dernier doit s’orienter dans son ensemble sur les gabarits, volumes et agencement des ouvertures de la construction à laquelle elle se substitue. Ainsi, il n’est pas requis par le PAG que le projet de construction soit en tous points conforme aux constructions existantes mais il est requis que l’ensemble du projet s’inscrive dans les gabarits, volumes et ouvertures des anciennes constructions, à savoir, qu’il en respecte les formes, les volumes et les ouvertures.

A cet égard, il ressort des pièces soumises au tribunal et plus précisément de la partie graphique du PAP, représentant notamment le calcul de la surface de l’emprise au sol de la construction projetée par rapport à la surface de l’emprise au sol de la construction existante, ainsi que des plans versées en cause par l’administration communale de ….., intitulés « Coupes AA-BB situation existante + projetée », « Coupes CC-DD situation existante + projetée » et enfin « Coupes EE situation existante + projetée », du 6 février 2012, que bien que les constructions projetées dépassent de manière marginale les constructions existantes à certains endroits, en revanche, à d’autres endroits, les constructions existantes sont plus importantes de sorte qu’en se basant sur lesdits documents, il n’est pas établi que le gabarit à conserver par le projet de construction ne soit pas de nature à s’orienter dans son ensemble sur les gabarits, volumes et agencement des ouvertures.

Il ressort, par ailleurs, des plans de coupe « Coupes AA-BB situation existante + projetée », « Coupes CC-DD situation existante + projetée » que sur une longueur approximative de 12 m (soit la ½ de la longueur du bâtiment projeté), la hauteur du bâtiment projeté dépasse de plus de trois mètres celle des anciennes constructions.

Toutefois, force est à cet égard au tribunal de constater qu’il ressort à suffisance des pièces versées en cause et notamment de la partie graphique du PAP représentant notamment le calcul de la surface de l’emprise au sol de la construction projetée par rapport à la surface de l’emprise au sol de la construction existante et indiquant que l’emprise au sol totale de la construction projetée est de 780 m2, tandis que celle de la construction existante était de 826 m2, que le volume additionnel de la nouvelle construction par rapport à la construction existante, généré par le dépassement de 3 m de la hauteur de la construction existante sur une distance de près de 12 m, est compensé à suffisance à d’autres endroits du projet par une diminution du volume. Il s’ensuit que le gabarit du projet de construction ne dévie pas dans son ensemble sur les gabarits et volumes des constructions existantes, de sorte qu’aucune violation de l’article B.3.2. a) de la partie écrite du PAG ne peut être constatée et que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

En dernier lieu, les consorts ….. estiment que les décisions déférées devraient encourir l’annulation pour comporter une densité manifestement non adaptée au milieu rural. Ainsi, il résulterait de l'avis du ministre du 21 octobre 2011 que le deuxième projet présenterait une densité de 75 unités de logement par hectare brut. Le premier projet aurait présenté une densité de 96 unités de logement par hectare brut. Les demandeurs reconnaissent que le deuxième projet présente une légère diminution des unités de logement par rapport au premier projet, ils estiment toutefois que le deuxième projet ne se rapprocherait pas non plus des 30 unités de logement par hectare brut que le ministre se serait empressé de défendre dans son avis du 21 octobre 2011 afin de sauvegarder le caractère rural du site. Ainsi, dans son avis du 31 juillet 2009, le ministre aurait enjoint au promoteur de « revoir la densité du projet nettement à la baisse » Ils font encore valoir que la réduction de 96 unités de logement à 75 unités ne pourrait pas non plus être qualifiée de réduction signifiante. Ainsi, il y aurait eu un changement radical d'attitude par le ministre entre son avis du 21 octobre 2011 et sa décision d'approbation du 28 mars 2012 dans laquelle il n’invoquerait plus la densité inappropriée du projet.

Les demandeurs estiment encore que si le plan directeur sectoriel n'aurait pas encore de valeur légale, il confirmerait toutefois que dans les communes à caractère rural, il ne conviendrait pas de dépasser des densités correspondant à 30 unités de logement par hectare brut, afin de préserver les structures rurales de ces communes. Or, l'article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, exigerait clairement le respect des structures rurales et une densification permettant d'améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités. Ils estiment encore que dans le cadre du contrôle des motifs se trouvant à la base d'un acte administratif - et plus particulièrement de l'appréciation d'une densification respectueuse d'un milieu rural - il serait tout à fait possible de tenir compte des explications et réflexions d'un document tel que l'avant-

projet du plan directeur sectoriel « logement ». Une pareille appréciation aurait d'ailleurs été faite par les juridictions administratives à plusieurs reprises.

Enfin, ils font valoir en se référant à diverses photographies versées à l’appui de leur recours que la rue « ….. » présenterait un caractère typiquement rural. Les autorités étatiques se seraient données clairement comme objectif de préserver ces structures rurales et de favoriser, en contrepartie, le développement urbain et périurbain. Ceci aurait été confirmé par l'attitude du ministre dans le cadre du premier projet. Ce ne serait pas en diminuant la densité de 96 à 75 unités de logement par hectare brut que le caractère rural serait préservé. Selon les consorts ….., aussi bien le premier que le deuxième projet constitueraient un projet qui se prêterait à un milieu urbain, mais non pas à un milieu rural. Ils estiment que le changement radical d'attitude du ministre entre le premier et le deuxième projet, sans même attendre l'issue de l'affaire contentieuse pendante devant la juridiction administrative, aurait été étonnant.

Les parties défenderesses et tierce intéressée répondent en premier lieu que l’avant projet de plan directeur sectoriel, auquel les demandeurs se seraient référés, ne serait qu’un document préparatoire dépourvu de toute force obligatoire et ne comportant même pas encore l'ébauche des futures dispositions réglementaires, de sorte qu’il ne pourrait pas être invoqué pour apprécier la légalité des décisions déférées. Elles font ensuite valoir en substance que le PAG de la commune de ….. actuellement en vigueur ne prévoirait pas de limitation quant à la densité de logements pour la zone litigieuse, de sorte que les demandeurs seraient mal venus d'alléguer une densité prétendument trop élevée du projet dès lors qu'aucune limitation légale ni réglementaire ne pourrait être opposée aux autorités communales ou au ministre. De plus, la densité accrue du deuxième projet résulterait du fait objectif que vu que les gabarits existants sont à conserver, tout changement de destination des constructions litigieuses, à savoir, la transition d'une utilisation agricole vers une utilisation d'habitation entraînerait forcément une densification des logements par hectare brut. La société ….. ajoute encore que le choix du ministre aurait reposé sur des considérations d'opportunité politique qui échapperaient en tant que telles au contrôle du Tribunal.

En matière d’urbanisme, une commune bénéficie d’un droit d’appréciation très étendu en vertu du principe de l’autonomie communale inscrit à l’article 107 de la Constitution. Il n’en va pas de même du ministre, qui doit se limiter en tant qu’autorité de tutelle à veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général, étant donné que la tutelle n’autorise pas l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celle des agents du service. Ainsi, le ministre est tenu, en sa qualité d’autorité de tutelle, de vérifier le respect des procédures légales par les autorités soumises à son contrôle.

Dans le même contexte, il convient encore de préciser que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité.

Ainsi, les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement ou projettent d’adopter des plans d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.

En l’espèce, les demandeurs estiment en substance que les autorités communales et ministérielle auraient commis une erreur manifeste d’appréciation, au regard des dispositions du plan directeur sectoriel, en autorisant la réalisation d’un projet de construction d’une densité de 75 unités de logement par hectare brut dans le centre de la localité de ….. à caractère essentiellement rural.

A ce titre il échet en premier lieu de constater qu’il ressort en effet des photographies de la rue « ….. » à ….., versées en cause par les demandeurs et non contestées par les parties défenderesses et tierce intéressée, ainsi que de la partie graphique du PAG, que la comme de ….. et plus particulièrement la rue « ….. » présente un caractère exclusivement rural, abritant essentiellement d’anciennes fermes et des maisons d’habitation, accolées les unes aux autres. Par ailleurs, il y a lieu de constater que dans son avis initial du 21 octobre 2011, le ministre avait lui-même, sous le point c.1, retenu que le projet comportait une « densification dépassant encore largement les seuils prévus par le projet de plans sectoriels « logement » préconisant pour le centre de …..

des densités ne dépassant pas les 30 logements/[hectare] ».

Toutefois, force est au tribunal de constater que les dispositions du plan directeur sectoriel invoquées en cause par les demandeurs sont dépourvues de toute valeur légale et que ledit plan directeur sectoriel est toujours au stade d’avant-projet. Par ailleurs, les demandeurs n’ont invoqué aucune disposition du plan d’aménagement général de la commune de ….., qui imposerait des valeurs maximales en ce qui concerne la densité à respecter et qui aurait été violée. Il s’ensuit que les demandeurs ne peuvent pas reprocher aux autorités communales et ministérielles d’avoir violé en l’espèce une disposition légale en approuvant le PAP. Enfin, dans le même contexte, le tribunal est encore amené à constater que les demandeurs estiment essentiellement que les constructions projetées autorisées à travers le PAP, ne s’intégreraient pas dans la localité de ….. dont le caractère rural ne serait plus préservé. Ils insistent partant sur l’aspect de la commune et plus particulièrement de la rue « ….. », qui serait défiguré par le PAP. Pourtant, le tribunal vient de retenir que le gabarit de la construction envisagée était inférieur, voire quasiment identique à celui de la construction existante, qui, selon les demandeurs contribue à l’aspect rural de la commune, de sorte qu’il ne saurait être retenu que la nouvelle construction ne s’intègre pas dans le milieu rural. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué, le recours est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais ;

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 30 septembre 2013 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 septembre 2013 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 30838
Date de la décision : 30/09/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-09-30;30838 ?

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