Tribunal administratif Numéro 33324 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 septembre 2013 Audience publique du 18 septembre 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 33324 du rôle et déposée le 9 septembre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Côte d’Ivoire) et être de nationalité ivoirienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 20 août 2013 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 septembre 2013 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH déposé au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 septembre 2013.
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En date du 23 août 2004, Monsieur … introduisit ensemble avec sa concubine et leurs deux enfants mineurs une demande de protection internationale auprès des autorités luxembourgeoises.
Par jugement du tribunal correctionnel de et à Luxembourg du 5 août 2005 (n°2564/2005), non frappé d’appel, Monsieur… fut condamné pour des infractions aux dispositions de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie à une peine d’emprisonnement de 30 mois ainsi qu’à une amende de 1.000.- euros.
En date du 11 janvier 2005, la concubine du demandeur et ses enfants furent transférés vers les Pays-Bas au motif qu’elle avait introduit une demande d’asile aux Pays-Bas avant de venir au Luxembourg. Du fait de la condamnation du demandeur à une peine d’emprisonnement, il ne fut pas possible de le transférer dans les délais vers les Pays-Bas.
Le 12 février 2006, Monsieur… retira sa demande de protection internationale par le biais d’un courrier adressé au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, à l’époque en charge du dossier, tout en demandant à être expulsé vers les Pays-Bas afin de pouvoir y rejoindre sa famille.
Par arrêté du 29 mars 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur….
Le 4 avril 2006, Monsieur… se vit accorder une libération anticipée à la condition notamment de disposer de papiers d’identité et/ou de séjour valables.
Par courrier du 25 avril 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’adressa à l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire à Bruxelles afin que Monsieur… se voie délivrer un titre d’identité ou un laissez-passer permettant son rapatriement vers la Côte d’Ivoire.
Par courrier du 12 juin 2006, l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire à Bruxelles informa le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration qu’elle ne serait en mesure de certifier l’identité ivoirienne de Monsieur… que si ce dernier pouvait fournir la preuve de cette identité moyennant la transmission d’un certain nombre de documents ou après l’avoir entendu dans les locaux de l’ambassade.
A la fin de sa peine d’emprisonnement, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration décida par arrêté du 13 juin 2007 de placer Monsieur… au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision, placement qui fut prorogé à deux reprises en date des 13 juillet et 13 août 2007.
Par courrier du 27 juin 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’adressa au Consulat général honoraire de la République de Guinée au Luxembourg afin qu’il soit procédé à une vérification de la véritable nationalité de Monsieur… alors que ce dernier, après avoir tout d’abord déclaré être de nationalité ivoirienne, a affirmé lors d’une audition par le Service de Police Judiciaire luxembourgeois être de nationalité guinéenne.
Par courrier du 8 juillet 2007, le consul général honoraire de Guinée informa le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration qu’il avait rendu visite à Monsieur… au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et que ce dernier avait déclaré ne plus être de nationalité guinéenne.
Après avoir été remis en liberté, Monsieur… fut transféré à plusieurs reprises entre 2008 et 2013 des Pays-Bas et de la Belgique vers le Luxembourg sur base des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, ci-après désigné par « le règlement de Dublin II ».
Le dernier transfert de Monsieur… vers le Luxembourg fut opéré depuis les Pays-Bas le 25 avril 2013.
Après que le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », entretemps en charge du dossier, eut été informé le 22 avril 2013 par les autorités hollandaises que le transfert du demandeur vers le Luxembourg allait avoir lieu le 25 avril 2013, il prit en date du 23 avril 2013 une décision de retour et d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans à l’égard de Monsieur…, et ce en considération de ses antécédents judiciaires et en retenant que l’intéressé n’est pas en possession d’un passeport en cours de validité, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail et que par conséquent il existe un risque de fuite dans son chef.
Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le 25 avril 2013, le ministre ordonna le placement de Monsieur… en rétention au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté. Cet arrêté est basé sur les considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 23 avril 2013, lui notifiée le même jour ;
Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 29 mars 2006 lui notifié le 3 avril 2006 ;
Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par un jugement du tribunal administratif du 22 mai 2013, n° 32475 du rôle, le recours contentieux introduit contre la décision de placement en rétention du 25 avril 2013 fut déclaré non justifié.
Par arrêté du 21 mai 2013, notifié à l’intéressé le 24 mai 2013, le ministre prorogea une première fois pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement précitée du 25 avril 2013.
Le recours contentieux introduit à l’encontre de cette décision de prorogation fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 21 juin 2013, n° 32875 du rôle.
Par arrêté du 17 juin 2013, notifié à l’intéressé le 24 juin 2013, le ministre prorogea une deuxième fois pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement précitée du 23 avril 2013.
Par arrêté du 18 juillet 2013, notifié à l’intéressé le 24 juillet 2013, le ministre prorogea une troisième fois pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement initiale précitée du 23 avril 2013.
Le recours contentieux introduit à l’encontre de cette décision de prorogation fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 14 août 2013, n° 33185 du rôle.
Finalement, par arrêté du 20 août 2013, notifié à Monsieur… le 23 août 2013, le ministre prorogea une quatrième fois pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement initiale sur base des considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 23 avril, 21 mai, 17 juin et 18 juillet 2013, notifiés en dates des 25 avril, 24 mai et 24 juin et 24 juillet 2013, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 23 avril 2013 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant que les recherches sur l’identité de l’intéressé de la part des autorités ivoiriennes n’ont pas encore abouti ;
Considérant que malgré les efforts employés, des retards ont été subis pour obtenir des documents nécessaires auprès des autorités ivoiriennes ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement (…) ».
Par requête déposée le 9 septembre 2013 au greffe du tribunal administratif et inscrite sous le numéro 33324 du rôle, Monsieur… a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de prorogation précitée du 20 août 2013 Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, seul un recours en réformation a pu être introduit en l’espèce, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche tout d’abord aux autorités compétentes que « l’exigence de la condition de la nécessité afin que la rétention administrative soit prorogée ne ressort pas de la décision litigieuse (…) ». Il estime encore que la décision ministérielle litigieuse serait en tout état de cause disproportionnée dans ses effets et qu’elle se trouverait objectivement en dehors des objectifs fixés par le pouvoir législatif, de sorte à devoir être sanctionnée pour violation de la loi, respectivement pour excès de pouvoir.
Il fait ensuite plaider que le principe de proportionnalité entre le but légitimement poursuivi par le ministre et les moyens utilisés pour atteindre ce même but aurait été violé étant donné qu’en l’espèce la durée de la rétention administrative serait allongée, alors même qu’il n’existerait aucune perspective de refoulement du demandeur à destination de son pays d’origine, de sorte que sa rétention serait à qualifier d’arbitraire.
Le demandeur estime encore qu’au vu des circonstances particulières du cas d’espèce, et plus particulièrement du fait que par le passé les nombreuses mesures de rétention dont il aurait fait l’objet seraient restées infructueuses, il serait peu probable qu’il puisse être effectivement être éloigné vers son pays d’origine.
Finalement, le demandeur reproche encore au ministre de ne pas avoir accompli les diligences suffisantes afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur sollicite encore l’annulation de l’arrêté ministériel sous analyse au motif que ce dernier ne motiverait pas le recours à une quatrième prorogation de la mesure de rétention initiale, tout en rappelant que la liberté de l’individu serait un principe constitutionnel fondamental édicté par l’article 12 de la Constitution et l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. Il estime en effet que compte tenu du fait que le demandeur aurait disparu pendant plusieurs années et au vu des démarches entretemps entreprises par l’Etat luxembourgeois ainsi que de l’avancée de ces démarches auprès de l’ambassade ivoirienne, il serait nécessaire de garantir que l’éloignement du demandeur puisse être mené à bien.
La partie étatique est par ailleurs d’avis qu’au vu des progrès réalisés avec les autorités ivoiriennes, la décision de placement ne serait pas disproportionnée. Ce serait d’ailleurs justement pour ce cas de figure, à savoir lorsque malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, que la loi permettrait la prolongation de la mesure de placement pour un maximum de deux mois.
Le délégué du gouvernement conteste encore qu’il n’y ait pas de perspective raisonnable d’éloigner le demandeur du territoire luxembourgeois alors que les autorités ivoiriennes seraient toujours en train de vérifier l’identité du demandeur, opération qui demanderait un certain temps.
Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois. Cette mesure peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Elle peut encore être reconduite à deux reprises chaque fois pour un mois supplémentaire si l’organisation de l’éloignement dure plus longtemps en raison, soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.
Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise. Dans l’hypothèse, comme en l’espèce, d’une quatrième prorogation, il est en outre requis que le ministre soit confronté à un manque de coopération de l’étranger ou à des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.
Quant au premier moyen tiré d’un défaut d’indication des motifs de la « nécessité » de la mesure de prorogation, respectivement une insuffisance de motifs justifiant la nécessité de la mesure, il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérés doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base. Or, le cas d’espèce sous examen ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas d’application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de prorogation.
En outre, en ce qui concerne plus particulièrement la motivation du recours à une quatrième prorogation de la mesure de rétention initiale, force est de relever qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, une fois que la mesure de rétention initiale a été reconduite à trois reprises, le ministre peut prolonger la durée de la rétention encore une fois à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire, lorsque malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires. En l’espèce, la décision ministérielle de prorogation est motivée entre autres par la considération que « malgré les efforts employés, des retards ont été subis pour obtenir des documents nécessaires auprès des autorités ivoiriennes », de sorte qu’il convient d’admettre que l’arrêté de prorogation est motivé à suffisance par rapport au deuxième cas de figure prévu par l’article 120, paragraphe (3) in fine, de la loi du 29 août 2008, à savoir le retard dans l’obtention de documents de la part de pays tiers.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs, respectivement sur une insuffisance de motifs justifiant la prorogation de la mesure de placement, et plus particulièrement la prorogation telle que prévue par l’article 120, paragraphe (3) in fine, précité, doit être rejeté pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne ensuite l’existence de motifs se trouvant à la base de la décision sous examen, le ministre a justifié sa décision par la considération que, d’une part, les démarches en vue de l’éloignement de Monsieur… ont été engagées, mais qu’elles n’ont pas encore abouti et, d’autre part, que les recherches sur l’identité du demandeur de la part des autorités ivoiriennes n’auraient encore rien donné, tout en précisant, tel que relevé ci-avant, que malgré les efforts employés, des retards auraient été subis pour obtenir les documents nécessaires auprès des autorités ivoiriennes.
Par rapport aux motifs ainsi indiqués, le demandeur conteste en substance, tel que relevé ci-avant, que les démarches entreprises par le ministre en vue de son éloignement soient suffisantes. Il convient de rappeler que la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
A cet égard, force est au tribunal de constater qu’il se dégage des éléments du dossier que le demandeur ne dispose pas de documents d’identité et de voyage valables et que depuis qu’il est entré pour la première fois sur le territoire luxembourgeois il a donné des informations contradictoires quant à sa date de naissance, son identité et sa provenance géographique, rendant ainsi nécessaires des démarches afin que son éloignement puisse être organisé.
Par ailleurs, le tribunal rappelle que, tel que retenu dans ses jugements précédents des 22 mai 2013, 21 juin 2013 et 14 août 2013 précités, lesquels, outre de ne pas avoir été critiqués en appel par le demandeur, ont acquis autorité de chose jugée, qu’aux moments où il a successivement statué, des démarches suffisantes avaient été entreprises de la part des autorités ministérielles luxembourgeoises afin de pouvoir procéder à l’éloignement du demandeur du territoire.
En ce qui concerne toutefois plus particulièrement les démarches concrètement entreprises par les services du ministère postérieurement à la quatrième décision de prorogation, à savoir celle du 20 août 2013, notifiée le 23 août 2013, le tribunal relève qu’après avoir été présenté le 25 juin 2013 à l’ambassade de la Côte d’Ivoire à Bruxelles en vue d’une audition devant permettre l’identification de Monsieur…, l’ambassade a informé le 28 juin 2013 les autorités luxembourgeoises que les autorités ivoiriennes compétentes auraient été saisies pour vérifier les déclarations du demandeur. Depuis lors, seule une lettre de rappel a été adressée le 6 août 2013 par les autorités luxembourgeoises à l’ambassade ivoirienne afin de connaître l’état d’avancement du dossier. Malgré ce rappel, les autorités luxembourgeoises n’ont reçu jusqu’à ce jour aucune nouvelle quant au sort réservé à la demande d’identification de Monsieur….
Il ressort dès lors des pièces et éléments ainsi relevés par le tribunal, tels que versés au dossier administratif, que malgré les démarches effectuées par les autorités luxembourgeoises auprès des autorités ivoiriennes celles-ci n’ont, depuis le 25 avril 2013, ni identifié le demandeur ni surtout lui ont délivré les documents requis afin de permettre son rapatriement vers la Côte d’Ivoire. Si la nécessité d’accomplir des démarches supplémentaires en vue de vérifier l’identité de la personne concernée et d’obtenir un laissez-passer de la part des autorités étrangères compétentes entraîne nécessairement une extension du délai requis pour organiser la mesure d’éloignement et partant la durée admissible de la mesure de rétention, il n’en demeure pas moins que les autorités compétentes luxembourgeoises, qui sont certes tributaires à cet égard de la collaboration des autorités étrangères, doivent toutefois également de leur côté entreprendre toutes les diligences nécessaires afin d’écourter au maximum la privation de liberté de l’étranger placé en rétention. En effet, il y a lieu de rappeler que toute mesure de placement constitue une mesure privative de liberté et que le juge administratif est tenu de vérifier si les autorités administratives ont entrepris les démarches nécessaires et utiles pour assurer un éloignement de la personne placée dans les meilleurs délais.
Or, au vu des éléments en cause tels qu’ils se présentent à l’heure actuelle, tel n’est manifestement plus le cas en l’espèce. En effet, dans la mesure où le demandeur a été présenté à l’ambassade de la Côte d’Ivoire le 25 juin 2013 et que depuis lors, soit depuis presque trois mois, hormis une lettre de rappel adressée par les autorités luxembourgeoises à l’ambassade le 6 août 2013, aucune démarche concrète n’apparaît comme ayant été entreprise, surtout depuis la dernière prorogation, pour relancer les autorités ivoiriennes et tenter d’écourter au maximum la durée de la mesure de rétention du demandeur, il y a lieu de constater que le dispositif d’éloignement n’est actuellement plus exécuté avec toute la diligence requise.
Il s’ensuit que les conditions de la mesure de rétention administrative ne sont plus remplies au moment où le tribunal statue et qu’il y a lieu de réformer la décision critiquée du 20 août 2013 en ordonnant la libération immédiate du demandeur, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés en cause.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 20 août 2013, ordonne la libération immédiate de Monsieur … et renvoie le dossier pour exécution audit ministre ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 septembre 2013 par:
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19.9.2013 Le Greffier du Tribunal administratif 9