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13/09/2013 | LUXEMBOURG | N°33115

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 septembre 2013, 33115


Tribunal administratif N° 33115 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2013 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 13 septembre 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre trois décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33115 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2013 par Maît

re Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo...

Tribunal administratif N° 33115 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2013 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 13 septembre 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre trois décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33115 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2013 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosnienne, demeurant actuellement à L- …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 10 juillet 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 août 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katrin Djaber Hussein, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 septembre 2013.

En date du 17 mai 2013, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Monsieur … fut entendu en date du 20 juin 2013 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Lors de cet entretien, Monsieur … déclara en substance qu’il risquerait des peines d’emprisonnement du chef de vol et de possession d’armes dans son pays d’origine, qu’il aurait vendu de la drogue pour un groupe mafieux, de sorte à courir le risque de se faire tuer par ce groupe mafieux en cas de retour dans son pays d’origine. Par ailleurs, le groupe mafieux aurait déjà menacé de tuer sa sœur et sa mère. Il déclare encore vouloir s’adonner à une occupation normale.

Par une décision du 10 juillet 2013, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 15 juillet 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-

après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 notamment au motif que la Bosnie-Herzégovine serait à considérer comme un pays d’origine sûr et que sa demande avait été refusée comme non fondée dans la mesure où elle serait uniquement basée sur des motifs d’ordre privé ne répondant à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social. En effet, les menaces et agressions dont le demandeur a fait état constitueraient des délits de droit commun punissables selon la loi bosnienne. Enfin, le ministre retint que les faits avancés ne permettraient pas de conclure à l’existence d’un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et lui enjoignit de quitter le territoire luxembourgeois.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 10 juillet 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Quant aux faits, le demandeur relate craindre d’être arrêté par les autorités bosniennes et de devoir passer toute sa vie en prison. D’autre part, de mauvaises fréquentations l’auraient forcé à vendre de la drogue en le menaçant de tuer sa mère et sa sœur s’il refusait de s’exécuter. Il aurait par ailleurs accepté de s’adonner à cette occupation pour des raisons financières alors que ses parents seraient sans emploi. Les chefs du groupe ne seraient pas au courant de son départ pour le Luxembourg mais se seraient renseignés sur son lieu de séjour auprès de son frère. En 2011, ces mêmes personnes l’auraient frappé parce qu’il n’aurait pas respecté l’accord sur la répartition des bénéfices de la drogue. Il ne pourrait pas déclarer ces faits à la police dans la mesure où cette dernière serait corrompue et qu’elle serait également impliquée dans la vente de la drogue. Finalement, il aurait détourné 750 € au groupe, de sorte qu’en cas de retour dans son pays d’origine il risquerait d’être tué.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 10 juillet 2013 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision du ministre déférée. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.

A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance, le demandeur estime que les faits invoqués seraient pertinents dans la mesure où il aurait été dans l’obligation de quitter son pays d’origine en raison de craintes de persécution. En effet, il aurait été soumis à des pressions et menaces de la part d’un groupe de personnes qui l’auraient obligé de vendre de la drogue à défaut de quoi sa mère et sa sœur seraient tuées. Par voie de conséquence, il n’aurait pas eu d’autre choix que d’obtempérer et d’exécuter la demande de ce groupe. Cet ensemble de faits constituerait dès lors des éléments de persécution morale et psychologique et également physique à son encontre. Par rapport au motif qu’il proviendrait d’un pays d’origine sûr, le demandeur, sur base d’un rapport d’Amnesty International de 2013 concernant la situation générale en Bosnie-Herzégovine, fait valoir que l’intégrité de l’Etat bosnien serait de plus en plus contestée et que les institutions étatiques notamment judiciaires affaiblisseraient.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] » Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Plus particulièrement en ce qui concerne le point c) de l’article 20 (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivants : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant en cause que la Bosnie-Herzégovine figure sur la liste des pays sûrs établie par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité bosnienne et qu’il a habité la Bosnie-Herzégovine avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.

Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, en tout état de cause de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale du demandeur, a conclu qu'il provient d'un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Or, l'analyse de la situation personnelle décrite par le demandeur à l’appui de son recours ne permet pas d'en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle. En effet, par rapport aux faits dont il se prévaut, se pose plus particulièrement la question de savoir si sa situation est telle qu’il ne peut pas bénéficier d’une protection de la part des autorités de son pays d’origine. A cet égard, force est de prime abord au tribunal de constater que la peur d’être condamné pour une infraction commise dans son Etat d’origine ne saurait en soit être de nature à conclure que les autorités judiciaires bosniennes aient généralement un comportement contraire aux principes d’un Etat de droit ou encore contraire aux principes énoncés à l’article 21, paragraphe 4 précité de la loi du 5 mai 2006 précitée. Par ailleurs, au sujet des agressions que le demandeur craint de la part du groupe mafieux pour lequel il a vendu de la drogue, le tribunal est amené à conclure qu’il ne ressort d’aucun élément probant lui soumis que les autorités policières et judiciaires de son Etat d’origine seraient dans l’incapacité de lui conférer une protection adéquate contre ces agissements. En effet, si le demandeur a certes relaté qu’il craint de porter plainte auprès de la police des quartiers dans lesquels le groupe mafieux agit, au motif que les policiers seraient corrompus et se partageraient l’argent provenant des revenus de la vente de drogue avec les chefs du groupe mafieux, il n’en reste pas moins que cette problématique est limitée géographiquement et que le demandeur aurait pu et dû s’adresser à des policiers n’ayant pas de liens avec le groupe mafieux afin de leur demander une protection.

Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur n’invoque pas des faits démontrant que la Bosnie-Herzégovine ne serait pas à considérer comme un pays d’origine sûr dans son chef, de sorte que c’est à bon droit que le ministre, après analyse de sa situation concrète, a conclu qu’il est originaire d’un pays d’origine sûr, et qu’il a à bon droit pu statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20, paragraphe 1 a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 10 juillet 2013 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce volet de la requête, le demandeur estime que les faits invoqués devraient être qualifiés comme persécutions. En effet, les persécutions subies ne seraient pas seulement d’ordre mental et psychologique, mais également physique, de sorte que sa demande de protection internationale devrait être déclarée fondée.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Force est de prime abord au tribunal de constater qu’il ne ressort d’aucun élément lui soumis pour appréciation que les peines que le demandeur risque pour avoir commis les infractions de vol et de possession illégale d’armes sont motivées par un critère de fond de la Convention de Genève et l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, de sorte à ne pas tomber dans le champ d’application desdites dispositions légales.

En ce qui concerne les actes d’agressions que le demandeur craint être victime en cas de retour dans son pays d’origine de la part du groupe mafieux précité, force est au tribunal de constater que les éléments invoqués par le demandeur au cours de la procédure administrative ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, sont insuffisants pour conclure que ces personnes privées sont à qualifier d’acteurs de persécution au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, dans la mesure où il ne ressort pas des éléments du dossier que les entités définies à l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 ne voudraient pas ou ne pourraient pas lui accorder une protection adéquate. En effet, il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal administratif que les autorités de la Bosnie-Herzégovine seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas intervenir afin de protéger le demandeur contre les actes décrits par lui. A cet égard, le tribunal est encore amené à relever que la corruption de policiers appartenant à une station de police locale dans un quartier déterminé ne constitue pas une raison suffisante pour conclure que les autorités policières et judiciaires ne voudraient pas lui accorder une protection adéquate, dans la mesure où le demandeur aurait dû chercher une protection auprès d’autorités situées au-delà de la zone géographique ainsi définie sinon s’adresser aux supérieurs hiérarchiques des policiers concernés.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, tel que développé ci-avant dans le cadre de l’analyse de la demande en obtention du statut de réfugié, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le demandeur ne saurait se prévaloir de la protection des autorités de son pays d’origine, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de lui accorder la protection subsidiaire au sens de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation la décision du ministre du 10 juillet 2013 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

A cet égard, le demandeur se limite à faire valoir que dans la mesure où il aurait fait état d’une crainte justifiée de persécution sinon d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006, l’ordre de quitter le territoire serait à annuler.

Or, le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse, de sorte qu’il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire conformément à l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 10 juillet 2013 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 10 juillet 2013 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 10 juillet 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 13 septembre 2013 par le vice-président Claude Fellens, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Claude Fellens 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 33115
Date de la décision : 13/09/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-09-13;33115 ?

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