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05/09/2013 | LUXEMBOURG | N°33278

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 septembre 2013, 33278


Tribunal administratif Numéro 33278 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 août 2013 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 5 septembre 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10, L.05.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33278 du rôle et déposée le 28 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maî

tre Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lu...

Tribunal administratif Numéro 33278 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 août 2013 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 5 septembre 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10, L.05.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33278 du rôle et déposée le 28 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation, d’une décision du 5 août 2013 du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2013 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2013 par Maître Ardavan Fatholahzadeh au nom et pour compte de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 septembre 2013.

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Par une décision du 5 août 2013, notifiée à l’intéressé en mains propres le 16 août 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … de ce que le Grand-Duché de Luxembourg est incompétent pour traiter de sa demande de protection internationale déposée le 10 juillet 2013 et que le Royaume de Suède en est responsable en vertu des dispositions de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », et des dispositions de l’article 16 1. c) du règlement (CE) n° … du Conseil du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, ci-après désigné par le « règlement n° … ».

En date du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification, ledit arrêté, qui fut notifié à l’intéressé en mains propres le 16 août 2013, est basé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 10 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N° SPJ/15/2013/30142.1/HA du 10 juillet 2013 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un document de voyage valable ;

- qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l'intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 10 juillet 2013 ;

- qu'une demande de reprise en charge en vertu de l'article 16§1c du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été adressée aux autorités suédoise en date du 1er août 2013 ;

- que les autorités suédoises ont marqué leur accord de reprise en charge en date du 2 août 2013 ;

Considérant qu'un éloignement immédiat n'est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ;

- que la mesure de placement est nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert de l'intéressé vers la Suède ; […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 août 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la prédite décision ministérielle de placement en rétention du 5 août 2013.

Etant donné que l’article 10 (4) de la loi du 5 mai 2006, tel que modifié par l’article 155-

2° de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désigné par la « loi du 29 août 2008 », institue, par renvoi à l’article 123 (1) de la loi du 29 août 2008, un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative prise sur le fondement de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir en premier lieu que les autorités compétentes devraient faire tous les efforts et toutes les démarches nécessaires afin d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard, dans les délais les plus brefs. Or, en l’espèce, il résulterait du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises auraient contacté les autorités suédoises en vue de sa reprise en charge sur base des dispositions du règlement n° … en date du 1er août 2013, lesquelles auraient accepté cette reprise en charge depuis le 2 août 2013, de sorte qu’il n’existerait aucun empêchement légal quant à son renvoi en Suède. Ainsi, la condition essentielle pour que son placement en rétention soit valable, à savoir l’impossibilité de son refoulement, ferait actuellement défaut, en raison de l’existence d’une possibilité effective de son refoulement depuis l’acceptation de sa reprise en charge des autorités suédoises.

Le demandeur critique encore que les autorités ministérielles n’auraient pas entrepris toutes les diligences nécessaires afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Conformément aux dispositions de l’article 10 (1) d) de la loi du 5 mai 2006 précitée, un demandeur de protection internationale peut, sur décision du ministre, être placé dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois lorsque « le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande. » Force est de prime abord au tribunal de constater qu’étant donné que les autorités suédoises, en tant que pays responsable de l’examen de la demande de protection internationale, ont, à la suite d’une demande afférente des autorités luxembourgeoises, marqué leur accord pour reprendre en charge le demandeur sur base du règlement n° …, le demandeur rentre dans les prévisions de la disposition précitée, étant entendu par ailleurs que la concrétisation d’un transfert nécessite un minimum d’organisation, dont notamment des démarches de concertation entre les autorités compétentes des deux pays concernés.

Quant aux développements du demandeur consistant à soutenir que le ministre n’aurait pas fait état d’une impossibilité matérielle de procéder à l’exécution immédiate de son éloignement, ce moyen est à rejeter pour défaut de pertinence, étant donné qu’aucune condition de ce type n’est inscrite à l’article 10 précité de la loi du 5 mai 2006.

Quant aux diligences concrètement entreprises par les autorités luxembourgeoises afin d’organiser l’éloignement du demandeur vers la Suède, il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause qu’au jour même où la décision actuellement déférée au tribunal, à savoir le 5 août 2013, a été prise, les services du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, ont contacté la police judiciaire, section Police des étrangers et des jeux, afin que celle-ci organise le transfert du demandeur vers la Suède. Il ressort encore d’une note manuscrite du 4 septembre 2013, apposée sur la demande précitée du 5 août 2013, que le transfert du demandeur est prévu pour le 23 septembre 2013.

S’il est certes exact qu’aucune pièce du dossier ne documente les démarches concrètement entreprises par les autorités luxembourgeoises pour aboutir au résultat précité, et si le tribunal admet qu’un délai de presque 2 mois n’est pas particulièrement court pour organiser un vol entre deux Etat européens, il n’en demeure pas moins, tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, que l’organisation d’un transfert d’un demandeur de protection internationale nécessite non seulement la réservation de billets d’avion, mais, en outre, l’organisation par les autorités d’une escorte, tel qu’il est le cas en l’espèce, et de se coordonner avec les autorités étrangères afin que le transfert d’un demandeur de protection internationale puisse avoir concrètement lieu et qu’il puisse être accueilli dans l’Etat requis.

S’il avait été souhaitable que la partie étatique documente d’avantage les démarches entreprises par ses services afin de démontrer d’éventuelles difficultés rencontrées lors de l’organisation du transfert du demandeur, le tribunal est amené à conclure qu’en l’espèce les diligences entreprises, compte tenu du résultat, sont à qualifier de suffisantes afin d’écourter au maximum la privation de liberté du demandeur.

Il ne faut en effet pas perdre de vue à cet égard que le législateur a, en la présente matière, prévu un délai de validité d’une première mesure de placement en rétention de trois mois qui est singulièrement plus long que celui prévu pour les mesures prises sur base de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, limitées à un mois. Enfin, l’instruction du dossier au niveau administratif a encore été rendu plus difficile par le souhait du demandeur d’opter pour un retour volontaire dans son pays d’origine, demande qui a connu une réponse négative de la part du ministre en date du 3 septembre 2013.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens invoqués dans la requête introductive d’instance, que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Claude Fellens, vice-président, Françoise Eberhard, vice-président, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire du 5 septembre 2013, à 15.00 heures par le vice-

président Claude Fellens, en présence du greffier assumé Claudine Meili.

Claudine Meili Claude Fellens 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 33278
Date de la décision : 05/09/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-09-05;33278 ?

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