Tribunal administratif Numéro 33254 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2013 Audience publique de vacation du 28 août 2013 Recours formé par …, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 33254 du rôle et déposée le 23 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 12 août 2013 ayant ordonné son placement au Centre rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 août 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katrin DJABER HUSSEIN, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 août 2013.
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Le 30 avril 2010, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-
après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
Par décision du 23 janvier 2013, notifiée à l’intéressé en mains propres en date du 5 mars 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20, paragraphe (1), point j) de la loi du 5 mai 2006, et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de cette décision ministérielle fut déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 13 mai 2013 (n° … du rôle).
En date du 12 août 2013, le ministre prit un arrêté portant interdiction du territoire pour une durée de cinq ans à l’encontre de Monsieur ….
Le même jour, le ministre ordonna également le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté est basé sur les considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 23 janvier 2013 ;
Vu la décision d’interdiction du territoire du 12 août 2013 ;
Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ».
Par requête déposée le 23 août 2013 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la prédite décision de rétention du 12 août 2013.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.
Un recours au fond étant prévu en la matière, il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Monsieur … fait en premier lieu état à l’appui de son recours d’un défaut de motivation de l’arrêté ministériel déféré. Il soutient à cet égard, d’une part, que ledit arrêté n’indiquerait pas en quoi il serait nécessaire de le placer en rétention et que la seule référence à la loi applicable ne serait pas suffisante, tout en soulignant qu’en vertu de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, le placement en rétention serait une faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique et que dans la mesure où une telle mesure impliquerait une atteinte à la liberté de mouvement de l’intéressé, la faculté ainsi accordée au ministre ne pourrait constituer une faculté discrétionnaire et devrait être motivée à suffisance. Il en conclut que son placement en rétention serait inadapté et disproportionné par rapport à sa situation actuelle.
A titre subsidiaire, le demandeur conteste la motivation avancée par le ministre pour y procéder, alors que celle-ci ne correspondrait pas à la réalité et serait dès lors infondée.
D’autre part, le demandeur soutient que si l’arrêté ministériel énoncerait que des démarches nécessaires en vue de son éloignement seraient engagées, ledit arrêté ne ferait pas état et ne documenterait pas les démarches que le ministre estimerait requises et qu’il est en train d’exécuter afin d’écourter au maximum sa privation de liberté. La seule indication que des démarches sont engagées serait insuffisante pour justifier la décision de placement. Dans ce même contexte, le demandeur soutient encore que la nécessité requise pour ordonner le placement ferait défaut puisqu’aucune démarche n’aurait été entreprise par les autorités pour permettre son éloignement rapide.
Le délégué du gouvernement estime pour sa part que la décision de rétention serait justifiée en fait et en droit, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours.
Quant au premier moyen tiré d’une absence de motivation de la décision déférée, le tribunal est amené à constater qu’en l’espèce, et contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, le ministre ne s’est pas limité à se référer à la loi applicable, en indiquant expressément s’être basé sur les articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008, mais il a encore indiqué l’existence de l’ordre de quitter le territoire contenu dans sa décision du 23 janvier 2013 ; il a énoncé explicitement que le demandeur est démuni de tout document d’identité et de voyage valable et qu’il existe un risque de fuite dans son chef et que les démarches en vue de l’éloignement du demandeur seront engagées dans les plus brefs délais.
Qui plus est, cette motivation a été complétée par les explications du délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse, de sorte que ce premier moyen est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne les contestations soulevées quant au bien-fondé de la décision déférée, celles-ci se limitent à la remise en cause générale, sans aucune précision, de l’exercice par le ministre des démarches suffisantes pour procéder à son éloignement rapide, le demandeur se bornant à affirmer qu’aucune démarche n’aurait été entreprise, respectivement à contester que les démarches indiquées par le ministre en tant que motivation de la décision déférée correspondraient à la réalité.
A cet égard, l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 dispose que :
« Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée […]. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ». En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « […] La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. […] ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
A cet égard, force est au tribunal de constater, d’une part, qu’il ressort des éléments lui soumis que le demandeur ne dispose d’aucun document d’identité et de voyage valable, rendant ainsi nécessaire des démarches de la part des autorités luxembourgeoises en vue de son identification et de l’organisation de son éloignement et, d’autre part, que l’arrêté de rétention actuellement sous examen est fondé sur le constat que les démarches afférentes seront entreprises de manière imminente.
En l’espèce, en ce qui concerne les démarches concrètement entreprises par le ministre à ce jour pour organiser l’éloignement du demandeur, démarches critiquées par ce dernier, il se dégage des éléments du dossier et des explications fournies par la partie étatique que dès le 12 août 2013 le ministre a saisi le Consulat de la République d’Algérie en vue de l’identification du demandeur, celui-ci s’étant en effet fait connaître, outre sous le nom de …, né le … à …, encore sous celui de …, né le … Aussi, au vu des démarches concrètement entreprises par le ministre, retracées ci-
avant, force est de constater que les reproches d’ordre général afférents formulés par le demandeur, non autrement circonstanciés, ne sont pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse pour ne pas être vérifiés en fait.
Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;
déclare le recours principal en réformation recevable ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 28 août 2013 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Annick Braun, premier juge, Olivier Poos, attaché de justice, en présence du greffier Claudine Meili s. Meili s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28/8/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 5