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21/08/2013 | LUXEMBOURG | N°33005

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 août 2013, 33005


Tribunal administratif N° 33005 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juillet 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 Recours formé par Monsieur … … et consort, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33005 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2013 par Maîtr

e Lionel GUETH-WOLF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif N° 33005 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juillet 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 Recours formé par Monsieur … … et consort, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33005 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2013 par Maître Lionel GUETH-WOLF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à … (Bosnie-Herzégovine) et de son épouse, Madame … …, née le … à … (Bosnie-

Herzégovine), tous deux de nationalité bosnienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du même ministre du 17 juin 2013 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 août 2013.

Le 10 mai 2013, Monsieur … … et son épouse, Madame … …, ci-après « les époux … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection internationale, ci-

après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, les époux … furent entendus par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 11 juin 2013, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que son épouse fut entendue pour les mêmes motifs en date du 12 juin 2013.

Par décision du 17 juin 2013, leur envoyée par lettre recommandée en date du 20 juin 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa les époux … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2013, les époux … ont fait introduire, un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale des époux … dans le cadre d’une procédure accélérée.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les époux … reprochent au ministre d’avoir retenu à tort que leurs déclarations ne soulèveraient que des faits sans pertinence et qu’ils ne rempliraient clairement pas les conditions pour prétendre au statut de réfugié alors qu’il ressortirait de leurs récits qu’ils auraient été persécutés en raison de leur mariage et ce du fait que les parents du demandeur n’auraient pas accepté qu’il épouse la demanderesse. Comme il ne pourrait pas être exclu que les propos injurieux tenus par les parents du demandeur à l’égard de la demanderesse l’auraient été en raison de l’appartenance de cette dernière à un certain groupe social différent de celui de ses beaux-parents, il ne pourrait pas non plus être exclu que la demanderesse fasse l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève et que par ricochet le demandeur puisse également faire l’objet de persécutions.

Les demandeurs estiment qu’en tout état de cause ils auraient dû bénéficier d’une procédure « classique » d’examen de leurs demandes en obtention du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire et ce alors que les conditions d’une procédure accélérée ne seraient pas remplies.

Les demandeurs considèrent encore que ce serait à tort que la Bosnie-Herzégovine serait considérée comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans leur chef et ce eu égard à leur situation personnelle.

Les demandeurs sollicitent en tout état de cause l’annulation de la décision litigieuse pour défaut de motivation, excès de pouvoir ou irrégularité formelle.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.

Il y a lieu de rappeler que le tribunal saisi d’un recours en annulation vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés et dans ce cadre, il lui appartient d’abord de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision déférée et plus particulièrement le prétendu défaut de motivation de ladite décision, force est de prime abord de relever que les demandeurs se contentent de faire état d’un défaut de motivation, sans autrement expliquer leur moyen.

L’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006 requiert que le ministre doit statuer par une décision motivée (« […] le ministre statue par une décision motivée qui est communiquée par écrit aux demandeurs. […] »).

En l’espèce, au vu de la motivation contenue dans la décision elle-même, complétée encore par les explications apportées par la partie étatique au cours de la procédure contentieuse, et à défaut par les demandeurs de fournir la moindre indication en quoi la décision déférée pècherait par un défaut de motivation, le tribunal est amené à retenir que la motivation à la base de la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée fournie en l’espèce est conforme aux exigences de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne le moyen tiré d’une prétendue irrégularité formelle de la décision déférée, le tribunal est amené à constater que les demandeurs se limitent à invoquer une irrégularité formelle, sans étayer leur moyen ni en fait ni en droit. Dès lors, il convient de retenir qu’un tel moyen, à défaut de toute précision, n’est pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse, des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, n’étant en effet pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties demanderesses et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen.

En ce qui concerne la légalité intrinsèque de la décision entreprise et plus particulièrement les moyens d’annulation fondés sur un excès ou détournement de pouvoir commis par le ministre ou encore, tel que repris dans le dispositif, sur une erreur manifeste d’appréciation, le tribunal est là encore amené à relever que les demandeurs se contentent d’invoquer ces moyens sans pour autant les développer. Or, tel que relevé ci-avant, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement.

Il s’ensuit que ces moyens d’annulation doivent également être écartés pour ne pas être fondés.

Force est ensuite de relever qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement les points a) et b) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et qu’en vertu du point c) du même article, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, la notion de « réfugié » est définie comme tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les époux … à l’appui de leurs demandes en obtention du statut de réfugié dans le cadre de leur audition, amène le tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation - appelé dès lors à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise - à conclure que les éléments soumis au ministre sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer si les demandeurs remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, respectivement que ces éléments permettent de conclure à ce que les demandeurs ne remplissent manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le ministre a valablement pu retenir que les demandeurs n’invoqueraient à l’appui de leurs demandes de protection internationale que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante, respectivement qu’il apparaît clairement qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, force est de constater que lors de leurs auditions par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères, les demandeurs ont déclaré avoir quitté la Bosnie-

Herzégovine essentiellement à cause des problèmes de santé rencontrés par la demanderesse et de l’impossibilité pour cette dernière de se faire soigner correctement dans son pays d’origine alors que la maladie de Crohn dont elle souffrirait y serait considérée comme incurable. La demanderesse a en effet expliqué lors de son entretien avec l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères qu’elle serait « venue ici à cause des meilleurs conditions médicales, mais pas pour obtenir des papiers ». Elle a encore expliqué qu’en raison de sa maladie, sa belle-famille et les gens du village auraient évité les demandeurs car ils auraient pensé que sa maladie était contagieuse. Le demandeur a également confirmé que leurs parents, et surtout les siens, auraient été contre son mariage et ce en raison de la maladie de la demanderesse et que ses parents auraient insulté son épouse. Comme la maladie de la demanderesse s’aggraverait en situation de stress et que les demandeurs n’auraient reçu aucun soutien de la part des parents du demandeur, ils auraient décidé de quitter leur village. Le demandeur a également expliqué qu’ils auraient eu à faire face à beaucoup de dépenses en raison de la maladie de la demanderesse puisque la Caisse de maladie n’aurait pris en charge qu’une partie des frais du fait que la demanderesse aurait été soignée dans une clinique privée où les médecins seraient plus compétents que dans les cliniques étatiques.

Il s’ensuit que l’unique raison ayant amené les demandeurs à quitter leur pays d’origine pour se rendre au Luxembourg était essentiellement d’ordre médical, sinon accessoirement d’ordre économique tiré de leurs difficultés à pouvoir financer les traitements médicaux nécessaires. Or, les problèmes médicaux et économiques mis en avant par les demandeurs ne sauraient être qualifiés de persécutions au sens de la Convention de Genève, alors que les demandeurs n’ont fait état d’aucune discrimination basée sur leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques ou leur appartenance à un certain groupe social dont ils auraient été victime en Bosnie-Herzégovine en termes d’accès aux soins. Au contraire, il ressort de leurs récits que la demanderesse a régulièrement consulté des médecins et qu’elle a suivi des traitements. Si les demandeurs ont certes fait état de problèmes rencontrés avec leur voisinage et surtout avec les parents du demandeur, ces problèmes s’analysent toutefois davantage en des problèmes d’ordre privé et familial, les demandeurs ayant eux-mêmes expliqué que leurs parents n’auraient pas accepté leur mariage en raison de la maladie de la demanderesse. La simple affirmation du litismandataire des demandeurs suivant laquelle il « n’est pas possible d’exclure que » les propos injurieux tenus par les parents du demandeur à l’égard de la demanderesse l’auraient été « en raison de l’appartenance de Madame … à un certain groupe social différent de celui de ses beaux-

parents », sans expliquer à quel groupe social distinct de celui de son époux et de ses beaux-

parents la demanderesse est censée appartenir, n’est en tout état de cause pas de nature à ébranler ce constat, alors qu’il s’agit, de l’aveu même du litismandataire des demandeurs, d’une simple supposition non autrement corroborée.

Il s’ensuit qu’à défaut de motifs fondés sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, les faits invoqués par les demandeurs sont à considérer comme dénués de pertinence dans le cadre de leurs demandes en reconnaissance du statut de réfugié.

En ce qui concerne l’analyse du ministre selon laquelle les demandeurs n’auraient présenté que des faits sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante dans le cadre de leurs demandes de protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Or, il y a lieu de constater que le ministre ne s’est pas vu soumettre de la part des demandeurs des éléments susceptibles d’établir, sur base des mêmes évènements ou arguments que ceux analysés dans le cadre des demandes tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir, voire seulement d’alléguer, qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumaines ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leurs vies ou leurs personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Force est en effet de constater à cet égard, d’une part, que l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 se réfère à des traitements ou des sanctions « infligés », tandis que l’article 28 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’ « atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable.

Il en résulte que la maladie à elle seule, sinon avec la situation sanitaire et sociale du pays de destination, ou encore l’état de précarité, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’elle aurait été infligée ou qu’elle résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 20061.

1 Trib. adm. 9 juillet 2007, n° 22948, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 183; trib. adm. 10 décembre 2007, n° 23440 confirmé par arrêt du 10 avril 2008, n° 23943C; trib. adm. 14 janvier 2008, n° 23556, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 182.

Pour être tout à fait complet, le tribunal relève encore qu’en ce qui concerne les problèmes rencontrés par les demandeurs avec les parents du demandeur et qui se seraient notamment traduits par des insultes régulières proférées à l’égard de la demanderesse ainsi qu’à une unique altercation physique entre le demandeur et son père, ces faits ne sont en tout état de cause pas de nature à pouvoir tomber dans l’une des catégories d’atteintes graves énumérées à l’article 37 précité. Le même constat s’impose en ce qui concerne le comportement distant affiché à l’égard des demandeurs par les gens de leur village.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu considérer, au vu des éléments lui soumis, que les demandeurs n’ont produit à l’appui de leurs demandes de protection internationale que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, voire que les éléments soumis par les demandeurs leur permettent de conclure à ce qu’ils ne remplissent manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leurs demandes.

Partant le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006.

2) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs, se basant sur les mêmes faits que ceux invoqués dans le cadre du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, continuent à soutenir qu’ils auraient été persécutés et discriminés en raison de l’appartenance de la demanderesse à un groupe social « particulier » et qu’il leur aurait été impossible de mener une vie normale sans discriminations ni persécutions. Ils reprochent à cet égard notamment au ministre de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait des menaces et violences dont ils auraient été victimes et dont ils pourraient encore être victimes en cas de retour dans leur pays d’origine.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.

Comme le tribunal vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que le ministre a valablement pu considérer que les demandeurs sont restés en défaut de présenter des faits pertinents pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui de la protection subsidiaire, voire que les éléments produits lui ont permis de conclure à ce qu’il apparaît que les demandeurs ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leurs demandes, et que les demandeurs n’ont fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, aucun élément complémentaire pertinent permettant d’étayer leurs demandes en obtention de la protection internationale, le tribunal, statuant par rapport à ce volet en tant que juge de la réformation, ne saurait que réitérer son analyse précédente au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que les demandeurs ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection internationale sous analyse comme non justifiées, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la décision de refus de la demande de protection internationale.

En l’espèce, les demandeurs soulignent que comme ils auraient fait état de motifs sérieux et suffisants de crainte de persécution en cas de retour en Bosnie-Herzégovine, il y aurait lieu « d’annuler l’ordre implicite de quitter le territoire contenue dans la décision entreprise » et ce compte tenu du principe de précaution suivant lequel il serait préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006.

Or, le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs n’ont à aucun moment et d’une quelconque façon fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la même loi, de sorte que le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-

fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale des époux … dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 portant refus d’une protection internationale aux époux … ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Paul Nourissier, juge Alexandra Castegnaro, juge, Hélène Steichen, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 par le juge Paul Nourissier, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paul Nourissier 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 33005
Date de la décision : 21/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-21;33005 ?

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