La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/08/2013 | LUXEMBOURG | N°33002

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 août 2013, 33002


Tribunal administratif N° 33002 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juillet 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 Recours formé par Monsieur … …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33002 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 juillet 2013 par Maître Edévi

AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif N° 33002 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juillet 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 Recours formé par Monsieur … …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33002 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 juillet 2013 par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le… à … (Albanie), de nationalité albanaise, actuellement sans domicile connu, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du même ministre du 17 juin 2013 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Edévi AMEGANDJI et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 août 2013.

Le 17 février 2003, Monsieur … … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, modifiée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967.

Après avoir disparu en mars 2003 pendant une période de dix ans, Monsieur … … fut finalement transféré le 11 mars 2013 vers le Luxembourg après avoir déposé en Grande-

Bretagne une demande de protection internationale sous l’alias … ….

Il résulte du dossier administratif que le demandeur a été dûment convoqué pour le 5 mars 2003 à un premier entretien auprès du service compétent de l’époque du ministère de la Justice, entretien auquel il ne s’est toutefois pas présenté. Il ressort encore d’une note du dossier administratif, non contestée par le demandeur, que suite à son transfert vers le Luxembourg, il a été convoqué à un entretien le 4 avril 2013 auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères afin d’y être entendu sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, entretien auquel il s’est présenté avec une heure de retard. Comme l’interprète était reparti entretemps, le demandeur a été convoqué pour un nouvel entretien fixé au 18 avril 2013. Le demandeur ne s’est toutefois pas présenté à l’entretien fixé au 18 avril 2013 et ce sans justification, de sorte qu’il n’a pas fait de déclarations sur les motifs de sa demande d’asile.

Par décision du 17 juin 2013, notifiée à l’intéressé en mains propres en date du 21 juin 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20, paragraphe (1), points c) et j) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision du ministre du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la même décision du ministre portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 17 juin 2013 de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste tout d’abord la motivation basée sur le point j) du paragraphe (1) de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 et soutient qu’avant d’estimer que ses absences à son audition auraient été fautives, le ministre aurait dû l’inviter à s’expliquer et ce dans la mesure où il bénéficierait d’une excuse médicale et notamment de celle de ses divers problèmes médicaux qui absorberaient toute son énergie. Le demandeur souligne que sa mauvaise santé serait « le résultat des manquements qu’on lui reproche sans lui avoir donné la possibilité de s’expliquer à ce sujet », de sorte qu’il y aurait lieu de le considérer « comme non-responsable » au sens des dispositions de l’article 20, paragraphe (1), point j) de la loi du 5 mai 2006 et que le ministre aurait dû procéder à une nouvelle convocation.

Le demandeur conteste ensuite provenir d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006. Il donne à cet égard à considérer que même si un examen de sa situation individuelle n’aurait pas eu lieu, il serait de notoriété publique et officielle que l’Albanie ne serait pas encore une « démocratie d’exemple ». Il n’y aurait en effet en Albanie aucune garantie individuelle des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et ce notamment en ce qui concernerait la situation personnelle du demandeur, qui serait d’ailleurs méconnue du ministre puisque le demandeur n’aurait pas pu être auditionné.

Le demandeur estime en tout état de cause que faute d’avoir pu exposer les faits gisant à la base de sa demande de protection internationale, le pouvoir d’appréciation de la juridiction administrative de la pertinence des faits allégués s’en trouverait réduit à néant du fait de la décision ministérielle entreprise. Il souligne à cet égard qu’il aurait quitté l’Albanie depuis plus de dix ans suite à des craintes de persécution ou mauvais traitements et que de ce fait les dispositions de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 ne trouveraient pas à s’appliquer.

Il conviendrait dès lors d’annuler la décision entreprise pour défaut de motivation, excès de pouvoir ou irrégularité formelle.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il y a lieu de rappeler que le tribunal saisi d’un recours en annulation vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés et dans ce cadre, il lui appartient d’abord de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision déférée et plus particulièrement le prétendu défaut de motivation de ladite décision, force est de prime abord de relever que le demandeur se contente de faire état d’un défaut de motivation, sans autrement expliquer son moyen.

L’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006 requiert que le ministre doit statuer par une décision motivée (« […] le ministre statue par une décision motivée qui est communiquée par écrit aux demandeurs. […] »).

En l’espèce, au vu de la motivation contenue dans la décision elle-même, complétée encore par les explications apportées par la partie étatique au cours de la procédure contentieuse, et à défaut par le demandeur de fournir la moindre indication en quoi la décision déférée pècherait par un défaut de motivation, le tribunal est amené à retenir que la motivation à la base de la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée fournie en l’espèce est conforme aux exigences de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne le moyen tiré d’une prétendue irrégularité formelle de la décision déférée, le tribunal est amené à constater que le demandeur se limite à invoquer une irrégularité formelle, sans étayer ce moyen ni en fait ni en droit. Dès lors, il convient de retenir qu’un tel moyen, à défaut de toute précision, n’est pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse, des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, n’étant en effet pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen.

En ce qui concerne la légalité intrinsèque de la décision entreprise et plus particulièrement le moyen d’annulation fondé sur un excès de pouvoir commis par le ministre, le tribunal est là encore amené à relever que le demandeur se contente d’invoquer ce moyen sans pour autant le développer. Or, tel que relevé ci-avant, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement.

Il s’ensuit que ce moyen d’annulation doit également être écarté pour ne pas être fondé.

Quant aux contestations du demandeur relatives aux cas de recours à la procédure accélérée, aux termes de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants : (…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

(…) j) le demandeur n’a pas rempli les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 9(2) de la présente loi ou a gravement manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6(4) et 9(1) de la présente loi, à moins qu’il ne soit pas responsable du non-respect de ces obligations; (…) ».

En vertu de l’article 9 de la loi du 5 mai 2006 : « (1) Le demandeur a le droit d’être entendu par un agent du ministre. Il a l’obligation de répondre personnellement aux convocations du ministre. Le ministre peut enregistrer, par les moyens techniques adaptés, les déclarations faites oralement par le demandeur, à condition que ce dernier en ait été préalablement informé. Le ministre peut soumettre le demandeur à un test linguistique.

Lorsque le demandeur est accompagné par un avocat, il devra néanmoins répondre personnellement aux questions posées.

(2) Le demandeur a l’obligation de soumettre dans les meilleurs délais tous les éléments nécessaires pour établir le bien-fondé de sa demande. Le demandeur est réputé avoir présenté tous les éléments nécessaires s’il a fourni des déclarations ainsi que tous les documents en sa possession concernant son âge, sa situation, y compris celle de sa famille, son identité, sa nationalité, ses pays et lieux de résidence antérieurs, ses demandes d’asile précédentes, son itinéraire de voyage, ses documents de voyage et les motifs à la base de sa demande de protection internationale. (…) » Par ailleurs, il convient de relever que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-

fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule de ces conditions soit invoquée par le ministre suffit à justifier sa décision ministérielle à suffisance dès lors que ladite condition est valablement remplie.

En ce qui concerne plus précisément le cas énuméré au point j) de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, visant en substance l’hypothèse dans laquelle le demandeur ne fournit pas au ministre les documents et éléments de fait nécessaires à l’analyse du bien-fondé de sa demande de protection internationale, ou ne répond pas aux convocations du ministre, il faut relever qu’il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée, d’apprécier sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application des articles précités afin de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

En l’occurrence, il n’est pas contesté que le demandeur ne s’est pas présenté aux entretiens fixés au 5 mars 2003 et au 18 avril 2013 auxquels il avait été dûment convoqué, de même qu’il n’est pas contesté qu’il s’est présenté avec une heure de retard à l’entretien fixé au 4 avril 2013, de sorte qu’il est constant que Monsieur … n’a pas répondu, ou en dehors de l’heure fixée à cet effet, aux convocations du ministre pour les 5 mars 2003, 4 avril 2013 et 18 avril 2013 sans une quelconque excuse ou explication, et qu’il a ainsi contrevenu à l’article 9, paragraphe (1) précité de la loi du 5 mai 2006. En effet, si le litismandataire du demandeur soutient certes que des raisons médicales auraient empêché ce dernier de se présenter dans les délais aux auditions, force est de constater que cette affirmation reste à l’état de pure allégation alors que le demandeur n’a jamais fourni le moindre certificat médical attestant de son impossibilité de se présenter aux entretiens des 5 mars 2003, 4 avril 2013 et 18 avril 2013, ni justifié ou excusé d’une quelconque autre manière son absence, respectivement son retard.

Force est encore au tribunal de constater que le demandeur, à l’exception d’avoir indiqué son identité, n’a jamais fourni le moindre fait relatif à la motivation de sa demande de protection internationale. Malgré la circonstance que le demandeur ne s’est pas présenté à deux reprises à l’entretien avec l’agent du ministère des Affaires étrangères, respectivement du ministère de la Justice, voire qu’il s’y est présenté avec une heure de retard, rendant ainsi son audition impossible, les déclarations auprès de la police, ainsi que la requête introductive d’instance restent totalement muettes quant à un quelconque fait concret qui aurait pu motiver sa demande de protection internationale. En effet, le litismandataire du demandeur se borne dans sa requête à expliquer que le demandeur aurait quitté l’Albanie « suite à des craintes de persécution ou mauvais traitements » ou encore qu’il aurait subi « des menaces directes, graves et réelles », alors qu’il est constant que ce dernier n’a jamais relevé un seul fait concret susceptible d’analyse, de sorte qu’il n’est pas à considérer comme ayant soumis au ministre tous les éléments visés à l’article 9, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … sur base de l’article 20, paragraphe (1), point j) de la loi du 5 mai 2006, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20, paragraphe (1), point c) de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 17 juin 2013 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

En vertu de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l'article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il suit des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Par ailleurs, force est de relever que la définition de réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que des persécutions antérieures d’ores et déjà subies se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Sous ce rapport, le demandeur souligne que dans la mesure où il n’aurait jamais été auditionné et qu’il n’aurait dès lors pas pu fournir des explications détaillées quant à sa situation, le ministre n’aurait jamais entrepris un examen de sa situation individuelle et que dès lors la motivation à la base de la décision déférée ne pourrait pas constituer une motivation suffisante telle que requise par les normes nationales et européennes. Le demandeur estime en tout état de cause qu’à défaut d’audition, ses déclarations quant à sa situation personnelle et les circonstances dans lesquelles il aurait fui son pays d’origine devraient être prises en compte. Ainsi, contrairement à la conclusion retenue par le ministre, le demandeur aurait subi des menaces directes, graves et réelles qu’il n’aurait pas pu exposer.

Le demandeur estime dès lors que le ministre aurait fait une appréciation erronée et superficielle des faits de l’espèce.

Force est à cet égard de relever que le litismandataire du demandeur se contente de faire état de manière générale de menaces directes, graves et réelles dont aurait été victime le demandeur et de souligner que l’Albanie ne serait pas un pays démocratique, sans toutefois fournir des faits concrets à l’appui de cette déclaration. Etant donné qu’à deux reprises le demandeur ne s’est pas présenté aux entretiens avec l’agent du ministère compétent, voire qu’il s’y est présenté avec une heure de retard rendant ainsi son audition impossible et qu’il n’a présenté aucun fait susceptible d’être analysé dans le cadre du présent recours au fond, le moyen manque de pertinence et le recours est à rejeter, étant d’ailleurs précisé que le litismandataire est en tout état de cause malvenu de reprocher au ministre de ne pas avoir entrepris un examen de sa situation individuelle, le comportement du demandeur étant lui-

même à l’origine de cette impossibilité.

Pour les mêmes motifs que ceux retenus au niveau de l’analyse du recours contre la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal constate que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur dans la mesure où ce dernier n’a rapporté aucun élément de fait susceptible d’être analysé à la lumière des critères de persécution visés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la persécution pour motifs tenant à la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes moyens que ceux qui sont à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Or, tel que développé ci-avant dans le cadre de l’analyse de la demande en obtention du statut de réfugié, il ne ressort d’aucun élément du dossier qu’un retour dans son pays d’origine aurait pour conséquence d’exposer le demandeur à des atteintes graves au sens de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de lui accorder la protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 17 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la décision de refus de la demande de protection internationale.

A cet égard, le demandeur se limite à faire valoir que dans la mesure où il aurait fait état de motifs sérieux et suffisants de crainte de persécution, respectivement d’atteintes graves, en cas de retour en Albanie, l’ordre de quitter le territoire serait à annuler. En effet, conformément au principe de précaution, il serait préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où il y aurait lieu de craindre qu’elle court un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006.

Or, le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse, de sorte qu’il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire conformément à l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 portant refus d’une protection internationale à Monsieur … ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, Hélène Steichen, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 par le juge Paul Nourissier, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paul Nourissier 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 33002
Date de la décision : 21/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-21;33002 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award