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21/08/2013 | LUXEMBOURG | N°32988

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 août 2013, 32988


Tribunal administratif N° 32988 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 Recours formé par Monsieur … … et consort, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32988 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2013 par Ma

ître Nicky STOFFEL, assistée de Maître Bouchra FAHIME-AYADI, toutes les deux avocats à la ...

Tribunal administratif N° 32988 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 Recours formé par Monsieur … … et consort, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32988 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2013 par Maître Nicky STOFFEL, assistée de Maître Bouchra FAHIME-AYADI, toutes les deux avocats à la Cour, inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à … (Monténégro) et de son épouse, Madame … …-…, née le … à … (Monténégro), tous deux de nationalité monténégrine, demeurant ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-

fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 17 juin 2013 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Katrin DJABER-HUSSEIN, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 août 2013.

Le 22 avril 2013, Monsieur … … et son épouse, Madame … …-…, ci-après « les époux …-… », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur … fut entendu le 22 mai 2013 par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que son épouse, Madame …-… renonça à son droit d’être entendue dans le cadre de sa demande de protection internationale étant donné que les motifs de sa demande seraient identiques à ceux de son époux.

Par décision du 17 juin 2013, expédiée par courrier recommandé le 19 juin 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa les époux …-… qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2013, les époux …-

… ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

Les époux …-… entendent justifier leurs demandes de protection internationale et le recours sous analyse par le fait qu’ils auraient eu peur pour leur vie alors que le demandeur aurait été le témoin indirect du meurtre de son cousin, Monsieur … …, qui aurait été le chef de la police de … et qui aurait été tué par des membres de la brigade spéciale de la police monténégrine. En effet, dans la nuit du 23 au 24 mars 2011 une jeep de la police serait passée à côté du demandeur et il aurait vu que deux personnes étaient assises à l’avant de la jeep et deux à l’arrière et qu’une troisième personne dont le visage aurait été caché par la police avec une veste grise, aurait été assise au milieu du banc arrière. La jeep aurait roulé en direction de la forêt. Le lendemain, le demandeur aurait appris que son cousin, qui était le chef de la police de …, aurait été retrouvé mort au cimetière. Le demandeur se serait alors rendu au cimetière et il aurait raconté au père de son cousin décédé ce qu’il avait vu. Lorsque la police aurait entendu ses propos, elle aurait essayé de le faire quitter le cimetière. Même si la police aurait par la suite déclaré que le cousin du demandeur se serait suicidé, le demandeur est d’avis qu’il ne s’agirait pas d’un suicide, d’autant plus que les gens habitant autour du cimetière n’auraient pas entendu de coup de feu pendant la nuit. Après que les autorités auraient officiellement conclu au suicide de son cousin, le demandeur aurait également parlé de sa situation précaire avec un inspecteur de la police de …, Monsieur … … qui lui aurait confié que son cousin aurait été tué mais que comme cette affaire devait rester secrète, le dossier aurait été clôturé. Cet inspecteur, qui aurait également fait l’objet de menaces et qui aurait finalement été suspendu de son poste, aurait aussi quitté le Monténégro pour introduire une demande de protection internationale au Luxembourg, demande qui serait en cours d’instruction. Dans son rapport d’audition, il aurait mentionné l’assassinat du cousin du demandeur et on lui aurait promis de garantir sa sécurité, ce qui n’aurait toutefois pas été le cas en ce qui concerne les demandeurs. En mai 2012, l’épouse du cousin du demandeur aurait essayé de faire rouvrir le dossier grâce aux médias. Le demandeur aurait alors été convoqué au tribunal pour y être entendu sur ce qu’il avait vu. La police de … serait venue le chercher la veille de son audition et l’aurait menacé afin de la dissuader de raconter ce qu’il savait. Il aurait ainsi été enfermé jusqu’au lendemain dans une cellule où il aurait été frappé par deux agents de police afin de le forcer à leur dire s’il avait pu reconnaître l’une des personnes qui s’étaient trouvées dans la jeep de police. De peur d’autres représailles, le demandeur n’aurait finalement pas témoigné devant le tribunal ce qui lui aurait valu d’être condamné pour obstruction à la justice. Comme le demandeur aurait pu éclaircir les véritables circonstances de la mort de son cousin, il aurait également commencé à recevoir des menaces de mort, notamment de la part d’une personne qui se serait présentée comme étant un inspecteur de la police, et ce dans le but de le dissuader de parler. La situation se serait ensuite calmée pendant un certain temps, mais comme les demandeurs auraient été informés par l’épouse du cousin décédé que le dossier sur sa mort serait effectivement rouvert, ce qui aurait également été confirmé par le procureur en charge du dossier, le demandeur aurait eu peur que la police vienne de nouveau le chercher, de sorte que les demandeurs auraient décidé de quitter le Monténégro.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des époux …-… dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs reprochent au ministre d’avoir retenu à tort que le récit du demandeur rentrerait dans l’une des hypothèses énumérées à l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et d’avoir statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

Ils estiment en effet tout d’abord que, contrairement à l’appréciation faite par le ministre, les faits qu’ils auraient soulevés seraient pertinents au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions pour bénéficier de la protection internationale ou de toute autre forme complémentaire de protection. Ainsi, les demandeurs soulignent qu’ils auraient été obligés de quitter le Monténégro en raison des menaces de mort et de l’agression physique perpétrée à l’encontre du demandeur. A cela s’ajouterait que la police monténégrine serait incapable d’assurer la sécurité des demandeurs, ce d’autant plus que la police serait elle-même impliquée dans cette affaire et que le demandeur aurait été frappé par des policiers lorsqu’il se serait trouvé dans la cellule au commissariat de … afin de le pousser à leur raconter ce qu’il avait vu. Les demandeurs estiment donc que leurs droits fondamentaux n’auraient pas été respectés.

Par ailleurs, si les demandeurs reconnaissent que le Monténégro serait actuellement considéré comme étant un pays d’origine sûr, cette circonstance ne saurait être intangible et devrait faire l’objet d’une évaluation régulière compte tenu des indications factuelles données par les demandeurs d’asile en provenance de ce pays, mais aussi par les organisations non gouvernementales et d’autres entités concernées. A cet égard, les demandeurs sont d’avis que même si le Monténégro est un pays d’origine sûr en général, il pourrait ne pas l’être dans des cas particuliers comme le leur.

Le délégué du gouvernement de son côté renvoie tout d’abord notamment à un rapport de progrès du 12 octobre 2011 de la Commission européenne et à un communiqué du Conseil de stabilisation et d’association de l’Union européenne du 18 décembre 2012 qui viendraient renforcer le constat que le Monténégro serait à considérer depuis 2007 comme un pays d’origine sûr, tout en mettant en exergue que depuis l’année 2007 aucun évènement politique ne justifierait une réévaluation, voire le retrait du Monténégro de la liste des pays d’origine sûr au sens de la loi du 5 mai 2006. Le délégué du gouvernement donne encore à considérer que le constat de pays d’origine sûr n’aurait pas pu être contredit par l’examen de la situation individuelle des demandeurs.

Le représentant étatique est par ailleurs d’avis qu’il ressortirait des déclarations des demandeurs qu’en déposant leurs demandes et en exposant les faits, ils n’auraient soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. Ainsi, il estime que les menaces téléphoniques et les agressions physiques dont les demandeurs feraient état ne sauraient fonder des demandes de protection internationale, dans la mesure où ils n’auraient pas pris l’initiative de les dénoncer aux autorités compétentes. Il apparaîtrait également que les demandeurs ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, alors que les problèmes invoqués ne rentreraient clairement pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève et par la loi du 5 mai 2006 et que plus particulièrement les demandeurs ne seraient pas en mesure d’établir que les sources de leurs problèmes constitueraient une forme de persécution, les demandeurs n’ayant pas essayé de faire valoir leurs droits.

La partie étatique en conclut que le recours en annulation tel qu’introduit par les demandeurs devrait être rejeté pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi (…) ».

Cette disposition prévoit ainsi différents cas de figure dans lesquels le ministre peut statuer dans le cadre de la procédure accélérée, étant précisé que les cas de figure cités sont alternatifs, de sorte qu’il suffit que l’un des cas soit vérifié pour que le ministre puisse faire application dudit article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Concernant plus particulièrement les points a) et b) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, visant l’hypothèse où le demandeur ne soulève que des faits sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, respectivement celle où les éléments soumis par le demandeur permettent de conclure qu’il ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 de vérifier, sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application du prédit article, et plus particulièrement des points a) et b) de l’article 20 (1), afin de décider de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

A cet égard, force est au tribunal de constater que si les demandeurs ont, à la base de leurs demandes de protection internationale, certes fait état de problèmes ne tombant a priori pas dans le champ d’application de la Convention de Genève, - le demandeur ayant en effet déclaré, d’une part, qu’après avoir été le témoin indirect du meurtre du chef de la police de … par des membres de la brigade spéciale de la police, il aurait reçu régulièrement par téléphone des menaces de mort, notamment de la part d’un inspecteur de la police dont le nom aurait figuré dans le dossier relatif à l’enquête sur la mort de son cousin, et ce dans le but de le dissuader d’aller témoigner sur ce qu’il avait vu et que, d’autre part, lorsque la police serait venue le chercher pour qu’il aille témoigner au tribunal de …, il aurait été enfermé dans une cellule au commissariat de … jusqu’au lendemain et deux membres de la police de … l’auraient frappé afin qu’il leur dise ce qu’il savait avant d’aller témoigner au tribunal -, il n’en demeure pas moins que les actes dont il a été victime sont a priori susceptibles de constituer des atteintes graves telles que visées à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, le demandeur ayant non seulement fait l’objet de menaces de mort par téléphone mais ayant également été victime de maltraitances de la part de membres de la police. Par ailleurs, si comme retenu ci-avant, les problèmes rencontrés ne sont pas motivés par des motifs religieux, politiques, ethniques ou autres, mais uniquement par une volonté de faire taire le demandeur, ce constat n’est pas de nature à rendre les faits mis en avant comme non pertinents au regard de l’examen de la protection subsidiaire. En effet, le statut conféré par la protection subsidiaire vise en quelque sorte une protection accordée aux personnes qui ne remplissent pas les critères raciaux, religieux, de nationalité, politiques ou sociaux pour prétendre au statut de réfugié, le mobile des persécutions étant indifférent1, mais qui sont cependant exposés dans leur pays d’origine à un risque de subir des atteintes graves : mort, torture, traitement inhumains ou dégradants. A cela s’ajoute que dans la mesure où les auteurs des menaces et de l’agression dont le demandeur aurait été victime feraient eux-mêmes partie de la police monténégrine, les demandeurs n’auraient pu que difficilement réclamer une protection adéquate de la part des forces policières locales. Par ailleurs, même si la situation se serait calmée pendant un certain temps, il n’en demeure pas moins que dans la mesure où le demandeur a déclaré que le dossier sur la mort de son cousin serait rouvert, il ne peut pas être exclu que le demandeur fasse de nouveau l’objet de menaces et d’arrestations arbitraires de la part des forces de police locales.

Il résulte des considérations qui précèdent que les demandeurs se sont prévalus dans le cadre de leurs demandes de protection internationale d’atteintes d’une certaine gravité présentant a priori une certaine pertinence au regard de l’article 2 e), dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse.

Au vu des conclusions qui précèdent, c’est également à tort que le ministre a basé la décision de statuer sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée sur l’article 20 (1) b) de la loi du 5 mai 2006, en retenant qu’il apparaîtrait clairement qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

1 Trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855: « Il résulte du libellé général des articles 28 et 37 de la loi du 5 mai 2006 que le mobile pour lequel la violence a été ou risque d’être commise n’a pas à être pris en compte, seul le fait en lui-même devant être pris en compte, l’exigence d’un lien de causalité entre la menace et une série de critères (race, nationalité, religion etc) tels qu’ils ont été énumérés à l’article 1er, section A § 2 de la Convention de Genève étant étrangère à la question de l’octroi de la protection subsidiaire ».

En ce qui concerne la motivation à la base de la décision déférée concernant la qualification du Monténégro comme étant un pays d’origine sûr au sens du point c) de l’article 20 (1), précité, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant en cause que le Monténégro figure sur la liste des pays d’origine sûrs établie par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont la nationalité monténégrine et qu’ils ont habité au Monténégro avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre d’une procédure accélérée.

Comme l’énumération d’un pays d’origine sûr dans la liste du prédit règlement grand-

ducal modifié du 21 décembre 2007 ne constitue qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006 un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Or, l’analyse de la situation personnelle décrite par le demandeur amène le tribunal -

tel que retenu déjà ci-avant - à conclure que le Monténégro, indépendamment des progrès décrits par le délégué du gouvernement, n’est pas à considérer comme pays d’origine sûr dans le chef des demandeurs, étant donné que comme relevé ci-avant par le tribunal, les auteurs des menaces et agressions dont le demandeur aurait été victime seraient des personnes employées au sein de la police, de sorte que les demandeurs ne sauraient a priori se prévaloir d’une protection efficace de la part des autorités locales monténégrines.

Partant, c’est également à tort que le ministre a basé la décision de statuer sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée sur l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à tort que le ministre a estimé qu’il y aurait lieu de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre de la procédure accélérée prévue à l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Partant, il y a lieu d’annuler la décision ministérielle de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale des époux …-… dans le cadre d’une procédure accélérée.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Dans la mesure où le tribunal a annulé la décision ministérielle de statuer sur le bien-

fondé des demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée et dans la mesure où la prédite décision ministérielle n’est pas exempte de conséquences en ce qui concerne les garanties pour les demandeurs, notamment en termes de double degré de juridiction, droit qui ne saurait être rétabli par le tribunal dans le cadre du recours en réformation sous analyse, il y a lieu d’annuler la décision ministérielle déférée dans le cadre du recours en réformation et de renvoyer le dossier devant le ministre afin qu’il procède à un réexamen de la demande de protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision précitée encourt l’annulation.

3) Quant au recours en annulation contre le l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, la requête sollicitant un recours en annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 17 juin 2013 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision litigieuse, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

Dans la mesure où le tribunal administratif vient d’annuler tant la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que la décision ayant refusé de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, il y a lieu d’annuler également l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale des époux …-… dans le cadre d’une procédure accélérée :

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule la décision ministérielle du 17 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale des époux …-… dans le cadre d’une procédure accélérée et renvoie l’affaire devant le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en prosécution de cause ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 ayant refusé aux époux …-… l’octroi d’une protection internationale ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision ministérielle du 17 juin 2013 portant refus d’une protection internationale aux époux …-… et renvoie l’affaire devant le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en prosécution de cause ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule la décision ministérielle du 17 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, Hélène Steichen, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 21 août 2013 par le juge Paul Nourissier, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paul Nourissier 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 32988
Date de la décision : 21/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-21;32988 ?

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