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14/08/2013 | LUXEMBOURG | N°33200

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 août 2013, 33200


Tribunal administratif Numéro 33200 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 août 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 14 août 2013 Recours formé par Monsieur … …, alias … …, Findel contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10 L.5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33200 du rôle et déposée le 9 août 2013 au greffe du tribunal administratif par MaÃ

®tre Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a...

Tribunal administratif Numéro 33200 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 août 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 14 août 2013 Recours formé par Monsieur … …, alias … …, Findel contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10 L.5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33200 du rôle et déposée le 9 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, alias … …, déclarant être né le … à … (Kosovo), et être de nationalité kosovare, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 30 juillet 2013 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 août 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en sa plaidoirie à l’audience publique du 14 août 2012.

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Par décision du 8 août 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … …, alias … …, ci-après désigné par « Monsieur … », que le Luxembourg n’est pas compétent pour traiter sa demande de protection internationale introduite en date du 30 juillet 2013, étant donné que Monsieur … avait d’ores et déjà introduit une demande d’asile en Suisse le 24 octobre 2012, de sorte que les autorités suisses sont responsables du traitement de cette demande en vertu de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », lesquelles autorités ont par ailleurs accepté en date du 6 août 2013 de prendre en charge l’examen de sa demande de sorte que le transfert vers la Suisse sera organisé dans les meilleurs délais et les modalités du transfert lui seront communiquées en temps utile.

Par arrêté du 30 juillet 2013, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification dudit arrêté sur le fondement de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006. Ledit arrêté, qui fut notifié à l’intéressé le même jour, est fondé sur les considérations suivantes :

« Vu l'article 10 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N° SPJ/15/2013/30536.1/HA du 30 juillet 2013 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l'intéressé a déposé une troisième demande de protection internationale au Luxembourg en date du 30 juillet 2013;

- qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé plusieurs demandes d’asile dans plusieurs pays ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

- que la mesure de placement est nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert de l’intéressé vers le pays responsable de sa demande d’asile (…) ».

Par requête déposée le 9 août 2013 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement en rétention du 30 juillet 2013.

Etant donné que l’article 10 (4) de la loi du 5 mai 2006, tel que modifié par l’article 155-2° de la loi du 29 août 2008 institue, par renvoi à l’article 123 (1) de la loi du 29 août 2008, un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative prise sur le fondement de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de son recours, le demandeur fait d’abord valoir que la décision ministérielle ne serait pas suffisamment motivée. En effet, l’article 120 de la loi du 29 août 2008 instituerait certes une faculté pour le ministre de placer une personne en rétention, mais n’instaurerait pas une obligation systématique, de sorte qu’il lui appartiendrait de démontrer la nécessité du placement en rétention. Le demandeur donne encore à considérer que le ministre se limiterait à avancer l’existence d’un risque de fuite dans son chef, ainsi que l’impossibilité de procéder à son éloignement immédiat, sans justifier la nécessité du placement en rétention. L’arrêté ministériel déféré serait ainsi disproportionné par rapport à sa situation actuelle et devrait partant être rapporté pour absence de motifs sinon pour insuffisance des motifs.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Force est tout d’abord de constater que le demandeur n’a pas fait l’objet d’une mesure de rétention sur base de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, mais sur base de l’article 10 (1) d) de la loi du 5 mai 2006, qui autorise le ministre à placer un demandeur de protection internationale dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois renouvelable lorsque « le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande. ».

Il s’ensuit que le moyen du demandeur tiré de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration qui ferait peser sur le ministre l’obligation de motiver la nécessité d’un placement en rétention est à rejeter pour défaut de pertinence.

Quant au reproche d’un défaut de motifs, respectivement d’une insuffisance des motifs de la décision ministérielle déférée, il y a lieu de relever qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, dans les seules hypothèses énumérées de manière limitative à l’alinéa 2 dudit article 6. Or, le cas d’espèce ne tombe dans aucune des hypothèses ainsi énumérées, de sorte qu’une violation de l’article 6 alinéa 2 précité ne saurait être retenue. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision administrative, sans demande expresse de l’intéressé, le moyen sous examen doit être rejeté pour ne pas être fondé, étant relevé qu’en ce qui concerne l’existence de motifs se trouvant à la base de la décision sous examen, celle-ci énumère, suivant le libellé de la décision ci-avant citée in extenso, la base juridique, ainsi que les faits sur lesquels le ministre s’est basé en prenant la décision litigieuse, de sorte que le reproche tiré d’un défaut d’existence de motifs doit également être rejeté.

Quant au fond, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir documenté de manière suffisante les démarches qu’il a accomplies en vue d’organiser son éloignement.

Ainsi, la nécessité requise pour ordonner le placement ferait défaut.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.

A cet égard, il convient tout d’abord de relever que l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 permet à l’autorité ministérielle de placer en rétention un demandeur de protection internationale pour une durée maximale de trois mois. Il n’en reste pas moins que dans le cadre du reproche soulevé, le tribunal doit vérifier si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un transfert dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que le demandeur ne doive rester en rétention pendant une période trop longue. En effet, le placement d’une personne dans une structure fermée afin de ne pas compromettre son transfert vers l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile en vertu des dispositions du règlement n° 343/2003 est indissociable de l’attente de l’exécution dudit transfert, de sorte qu’il incombe à l’autorité administrative de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un transfert est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

Quant aux démarches concrètes entreprises en l’espèce par le ministre, il ressort des pièces du dossier administratif que le 30 juillet 2013, le demandeur s’est présenté au service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, afin de déposer une demande de protection internationale et que le même jour une recherche dans le système « Eurodac » a été lancée. Le 30 juillet 2013, le ministre a pris la décision de placement en rétention du demandeur, laquelle a pris effet le même jour. La demande de reprise en charge du demandeur a été adressée aux autorités suisses en date du 31 juillet 2013, lesquelles ont répondu en date du 6 août 2013 qu’elles étaient disposées à accepter cette demande. En date du 8 août 2013, le service de police judiciaire a été chargé d’organiser le transfert du demandeur vers la Suisse en application du règlement n° 343/2003.

Au vu des démarches concrètement entreprises par le ministre, retracées ci-avant, et dans la mesure où l’organisation matérielle de l’exécution du transfert nécessite un certain délai qui, en l’espèce, n’est pas à considérer comme étant excessif, dans la mesure où les autorités suisses ont accepté la demande de transfert en date du 6 août 2013, soit sept jours après la prise d’effet de la mesure de placement litigieuse, il y a lieu de retenir que des démarches suffisantes ont été entreprises par les autorités luxembourgeoises afin d’écourter au maximum le séjour du demandeur dans une structure fermée. Le moyen fondé sur une absence de diligences suffisantes laisse partant d’être fondé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, Anouk Dumont, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire du 14 août 2013, par le juge Paul Nourissier, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paul Nourissier 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 33200
Date de la décision : 14/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-14;33200 ?

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