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14/08/2013 | LUXEMBOURG | N°33185

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 août 2013, 33185


Tribunal administratif Numéro 33185 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 14 août 2013 Recours formé par Monsieur … … , Findel contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33185 du rôle et déposée le 7 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître A

rdavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif Numéro 33185 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 14 août 2013 Recours formé par Monsieur … … , Findel contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33185 du rôle et déposée le 7 août 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … , déclarant être né le … à … (Côte d’Ivoire) et être de nationalité ivoirienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 18 juillet 2013 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 août 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 août 2013.

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En date du 23 août 2004, Monsieur … … introduisit ensemble avec sa concubine et leurs deux enfants mineurs une demande de protection internationale auprès des autorités luxembourgeoises.

Par jugement du tribunal correctionnel de et à Luxembourg du 5 août 2005 (n°2564/2005), non frappé d’appel, Monsieur … fut condamné pour des infractions aux dispositions de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie à une peine d’emprisonnement de 30 mois ainsi qu’à une amende de 1.000.- euros.

En date du 11 janvier 2005, la concubine du demandeur et ses enfants furent transférés vers les Pays-Bas au motif qu’elle avait introduit une demande d’asile aux Pays-Bas avant de venir au Luxembourg. Du fait de la condamnation du demandeur à une peine d’emprisonnement, il ne fut pas possible de le transférer dans les délais vers les Pays-Bas.

Le 12 février 2006, Monsieur … retira sa demande de protection internationale par le biais d’un courrier adressé au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, à l’époque en charge du dossier, tout en demandant à être expulsé vers les Pays-Bas afin de pouvoir y rejoindre sa famille.

Par arrêté du 29 mars 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur ….

Le 4 avril 2006, Monsieur … se vit accorder une libération anticipée à la condition notamment de disposer de papiers d’identité et/ou de séjour valables.

Par courrier du 25 avril 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’adressa à l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire à Bruxelles afin que Monsieur … se voie délivrer un titre d’identité ou un laissez-passer permettant son rapatriement vers la Côte d’Ivoire.

Par courrier du 12 juin 2006, l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire à Bruxelles informa le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration qu’elle ne serait en mesure de certifier l’identité ivoirienne de Monsieur … que si ce dernier pouvait fournir la preuve de cette identité moyennant la transmission d’un certain nombre de documents ou après l’avoir entendu dans les locaux de l’ambassade.

A la fin de sa peine d’emprisonnement, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration décida par arrêté du 13 juin 2007 de placer Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision, placement qui fut prorogé à deux reprises en date des 13 juillet et 13 août 2007.

Par courrier du 27 juin 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’adressa au Consulat général honoraire de la République de Guinée au Luxembourg afin qu’il soit procédé à une vérification de la véritable nationalité de Monsieur … alors que ce dernier, après avoir tout d’abord déclaré être de nationalité ivoirienne, a affirmé lors d’une audition par le Service de Police Judiciaire luxembourgeois être de nationalité guinéenne.

Par courrier du 8 juillet 2007, le consul général honoraire de Guinée informa le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration qu’il avait rendu visite à Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et que ce dernier avait déclaré ne plus être de nationalité guinéenne.

Après avoir été remis en liberté, Monsieur … fut transféré à plusieurs reprises entre 2008 et 2013 des Pays-Bas et de la Belgique vers le Luxembourg sur base des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, ci-après désigné par « le règlement de Dublin II ».

Le dernier transfert de Monsieur … vers le Luxembourg fut opéré depuis les Pays-Bas le 25 avril 2013.

Après que le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre » entretemps en charge du dossier, eut été informé le 22 avril 2013 par les autorités hollandaises que le transfert du demandeur vers le Luxembourg allait avoir lieu le 25 avril 2013, il prit en date du 23 avril 2013 une décision de retour et d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans à l’égard de Monsieur …, et ce en considération de ses antécédents judiciaires et en retenant que l’intéressé n’est pas en possession d’un passeport en cours de validité, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail et que par conséquent il existe un risque de fuite dans son chef.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le 25 avril 2013, le ministre ordonna le placement de Monsieur … en rétention au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté. Cet arrêté est basé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 23 avril 2013, lui notifiée le même jour ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 29 mars 2006 lui notifié le 3 avril 2006 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par un jugement du tribunal administratif du 22 mai 2013, numéro de rôle 32475, le recours contentieux introduit contre la décision de placement en rétention du 25 avril 2013 fut déclaré non justifié.

Par arrêté du 21 mai 2013, notifié à l’intéressé le 24 mai 2013, le ministre prorogea une première fois pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement précitée du 25 avril 2013. Ladite décision est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 23 avril 2013, notifié en date du 25 avril 2013, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 23 avril 2013 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement (…) ».

Par requête déposée le 13 juin 2013 au greffe du tribunal administratif et inscrite sous le numéro 32875 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de prorogation précitée du 21 mai 2013. Par jugement du tribunal administratif du 21 juin 2013 (numéro 32875 du rôle), le recours de Monsieur … a été rejeté pour n’avoir pas été fondé.

Par arrêté du 17 juin 2013, notifié à l’intéressé le 24 juin 2013, le ministre prorogea une deuxième fois pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement précitée du 25 avril 2013. Ladite décision, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 23 avril et 21 mai 2013, notifiés en dates des 25 avril et 24 mai 2013, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 23 avril 2013 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement (…) ».

Par arrêté du 18 juillet 2013, notifié à l’intéressé le 24 juillet 2013, le ministre prorogea une troisième fois pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement précitée du 25 avril 2013. Ladite décision est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 23 avril, 21 mai, 17 juin 2013, notifiés en dates des 25 avril, 24 mai et 24 juin 2013, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 23 avril 2013 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement (…) ».

Par requête déposée le 7 août 2013 au greffe du tribunal administratif et inscrite sous le numéro 33185 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de prorogation précitée du 18 juillet 2013 Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, seul un recours en réformation a pu être introduit en l’espèce, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche tout d’abord aux autorités compétentes que « l’exigence de la condition de la nécessité afin que la rétention administrative soit prorogée ne ressort pas de la décision litigieuse (…) ».

Il fait ensuite plaider que s’il ne conteste pas être en situation irrégulière au Luxembourg, sa situation irrégulière aurait toutefois été connue des autorités compétentes depuis une très longue date et ce d’autant plus que les autorités pénitentiaires auraient attiré l’attention de l’autorité compétente quant à l’échéance de sa peine pénale à la fin de l’année 2007, de sorte qu’il s’interroge sur la matérialité des démarches concrètes entreprises par l’autorité ministérielle au cours des dernières années, notamment depuis la décision de prorogation de sa mesure de placement.

Enfin, le demandeur estime que la mesure de placement revêtirait un caractère disproportionné dans le temps dès lors qu’une rétention n’aurait de sens que si l’autorité compétente serait effectivement en mesure d’éloigner l’étranger en situation irrégulière à destination de son pays ou d’un autre pays où il est légalement admissible, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Il affirme à ce sujet que l’intention du législateur aurait été celle de l’éloignement effectif des personnes faisant l’objet d’une rétention en dehors du territoire et non pas le maintien de ces personnes pendant des mois pour les libérer par la suite.

Le délégué conclut au rejet du recours.

Quant aux conditions d’une décision de prorogation d’un placement en rétention, il convient de rappeler les termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois. Cette mesure peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Quant au premier moyen tiré d’un défaut d’indication des motifs de la « nécessité » de la mesure de prorogation, respectivement d’une insuffisance de motifs justifiant la nécessité de la mesure, il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérés doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base. Or, le cas d’espèce sous examen ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur ne trouve pas d’application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de prorogation, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne l’existence de motifs se trouvant à la base de la décision sous examen, le ministre a justifié sa décision par la considération que les démarches en vue de l’éloignement de Monsieur … ont été engagées, mais qu’elles n’ont pas encore abouti.

Par rapport aux motifs ainsi indiqués, le demandeur conteste en substance, tel que relevé ci-avant, que les démarches entreprises par le ministre en vue de son éloignement soient suffisantes. Il convient de rappeler que la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que le demandeur ne dispose pas de documents d’identité et de voyage valables et que depuis qu’il est entré pour la première fois sur le territoire luxembourgeois il a donné des informations contradictoires quant à sa date de naissance, son identité et sa provenance géographique, rendant ainsi nécessaires des démarches afin que son éloignement puisse être organisé. En effet, alors que le demandeur a demandé une protection internationale au Luxembourg sous le nom de … … , né le … à …, Côte d’Ivoire, il s’est avéré par la suite qu’il était connu des autorités hollandaises sous le nom de … …, né le …à …, Guinée, tandis que lors de son audition par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères du 2 février 2006, le demandeur a déclaré s’appeler … … et être né en Guinée, sans toutefois avoir été en mesure de donner sa date de naissance. Il y a par ailleurs lieu de noter que lorsque le consul honoraire de Guinée a rendu visite au demandeur lors de son placement en 2007 au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, ce dernier a déclaré ne pas être de nationalité guinéenne et a refusé toute collaboration.

En ce qui concerne les démarches concrètement entreprises par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il se dégage des éléments du dossier que les autorités luxembourgeoises ont été informées le 22 avril 2013 par les autorités compétentes néerlandaises de ce que le demandeur allait être transféré vers le Luxembourg en date du 25 avril 2013. Dès le lendemain de l’arrivée du demandeur sur le territoire luxembourgeois, le ministre s’est adressé à l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire à Bruxelles pour lui transmettre un jeu d’empreintes digitales et une photo d’identité du demandeur et ce en vue de l’identification de ce dernier. Ce courrier étant resté sans réponse, le ministre a contacté l’ambassade par téléphone le 6 mai 2013, date à laquelle on l’a informé que le consul de la République de Côte d’Ivoire, Monsieur …, se trouverait actuellement en Côte d’Ivoire et qu’il ne serait de retour que vers la fin du mois de mai. A cette même occasion, le secrétaire de Monsieur … a informé le ministre que l’ambassade allait contacter le ministère par écrit pour lui transmettre une date pour la présentation du demandeur en vue de son identification. Par jugement du tribunal administratif du 22 mai 2013, numéro de rôle 32475, ces démarches ont été considérées comme suffisantes conformément aux exigences de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.

Par la suite, en date du 24 mai 2013, donc le jour de la notification de la mesure de prorogation, le ministre a contacté l’ambassade de la République de Guinée pour lui transmettre un jeu d’empreintes digitales et une photo d’identité du demandeur, sous l’alias de … …, et ce en vue de l’identification de ce dernier. Par un courrier du 6 juin 2013, le ministre a envoyé également la fiche d’informations personnelles du demandeur à l’ambassade de la République de Guinée.

Il résulte encore des pièces du dossier administratif, et plus particulièrement des courriers émanant de l’ambassade de la République de la Côte d’Ivoire à Bruxelles, datés du 31 mai 2013 que suite à la demande du ministre du 26 avril 2013 le demandeur aurait pu être présenté le 20 juin 2013 à 14 heures à l’ambassade de la République de la Côte d’Ivoire à Bruxelles afin de procéder à son identification. Or, vu l’impossibilité pour l’unité de garde et de réserve mobile de procéder au transport du demandeur en date du 20 juin 2013, le ministre a tenté sans succès de joindre l’ambassade de la Côte d’Ivoire à Bruxelles par téléphone les 10, 11 et 12 juin 2013. Par courriel du 12 juin 2013, le ministre a requis une nouvelle date afin de présenter le demandeur en vue de son identification. Par courriel du même jour, la date du 25 juin 2013 a été convenue entre le ministre et l’ambassade afin de procéder à l’audition de Monsieur …. Suite à l’audition de Monsieur … le 25 juin 2013 l’ambassade de la Côte d’Ivoire à Bruxelles, cette dernière a informé les autorités luxembourgeoises que les autorités compétentes ivoiriennes auraient été saisies pour vérifier les déclarations de Monsieur …. Le 6 août 2013, les autorités luxembourgeoises ont adressé un rappel à l’ambassade ivoirienne.

Le tribunal est amené à retenir que dans la mesure où la procédure d’identification du demandeur est toujours en cours, mais n’a pas encore abouti, les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise, étant rappelé que les autorités luxembourgeoises sont tributaires à cet égard de la collaboration des autorités étrangères et que la circonstance que les autorités de la République de Côte d’Ivoire souhaitent encore vérifier la véracité des déclarations de Monsieur … lors de son audition du 25 juin 2013 est indépendante de la volonté des autorités luxembourgeoises. Ainsi, et au vu des diligences déployées, le tribunal est amené à constater qu’au moment où il statue, des démarches suffisantes ont été entreprises afin de pouvoir procéder à l’éloignement du demandeur du territoire conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.

En ce qui concerne le reproche du litismandataire du demandeur suivant lequel, alors même qu’il aurait fait l’objet de nombreuses mesures de placement et que sa situation irrégulière serait connue depuis longtemps, les autorités compétentes n’auraient pas entamé les démarches nécessaires en vue de pouvoir procéder à son éloignement rapide, il y a lieu de relever que de 2008 à 2013, le demandeur a séjourné de manière illégale aux Pays-Bas d’où il a été retransféré, à chaque fois, vers le Luxembourg pour toutefois retourner immédiatement après aux Pays-Bas. Il ressort également du dossier administratif que le 11 décembre 2010, le demandeur s’est également trouvé en séjour illégal en Belgique où il a été écroué le 11 décembre 2010 et d’où il a été transféré le 27 janvier 2011 vers le Luxembourg.

Le demandeur ne s’étant donc pas trouvé sur le territoire luxembourgeois pendant une grande partie du temps, il ne saurait être reproché aux autorités compétentes de ne pas avoir procédé aux démarches nécessaires en vue de son éloignement. Le tribunal constate d’ailleurs que lors de son placement en rétention le 13 juin 2007, les autorités ont entrepris un certain nombre de démarches pour pouvoir procéder à l’identification du demandeur, démarches qui sont restées infructueuses notamment en raison du défaut de collaboration du demandeur.

Le moyen du demandeur tiré d’une absence des démarches effectuées par le ministre en vue de son éloignement est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au moyen soulevé par le demandeur relatif au caractère disproportionné de la mesure de placement, le tribunal a retenu ci-avant que les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises auprès de l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire à Bruxelles et de l’ambassade de la République de Guinée trouvent leur origine dans le fait que depuis le début le demandeur, qui est dépourvu de documents d’identité valables, a donné des informations contradictoires au sujet de son identité et de son pays d’origine et a refusé toute collaboration en vue de son identification. Dès lors que les démarches en vue de son identification par l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire sont en cours d’exécution, le demandeur ne saurait se prévaloir de son propre comportement fautif pour reprocher ensuite aux autorités luxembourgeoises la longueur de la mesure de rétention dont il a fait l’objet.

Quant à la question de savoir si les autorités ministérielles seront effectivement en mesure d’exécuter la mesure d’éloignement, indépendamment du fait qu’il n’existe aucune obligation à charge du ministre de devoir démontrer qu’il soit en mesure de procéder à l’éloignement du demandeur, il convient de relever qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que le ministre ne soit pas en mesure de procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement du demandeur. Au contraire, tel que relevé ci-avant, l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire a été disposée à procéder à une audition du demandeur afin d’établir l’origine exacte de ce dernier en date du 25 juin 2013 et les autorités ivoiriennes sont actuellement en train de vérifier la véracité des déclarations du demandeur et dès lors, pour le cas où son origine ivoirienne était confirmée, à lui délivrer un laissez-passer, étant d’ailleurs relevé que rien n’interdirait au demandeur ou à son mandataire de s’adresser directement aux autorités compétentes afin d’accélérer la procédure d’éloignement.

Il s’ensuit que le moyen tiré du caractère prétendument disproportionné de la prorogation de la mesure de placement dans le temps doit également être écarté pour ne pas être fondé.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours sous analyse n’est justifié en aucun des moyens et est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, Anouk Dumont, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire du 14 août 2013, par le juge Paul Nourissier, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original.

Luxembourg, le 22 novembre 2016 le greffier assumé 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 33185
Date de la décision : 14/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-14;33185 ?

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