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14/08/2013 | LUXEMBOURG | N°32966

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 août 2013, 32966


Tribunal administratif N° 32966 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 14 août 2013 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32966 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2013 par Maître Nicky

Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif N° 32966 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 14 août 2013 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32966 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2013 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), et de son épouse, Madame … …-…, née le … à … (Monténégro), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs … …, née le … à … et … …, né le …à …, tous de nationalité monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 19 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du ministre du 19 juin 2013 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en sa plaidoirie à l’audience publique du 14 août 2013.

Le 24 avril 2013, Monsieur … et son épouse, Madame … …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs … … et … …, ci-après désignés « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations des consorts … sur leur identité respective et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du 25 avril 2013.

Monsieur … et Madame …-… furent entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, le 7 juin 2013 sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes de protection internationale.

Par décision du 19 juin 2013, notifiée par courrier recommandé envoyé aux intéressés le 21 juin 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), points a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2013, les consorts … ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 19 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à leurs demandes de protection internationale du même jour et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

En fait, les demandeurs, déclarant être de nationalité monténégrine et appartenir à l’éthnie bosniaque, font valoir à l’appui de leur recours que les problèmes qui les auraient conduits à introduire une demande en obtention de la protection internationale auraient trait à l’état de santé de leur enfant … qui aurait souffert d’un hématome sous-dural et qui aurait nécessité une intervention chirurgicale, intervention qu’ils auraient dû payer 500.- € au Monténégro, étant précisé que les demandeurs estiment que les médecins monténégrins ne disposeraient ni des compétences, ni des équipements techniques nécessaires pour soigner convenablement leur fils. Les demandeurs estiment que cet ensemble de faits constitueraient des éléments de persécution morale et psychologique qui les auraient contraints à fuir leur pays d’origine.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les consorts … contestent avoir exposé des faits non pertinents ou d’une pertinence insignifiante en vue de l’obtention de la protection internationale, respectivement qu’il apparaîtrait qu’ils ne remplissent clairement pas les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale. Ainsi, en raison de l’état de santé inquiétant de leur fils … qui aurait dû subir une intervention chirurgicale importante pour laquelle les médecins auraient exigé 500.- € que les demandeurs auraient dû emprunter à leur famille, ils affirment avoir subi des persécutions d’ordre psychologique et morale dans leur pays d’origine. Quant à la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur le fondement de l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006, les demandeurs citent un article publié sur Internet qui ferait état de l’existence de discriminations quant à l’accès aux soins au Monténégro pour des enfants roms, réfugiés et handicapés.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre à l’obtention de la protection internationale ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Par règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant la liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, le Monténégro a été retenu comme constituant un pays d’origine sûr. Etant donné qu’il est constant en cause que les demandeurs ont la nationalité monténégrine et ont résidé au Monténégro avant de venir au Luxembourg, c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr.

Cependant, au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, en tout état de cause, de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays. Par ailleurs, il incombe au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale des demandeurs, a conclu qu'ils proviennent d'un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si les demandeurs lui soumettent, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006 des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.

L'analyse de la situation personnelle décrite par les demandeurs à l’appui de leur recours ne permet pas d'en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle de ce chef. Ainsi, la citation d’un article publié sur Internet selon lequel il existerait des discriminations quant à l’accès aux soins pour les enfants roms, réfugiés et handicapés, n’est pas de nature à établir que le Monténégro ne constitue pas un pays d’origine sûr en raison de la situation personnelle des demandeurs, surtout que l’article en question n’est pas pertinent en l’espèce pour ne pas concerner leur cas concret, les demandeurs n’étant ni roms, ni réfugiés au Monténégro et ils n’ont pas fait état de ce que leur enfant malade soit handicapé.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu conclure que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 20 (1) c), respectivement de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Sous ce rapport, les demandeurs font valoir en substance avoir subi des persécutions d’ordre psychologique et mentale dans leur pays d’origine en raison de l’état de santé inquiétant de leur fils … qui aurait dû subir une intervention chirurgicale importante pour laquelle les médecins auraient exigé 500.- € que les demandeurs auraient dû emprunter à leur famille.

Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut partant au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, on entend par « protection internationale », le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi, tel que modifiée par la loi du 19 juin 2013 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe 2 et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il suit des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté dans son pays d’origine avant son départ. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitive sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, il ressort des déclarations des demandeurs telles qu’actées dans leurs rapports d’audition respectifs que les faits qui les ont amenés à quitter leur pays d’origine n’ont pas été motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social. En effet, les problèmes d’accès à des soins que les demandeurs puissent qualifier de satisfaisants, respectivement le caractère onéreux des soins ne peuvent fonder une demande de protection internationale pour ne pas être de nature à rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 juillet 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971 et de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder aux demandeurs le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 […] ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.

Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que des atteintes graves d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque de faire l’objet d’atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Force est au tribunal de constater que les demandeurs basent leur recours sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié. Les éléments mis à la disposition du tribunal ne lui permettent cependant pas de retenir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que les demandeurs encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité et plus particulièrement la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il se dégage de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courent le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection internationale sous analyse comme non justifiées, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 19 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 19 juin 2013 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant rejet de leurs demandes de protection internationale.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version en vigueur au moment de la prise de la décision litigieuse, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Il s’ensuit que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la décision de refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté les demandes de protection internationale des demandeurs, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens soulevés par les demandeurs, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à leur égard.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 19 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 19 juin 2013 portant refus du statut de réfugié ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 19 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, Anouk Dumont, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 14 août 2013 par le juge Paul Nourissier, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original.

Luxembourg, le 22 novembre 2016 le greffier assumé 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 32966
Date de la décision : 14/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-14;32966 ?

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