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07/08/2013 | LUXEMBOURG | N°32927

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 août 2013, 32927


Tribunal administratif N° 32927 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 7 août 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32927 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2013 par Maître Eva-Marie Hug, avoc

at à la Cour, assistée de Maître Lydia Boucherba, avocat, toutes les deux inscrites au ta...

Tribunal administratif N° 32927 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2013 Audience publique extraordinaire de vacation du 7 août 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32927 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2013 par Maître Eva-Marie Hug, avocat à la Cour, assistée de Maître Lydia Boucherba, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 4 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2013 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2013 par Maître Eva-Marie Hug, assistée de Maître Lydia Boucherba, au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, Maître Lydia Boucherba, en remplacement de Maître Eva-Marie Hug, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 août 2013.

En date du 14 février 2011, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Monsieur … fut entendu le 10 mai 2013 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. A cette occasion, l’intéressé déclara avoir quitté l’Algérie, il y a quinze ans, en raison de la mort de ses parents et de son frère, ainsi qu’en raison de menaces émanant de trois personnes pratiquant le trafic de toutes sortes de marchandises. Il énuméra les différents pays et endroits en Europe où il aurait séjourné depuis son départ de son pays d’origine. Il indiqua avoir déposé une demande de protection internationale en Suisse début 2013. Il n’aurait déposé sa demande de protection internationale au Luxembourg qu’après y avoir séjourné pendant deux ans, étant donné qu’il n’aurait pas rencontré une femme qui lui convenait « pour avoir les papiers ». Il expliqua qu’il serait venu au Luxembourg pour y gagner davantage d’argent et qu’il ne voudrait pas retourner en Algérie, parce qu’il n’y aurait plus personne.

Par une décision du 4 juin 2013, notifiée à l’intéressé en mains propres le 6 juin 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) a), b), g), h) et e) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de l’Algérie ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

Le ministre releva que Monsieur … avait fait l’objet de plusieurs condamnations pénales au Luxembourg et en Suisse. Il se déclara compétent pour connaître de la demande de protection internationale de Monsieur … suite au transfert de ce dernier de la Suisse au Luxembourg, tout en soulignant que celui-ci n’aurait pas dû se rendre hors du territoire luxembourgeois pendant sa procédure d’asile.

La décision du ministre est motivée par la considération que la demande de protection internationale de Monsieur … reposerait sur des motifs d’ordre économique ne répondant à aucun des critères prévus par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », qui garantit une protection aux personnes craignant d’être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social. De plus, les incidents vécus en Algérie, il y a quinze ans, seraient trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans le cadre de la présente demande de protection internationale et constitueraient d’ailleurs des infractions de droit commun émanant de personnes privées sans que Monsieur … ne puisse invoquer un défaut de protection de la part des autorités algériennes.

Par ailleurs, le ministre nota que Monsieur … n’aurait pas déposé une demande de protection internationale dès son arrivée en Europe et qu’il n’aurait déposé une telle demande au Luxembourg qu’après y avoir vécu depuis deux ans, sans avoir présenté une raison valable de s’être trouvé dans l’impossibilité d’introduire une demande de protection internationale à une date antérieure. Le désir de Monsieur … de se marier afin de régulariser sa situation ne saurait fonder sa demande en obtention du statut de réfugié.

Le ministre releva encore des contradictions dans les déclarations de Monsieur … concernant son itinéraire pour venir au Luxembourg et les endroits où il aurait séjourné auparavant.

Enfin, s’agissant de la protection subsidiaire, le ministre retint que Monsieur … ne serait pas non plus exposé, en cas de retour dans son pays d’origine, à des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 4 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la même décision dans la mesure où le ministre a refusé de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient qu’il aurait été contraint de fuir son pays d’origine en raison de problèmes rencontrés suite à l’incarcération des meurtriers de son frère et de son refus de s’engager dans le trafic de drogues. Il aurait fait l’objet de menaces de mort, de violences et de menaces visant sa famille. Il craindrait d’être à nouveau confronté à de tels actes de violence en cas de retour dans son pays d’origine.

Le demandeur explique encore qu’il aurait essayé de trouver un travail dans d’autres pays de l’Union européenne avant de venir au Luxembourg afin d’y trouver un travail pour subvenir à ses besoins et de commencer une nouvelle vie. Il ajoute enfin qu’il ne bénéficierait d’aucune aide sociale dans son pays d’origine lui permettant de s’y installer.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 4 juin 2013 de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre ce volet de la décision du ministre.

Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.

Quant à ce volet de la décision ministérielle du 4 juin 2013, le demandeur estime que le ministre n’aurait pas été en droit de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, telle que prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, dans la mesure où la décision litigieuse du 4 juin 2013 serait intervenue tardivement, c’est-à-dire plus de deux ans après le dépôt de sa demande de protection internationale effectué en date du 14 février 2011. Il fait valoir que le ministre aurait eu connaissance dès le 14 février 2011 qu’il tomberait dans un des cas prévus par l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 permettant au ministre de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen du demandeur en se basant sur l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006 qui dispose que « le ministre prend sa décision au plus tard dans un délai de deux mois à partir du jour où il apparaît que le demandeur tombe sous un des cas prévus au paragraphe (1) qui précède […] ».

L’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006 prévoit ainsi que le ministre doit prendre la décision de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée au plus tard dans un délai de deux mois à partir du jour où il apparaît que le demandeur tombe sous un des cas prévus à l’article 20 (1) de la même loi. Le législateur visait en effet à couvrir notamment les hypothèses où « l’existence d’infractions ou de fraudes, notamment des demandes d’asile antérieures déposées dans d’autres pays sous d’autres identités, n’est révélée qu’au bout de plusieurs mois de procédure »1.

S’il ressort certes du rapport d’entretien sur la demande de protection internationale du demandeur, versé parmi les pièces du dossier administratif, que le demandeur n’a été entendu qu’en date du 10 mai 2013, soit plus de deux ans après l’introduction de sa demande de protection internationale, il n’en reste pas moins que le ministre n’était dans l’obligation de prendre une décision y afférente que dans un délai de deux mois, étant précisé que ce délai court à partir du 10 mai 2013 en question.2 Comme la décision ministérielle déférée est datée du 4 juin 2013, ce délai a été respecté, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

La décision ministérielle déférée est fondée sur l’article 20 (1) points a), b), e), g) et h) de la loi du 5 mai 2006 qui dispose que : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

[…] e) le demandeur a introduit une autre demande de protection internationale mentionnant d’autres données personnelles ;

[…] g) le demandeur a fait des déclarations incohérentes, contradictoires, improbables ou insuffisantes au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

h) le demandeur n’a pas introduit plus tôt sa demande, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le faire ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) points a), b) e), h) et g) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, ou s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la 1 Travaux parlementaires n° 5437, p.34 2 Cf. TA 22 octobre 2012, n° 31359 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu protection internationale, ou si le demandeur a introduit une autre demande de protection internationale mentionnant d’autres données personnelles, ou si le demandeur a fait des déclarations incohérentes, contradictoires, improbables ou insuffisantes au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, ou encore si le demandeur n’a pas introduit plus tôt sa demande, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le faire.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Force est cependant au tribunal de constater que le demandeur n’a formulé aucun moyen spécifique relatif à la question de savoir s’il tombe dans un des cas prévus par l’article 20 (1) points a), b) e), h) et g) de la loi du 5 mai 2006.

Le tribunal n’étant pas appelé à suppléer à la carence des parties, au risque notamment de violer les droits de la défense, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation contre les mesures de refus de protection internationale prises dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en réformation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait état de sa crainte d’être exposé dans son pays d’origine à des persécutions susceptibles de rendre sa vie intolérable et ce sans pouvoir s’attendre à une quelconque protection des autorités policières. Il donne encore à considérer que le fait qu’il ait avoué vouloir commencer une nouvelle vie, se marier et s’établir au Luxembourg n’ébranlerait en rien la gravité de sa situation.

Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.

En ce qui concerne de prime abord les contradictions dans les déclarations du demandeur concernant son itinéraire pour venir au Luxembourg et les endroits où il aurait séjourné auparavant, telles que relevées par le ministre, le tribunal est amené à relever que si de telles contradictions peuvent, le cas échéant, constituer un indice que le récit de l’intéressé ne correspond pas à la réalité, en l’espèce, à défaut de contestations plus circonstanciées de la partie étatique quant au récit proprement dit, notamment par rapport aux difficultés invoquées par le demandeur, le récit de celui-ci est à tenir pour être crédible en son intégralité.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, on entend par « protection internationale », le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi, tel que modifiée par la loi du 19 juin 2013 :

« (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe 2 et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que les persécutions antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Quant aux menaces que le demandeur aurait reçues suite à l’incarcération des meurtriers de son frère, ainsi que celles émanant des trafiquants précités qui auraient tenté par ce biais de le recruter, force est au tribunal de constater, qu’à défaut d’autres précisons fournies par le demandeur, il s’agit d’infractions de droit commun, pouvant le cas échéant mener à une procédure pénale devant les tribunaux de droit commun en Algérie, mais qui ne sauraient être rattachées à l’un des motifs de persécutions énumérés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social. Il s’ensuit que les menaces dont le demandeur fait état ne tombent pas dans le champ d’application de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, respectivement de la Convention de Genève.

En ce qui concerne le souhait du demandeur de trouver un travail au Luxembourg afin de subvenir à ses besoins, il convient de noter que des problèmes d’ordre économique ne peuvent a priori pas être rattachés à un des critères de persécution au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 et ne tombent partant pas dans le champ d’application de la Convention de Genève. Ainsi, en l’absence d’éléments invoqués par le demandeur pour établir que ses problèmes économiques seraient dus à sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques, c’est à juste titre que le ministre a conclu que ces problèmes ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Quant au souhait du demandeur de trouver une femme au Luxembourg et à la circonstance qu’il n’ait plus personne en Algérie, ses parents et son frère étant décédés, force est au tribunal de constater qu’il s’agit de problèmes d’ordre émotionnel, qui à défaut d’autres précisions fournies par le demandeur, ne peuvent pas être rattachés à un des critères de persécution au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 et ne tombent partant pas non plus dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder au demandeur le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 […] ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.

Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que des atteintes graves d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque de faire l’objet d’atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Force est au tribunal de constater que le demandeur base son recours essentiellement sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Quant aux menaces que le demandeur aurait reçues suite à l’incarcération des meurtriers de son frère, ainsi que celles émanant des trafiquants précités qui auraient par ce biais tenté de le recruter, force est au tribunal de constater que les auteurs de ces actes, que le demandeur a décrits lors de son entretien du 10 mai 2013 avec l’agent ministériel comme étant des trafiquants de drogues, respectivement des trafiquants de toutes sortes de marchandises, sont des personnes privées, de sorte que la qualification d’atteinte grave ne saurait être retenue que pour autant que le demandeur ait établi que les autorités algériennes ne peuvent ou ne veulent pas lui accorder une protection suffisante, ceci conformément aux dispositions de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006.

Or, il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal que les autorités algériennes seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas intervenir afin de protéger le demandeur contre les actes décrits par lui.

En ce qui concerne le meurtre de son frère, le demandeur a indiqué lors de son entretien avec l’agent ministériel que les auteurs de cette infraction auraient été emprisonnés et qu’il n’aurait pas quitté l’Algérie en raison du meurtre son frère.3 Le tribunal est dès lors amené à retenir que les autorités policières et judiciaires algériennes ont poursuivi de façon effective les auteurs du meurtre du frère du demandeur et ont ainsi également assuré la protection du demandeur.

En ce qui concerne les menaces perpétrées par des trafiquants de toutes sortes de marchandises tendant à recruter le demandeur pour leurs activités, force est au tribunal de constater que celui-ci n’a pas recherché la protection des autorités algériennes contre lesdits trafiquants. En effet, il se dégage de ses déclarations qu’il n’a pas déposé plainte auprès de la police.4 Or, à défaut d’avoir au moins essayé de rechercher la protection de la police, voire celle d’instances supérieures, le tribunal ne dispose pas d’éléments suffisants permettant de retenir un défaut de protection de la part des autorités algériennes ou encore permettant de justifier le défaut par le demandeur de rechercher l’aide des autorités de son pays d’origine.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’explication du demandeur qu’il n’aurait pas déposé plainte par crainte de représailles contre sa famille suite à un tel dépôt5, étant donné que cette crainte est purement hypothétique et n’est appuyée par aucun élément concret.

Quant aux problèmes d’ordres économique et émotionnel dont fait état le demandeur, force est au tribunal de constater que les éléments mis à sa disposition ne permettent pas de retenir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que le demandeur encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité et plus particulièrement la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il se dégage de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés 3 Cf. rapport d’audition du demandeur du 10 mai 2013, p.6 4 Cf. rapport d’audition du demandeur du 10 mai 2013, p.7 5 Cf. rapport d’audition du demandeur du 10 mai 2013, p.7 permettant de croire qu’il court le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 4 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 4 juin 2013 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant rejet de sa demande de protection internationale.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version en vigueur au moment de la prise de la décision litigieuse, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la décision de refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens soulevés par le demandeur, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à son égard.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 4 juin 2013 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 4 juin 2013 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 4 juin 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Andrée Gindt, juge, Paul Nourissier, juge, Anouk Dumont, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 7 août 2013 par le juge Andrée Gindt, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Andrée Gindt 11


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 32927
Date de la décision : 07/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-07;32927 ?

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